Ronald March, le vendeur de vêtements devenu All-Star
Les duels avec Nando De Colo résument bien la dimension prise par Ronald March (1,96 m, 29 ans) ces dernières années. En début de saison, le 23 octobre, les deux hommes s’étaient échangés les coups lors d’un duel homérique à la Halle Vacheresse (33 points pour le Roannais, 34 pour le Villeurbannais), finalement remporté par la Chorale (89-83). Ce jeudi, ils partageront de nouveau la vedette sur le parquet de l’Accor Arena pour le All-Star Game. Des destins croisés qui relèvent presque du miracle, si l’on se fie à leurs trajectoires personnelles.
Il y a seulement six ans, en 2016, Nando De Colo était au sommet de sa gloire, roi d’Europe, MVP et champion de l’EuroLeague avec le CSKA Moscou. Au même moment, Ronald Eugene March Junior était lui empêtré dans les profondeurs abyssales du système américain, boudé par tous les clubs professionnels du monde, contraint d’accepter un emploi classique, dans un magasin de vêtements, afin de modestement gagner sa vie. Soit la mise entre parenthèses d’un rêve de gosse pour le Texan, fils d’un fonctionnaire municipal et d’une employée des services de protection de l’enfance, tombé amoureux du basket dès sa plus tendre enfance. « J’ai commencé à 4-5 ans. J‘ai passé ma jeunesse sur les playgrounds pour essayer de jouer avec des enfants plus âgés et je me faisais botter le cul en permanence », se remémore-t-il en souriant. « Le basket a toujours été au centre de tout. »
Tellement au centre de tout, qu’il s’est accroché contre vents et marées, pour finalement se hisser au rang de All-Star, deuxième meilleur marqueur de Betclic ÉLITE (19,7 points) derrière le phénomène Victor Wembanyama. Attendu sur le parquet de Bercy ce soir avec les autres étoiles du championnat de France, le capitaine de la Chorale de Roanne nous a conduit à travers les chemins de traverse qu’il a dû emprunter pour en arriver là.
L’université, l’instabilité permanente :
« Je ne voyais pas le problème à ne pas aller en cours »
« Trois universités différentes en cinq ans, ça a été tellement long. En fait, je n’allais jamais en cours (il rit). Je sacrifiais les études pour aller m’entraîner. Quand j’étais à Houston, je restais debout jusqu’à 3 – 4 heures du matin pour être à la salle. C’était la première fois de ma vie que je pouvais y aller quand je le voulais et je ne voyais pas où était le problème à ne pas me rendre en cours. Évidemment, ce n’était pas possible et à la fin de ma saison, on m’a donné le choix entre rester une année de plus à Houston pour ne faire qu’étudier ou partir. J’ai demandé conseil à ma mère, elle m’a dit de revenir à la maison. J’ai joué en JuniorCollege à Phoenix puis je suis allé en NAIA à Arkansas. Si l’on prend le système français, c’est l’équivalent de la Nationale 2 puisqu’il s’agit de la ligue après les trois divisions NCAA. Donc évidemment, ce n’est pas un niveau incroyable mais il y a quand même des bons joueurs, avec pas mal d’autres gars dans la même situation que moi. Quand vous ne pouvez plus jouer en NCAA à cause de vos notes scolaires, vous allez en NAIA. C’était une super expérience ! »
Le basket entre parenthèses :
« Je me réveillais à 7h afin d’aller vendre des vêtements pour 7,60 dollars de l’heure »
« Au moins, c’est bien d’être en mesure de découvrir plusieurs situations différentes mais c’était beaucoup plus dur de trouver un club pro derrière car vous n’allez pas l’air d’être quelqu’un de fiable. Les gens vous mettent directement une étiquette, et voilà. Après, la seule personne contre qui je peux être en colère, c’est moi-même. En Europe, personne ne voulait m’embaucher donc j’ai dû aller bosser dans un magasin de vêtements à Phoenix, appelé Nordstrom Rack. Je vivais avec ma grand-mère et elle m’a dit que je n’allais pas rester chez elle sans rien faire, alors il a fallu que je trouve un emploi. Tout ce que je faisais de mes journées, c’était plier et ranger des vêtements, et disposer des chaussures dans les rayons. Je me réveillais à 7 heures du matin, j’enfilais un costume afin d’aller vendre des vêtements et des chaussures pour 7,60 dollars de l’heure… Travailler là-bas, c’était une leçon d’humilité.
Pendant tout ce temps-là, je n’ai jamais abandonné l’idée de faire carrière dans le basket. Je n’ai jamais arrêté de travailler. À vrai dire, plier des vêtements toute la journée a un peu agi comme une sonnette d’alarme pour moi. Je me suis rendu compte que si je ne voulais pas faire ça toute ma vie, il allait falloir que je sois encore plus consciencieux avec le basket. À cette époque, dès que j’en avais fini avec ma journée de boulot, j’allais directement m’entraîner et j’y restais pendant 3 ou 4 heures. Je savais que j’allais finir par décrocher un contrat quelque part, je ne savais juste pas quand et où. C’était simplement une question de temps. Je savais qu’il y aurait des obstacles sur la route mais j’ai quand même passé plus de huit mois à attendre. »
Premiers pas dans les bas-fonds :
Direction l’Inde et la deuxième division… luxembourgeoise
« Le cousin de l’un de mes entraîneurs collaborait avec le championnat indien et il m’a dit que si je n’avais vraiment nulle part où aller, je n’avais qu’à partir en Inde. J’avais le choix entre continuer à plier des vêtements ou aller jouer en Inde, j’ai évidemment choisi l’Inde. C’est un pays très pauvre mais nous, on restait dans des hôtels cinq étoiles en permanence. J’ai vu les deux côtés de l’Inde. J’y ai énormément appris sur la vie : ça m’a permis d’être plus reconnaissant car les gens là-bas n’ont rien du tout, tout simplement. Il y a des jours où ils n’ont électricité ni eau chaude.
Au niveau du basket, c’était un nouveau championnat mais ils essayaient de faire les choses bien. La qualité d’images sur les vidéos était excellente par exemple. Ils avaient aussi fait venir un parquet directement de NBA, les paniers étaient tout neufs. Après, sportivement, ce n’était pas si fort, même si nous étions dix Américains, tous de Phoenix, plutôt bons. Et surtout, d’un coup, j’étais payé pour jouer au basket ! Que demander de plus ? Mieux qu’au magasin de vêtements d’ailleurs, avec 6 000 dollars en deux mois.
Ensuite, je devais jouer pour les London Lightning, le meilleur club du Canada, mais j’ai été coupé lors de la dernière journée du camp d’entraînement. Pas parce que je n’étais pas assez bon, mais parce qu’un joueur était parti tenter sa chance avec les Austin Spurs en G-League, tout en ayant une clause dans son contrat stipulant qu’il réintègrerait l’équipe s’il ne réussissait pas l’essai là-bas. Il est revenu juste avant le début de la saison donc ils n’ont pas pu me garder… Mais le coach m’a tellement aimé qu’il a fait jouer ses contacts pour m’avoir un boulot en Europe. C’est comme ça que je me suis retrouvé au Luxembourg pour six mois. Et même pas en première division luxembourgeoise hein, en deuxième ! J’ai survolé le championnat, je marchais sur tout le monde. C’était fun mais je savais aussi que le niveau était extrêmement faible donc c’était un sentiment doux-amer. Au moins, peu importe l’endroit, j’avais mis un pied en Europe. C’était le plus important.
Mais oui, en démarrant en Inde puis en enchaînant avec la deuxième division luxembourgeoise, j’étais très loin du haut-niveau, très loin de ce que je vis en ce moment. Sauf que non, il n’y a jamais eu de découragement. Une année auparavant, je passais mes semaines à plier et ranger des vêtements. J’étais juste heureux d’être payé pour jouer au basket, d’avoir un peu d’argent en poche pour offrir des trucs à ma mère et ma grand-mère. Je ne pensais pas à l’endroit où j’étais, plutôt à la destination. Je savais où je voulais aller. »
Suisse et Aix-Maurienne, les Alpes comme révélateur :
« À l’AMSB, la saison ou jamais pour prouver ma valeur »
« À cet égard, la Suisse fut un pas en avant par rapport au Luxembourg. Le niveau du championnat était correct, sans être très haut, et ça reste la saison la plus amusante de ma vie ! J’adore la Suisse, c’est mon pays préféré. OK, ce n’est pas très grand mais ça parait tellement immense quand on sort du Luxembourg (il sourit). J’ai pris tellement de plaisir à découvrir à quel point ce pays est magnifique. Ça m’a presque remotivé. Je me disais que je n’avais jamais vu rien de tel dans ma vie et que je ne savais pas jusqu’où je pouvais aller si je faisais les choses bien. Au niveau du basket, c’était pas mal. Le championnat suisse est dominé par deux équipes, Genève et Fribourg. Quand on n’est pas dans l’un de ces deux clubs, c’est un peu plus compliqué de faire ses preuves mais on a surpris tout le monde avec Vevey. La saison d’avant, le club avait perdu 18 matchs d’affilée et nous sommes arrivés jusqu’en demi-finale.
Quand je suis arrivé en Pro B, à Aix-Maurienne, je me suis dit que c’était la saison ou jamais pour prouver ma valeur, puisque c’est un championnat respecté. J’avais un peu de pression puisque plusieurs joueurs avant moi s’étaient complètement ratés lors de leur transition entre la Suisse et la Pro B. Mais Manu Schmitt m’a donné les clefs de l’équipe, Théo (Leon) m’a beaucoup aidé, David (Ramseyer), Karim (Atamna) et Kino (Burrows) aussi. Tous ces mecs-là ont beaucoup d’expérience et ils m’ont appris à être plus professionnel. Ce que les gens ne comprennent pas, c’est que 50% du boulot d’un pro est sur le parquet et 50% en dehors. En public, il faut se comporter comme un professionnel, se conduire de la bonne façon, parler aux gens d’une certaine manière. Ça, je l’ai compris à Aix.
Briller à Bercy puis apprendre la mort de Kobe Bryant,
« un ascenseur émotionnel vertigineux »
Lors de ma saison à l’AMSB, j’ai passé l’une des soirées les plus folles de ma vie… C’était le jour où l’on a rencontré le Paris Basketball à l’Accor Arena. J’avais passé ma carrière à jouer dans des toutes petites salles et là, je me retrouve à Bercy. À l’époque, c’était de loin le plus grand match de ma carrière. Il y avait la télévision, je savais que c’était ma chance, je devais montrer mon niveau. Et j’ai été plutôt bon (21 points à 9/15, 4 interceptions et 2 passes décisives). Bon, je n’ai jamais vu personne jouer aussi bien que Kino ce soir-là (45 d’évaluation) mais ce match m’a montré que j’étais capable de faire des belles choses. Ils avaient une super équipe : Sylvain Francisco, Juhann Begarin, Ismael Kamagate, Milan Barbitch, Nobel Boungou-colo, Amara Sy… Et pourtant, on a largement gagné (102-83). Juste après le match, j’arrive dans le mini-bus et Sep (Ilari Seppala) me dit : « Mec, Kobe vient de mourir ! » Je ne le croyais pas. Je suis allé voir sur mon téléphone et la nouvelle était partout. On a conduit jusqu’à la station-service à côté de Bercy et je me suis retrouvé à pleurer comme un bébé sur le parking. L’ascenseur émotionnel était vertigineux. Après la rencontre, je n’avais jamais été aussi heureux de ma vie et une heure plus tard, je suis en train de pleurer toutes les larmes de mon corps… »
Sur le podium des meilleurs marqueurs de Betclic ÉLITE avec Roanne :
« La liberté que me laisse Jean-Denys Choulet est vraiment rare »
« Il faut se souvenir que Roanne m’a fait venir pour un essai au début (il rit). Je pensais retourner en Pro B, toutes les grosses équipes du championnat me voulaient : Nancy, Fos-sur-Mer, Antibes… Puis mon agent m’a dit qu’il y avait aussi les options Roanne et Le Portel, qui proposaient certes moins d’argent que les clubs de Pro B mais que ça pourrait être un bon pari sur l’avenir. Jean-Denys (Choulet) m’a appelé avant le coach du Portel, on a discuté, il m’a expliqué sa vision pour moi et j’ai dit à mon agent que je voulais aller à la Chorale. Le club m’a mis à l’essai et lors du premier match amical contre une équipe de Jeep ÉLITE, Chalon, je termine avec 30 points, 6 rebonds et 5 passes décisives. Le lendemain, Jean-Denys vient me voir : « Ton essai est terminé ! » (il rit) Dans ma tête, je savais depuis des années que j’avais ma place ici mais ça avait une excellente saveur de le faire pour de vrai.
On a perdu tellement de matchs serrés au cours de mes deux premières saisons à la Chorale… L’équipe n’a jamais été mauvaise mais on échoue toujours aux portes des playoffs. J’imagine qu’il faut que l’on apprenne à gagner, comme en ce moment (entretien réalisé fin novembre, avant le premier succès à l’extérieur à Fos, ndlr). Je suis heureux à Roanne. Quand vous jouez pour Jean-Denys, vous devez gagner son respect afin qu’il vous fasse assez confiance pour vous laisser faire ce que vous voulez sur le terrain. J’ai déjà parlé à des assistants d’autres équipes qui m’ont dit que la liberté qu’il me laissait était vraiment rare en France. Surtout pour moi, vu les shoots profondément débiles que je prends parfois (il sourit). Ou les passes stupides que je tente. Mais malgré ça, je crois que j’ai gagné sa confiance et qu’il accepte mes erreurs, car il sait que je ferai quand même mon boulot.
J’essaye d’être le meilleur joueur en Betclic ÉLITE, d’être le meilleur joueur possible que je puisse être. Dans ma tête, dès que je pose un pied sur le parquet, je suis le meilleur joueur des dix. C’est la mentalité que je dois adopter. »
All-Star, la récompense :
« Cela vient couronner tout le travail entrepris »
« Être sélectionné pour le All-Star Game au terme de ma sixième saison professionnelle est quelque chose de grand. Cela vient un peu couronner tout le travail que j’ai entrepris au cours de ces années. Je n’ai peut-être pas emprunté le chemin le plus conventionnel mais j’en suis quand même arrivé là aujourd’hui. Pouvoir être associé au statut de All-Star signifie beaucoup pour moi, surtout vu d’où je viens. Avant le match contre Pau, c’est ma mère qui m’a donné mon maillot : c’était facilement l’un des tous meilleurs moments de ma vie. Après, je suis très heureux mais ce n’est pas une fin en soi non plus.
Mon évolution est la preuve de mon travail. Si vous bossez sérieusement, cela finira toujours par se voir à un moment donné. C’est quelque chose que j’avais dans la tête depuis longtemps, je savais depuis une éternité que j’en étais capable. Je continue de regarder devant, de me projeter vers le futur, j’ai encore de boulot devant moi pour plusieurs années. Comme tout le monde, je pense à la NBA ou à l’EuroLeague. Je veux aller le plus haut possible. Je ne suis pas prêt d’avoir fini, mon histoire est loin d’être terminée. Mais pour l’instant, je suis vraiment fier de moi (il le répète). »
Ronald March, capitaine auto-proclamé ?
Joueur le plus historique de la Chorale, Roannais depuis l’été 2020, Ronald March a profité du départ de Clément Cavallo vers Boulazac pour élargir ses responsabilités. « J’ai dû sortir du rang pour devenir le capitaine », souligne-t-il. « C’est la première fois que je suis le plus âgé de l’équipe. » Seulement le privilège de l’ancienneté ? Presque si l’on en croit Jean-Denys Choulet. « Ronald, c’est un capitaine auto-proclamé ! Si l’on m’avait demandé mon avis, je ne l’aurais pas choisi. Mais vu qu’il a décidé de s’investir dans cette tâche… »
La faute notamment à un manque d’implication totale au quotidien (« Tiens regarde-le là, les mains dans les poches, en train de bâiller ! ») pendant ses deux premières saisons à Vacheresse. « Il est très particulier à gérer : si tu ne sais pas le prendre, tu n’en feras rien. J’ai failli le virer à chaque début de saison ! Il prend une grosse soufflante chaque année mais dès qu’il a compris comment ça marche, ça va. Après, le désavantage avec lui, c’est que quand il enchaîne quelques bons matchs, il faut qu’il en fasse plusieurs mauvais derrière pour le remettre dans le bon chemin. » Et puis, aussi, à un jeu parfois trop dénué de sens. Fin novembre, à notre micro, l’Américain évoquait lui-même les « shoots profondément débiles » ou les « passes stupides » qu’il tente. Sa prestation de mardi à Bourg (102-100, a.p.) en est une illustration parfaite : outre une tentative lointaine forcée, March a surtout expédié sur la planche, main gauche, à un moment crucial l’une des plus passes les plus invraisemblables de la saison. Sauf qu’il a surtout permis à la Chorale de l’emporter en empilant 20 points après la pause. « Il fait des bourdes de temps en temps mais c’est un joueur de talent », résume JDC.
En acceptant de le laisser endosser le costume du capitaine, le coach double champion de France y a tout de même vu l’avantage de tenter de responsabiliser un élément fort sur le parquet. « Je me suis dit que ça ne pourrait faire que du bien à son jeu, alors je l’ai laissé faire. On est passé d’un capitaine timide dans le jeu mais extrêmement présent en dehors, Clément Cavallo, à l’exact opposé. » Une méthode efficace des dires du joueur. « Est-ce que ça veut vraiment dire quelque chose pour moi d’être capitaine ? Oui, à 100%. Clément avait ce rôle-là avant. Vu son attitude et son approche des choses, j’ai dû devenir un peu plus sérieux cette saison pour lui succéder. »
Toujours est-il que, même s’il faut attribuer le crédit de sa venue en LNB à Emmanuel Schmitt, Ronald March rentrera au Panthéon des grandes pioches réalisées par Jean-Denys Choulet, certes un cran derrière les Jerry McCullough, Terrell McIntyre, Dee Spencer et autres John Roberson, mais pas loin des tous meilleurs. « Quand j’ai pris un joueur dont le cursus était Inde – Luxembourg – Aix-Maurienne, tout le monde m’a pris pour un fou au départ. Depuis que je suis arrivé à la Chorale, j’ai toujours été obligé de faire des coups improbables pour espérer que ça fonctionne. C’est ce qui s’est passé avec Ron : on voit bien que c’est un joueur très important pour nous, capable de faire des grandes choses. » Comme lors de cette fameuse deuxième période à Bourg mardi, qui a suscité l’admiration de son coéquipier Yannis Morin. « C’est notre leader offensif. Il a montré la voie et on a été quelques uns à le suivre, à le nourrir. C’est le joueur clef de notre équipe, on a besoin de lui pour gagner. »
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