Monique Akoa-Makani, dire non à l’Olympique Lyonnais pour devenir la révélation de la Wonderligue
Élue dans le cinq majeur de La Boulangère Wonderligue, Monique Akoa-Makani a été la surprise de la saison en France. En partance pour Phoenix et Bourges, l'arrière de Charnay nous raconte son histoire avant le début des playoffs du championnat contre Angers.
Exceptionnelle avec Charnay, Monique Akoa-Makani a été élue dans le cinq majeur de la saison de La Boulangère Wonderligue
Crédit photo : Cécile Thomas
N°8 aux points, n°4 aux passes décisives, n°2 aux interceptions, n°5 au +/-, n°5 à l’évaluation… Cette saison, Monique Akoa-Makani (1,79 m, 24 ans) a joué placée partout. À tel point qu’elle a admis, dans les colonnes du JSL, être « un tout petit peu déçue » de ne pas avoir reçu le trophée de MVP du championnat, elle qui a « commencé à y croire en milieu de saison ».
C’est dire l’évolution fulgurante de l’internationale camerounaise, qui plafonnait à seulement 6,8 points de moyenne (à 34% aux tirs, pour ne rien arranger) en Ligue 2 en 2022/23 ! Tout juste élue dans le cinq majeur de La Boulangère Wonderligue (14,7 points à 44%, 4 rebonds, 5,4 passes décisives et 2,8 interceptions), Monique Akoa-Makani s’apprête à voir sa carrière basculer dans une autre dimension dès la semaine prochaine.
Ce jeudi, elle disputera le quart de finale aller des playoffs à Angers. Puis le retour mardi à Prissé. Et ce sera l’heure des adieux au public charnaysien, avant le grand saut vers le camp d’entraînement du Phoenix Mercury (WNBA), puis Bourges. En attendant, découvrez l’histoire de la révélation du championnat de France.
Monique Akoa-Makani va quitter le CBBS mardi prochain après trois saisons (photo : Cécile Thomas)
Son récit
« Je suis née au Cameroun, où je suis restée jusqu’à mes neuf ans. J’ai vécu entre Yaoundé, Edéa, Douala et Maroua. Mon père travaillait en France comme agent de sécurité, il a fait les allers-retours pendant 3-4 ans, jusqu’à ce qu’il en ait marre. Il a décidé de nous faire venir. Un an après le début de toutes les démarches, on l’a rejoint à Lyon !
J’ai grandi en faisant du football. Je n’ai que des grands frères et au Cameroun, c’est vraiment le sport facile. Quand tu es enfant là-bas, tu fais du foot. J’étais pas mal d’ailleurs, à tel point que j’ai même eu une proposition pour intégrer l’Olympique Lyonnais. C’est vraiment marrant comme histoire. À l’époque, j’habitais aux Buers, un endroit à Villeurbanne où ont grandi beaucoup de bons joueurs de foot, comme Bradley Barcola (international français du Paris-SG, ndlr). Ensuite, on a déménagé vers Jean Macé (Lyon), où il y avait aussi beaucoup de bons footballeurs. Je jouais au square du quartier quasiment tous les soirs après l’école, c’était notre spot avec les copains. Du coup, il y avait apparemment un recruteur qui venait nous voir jouer au square de mon quartier. Mon père venait aussi pour me surveiller car je jouais avec des garçons. Et le recruteur est allé voir mon père : « Ça fait plusieurs fois que je viens, je remarque que votre fille se débrouille plutôt bien au milieu des garçons, est-ce que ça vous intéresserait qu’elle vienne faire des tests à l’OL ? » En rentrant à la maison, mon père m’en a parlé mais je n’ai même pas fait gaffe. J’ai dit que c’était bien mais que ça ne m’intéressait pas !
« Au square avec Bradley Barcola »
Avec Bradley Barcola, on est encore parfois en contact, puisqu’on a grandi ensemble. Il faisait partie des garçons avec qui je jouais au square, comme Rayan Cherki (Olympique Lyonnais). On était ensemble au Pôle Espoirs du Lyonnais aussi, à Saint-Louis–Saint-Bruno, où on jouait encore parfois ensemble le soir à l’internat. On se parle encore de temps en temps, mais c’est plus de loin désormais. Sa trajectoire ne me surprend pas. J’ai toujours su qu’il avait une vraie passion pour le foot. Désormais, en le voyant lui, ça m’inspire. Je suis quelqu’un qui fonctionne énormément à l’exemple donc en voyant quelqu’un que j’ai côtoyé dans ma jeunesse arriver à toucher l’excellence, comme j’aimerais l’atteindre dans mon sport, je ne peux que être inspirée. Je suis très contente pour lui.
Avoir dit non à l’OL est un choix que je n’ai jamais regretté ! En fait, j’avais tout de suite choisi le basket, car c’était quelque chose de nouveau pour moi, que je ne connaissais pas. J’ai découvert le basket à l’école. On faisait des cycles avec tous les sports et après le cycle basket, c’est mon prof qui est venu parler à mon père pour lui dire qu’il trouvait que j’étais plutôt bonne, que ce serait bien de m’inscrire, que ça m’aiderait aussi à canaliser mon énergie. Quelques semaines après, mon père est parti m’inscrire dans mon club local, le Basket Charpennes Croix-Luizet. Pendant un an, j’ai joué là-bas avant d’être contactée par le FC Lyon ASVEL Féminin, où j’ai été formée.
« Si je me refais une autre cheville…
Le basket, c’est fini pour moi ! »
Au début, je ne voyais strictement rien sur mon niveau, à part que j’allais beaucoup plus vite que les autres en vitesse. J’avais moins de skills donc j’allais juste tout droit. Je ne faisais pas attention au reste, je jouais juste pour me faire plaisir. Je ne me disais pas que j’étais meilleure que les autres. Mon passage au centre de formation de l’ASVEL m’a beaucoup forgé. C’est malheureusement l’époque de ma vie où j’ai connu le plus de blessures. Je ne connaissais pas encore mon corps, les efforts qu’il fallait faire pour rester en forme sur le terrain. Mon hygiène de vie n’était pas très bonne. Pour que je comprenne tout ça, il a fallu que je me blesse… Ça m’a forgé en termes de mental parce que j’ai enchaîné les grosses blessures. Je me suis fait opérer des deux chevilles, à 13 ans, lors de ma première année au Pôle, puis 15 ans. Deux années d’intervalle, six mois d’arrêt à chaque fois. Je me souviens avoir dit à mon père après la deuxième cheville : « Papa, si je me refais une autre cheville, le basket, c’est fini pour moi, j’arrête ! » Et l’année d’après, je me fais une entorse normale, deux mois d’arrêt. Mais je me suis rendu compte que je n’allais jamais arrêter le basket, parce que j’aime trop ça (elle rit) !
Monique Akoa-Makani a été formée à Lyon
À cause de ça, j’ai toujours eu l’impression de devoir redoubler d’efforts par rapport aux autres pour pouvoir revenir à mon meilleur niveau. Ça m’a donné un goût pour le travail supérieur à la normale : dans ma tête, c’est comme si j’avais la sensation de toujours avoir un retard à rattraper. Quand tu penses ça, t’as toujours envie de faire plus, parfois un peu trop. Mon coach au centre de formation, Fred Berger, me reprochait parfois de trop en faire. D’une certaine manière, ça m’a préparé à l’exigence du haut niveau.
Championne du bout du banc avec l’ASVEL puis lancée en LF2
À l’ASVEL, je suis la joueuse qui a passé le plus d’années au centre de formation. J’y suis restée six ans et ce n’est vraiment que lors de ma sixième année que j’étais vraiment considérée comme faisant partie du groupe professionnel. J’ai quand même eu la chance de participer au premier titre de l’ASVEL en 2019. C’était une surprise d’être appelée sur la fin de saison par le coach alors que je n’avais pas joué un match jusque-là. Ça reste un très fort souvenir.
Avec cinq matchs disputés dans la saison, Monique Akoa-Makani (à droite) est officiellement championne de France 2019 avec l’ASVEL (photo : Infinity Nine Media / Claire Porcher)
En 2021, je pars à Nantes, pour y lancer ma carrière. L’anecdote est que le club est en LFB quand je signe là-bas, mais qu’il descend. À ce moment-là, on me laisse le choix de venir quand même ou pas. Je suis quelqu’un qui accorde beaucoup d’importance à la parole et je suis très croyante : je me suis dit que si Dieu a voulu que j’aille là-bas, il fallait que j’y aille. Et que si la Ligue 2 n’était pas le niveau auquel j’étais censée rester, ce ne serait pas long en LF2. Et au bout de six matchs, j’ai eu des propositions venant de LFB (Angers notamment). Mais pareil, étant donné que j’avais donné ma parole à Nantes, je me voyais mal partir au milieu de la saison, surtout que je m’y plaisais bien. J’aime beaucoup la stabilité, j’ai préféré rester et je n’ai pas regretté d’y avoir fait toute la saison.
Monique Akoa-Makani a lancé sa carrière en LF2 avec Nantes (photo : Les Déferlantes)
L’année suivante, ce qu’il faut savoir, c’est que je voulais aller en LFB. Mais mon agent me fait comprendre qu’il y a ce coach, Stéphane Leite, qui, à la minute où il a su qu’il allait reprendre Charnay, lui a dit qu’il me voulait absolument dans son équipe. Ça me fait réfléchir. Dès que je discute avec lui, je me rends compte que c’est un entraîneur très ambitieux, ce qui a de l’importance pour moi. Surtout, j’ai l’impression qu’il voit quelque chose en moi que de mon côté, honnêtement, je ne vois pas. Je me motive en me disant que la meilleure manière d’arriver en LFB serait d’être championne de LF2, que ça me ferait passer un step, d’autant plus qu’on venait de descendre en NF1 avec Nantes. J’ai toujours pensé qu’il fallait passer des steps chaque année. Je me suis dit : « autant être patiente, autant aller vers un coach qui a l’air de vouloir te faire travailler, de vouloir construire autour de moi car c’est une chance ».
« Ne plus être capitaine m’a totalement libérée ! »
Ma première saison à Charnay a pourtant été très difficile pour moi. En fait, Stéphane Leite me donne le rôle de capitaine, à 20 ans. J’en étais très fière mais je n’avais pas conscience de ce que ça impliquait. Quelque part, ça a absorbé toute mon énergie, ça a enlevé mon focus de là où il devait être. J’ai été une bonne capitaine mais pas la joueuse que j’aurais voulu être. Je n’ai pas su gérer les deux de manière correcte. Avant ma deuxième saison, ça m’a semblé naturel de ne plus être capitaine, afin de ne me concentrer que sur le basket, tout en sachant que ça reviendra certainement car c’est un rôle auquel j’aspire. Si c’est ce qui m’a permis d’exploser ? Honnêtement, oui, parce que je n’ai pas vécu ça comme une sanction. Plutôt comme une opportunité de ne penser qu’à une chose : au basket. Pas à l’organisation de l’équipe, savoir comme chacune se sent, qui a besoin de quoi, les déplacements… Capitaine, c’est beaucoup en vrai, on ne se rend pas compte à quel point c’est un rôle qui prend de la place. Ne plus l’être a m’a totalement libérée : ne penser qu’au basket était tout ce dont j’avais besoin.
Stéphane Leite est le coach qui a accompagné l’explosion de Monique Akoa-Makani (photo : Cécile Thomas)
J’ai toujours été une joueuse plutôt défensive mais je développe désormais des qualités offensives, autour de l’attaque du pick and roll notamment. Aujourd’hui, j’ai beaucoup la balle en main car j’ai une capacité à créer pour moi et les autres. Mon tir à 3-points a beaucoup évolué, notamment dans le catch and shoot. Je dirais que je suis plus une créatrice qui joue avec beaucoup de passion et de cœur. Le basket reste un sport collectif pour moi, j’aime sentir que tout le monde trouve son compte sur le terrain. C’est pour ça que c’était inévitable que j’arrive au poste de meneuse à un moment donné. Mais j’ai encore une marge de progression à tous les niveaux. Je dois perfectionner mon tir longue distance, ma lecture de jeu, mon leadership…
« Surprise de mon niveau de jeu en début de saison »
Charnay est un club très familial, convivial, chaleureux, vraiment en accord avec la personne que je suis et les valeurs que je cherche à transmettre. Depuis le début, on vit un conte de fées : championnes de France LF2, qualifiées pour l’EuroCup dès la première saison en ligue, troisièmes du championnat cette fois… Il y a une part de chance, mais c’est surtout dû au travail à notre travail, au cadre que notre staff a été capable de mettre en place collectivement et individuellement. La particularité du CBBS est de prêter autant attention aux ambitions collectives du club que celles individuelles des joueuses, à leur bien-être mental également. Je ne suis pas surprise par rapport à ce que l’on réalise : oui, quelque part, c’est incroyable c’est exceptionnel mais c’est aussi mérité.
J’étais surprise de mon niveau de jeu au début de la saison. Après les 5-6 premiers matchs, je me suis dit « Houlà ! ». Ça dépassait un peu mes attentes… Si on m’avait dit, quand j’étais encore à Nantes, que j’en serais là dès ma deuxième saison en LBWL, je pense que je ne l’aurais pas cru. Mais avec un peu plus de recul et de préparation mentale, j’ai appris à reconnaître que c’est juste mon travail qui finit par payer. Ça parait bateau à dire mais le succès se construit… Aujourd’hui, je ne suis plus surprise. Je suis très contente d’avoir été élue dans le cinq majeur du championnat, cela vient récompenser une saison de travail. Je ne peux que être fière de moi par rapport à ça.
Avec Dominique Malonga, Monique Akoa-Makani figure dans le cinq majeur de la saison de LBWL (photo : Cécile Thomas)
J’ai toujours eu de très grands objectifs. C’est aussi pour ça que je n’ai pas à être surprise de mes performances. J’ai fixé mes buts à l’avance et je dispose aujourd’hui d’une ligne de route que je suis. J’ai conscience que tout ne sera pas parfait, que je n’atteindrai pas forcément tous les objectifs que je me fixe, mais je sais très bien où je vais et ce que je vise. J’aimerais jouer en EuroLeague (entretien réalisé avant sa signature à Bourges) et en WNBA, tout en amenant le Cameroun sur le toit de l’Afrique et vers des compétitions mondiales auquel il n’a jamais pu participer.
« Le coup de fil de Phoenix, une très belle surprise ! »
La WNBA, je n’avais pas prévu que ça arrive tout de suite dans ma carrière. J’ai juste reçu un appel de mon agent qui m’a dit qu’elle avait été contactée par la franchise de Phoenix, qui avait l’air vraiment intéressée par mon profil. En effet, ça n’a pas duré très longtemps avant que je reçoive un coup de fil de leur part, au cours duquel ils m’ont montré leur intérêt. Honnêtement, c’était vraiment très plaisant. C’est une très belle surprise. Ce camp d’entraînement, c’est du bonus. Je ne me mets aucune pression par rapport à ça. J’y vais pour apprendre mais vu que l’opportunité est là, autant essayer de la saisir quand même…
Le plus difficile, en vrai, a été de prendre la décision de quitter Charnay en plein milieu des playoffs (après le quart de finale contre Angers, ndlr). Elle s’est cependant faite en accord avec mon coach, mon staff et l’équipe. J’ai vu que c’était avec une grande fierté qu’ils me laissent aller saisir cette chance donc je me suis dit que je n’allais pas moi-même me mettre des bâtons dans les roues. »
Pourquoi Monique Akoa-Makani a choisi
le Cameroun plutôt que la France
« En ayant grandi en France et ayant démarré en France, j’ai toujours eu l’ambition d’aller en équipe de France, jusqu’à mes 19 ans à peu près. J’ai toujours attendu le maillot bleu. J’ai demandé ma nationalité française à mes 18 ans, je pensais que c’était le dernier truc qui me bloquait pour pouvoir être avec les Bleues. J’ai été sollicitée à mes 19 ans, sans pouvoir aller au bout, idem à mes 20 ans. Je n’ai jamais pu faire de camp d’entraînement.
« Ça me puisait mentalement de vouloir prouver
à la France qu’ils s’étaient trompés »
En fait, je me suis demandé quels étaient vraiment mes motifs de motivation pour aller en équipe de France et ce qui me poussait à refuser le Cameroun. Je me suis simplement dit que mon orgueil voulait me prouver, à moi-même et à la France, qu’ils ont fait une erreur de ne pas me solliciter depuis tant d’années et que c’est pour ça que je voulais y aller. Sauf qu’en terme d’accomplissement personnel, là où je serai le plus fière, c’est d’amener un pays tout entier à croire en quelque chose de plus grand, bien que la tâche s’annonce encore plus difficile. Je me suis dit que le choix était vite vu, qu’il fallait faire un choix du cœur plutôt qu’un choix de tête : en ayant grandi au Cameroun, dans une famille 100% camerounaise, mon attachement au pays a toujours été présent. À mes 20 ans, le choix s’est fait de manière naturelle.
Pour son premier AfroBasket, Monique Akoa-Makani a terminé à la 6e place en 2023 avec le Cameroun (photo : FIBA)
Je me suis dit que j’avais suffisamment attendu, que je m’étais assez donnée mentalement. Car ça me puisait mentalement de vouloir à ce point là prouver à la France qu’ils s’étaient trompés. Une fois que j’ai lâché prise, j’ai dit oui au Cameroun et ma participation à ma première CAN (en 2023) m’a bien prouvé que j’avais fait le meilleur choix. Dieu m’a fait patienter autant pour une bonne raison.
« Je suis totalement en paix avec mon choix »
Je suis totalement en paix avec mon choix. Ce n’est pas pour être arrogante, mais j’ai toujours cru que j’avais les capacités pour aller en équipe de France. Je savais que c’était une question de temps, mais je me demandais juste jusqu’à quand je serais prête à attendre. C’est là où j’ai pu vite répondre à la question : je ne voulais pas attendre jusqu’à mes 25-26 ans pour potentiellement intégrer la sélection française. Je préférais me lancer dans une aventure qui s’annonce certainement plus compliquée mais qui, avec l’avantage de démarrer très jeune, me permettra d’engranger une expérience plus rapidement, pour me permettre d’atteindre mes objectifs avec le Cameroun à mes 25-26 ans. »
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