Kadri Moendadze, le miraculé mahorais
Kadri Moendadze (Roanne), le coup du record face à son club formateur
Kadri Moendadze a établi son nouveau record de points en Betclic ÉLITE
L’histoire de l’ex qui brille face à son ancien club est vieille comme le monde dans le sport. Ce dimanche, Kadri Moendadze (1,91 m, 30 ans) n’a pas échappé à la règle : le capitaine de Roanne a été le parfait lieutenant de Sekou Doumbouya (33 points), plantant 17 unités contre Cholet Basket, son club formateur.
MVP de la finale de la Coupe de France cadets 2012 avec CB, le Mahorais n’avait jamais dépassé la barre des 16 points en Betclic ÉLITE jusque-là, un ancien record établi à deux reprises : en décembre 2019, avec Orléans, lors d’un revers contre Le Mans, puis en avril 2023, à l’occasion d’une défaite choralienne face à Paris. Mais cette fois, Kadri Moendadze a allié l’utile à l’agréable : la performance (17 points à 6/12, 5 rebonds, 2 passes décisives et 1 interception en 20 minutes) et la victoire, cruciale pour le maintien (82-69). Le tout au cœur d’un match qu’il a dû quitter temporairement lors du deuxième quart-temps, victime d’un coup de coude de Kim Tillie qui l’a laissé l’arcade en sang.
O Captain! My Captain!@kad976 avait la main chaude dimanche face à son club formateur 🙌🏾
📊 17 points à 4/9 à 3-pts#CHOCB #ChoraleNation #BetclicELITE pic.twitter.com/vwQDxd3j91— Chorale Roanne Basket (@ChoraleRoanne) April 15, 2024
Kadri Moendadze, une tumultueuse formation choletaise
« Avec la sélection de Réunion, lors de l’été 2010, on est parti pour le tournoi de Montaigu. Vraiment, c’était des vacances pour moi ! D’un point de vue sportif, je ne m’attendais pas du tout à être un joueur majeur de l’équipe : j’étais le petit nouveau du groupe mais on m’a bien intégré. Et à ma grande surprise, j’ai fait de très bonnes choses. C’est là où Cholet Basket a de suite contacté mes responsables : dans la foulée, on est venu me dire que Cholet me voulait en centre de formation et que si je répondais oui, je ne rentrais pas chez moi. Là, c’était vraiment le choc : comment ça je ne rentre pas chez moi ? Je n’ai même pas répondu. C’est mon coach de Mayotte qui l’a fait pour moi : « Tu vas rester ici, Cholet est le meilleur centre de formation. » Moi, je faisais des grands yeux, je ne savais même pas si je devais dire oui ou non. Je n’avais aucune idée dans quoi je m’embarquais. J’ai eu ma mère au téléphone, elle non plus ne savait pas ce que c’était. Elle m’a juste dit : « Ben non, il faut que tu reviennes ici pour aller à l’école, tu ne vas pas faire que du basket. » Ce qui l’a rassuré, c’est quand on lui a expliqué qu’il y avait une certaine rigueur à l’école pour pouvoir rester en centre de formation. J’ai dit oui et je suis resté.
L’arrivée à Cholet, c’était un déracinement total. Je n’étais pas prêt du tout, j’y repense presque tous les jours. J’avais une petite valise où il n’y avait rien dedans : quelques t-shirts, deux – trois caleçons et c’est tout. J’avais des affaires pour 10 jours d’été et 60€ d’argent de poche. Alors comment ai-je fait ? J’ai eu de la chance, on m’a très bien accueilli au centre, beaucoup de joueurs m’ont aidé : Bruno Cingala-Mata, Ibrahima Diagne aussi, beaucoup de gens du centre qui m’ont donné des affaires. Le club m’a filé quelques vêtements aussi, m’a donné tout ce qu’il fallait. Le plus dur à vivre, c’est que je n’avais pas dit au revoir à mes parents. Le jour du départ de l’avion, ma mère m’avait laissé de l’argent de poche sur la table car elle était déjà partie au travail. Je n’avais même pas pu la voir. J’étais tout content de partir et dix jours, ce n’était pas grand chose : je n’allais quand même pas lui dire au revoir, je la voyais tous les jours… Mais à Cholet, quand j’étais seul dans ma chambre, je me demandais ce que je faisais ici. J’étais loin de tout, j’étais très timide comme garçon donc je ne connaissais personne. Le soir, ça m’est arrivé très, très souvent d’être en pleurs dans ma chambre. Et ça, jusqu’à aujourd’hui, même ma famille ne le sait pas… Parce que je suis quelqu’un de très pudique. Je n’ai jamais montré à mes parents que j’avais besoin de quelque chose, jamais osé demander un euro. Au centre, on me donnait tout, je mangeais à ma faim, etc. Mais quand il fallait 5€ pour aller manger un kebab avec les amis par exemple, je n’avais pas. Alors je leur disais que j’étais fatigué et je n’y allais pas. Les gens ne le voyaient pas mais avec le recul, je peux aujourd’hui dire que ce n’était pas une période facile.
Tout était un énorme changement pour moi à Cholet : le choc de la météo avec un hiver très neigeux, l’entrée au lycée où j’ai presque dû choisir une filière au hasard, etc. Et tout le monde me semblait tellement plus âgés au centre. À Mayotte, j’ai toujours eu l’habitude d’être le grand dadais du groupe. Et là, je tombe à Cholet Basket où je suis limite le plus fin, le plus petit. Au début, je pensais qu’on m’avait mis avec les pros (il rit). J’ai mis du temps à comprendre que c’était des gars de mon âge. Je me rappelle de la première fois où j’ai vu Rudy Gobert, c’était impressionnant. Sportivement, je me suis accroché. Moi-même, je n’avais jamais aucun jugement sur moi-même, aucun objectif personnel. Jamais je me suis dit que je devais réussir. Même quand j’ai eu accès aux pros, je n’y croyais pas. Je me voyais loin de ce niveau-là. C’est arrivé tellement vite, je n’ai jamais pensé que je pourrais y arriver. Ne pas me prendre la tête avec ça, je pense que ça m’a beaucoup aidé. Même s’il y a eu des moments où c’était très dur, j’ai profité du voyage ! Mais je dois quand même dire une chose : les réseaux sociaux, heureusement qu’ils sont là des fois car il n’y avait qu’avec ça que je me remontais le moral. Les gens de Mayotte étaient fiers de ce que je faisais, m’envoyaient des messages : ça me réconfortait et me motivait car c’est là où je me suis rendu compte que j’étais le seul à avoir eu cette chance de partir. »
Commentaires