La génération des occasions manquées : « Rarement été aussi abattu »
« C’est dur de faire semblant d’être content alors que l’on passe à côté de la médaille que l’on voulait », lâchait Rudy Gobert lundi après-midi, au cours d’une nouvelle conférence de presse à Paris, moins de 24 heures après la défaite en finale de l’EuroBasket 2022 contre l’Espagne. Une nouvelle désillusion à ajouter à l’historique de cette équipe de France, déjà coupable d’une immense occasion gâchée en 2019 avec la défaite en demi-finale de la Coupe du Monde face à l’Argentine, dans la foulée d’une victoire retentissante contre Team USA, puis passée toute proche du titre olympique l’été dernier. Lorsqu’on se souvient que la finale n’a pas spécialement été la prestation la plus aboutie des Bleus à Tokyo, il y avait de quoi être frustré de ne terminer qu’à cinq petites longueurs des Américains (82-87)…
« Là, ça fait très mal »
Pour les deux leaders actuels, Evan Fournier et Rudy Gobert, toujours en quête d’un premier titre majeur avec l’équipe de France, on peut même remonter plus loin et ajouter les campagnes 2014 et 2015 à la liste. En 2014, après le plus grand exploit de leur histoire face à l’Espagne à Madrid, les tricolores avaient lâché contre la Serbie en demi-finale, torpillés dès la première mi-temps (jusqu’à -18) par Milos Teodosic. L’été suivant reste l’une des plus cicatrices de leur histoire récente avec la vengeance de Pau Gasol (40 points) devant les 28 000 spectateurs du Stade Pierre-Mauroy. « Personnellement, je me suis vu passer à côté de grandes choses en demi-finale et ça marque », confiait Evan Fournier samedi. « Quand tu perds pour la première fois en équipe de France en 2014, tu te dis que tu passes à côté d’une finale mondiale. L’année d’après à domicile, tu perds un Euro que tu étais censé gagner, ça marque. Et rebelote en 2019… »
Sans rentrer dans le débat de la plus grande génération, celle-ci avait l’opportunité dimanche de devenir la plus décorée de l’histoire. Un titre continental, combiné à son podium olympique, l’aurait immédiatement propulsé dans une autre dimension. Au lieu de cela, l’équipe de France devra se contenter d’une exceptionnelle régularité sur le devant de la scène mondiale, avec un triptyque de médailles 2019 – 2021 – 2022 qui rappelle l’époque 2013 – 2015, mais sans trophée cette fois. « Ce n’est pas rien de terminer deuxième« , souligne Rudy Gobert. « C’est dur de perdre deux finales d’affilée. Quand tu connais le potentiel de notre équipe et que tu sais que nous n’avons pas fait notre meilleur match en finale, il y a des regrets. Il y a deux manières de voir les choses : soit être abattu, soit le voir comme une opportunité pour revenir plus fort. Il faut que l’on se nourrisse du sentiment qu’on a actuellement pour grandir. » Difficile, toutefois, de se projeter dès maintenant vers les prochaines échéances, au vu de la douleur encore vive de cette ultime soirée berlinoise. « Il y avait la place pour gagner », peste Evan Fournier. « Perdre contre les Américains en finale était un sentiment différent. Là, ça fait très mal. Je ne nous ai pas senti libérés, on sentait que l’on n’impactait pas assez notre adversaire. Du coup, ça nous a mis dans des dispositions mentales pas top. On se demandait ce qui était en train de se passer. »
Vincent Collet particulièrement marqué
À l’image de la demi-finale de 2019 contre l’Argentine, il restera effectivement l’image d’une dernière sortie très mal négociée. Et, surtout, d’une occasion presque inespérée de remonter sur le trône européen. Loin d’être la meilleure équipe de l’EuroBasket, la France a pourtant su se faufiler jusqu’en finale, à la fois grâce à la chance, son extraordinaire abnégation, son identité défensive et quelques coups de pouce du destin, avec les chutes imprévues des différents favoris. Face à une Espagne supposément en reconstruction, les Bleus n’avaient jamais été aussi proches de leur deuxième couronne continentale, eux qui étaient présentés comme les favoris incontestables de la finale. Toujours particulièrement marqué lundi après-midi, Vincent Collet mesurait l’ampleur de l’opportunité manquée… « On ne s’en remet pas trop. Pour l’instant, c’est la frustration qui prédomine. J’ai rarement été aussi abattu après un match de l’équipe de France. Je me souviens de la première finale européenne en 2011, mais ce n’était pas du tout le même sentiment. Dimanche, on avait de grandes espérances. C’est dur à avaler. L’Espagne n’avait jamais joué à ce niveau là dans le tournoi et il n’y avait pas forcément de raisons que cela arrive contre nous, d’autant plus que nous sommes habituellement une équipe qui empêche ses adversaires d’évoluer à leur niveau. Mais ils se sont magnifiquement sublimés. Souvent, cela permet de rebondir. Même si l’on ne peut pas en être sûr, ce genre de mésaventure doit nous faire avancer d’un cran. » Afin de devenir, enfin, une génération dorée et non plus une génération multi-médaillée, mais jamais consacrée…
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