ITW Tom Digbeu : « Avec ma blessure, l’âge, je me suis rendu compte qu’il fallait que je donne tout »
Après avoir manqué l’ultime tentative d’égalisation, dimanche dernier à Kaunas, Tom Digbeu (1,99 m, 19 ans) avait la mine déçue. Son équipe, le BC Prienai, venait de s’incliner chez le grand Zalgiris Kaunas de 3 petits points (103-100), après prolongation. Mais le jeune homme de 19 ans pouvait garder la tête haute : il sortait tout juste de son meilleur match au niveau professionnel : 27 points à 10/19 aux tirs, dont 4/10 à 3-points, 11 rebonds et 6 fautes provoquées pour 35 d’évaluation en 34 minutes.
« J’ai pris en maturité, je suis patient… »
Au fur et à mesure de la saison 2020-2021 de LKL, la première division lituanienne, le Franco-Espagnol se lâche. Il faut dire qu’il a passé un cap, mentalement notamment. Une évolution consécutive à sa saison blanche vécue en 2019-2020, alors qu’il venait de quitter l’Espagne pour la Lituanie, une transition forcément difficile, même s’il est arrivé « assez confiant ». « Car je sortais d’une bonne saison à Barcelone. J’avais vraiment montré des choses. Mais quand je suis arrivé ici, je me suis blessé directement donc je n’ai pas eu le temps de montrer ce que je savais faire. » A cause d’un décollement du cartilage, il s’est fait opérer fin octobre. Loin des siens, dans une petite ville et un pays inconnu, il a souhaité rentrer à Alicante effectuer sa rééducation. « C’était très dur. Quand tu parles de Barcelone à Prienai, ça change vraiment… Tu passes de la salle à la maison. Et c’est tout. » Mais sans besoin d’aller à la salle au quotidien, l’intérêt d’être sur place devient moindre. Et le jeune homme est donc donc rentré sur la Costa Blanca, provoquant un incident avec son employeur. « Quand tu es dans un pays comme ça, que tu ne joues pas, que tu as personne… Je voulais faire ma rééducation en Espagne. Je suis rentré en Espagne et le Zalgiris a gelé mon contrat. » D’où l’annonce cet été d’un froid avec le célèbre club lituanien.
Mais les choses ont pu être remises à plat et Tom Digbeu, après un été à travailler avec Fernando Valiente, coach qui l’entraîne lors de chaque intersaison depuis cinq ans maintenant, a retrouvé le Zalgiris pour le début de la préparation de l’équipe première le 12 août. De cette période difficile, le jeune homme a beaucoup appris. « J’ai pris en maturité, je suis patient », explique-t-il. Son coach Mantas Sernius a noté un grand changement dans son attitude de travail. « Avant je n’étais jamais à 100% aux entraînements. Avec ma blessure, l’âge, je me suis rendu compte qu’il fallait que je donne tout aux entraînements. Je sais où je veux aller, mon objectif est d’aller en NBA. Pour faire ça, il faut travailler. »
Un corps plus prêt pour le haut-niveau
Et bien sûr aligner les belles performances sur le terrain. N’ayant pas pu jouer depuis plus d’un an à cause de son opération et de la COVID-19, il a langui son retour à la compétition. « Ça faisait au moins un an que j’attendais ça car j’étais blessé l’année dernière, ça fait du bien ! »
Et après un temps d’adaptation nécessaire, il commence à s’exprimer sur le terrain, en atteste sa sortie réussie à Kaunas. « L’année dernière et en présaison cette année, je n’étais pas prêt physiquement », avoue-t-il. Car c’est aussi là que Tom Digbeu a passé un cap : il s’est renforcé physiquement, lui qui nous disait fin 2018 être loin d’être arrivé à maturité physiquement. Désormais mesuré à 1,99 m, l’Alicantin a développé son corps, grâce à la musculation et un changement de nutrition. « Depuis cet été, j’ai pris 7 kilos. J’avais vraiment besoin de prendre du poids. Je mange beaucoup de féculents pour ça. Avant j’allais beaucoup au restaurant mais maintenant j’essaye de manger correctement. » Et il ne veut pas s’arrêter là. « Je ne suis pas à mon max. Je peux prendre beaucoup plus de poids. Je suis à 83/84 kilos, je pense qu’à la fin de l’année je pourrai être à 88. Là ce serait vraiment bien. »
Sur le terrain, utilisé en sortie de banc, le fils d’Alain Digbeu a pris confiance. « Souvent, je commence par la défense. La défense me fait aller plus loin offensivement. (Dimanche dernier) J’ai mis 5 points au premier quart-temps et à partir du tir au buzzer je me suis dit qu’il fallait que je prenne la balle quoi (sourire). » Avec un surplus de motivation puisqu’il faisait face au plus grand club du pays, le Zalgiris Kaunas, qui est aussi son employeur (il y a signé trois ans à l’été 2019). « En Lituanie, il y a deux équipes qui sont dans le très haut-niveau (Kaunas et Vilnius, NDLR), quand tu joues contre elles tu donnes tout. »
Tom Digbeu connait également bien l’équipe du Zalgiris. En effet, l’arrière se rend souvent dans la deuxième ville lituanienne, située à 20-30 minutes de voiture de Prienai. La saison passée, il a ainsi pu assister à plusieurs rencontres d’EuroLeague. « Je devais aller au match contre le Real Madrid (le 6 novembre) mais ils ont décrété le huis clos. »
La formation lituanienne, le bon complément au basket espagnol
Initialement, il devait d’ailleurs passer sa deuxième saison en Lituanie avec le grand club Zalgiris. Mais sa saison blanche a changé la donne. « Avec ma blessure de la saison passée, je n’ai pas pu me montrer. Dès que je suis arrivé à la présaison au Zalgiris j’ai demandé à mon agent d’être prêté. Le coach (Martin Schiller) avait déjà son équipe, dès mon arrivée j’étais catégorisé comme le dernier joueur de l’effectif. J’avais besoin de jouer. Après deux semaines, le BC Prienai a proposé que j’y aille une semaine pour faire mes preuves. Et j’y suis resté. Je remercie mon coach car il me fait confiance, c’est ce dont un joueur a besoin. »
Cette confiance pour jouer au niveau professionnel, c’est ce qu’est venue chercher Tom Digbeu après sa formation en France et en Espagne. « La ligue lituanienne est une bonne ligue pour les jeunes pour pouvoir se développer, avoir du temps de jeu. Je ne voyais pas qui s’intéressait vraiment aux jeunes en Espagne. »
Tom Digbeu doit passer un cap sur son tir (photo : BC Prienai)
C’est l’occasion aussi pour lui de trouver un basket plus académique après avoir baigné dans le basket espagnol, où les possessions s’enchaînent très vite. La forme également change. Là où les coachs espagnols sont très enthousiastes, émotifs, les techniciens lituaniens sont plus austères. « Ça change beaucoup. La façon d’entraîner des coachs, la mentalité est différente. Ici, ils sont beaucoup plus froids et durs. Tu dois t’habituer, mais je ne vais pas me plaindre. C’est très sérieux. On s’entraine 1h45 chaque matin et 2h l’après-midi. On travaille beaucoup sur des choses simples mais beaucoup, comme les dribbles et floatters. Collectivement, on joue beaucoup autour des pick and rolls, donc on travaille beaucoup sur ça. »
Outre la musculation, ce très gros athlète tente de réduire ses points faibles. « Je travaille beaucoup sur mon tir, les catch and shoots, les tirs en sortie de dribbles… Je suis plutôt bon sur les pénétrations, c’est plus sur mon tir que j’essaye d’être constant. »
Son travail lui permet désormais de tourner à 9,1 points à 43% de réussite aux tirs (dont 23,7% à 3-points), 2,5 rebonds et 1,3 passe décisive en 20 minutes, après 11 journées. Des statistiques qui sont amenées à progresser toute la saison dans une équipe totalement renouvelée où il prend ses marques. « Tout le monde est parti sauf un joueur et moi. Je suis très bien dans le groupe. En plus je suis avec Khadim Sow (peu utilisé, il est annoncé sur le départ, NDLR), qui jouait à l’ASVEL il y a deux ans. Je le connaissais déjà et on s’entend très bien. On s’entend tous bien mais c’est logique de rester avec quelqu’un avec qui tu partages la même langue. »
Rejoindre Killian Hayes et Théo Maledon en NBA
Tom Digbeu ne l’a jamais caché, la Lituanie n’est qu’une étape. « Mon objectif est d’aller le plus tôt possible en NBA mais ça dépend de comment je me vois à la fin de la saison, ce que j’ai produit cette saison. Ce n’est que là que je déciderai. » Car pour savoir si 2021 sera l’année de sa draft, il doit être performant et analyser la situation. Le meilleur moyen pour lui reste de confirmer sa bonne performance de dimanche dernier. « Quand je fais un match comme celui-ci, je ne dois pas rester là-dessus et passer au suivant. Je dois être constant dans mes performances. Je dois travailler et ça viendra. » Samedi contre Pieno Zvaigzdes, il a cumulé 15 points à 5/12 aux tirs (0/5 à 3-points), 3 rebonds et 2 passes décisives en 23 minutes. Mais son équipe a encore perdu de 3 points (96-99).
L’expérience engrangée en Lituanie est très riche, comme elle l’est en Serbie pour l’un de ses meilleurs amis, Malcolm Cazalon. Comme lui, ce dernier est un sacré athléte, fils d’un ancien joueur de haut-niveau. Comme lui, il a très tôt fait saliver les scouts mais à cause d’un physique en construction et de changements de stratégie dans son développement/expositon a tardé à exploser. Comme lui, il y parvient enfin cette saison, avec le club de son agence sportive BeoBasket, KK Mega Leks. Les deux garçons, très liés depuis leur passage ensemble au Pôle Espoirs de Lyon, sont en contact fréquents. « On parle tous les jours avec Malcolm. Je pense qu’il est content car il travaille beaucoup là-bas, il est bien intégré, il joue beaucoup… C’est à lui de montrer et d’être constant. Chaque année, avec l’âge, tu te rends plus compte de ton but et de ce qu’il faut faire pour y parvenir. Malcolm, son but c’est le même que le mien. »
Et quand ils voient Killian Hayes et Théo Maledon arriver dans la grande ligue, deux Français de leur génération, ils n’ont qu’une envie : les y rejoindre. « Tu vois beaucoup de joueurs que tu connais à la Draft, ça te donne envie de faire le même parcours. »
En stage avec l’équipe de France U17 à Bourges en février 2018 (photo : GPJ)
Contrairement à Hayes, Maledon et même Cazalon, Tom Digbeu n’a pas eu la chance de bénéficier des compétitions internationales jeunes pour se montrer. Car s’il a choisi de représenter la France alors que l’Espagne lui faisait aussi les yeux doux, il n’a pas été sélectionné pour la Coupe du Monde U17 2018 car il n’était pas prêt physiquement à l’époque selon le staff. S’il ne semble pas avoir été touché par cette décision, Tom Digbeu n’a pas les Bleus en tête à l’heure actuelle, alors qu’il serait encore éligible pour jouer l’EuroBasket U20 l’été prochain. « Pour l’instant, je suis vraiment concentré sur ma saison. L’été j’en profite pour pour travailler pour réaliser mon objectif, même si c’est sur que si tu joues bien ça te fait vraiment avancer. Si je vois que l’option d’aller en équipe nationale est bonne, oui j’irai, mais pour l’instant je compte travailler avec différents entraineurs, joueurs… »
Travailler, produire, gagner, tel est le cheminement qui l’amènera vers son objectif. Mais celui-ci est semé d’embûches. Mais désormais, il en a connu d’autres…
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