Jean-Aimé Toupane : « Je préfère qu’on me malmène et qu’on foute la paix aux joueuses »
L’équipe de France en liesse derrière son sélectionneur Jean-Aimé Toupane
Moins de trois ans après sa prise de fonction, Jean-Aimé Toupane est parvenu à hisser l’équipe de France féminine en finale des Jeux olympiques. Après la victoire en demi-finales contre la Belgique (81-75, a.p.), championne d’Europe en titre, l’ancien coach de Clermont a répondu à la presse.
Que ressentez-vous après cette qualification en finale ?
Je suis content, je suis heureux, je suis heureux, pas forcément pour moi, je suis heureux d’abord pour les gens avec lesquels je travaille. Mon staff, les joueuses, le sport français, cette magnifique organisation en France, qui a un succès énorme. On se devait en tout cas d’être à la hauteur. Les filles l’ont montré parce qu’elles ont été héroïques. Ce n’est pas un match facile. On connaît cette équipe belge qui est une très belle équipe, championne d’Europe. On avait à cœur de prendre notre revanche l’année dernière. Voilà, c’est fait. Ainsi va le sport. Je suis surtout heureux que les gens qui travaillent avec moi soient heureux.
Vous la placez où cette finale olympique à l’échelle de votre carrière? Est-ce que c’est un des plus grands moments de votre carrière de coach?
Je n’en sais rien. Oui, oui, probablement parce que ce sont les Jeux Olympiques. Mais j’ai eu aussi des satisfactions extraordinaires tout au long de ma carrière. Joueur, entraîneur… Aujourd’hui, c’est une finale olympique alors forcément. Mais je n’ai pour habitude de pas me… Pour moi ça fait partie du travail.
Est-ce que cette finale sera un match comme un autre, comme vous avez l’habitude de le dire…
Ah forcément, ce n’est pas un match comme un autre. C’est le rêve de tout athlète de très haut niveau de faire une finale olympique et d’avoir cette opportunité là, c’est une très belle chose pour ces filles là. Et pour certaines, je pense que ça va s’arrêter là. Mais en tout cas, ça va s’arrêter de la plus belle des manières. Et on va essayer de bien préparer cette finale pour ne serait-ce que montrer une belle adversité à nos adversaires.
Sur cette demi-finale, vous avez eu beaucoup de déchets (29,9% de réussite aux tirs).
Mais les déchets (dans le jeu) c’est aujourd’hui. Il y a eu des matchs où il n’y en avait pas de déchet. Donc chaque match a sa vérité. Aujourd’hui, c’est vrai qu’il y en a eu. Parce qu’encore une fois de plus, on avait en face de nous une très belle équipe. J’ajoute l’enjeu, la volonté de bien faire. Mais pour moi, ce n’est pas rédhibitoire. On a trouvé des solutions au cours du match pour s’en sortir.
Vous étiez à -15 dans le troisième vous êtes à +6 dans la dernière minute. Vous arrivez à vous relever de beaucoup de choses dans la rencontre…
Oui, parce que je le répète encore, c’est une belle équipe, on était à +10 aussi, donc les deux équipes sont très proches, mais le fait d’avoir affiché un caractère à toute épreuve nous a permis en tout cas de surmonter ce retard.
La différence sur la demi-finale ? La « cohésion d’équipe »
Dans un match si serré, si vous deviez retenir un détail qui a fait la différence en stade quelqu’un aujourd’hui ?
Pour moi, c’est cette cohésion d’équipe. La cohésion, on en a parlé depuis le premier jour. On est partis monter la Rhune à Anglet. Toutes les filles, même moi, on est allé jusqu’au bout. Moi j’ai mis trois heures, mais bon. Je pense qu’aujourd’hui, ce travail-là est aussi un travail piloté par un garçon qu’on ne connaît pas. J’aimerais vraiment mettre en avant Jacky Commères. C’est un garçon qui a une expertise des deux, aussi bien masculin que féminin, et qui nous éclairent au quotidien des observations au plus haut niveau. C’est aussi un travail de tout un système français.
Pouvez-vous parler du match de Gabby Williams qui a pris ses responsabilités en prolongation, mais aussi de Marine Johannès qui a eu du mal ce soir ?
Vous savez Marine reste une joueur exceptionnelle. Je l’ai dit, mais chaque match est différent. Aujourd’hui, il y a peut-être une stratégie différente et puis pour X raisons. Gabby, on la connaît, c’est une fille qui peut être sur un quart-temps pas dedans, mais qui est capable de se révéler, c’est ce qu’elle a fait. J’ai la chance en tout cas d’avoir ces filles-là, qui sont vraiment des filles extraordinaires, qui ont envie, qui ont cette culture de la gagne. Et je pense que les Jeux Olympiques à Paris aussi elles voulaient les réussir. Donc ça a été peut-être le surplus de motivation, même si depuis que je suis arrivé, elles ont toujours été motivées en portant notre maillot de l’équipe de France.
Maintenant, vous voulez transformer ce rêve en quelque chose de puissant pour aller chercher l’or ?
J’espère, les deux équipes de France de 5×5 ont envie de ça. C’est une volonté commune. Vincent (Collet) et moi on en parle depuis longtemps. On a eu la chance d’être dans un plan coach avec l’ANS depuis 3 ans. On n’arrête pas d’en parler. C’est une vraie volonté d’aller au bout. On va défendre nos chances et montrer à tout le monde que le basket français est un basket reconnu mondialement et qu’il mérite cette place.
« J’espère que je ne vais pas m’arrêter demain ! »
Comment vous la décririez votre relation avec Vincent Collet justement ?
Vous savez Vincent, ça fait 40 ans qu’on se connait. On a joué l’un contre l’autre, on a partagé plein de choses. Il entraîne, j’entraîne, il a entraîné mon fils (Axel) pendant 4-5 ans. Donc il y a une vraie amitié avec Vincent. On a toujours partagé ces moments-là d’échanges. Se retrouver là aujourd’hui… Hier, il m’a envoyé une texto en me disant, à toi, que les deux équipes de France soient en finale serait génial. C’est super.
Est-ce qu’il y a une forme d’aboutissement trois ans après votre nomination, en 2021, d’arriver à une finale olympique ?
D’aboutissement, j’espère que je ne vais pas arrêter demain, je ne sais pas ce que je vais faire. Mais en tout cas le projet quand je suis arrivé c’était la Coupe du Monde, le Championnat d’Europe, les Jeux Olympiques et puis voilà. Donc parler d’aboutissement… J’ai 20 ans dans ma tête (sourire). Donc je ne sais pas. Ce n’est pas forcément un aboutissement, c’est une étape. On verra.
Vous êtes arrivé notamment pour matcher avec les Américaines. Il y a une forme d’excitation à voir ce que ça va donner en finale dimanche.
Oui, on est excité à le faire, mais on est serein. Je pense que l’excitation, parfois, ça ne fait pas forcément du bien. Mais garder une certaine forme de sérénité pour bien aborder les matchs. Parce qu’on connait cette équipe-là qui est très très forte, surtout sur les aspects transitionnels. Mais pour autant, nous on aura aussi nos chances.
Ce soir, vous êtes la meilleure équipe d’Europe, parce que vous êtes la dernière en lice sur ces JO. Il y a une fierté justement vis-à-vis de l’équipe de France à avoir ce statut.
Ce sont les Belges qui sont championnes d’Europe. Nous, on est aujourd’hui en finale olympique, je ne sais pas comment vous le définissez, mais en tout cas aujourd’hui, sur ce tournoi-là, oui, on est la meilleure équipe européenne contre l’équipe nord-américaine. Donc j’ai une fierté aussi de représenter ce basketball.
Le fait d’avoir su rendre chaque joueuse de l’équipe utile à un moment donné dans le tournoi, est-ce que c’est la plus grande réussite du staff qu’il n’y ait pas de statut finalement ?
Le statut, moi je ne sais jamais ce qu’on y met derrière. Moi je suis parti avec 12 filles internationales. Et pour avoir fait ces compétitions là comme joueur et comme entraîneur. On ne peut pas réussir dans la compétition si on n’utilise pas les 12. Je l’ai dit aux filles, à un moment donné dans la compétition, vous aurez un rôle important. C’est à vous de saisir cette opportunité. On voit des équipes qui jouent à 7 fois 8, mais pour arriver au bout, c’est compliqué. Vous voyez la permissivité des arbitres, l’enchaînement des matchs, c’est énorme. Donc quand on tape sur les mêmes, à un moment donné (ça craque). Et ça, ça a été compris, expliqué. On a eu des cercles de régulation pour expliquer tous ces choses-là. Et ça a été accepté par tout le monde. C’est ce qui fait aujourd’hui notre force.
Sarah Michel Boury louait aussi votre rôle dans cette réussite. Elle disait que vous avez aussi votre part, d’autant plus que vous avez été malmené depuis votre prise de fonction. Est-ce que vous tirez aussi une satisfaction de montrer que vous pouvez emmener cette équipe de France?
Alors, je vais vous dire : je préfère qu’on me malmène et qu’on foute la paix à mes joueuses. Je n’ai aucun problème là-dessus.
Propos recueillis à Paris,
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