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Laëtitia Guapo : la tête et les jambes

Elle est l’une des têtes d’affiche du basket 3×3 en France. Elle ? Laëtitia Guapo, aujourd’hui également joueuse du Tango Bourges Basket. Ses performances internationales sous le maillot tricolore lui ont permis de se faire une place en LFB. Une place qu’elle ne doit qu’à son travail et à son abnégation. Portrait.

« En Minimes France, on la surnommait « Le Pitbull », car elle avait cet amour du contact. C’était une vraie poste 3, mais elle jouait poste 5 par défaut. Le défi physique ne lui faisait pas peur et elle allait au combat face à des vrais postes 5. Et à l’époque, déjà, elle avait une VMA (Vitesse Maximale Aérobie) impressionnante. Aujourd’hui, quand je vois Laëtitia sur un terrain, je suis vraiment fier d’elle. C’est une personne qui ne doit rien à personne. » L’éloge est signé Ahmed Aït-Bari, arbitre de Jeep Élite et ancien entraîneur de Laëtitia Guapo (1,82 m, 25 ans ce dimanche 25 octobre) en U15. Car même si ses prédispositions physiques l’ont aidé dans les championnats nationaux jeunes, elle ne se voyait pas tout de suite basketteuse. « Pour moi, au début, le basket n’était qu’un loisir », commente-elle. Née d’un père footballeur et d’une maman basketteuse, elle prend pourtant la voie du chemin maternel, tout en se passionnant pour la course à pied et en rêvant de devenir « kiné, médecin ou cardiologue. » Originaire de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Laëtitia Guapo apprend à dribbler à La Roche Blanche, une commune Clermontoise. Ensuite, tout va vite. Très vite. Cinq années plus tard, elle prend la direction du Stade Clermontois et du CREPS de Vichy. « Là, l’idée de faire du basket à haut-niveau commence à germer dans mon esprit », raconte-elle. Ce n’est qu’à l’INSEP, où elle rentre en 2010 que le véritable déclic a lieu. Déjà très endurante et capable de tout faire sur un terrain, Laëtitia Guapo signe son premier contrat à Nice, où elle restera entre 2013 et 2016 sans véritablement exploser (1,3 d’évaluation en 2015-2016), malgré un premier titre de Championne de France LF2 acquis en 2015. « Ensuite, je suis partie du côté de Roanne et de Reims, à chaque fois pour une année », poursuit la Tango. Ces deux expériences à l’échelon inférieur lui permettent d’emmagasiner de l’expérience, du temps de jeu et donc plus de résultats chiffrés.

« J’ai vraiment été libérée à Charnay »

Au sein de « son club de cœur » à Charnay où elle obtient un nouveau titre de Championne de France LF2 ainsi qu’une montée en LFB, Laëtitia Guapo noircit toutes les lignes de statistiques. Ainsi, sur la saison 2019/20, écourtée pour cause de pandémie sanitaire, elle tournait à 12,5 points, 5,8 rebonds et 4 passes décisives pour 11,6 d’évaluation en LFB. « C’est vrai que cette année-là a été très intéressante pour moi. Je suis très déçue de ne pas être aller chercher le maintien avec Mâcon dans ce club familial et qui m’a fait confiance. Je marche beaucoup à la confiance et c’est vrai qu’à Charnay, mon coach me faisait confiance à 200%. J’étais libérée et je pouvais me concentrer à fond sur le basket. Surtout que je venais d’obtenir mon concours de professeur d’EPS pour enseigner l’éducation physique et sportive. Donc j’étais libérée », explique celle qui est désormais reliée à l’académie de Créteil (Val-de-Marne) grâce à une mise en disponibilité que les sportifs de haut-niveau peuvent renouveler pendant dix ans. « Grâce à la réussite à mon concours, j’avais plus de temps pour venir avant aux entraînements et plus de temps ensuite pour m’étirer. Je n’étais plus obligée de manger entre 12h et 14h dans ma voiture en travaillant », se souvient celle qui adore pourtant cuisiner. « C’est vrai que c’est une personne travailleuse et surtout persévérante », confirme sa meilleure amie, Margaux Pinot, judokate rencontrée à l’INSEP. La médaillée de bronze individuelle chez les -70kg lors des Mondiaux de Tokyo en 2019 poursuit : « On s’est rencontrés en terminale et on a révisé le baccalauréat ensemble. Déjà à l’époque, c’était quelqu’un de très sociable, très souvent positive et qui s’intéressait aux autres. Elle est honnête et elle a du caractère comme la plupart des sportifs de haut-niveau. » Du caractère, Laëtitia Guapo en a fait preuve pour atteindre ses objectifs. Notamment un, celui de l’Europe en s’engageant à Bourges lors de l’inter-saison 2020.

Avec Charnay, elle s’est révélée, en LF2 puis LFB (photo : Olivier Martin)

Une joueuse polyvalente

« Laëtitia ? Je l’avais croisé à Nice quand elle jouait là-bas. Elle a été très performante en Ligue 2 et c’est vrai que c’est une joueuse qu’on surveillait. Elle a progressé énormément sur beaucoup d’aspects de son jeu, donc l’avoir ici, à Bourges, c’est vraiment une plus-value pour l’équipe », analyse Olivier Lafargue, l’actuel coach des Tango. « C’est une joueuse avec un volume de jeu important. Elle va vite, elle est agressive et elle est athlétique. C’est une vraie bonne joueuse de basket. Maintenant, je ne veux pas la canaliser, mais je veux utiliser ses qualités pour qu’elle soit efficace dans l’équipe. C’est une joueuse et une femme intelligente. On travaille ensemble pour qu’elle soit encore plus dans la lecture et dans la précision des détails », reconnaît l’ancien entraîneur de Basket Landes. En signant à Bourges, Laëtitia Guapo est passée de la LF2 à l’EuroLeague en deux ans. Une ascension fulgurante qui ne fait pas forcément peur à l’ancienne étudiante en STAPS à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne. « Je n’ai pas de pression ici ni forcément de peur. Je me suis donnée des objectifs et je veux les atteindre. Bien sûr, qu’ici, mon rôle sera différent que dans mes équipes précédentes. Mais je suis prête et surtout, je prends énormément de plaisir. » Un bonheur non dissimulé derrière un sourire quotidien pour l’adepte des musiques latines.

Le Prado : comme un retour aux sources

Ce n’est pas la question de son poste de jeu qui va la faire changer d’attitude et lui enlever sa bonne humeur. « Où doit jouer Laëtitia ? Franchement, je ne la mets pas dans une case. Elle est tellement véloce et rapide qu’elle peut mettre en difficulté beaucoup de joueuses. Peut-être que sur le poste 3, elle aura du mal face à des joueuses plus physiques, mais elle compensera par ses qualités », selon son coach, Olivier Lafargue. Un discours partagé par la passionnée de semi-marathons. « Je me souviens que quand j’avais eu Olivier avant de signer ici, on avait eu cette discussion. Moi, j’essaye juste de faire ce que je sais faire. En tant qu’arrière ou à l’aile, peu importe, je m’adapterai. En tout cas, j’essaye de m’étoffer physiquement pour rester encore plus au contact des forts gabarits. Ahmed Aït-Bari se remémore cette joueuse si atypique et si importante dans un effectif. « En U15, c’était quelqu’un de très discret et surtout de très disciplinée. Elle est toujours de bonne humeur et ça, dans un groupe, c’est très important. Je me souviens qu’elle tirait à deux mains à l’époque Donc quand je la vois aujourd’hui, je me dis que sa progression a été bonne », explique-t-il dans un grand sourire. « C’est vrai que sur un terrain ou dans la vie de tous les jours, je suis toujours à 200%. Là, avec une équipe comme Bourges qui a des ambitions européennes et nationales, je dois trouver le juste milieu en essayant de rester moi-même et en m’adaptant à un jeu plus posé, en étant encore plus patiente », rajoute la numéro 21 de Bourges. « Je dois être plus mesurée et perdre moins de ballon. Pour résumer, je dois apporter de la sérénité au groupe, car je me suis rendu compte que la fougue que je pouvais avoir sur un terrain était parfois négative. Je dois faire mes preuves, mais en tout cas, je suis très excitée de jouer l’Europe. C’était un de mes souhaits à l’inter-saison et le faire ici, à Bourges, c’est magnifique C’est beaucoup de souvenirs. » Cette salle permet à Laëtitia Guapo de se plonger quelques années en arrière quand elle effectuait les 170 km qui séparaient Vichy du Prado pour régulièrement aller voir jouer Paoline Salagnac et ses coéquipières.

Le 3×3 : encore une réussite !

Cette énergie et cette fougue lui ont permis de se faire un nom et une place en LFB. Mais aussi et surtout de revêtir le maillot Bleu. Un maillot qu’elle avait déjà pu porter en 2015 quand l’Équipe de France U20 avait ramené la médaille d’argent au Championnat d’Europe 5×5. Aujourd’hui, c’est en 3×3 que Laëtitia Guapo performe. Elle est tout simplement la numéro 1 au ranking mondial féminin 3×3. Richard Billant, sélectionneur des Équipes de France de 3×3 se souvient parfaitement de ses débuts. « C’est une joueuse que je connaissais bien grâce à son passé au Centre Fédéral. J’ai toujours suivi Laëtitia car pour moi, elle avait et elle a toujours le profil parfait pour le 3×3 : grande, athlétique véloce et adroite. » Si Laëtitia Guapo a remporté fin 2016 le Championnat du Monde Universitaire en Chine grâce notamment à un tir réussi en prolongation, ce n’est pas grâce à cette prouesse qu’elle a enfilé le maillot Bleu. « Pour être honnête, j’ai appelé Laëtitia pour la première fois à Voiron en 2017, mais je n’étais pas au courant de son passé lors des Mondiaux Universitaire », raconte l’homme fort du basket 3×3. « Ce que je pensais s’est confirmé ensuite. Laëtitia était faite pour cette discipline et je pense que ça lui a plu tout de suite. » Laëtitia Guapo n’est pas sélectionnée pour les compétitions en 2017 car elle est arrivée trop tard dans la préparation. En 2018, elle doit décliner pour se concentrer sur la préparation de son CAPEPS. Ce n’est qu’en 2019 que Laëtitia Guapo intègre pleinement l’équipe nationale. Pour le plus grand bonheur de Richard Billant. « À l’époque, je tente un pari car cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vu évoluer en 3×3. Mais je n’ai pas été déçu. Au contraire. Elle est inépuisable et elle a un cardio hors du commun. La discipline est très intense et à la fin de chaque match, quand les adversaires et ses coéquipières sont lessivées, Laëtitia, elle, est toujours en forme. » 

Collectivement, la liste de trophées est impressionnante : Championne d’Europe, une troisième place à la Coupe du Monde l’an dernier, vainqueur des World Series en 2020. « C’est une chance pour nous de l’avoir. Elle s’est beaucoup améliorée sur sa gestion des temps forts et des temps faibles. Elle fait moins de fautes grâce au travail vidéo. Elle a une très bonne gestuelle de tir, mais maintenant, pour aller encore plus haut, elle doit progresser dans le choix de ses tirs et son jeu sans ballon. Elle fréquente le niveau international en 3×3 depuis seulement un an. Elle en a encore sous la pédale », rajoute le natif de Caen.

La numéro un mondial du 3×3 (photo : FIBA)

Et maintenant ?

À seulement 24 ans, Laëtitia Guapo a tout l’avenir devant elle. Et un objectif clair : les Jeux olympiques. « Bien sûr que j’y pense. C’est vraiment un défi personnel et une ambition commune à toutes les joueuses de l’Équipe de France. Et le fait que ce soit maintenant une discipline olympique permet un engouement majeur autour de ce sport. » Malheureusement, les Bleues ne sont pas qualifiées pour les Jeux olympiques, au contraire de la Roumanie, de la Mongolie et de la Russie. Elles devront passer par un TQO qui a été reporté de mars 2020 en Inde à Mai 2021 en Autriche. « On va tout faire pour se qualifier et représenter notre pays », annonce la jeune femme. « Moi, je suis certain que le 3×3 l’a vraiment beaucoup aidé dans le 5×5. Elle a eu des responsabilités très vite et forcément, ça l’a aidé dans sa progression personnelle sur les deux disciplines. C’est une joueuse créative, qui aime la prise de risque et les responsabilités », conclut Richard Billant. La FFBB a d’ailleurs annoncé récemment les listes des joueuses sélectionnées en Équipe de France 3×3 pour préparer cette échéance préolympique. Et devinez quoi ? Laëtitia Guapo en fait partie. Alors peut-on imaginer un jour la joueuse de Bourges passer du 3×3 au 5×5 et ainsi être sous les ordres de Valérie Garnier ? « J’y pense, mais on va avancer étape par étape. Là, je dois encore m’améliorer et prouver que j’ai ma place en 3×3 », glisse la principale intéressée.

« Fais de ta vie un rêve et de tes rêves une réalité » : la devise d’Antoine de Saint-Exupéry est la préférée de Laëtitia Guapo. Ça tombe bien, pour faire de ses rêves une réalité, la Clermontoise a les deux ingrédients principaux : la patience et le travail.

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