ITW Michael Kessens : « Ce que j’apprécie le plus en Betclic ÉLITE sont les responsabilités données aux joueurs français »
Capitaine du Paris Basketball (4,7 points à 62%, 2,7 rebonds et 1,2 passe décisive en 13 minutes de moyenne), Michael Kessens (2,06 m, 32 ans) a suivi son coach, Tuomas Iisalo, dans la capitale cet été pour vivre sa première expérience professionnelle en France, 11 ans après son départ de l’hexagone. Un parcours atypique pour l’ancien protégé de Jean-François Martin au centre de formation de Cholet et international allemand, arrivé sur le tard au basket. Entretien.
Le Paris Basketball était largement représenté au dernier All-Star Game (T.J. Shorts, Tyson Ward et Tuomas Iisalo chez les Etrangers, Nadir Hifi côté Français). Avez-vous suivi l’évènement et notamment le record de points inscrits par Nadir Hifi (44) ?
Je suis rentré en Allemagne pour les fêtes donc je n’étais malheureusement pas à Bercy. Je n’ai pas pu le regarder non plus mais j’ai suivi l’évènement via les réseaux sociaux. C’est un show incroyable, à l’américaine, avec un gros engouement du public. C’est vraiment énorme. Ça fait plaisir d’y voir ses coéquipiers et son coach briller. J’étais trop content pour eux, heureux de voir Nadir crever l’écran devant sa famille. Et de les voir si nombreux à Bercy, ça veut aussi dire que l’équipe a du succès, donc c’est génial.
Vous êtes deuxièmes de Betclic ÉLITE et premiers du groupe A de l’EuroCup. Comment jugez-vous la première partie de saison du Paris Basketball ? Vous attendiez vous a de tels résultats ?
On a joué un bon basket jusqu’ici. C’est ce qui nous a permis d’obtenir de tels résultats. Après, on a joué beaucoup de matchs, et dans un championnat on tout le monde peut battre tout le monde, les petites baisses de régime se payent cash. Ça explique nos cinq défaites à ce stade. Mais le bilan reste très positif, même si en tant que compétiteurs, on sait qu’on a encore une marge de progression. Le but, c’est de pouvoir rester à 100% jusqu’à la fin de saison, d’être au top quand les matchs cruciaux commenceront.
On sait que le club nourrit de grandes ambitions cette saison, avec l’arrivée de l’Adidas Arena de la Porte de la Chapelle le 11 février prochain. Les 3 rencontres disputées face à Monaco, l’Asvel et Bourg en Bresse (1 victoire face à l’Asvel, 2 défaites) vous permettent-elles d’y voir plus clair sur votre potentiel dans ce championnat ? Pensez-vous pouvoir viser le titre ?
On a une meilleure idée du jeu proposé par les grosses écuries, donc ça permet de se situer par rapport à elle, même si ce sera un basket différent en playoffs. C’est clair qu’on joue le titre, mais le plus important pour nous est de jouer notre meilleur basket et d’être réguliers dans la performance. C’est peut-être ce qui nous a fait défaut sur la première partie du championnat. Ça demande beaucoup de concentration, et les efforts de tout le monde, pas uniquement des cadres. Notre philosophie de jeu exige que les dix joueurs soient au top, prêts à jouer pour les autres et pour la gagne avant toute chose. Ce n’est pas simple dans un sport où les statistiques individuelles sont omniprésentes. C’est là-dessus qu’on se concentre.
« J’ai participé à un camp à Cholet sans objectif ni prétention »
Sur le plan personnel, vous alignez cette année des statistiques très proches de celles que vous aviez à Bonn la saison dernière. Quel bilan faites-vous de cette première moitié de saison ? Comment se passe votre adaptation au club et à la ville ?
Je suis très critique envers moi-même. Je suis satisfait de ce qu’on a pu réaliser collectivement. À titre individuel, j’ai la volonté d’en faire davantage. Je ne suis pas attaché aux statistiques. Ce qui m’importe, c’est d’apporter le plus possible à l’équipe. Pour ce qui concerne l’adaptation à la vie parisienne, ce n’est pas toujours évident. Avec les différentes salles de match et d’entraînement, les rencontres qui s’enchaînent, ce n’est pas simple. Mais on est très bien entourés au niveau du club et ça nous facilite la tâche. Ça nous permet quand même de profiter un peu de la ville.
Le fait d’avoir déjà évolué sous les ordres de Tuomas Iisalo en compagnie de T.J. Shorts, Leon Kratzer, Collin Malcolm, Sebastian Herrera et Tyson Ward aide forcément pour s’adapter ?
C’est un énorme avantage. On a débarqué à 10 à Paris (quatre membres du staff, dont Tuomas Iisalo, et six joueurs), c’est exceptionnel. On a des liens qui dépassent les limites du terrain donc ça aide énormément à s’adapter à cette nouvelle vie. Après, on a pour point commun d’être tous nouveaux au sein du club, exception faite de Gauthier Denis, donc tous embarqués dans un même projet. C’est pour ça qu’on distingue bien moins aujourd’hui les anciens de Bonn du reste de l’équipe. On est tous nouveaux finalement. C’est ce qui nous lie. On partage des émotions, des succès et des échecs au quotidien et c’est ce qui nous permet de créer de la cohésion entre tous les joueurs. Ça explique la solidité du groupe et sa capacité à intégrer de nouveaux joueurs comme Mehdy Ngouama, qui nous a rejoint en cours de route. Même si le dénominateur commun à la base, c’est la mentalité des joueurs que Tuomas recrute, à savoir des mecs capables de se tirer mutuellement vers le haut.
Vous êtes Allemand, né en Suisse, et vous avez été formé entre Cholet et les Etats-Unis, où vous avez joué en NCAA jusqu’à l’âge de 26 ans. Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?
Ma mère est Allemande et mon père Somalien. Je suis né à Genève en Suisse, où mes parents se sont rencontrés, et j’ai grandi à Nyon. J’ai commencé par le foot avant de me tourner vers le basket à l’âge de 16 ans, en suivant des potes. Et à 17 ans, j’ai participé un peu par hasard au Camp de Cholet Basket. J’y allais sans objectif et sans prétention, et j’ai terminé MVP. Jean-François Martin, le responsable du centre de formation de Cholet, m’a directement proposé de le rejoindre, ce que j’ai fait. Les premiers mois ont été délicats, car même si je parlais français, c’était une autre culture pour moi et un autre rythme, avec des entraînements tous les jours. Je suis resté quatre ans là-bas, notamment pour obtenir le statut de JFL (Joueur Formé Localement). Après ça je ne me sentais pas encore prêt à passer pro et j’avais une petite fenêtre pour aller en NCAA, alors j’ai saisi ma chance. J’ai passé cinq années aux États-Unis, dans trois programmes différents, qui m’ont permis de décrocher notamment un Bachelor en Business Administration (Licence en Gestion d’Entreprise). Derrière, j’ai démarré en pro en Allemagne, sachant que j’avais aussi des offres en France.
« Je n’avais pas vraiment prévu de rejouer en France »
Gardez-vous une connexion avec Cholet ? Avec des joueurs en particulier, comme Rudy Gobert ?
J’ai beaucoup appris à Cholet. Sur moi-même comme en basket. J’ai compris le travail qu’on devait fournir pour atteindre ses objectifs. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur beaucoup de gens, dont Sylvain Delorme et Jean-François Martin au niveau de l’encadrement, mais aussi sur mes coéquipiers. Des garçons comme Vafessa Fofana, Bruno Cingala-Mata et Rudy Gobert bien sûr, avec qui je suis toujours en contact. Il a été drafté un an après mon départ pour les États-Unis, donc on était sur le même fuseau horaire ou presque. On s’entendait très bien en centre de formation, on passait beaucoup de temps ensemble sachant qu’on a tous les deux à peu près le même caractère. On s’écrit régulièrement, et on essaye de se voir quand on peut. Il est venu me voir jouer en playoffs l’an dernier à Bonn, sachant qu’on s’entraîne ensemble l’été. C’est un gars génial. Il est resté lui-même, très humain, malgré le succès et le statut qui est le sien aujourd’hui. Ça fait plaisir de le voir progresser d’année en année. C’est un bosseur, qui en veut toujours plus. C’est ce qui fait sa force et ce qui explique son parcours.
Malgré quatre années passées à CB, vous n’aviez jamais joué en professionnel en France. Aviez vous pour projet de rejoindre la Betclic ÉLITE un jour ?
Je n’avais pas vraiment prévu de jouer en France. Mais avec mon statut de JFL, je savais que c’était une possibilité. Et au final c’est grâce à ça que j’ai pu suivre Tuomas à Paris. Mais encore une fois, ce n’était pas un projet de carrière à la base. J’étais dans ma zone de confort en Allemagne, je connaissais le championnat, les joueurs, les arbitres etc. L’opportunité s’est présentée et j’ai pas hésité une seconde. Mais si Tuomas n’avait pas signé à Paris, je ne serais pas là.
On dit souvent que le championnat de France est très athlétique. Quelle est votre impression sur la Betclic ELITE, notamment en comparaison du basket allemand ?
C’est très athlétique et très physique, c’est clair. Et le talent individuel des joueurs est supérieur à celui des basketteurs de Bundesliga. C’est ce que je remarque sur ces premiers mois de compétition. En revanche sur le plan tactique, j’ai le sentiment que le niveau est meilleur en Allemagne. Ce que j’apprécie le plus ici, ce sont les responsabilités qui sont données aux joueurs locaux. Les Français jouent et ont des rôles importants. Ça se traduit par des contingents importants en EuroLeague et en NBA. En Allemagne, où on peut aligner six étrangers par équipe, on a tendance à négliger nos joueurs locaux et à trop faire appel aux américains.
« En terme médiatique, on aurait pu faire plus
en Allemagne après le titre de champion du monde »
Sous-entendez-vous qu’il y a un problème de formation en Allemagne ? Un problème de talent ?
On n’a pas moins de talent en Allemagne qu’en France ou en Espagne. Le vrai sujet, c’est le terrain d’expression qu’on leur donne. Les U18 ont terminé troisièmes du dernier Euro donc on n’a pas de souci en ce qui concerne le talent et le potentiel. Mais à part deux ou trois équipes, comme le Rasta Vechta, qui jouent la carte jeune en Allemagne, le contexte ne leur est pas très favorable. D’autant qu’il n’y a pas comme en France des centres de formations affiliés à des structures professionnelles pour les accompagner dans leur développement. Le chemin n’est pas facile pour passer pro. C’est un vrai souci.
Vous avez disputé quatre matchs avec la Mannschaft lors des fenêtres de qualification pour la coupe du monde 2023, remportée par l’Allemagne. Avez-vous suivi leur parcours cet été et avez-vous été étonné de les voir gagner le titre ? Quelle résonance a eu cette victoire outre-Rhin ?
J’ai suivi l’évènement du début à la fin. Je connais la majorité de l’équipe. C’était vraiment énorme. Au départ, je ne les voyais pas gagner la compétition. C’est venu petit à petit. On voyait que l’équipe tournait bien, qu’il y avait une grande cohésion dans le groupe et une identité de jeu. Et quand on a tapé les États-Unis, je me suis dit qu’on pouvait vraiment aller au bout. Au final c’est la victoire d’un collectif, avec des mecs qui se connaissent depuis plus desix ans pour certains, comme Johannes Voigtmann et Daniel Theis, avec qui j’ai joué en U20. Dennis Schröder a deux ans de moins que moi, mais il fait partie de la même génération. On a réussi à allier des joueurs comme ça, dans la fleur de l’âge, à quelques jeunes pépites, parmi lesquelles les frères Wagner. Mais j’ai du mal à savoir si le titre aura un véritable impact. Il faudra voir l’évolution du nombre de licenciés sur les prochaines années, et regarder si l’engouement pour le basket grandi, notamment par rapport au football, tout puissant en Allemagne. Au niveau médiatique en tout cas, j’ai le sentiment qu’on aurait pu en faire plus au regard de l’exploit accompli par la Mannschaft.
Propos recueillis à la Halle Carpentier,
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