Frédéric Fauthoux – Laurent Vila, l’interview croisée du duo phare de la nouvelle ère des Bleus
Frédéric Fauthoux est le nouveau sélectionneur de l’équipe de France, tandis que Laurent Vila fera partie de son staff technique
Vendredi 1er novembre, 16h20 : dans un hôtel de la périphérie de Bourg-en-Bresse, Frédéric Fauthoux (51 ans) et Laurent Vila (49 ans) se tombent dans les bras. L’instant n’est pas tout à fait anodin : depuis leur nomination officielle à la tête de l’équipe de France, c’est la première fois que les deux hommes se revoient en vrai.
Bientôt associés à la tête des Bleus, avec Bryan George comme autre adjoint, les deux hommes sont amis de longue date. Depuis le début des années 2010, et une première collaboration au sein du centre de formation de l’Élan Béarnais : l’un était entraîneur des benjamins, l’autre en était le directeur technique. De la nouvelle génération paloise jusqu’à l’équipe de France, ils ont mené une belle ascension parallèle entre-temps, devenant tous les deux coachs en Betclic ÉLITE alors qu’ils n’y étaient pas forcément prédestinés. Freddy Fauthoux a d’abord été adjoint aux sports à la mairie de Pau, avant de plonger dans ce métier pour dépanner l’équipe poussins B de son fils qui manquait d’un entraîneur, tandis que Laurent Vila a fait toutes ses classes sur un banc à partir de 1996, mais a dû attendre 22 ans pour diriger un match en première division.
À l’approche d’un moment fort dans leurs carrières respectives, avec cette première fenêtre internationale, qui verra la nouvelle équipe de France s’opposer deux fois à Chypre cette semaine, nous les avons réunis pour un entretien croisé. Pendant plus de 30 minutes, Freddy Fauthoux et Laurent Vila ont raconté leur amitié, leur héritage béarnais, leur vision du métier d’entraîneur et leur future aventure avec les Bleus.
À quand remonte votre première rencontre ?
Laurent Vila : Je suis arrivé à Pau en 1999-2000 pour m’occuper des jeunes sur le centre de formation. C’était l’époque où Freddy jouait encore. Moi, je le regardais simplement depuis le bord du terrain, avec toute l’équipe pro.
Donc vous ne vous côtoyiez pas à l’époque ?
Frédéric Fauthoux : Oh si, forcément, quand même. On se saluait quoi ! (Laurent Vila rigole) On se croisait, on se parlait. Vous savez, l’Élan Béarnais, il y avait une vraie relation entre tous. Du moins, ça l’a été et j’espère que ça va le redevenir. Il y avait une culture de jeu quasi-identique des pros jusqu’aux jeunes. Moi, je le jouais et Laurent est venu l’apprendre. Il y avait des professeurs, entre guillemets, à l’époque : les Claude Bergeaud, Frédéric Sarre, Jacky Commères, etc. Jacky était encore là ?
LV : Oui, oui. Moi, j’étais assistant de Jacky.
FF : Je pense que nous avons été branché, lui par l’entraînement et moi en tant que joueur, par rapport à cette façon de jouer.
Laurent, quelle était votre image du joueur Frédéric Fauthoux ?
LV : Un sniper. Qui mettait les tirs qui pouvaient faire basculer un match. Un gars qui ne lâchait rien, qui défendait tout ce qu’il pouvait. Et un vrai râleur aussi (il éclate de rire) !
FF : Que je suis resté d’ailleurs…
« Devenir entraîneur en Betclic ÉLITE ? Pas du tout un objectif »
F. Fauthoux
Il parait quand même que vous faisiez des concours de shoots à l’époque ?
LV : Moi, je m’en souviens oui. Ça me plaisait bien d’ailleurs. On s’est mis à faire ça après 2-3 ans, quand j’étais un peu plus à l’aise. Avec Artur (Drozdov), Lolo (Foirest)… Je ne sais pas si tu t’en rappelles ?
FF : Si si, très bien !
LV : Moi, c’était mon moment un peu sympa avec eux puisque je ne jouais pas et que je devais être cinquième assistant. Là, je pouvais partager un petit moment avec eux sur le terrain donc c’était chouette.
Qu’est-ce qui vous a rapproché ensuite alors ?
FF : Quand j’ai commencé à être éducateur, Laurent était bien ancré au sein de l’Élan Béarnais de par sa formation. Quand il était responsable du centre de formation, j’avais les poussins (U11) depuis un petit moment et je me suis mis à avoir les benjamins (U13). Tous les lundis, on se faisait une petite réunion de débriefing du week-end, la mise en place de la semaine. Personnellement, je venais en titre d’entraîneur des benjamins parce que j’avais des gamins qui pouvaient éventuellement entrer en U15 ÉLITE. Laurent chapeautait tout ça. Je me trompe ?
LV : Non, c’est ça. J’étais à la direction technique du centre de formation et assistant chez les pros à ce moment-là. En fait, quand on est dans un club, même professionnel, on partage une passion commune, on est là pour le club. Je ne vais pas dire que c’est un milieu associatif mais tu retrouves un peu cette atmosphère d’échange, de partage. Le lien commun, c’est la passion du basket.
FF : C’est exactement là où on a commencé à travailler ensemble. Après, j’ai pris la Nationale 3 et là, c’est devenu une collaboration encore plus proche.
LV : Parce qu’on avait des joueurs en commun. Les Pierre Pelos…
FF : (il poursuit) Bastien Pinault, Paul Turpin, Sébastien Cape…
LV : Ils devaient être Espoirs…
FF : Mais le club était en Pro B.
LV : Ils s’entraînaient parfois aussi avec les pros je pense.
FF : Ah oui, tout à fait ! Le matin avec les pros, le mardi et le jeudi avec moi. Je n’avais pas trop le temps puisque j’étais aussi adjoint aux sports à la mairie de Pau. Je ne pouvais pas tout faire (il rit)
LV : Un autre métier quoi !
Freddy, était-ce aussi une volonté de vous inspirer de Laurent Vila ou des autres entraîneurs de l’Élan à l’époque ?
LV : Si si, il s’est beaucoup inspiré de moi ! (il éclate de rire) Énormément !
FF : Inspiré, peut-être que le mot est grand mais j’écoutais, oui. Lui était entraîneur depuis un petit moment : il connaissait des choses, il connaissait le jeu. Laurent a toujours été très intéressé par plein de choses autour de l’entraînement : le management, la préparation mentale ou physique. On échangeait beaucoup de ce qu’il observait, percevait. Moi, je prenais note. Vu que je n’avais pas son vécu, je parlais toujours de mon expérience. Je pense qu’on a très vite vachement partagé parce que c’était intéressant. On échangeait beaucoup sur la formation, les joueurs en devenir de l’Élan Béarnais, la façon dont il fallait les faire jouer. Ce qui est sûr, c’est que je ne leur apprenais rien. Laurent avait beaucoup d’avance par rapport à la mise en place, la vision globale d’une saison de jeunes, etc.
Avec l’Élan Béarnais en dénominateur commun, comment peut-on définir l’héritage palois qui demeure potentiellement en vous ?
FF : Je ne vais pas parler pour Laurent mais c’est cette notion du jeu qui existait, qui nous animait. Ce partage de ballon, qui était vraiment une identité très forte à l’Élan Béarnais. Une culture de la gagne ancrée en nous. La volonté de défendre un club, un maillot, avec la volonté de gagner absolument. C’est ce que j’essaye d’inculquer au fur et à mesure que les équipes passent. Je ne sais pas quelle vision avait Laurent en tout cas ?
LV : C’est similaire dans le sens de la richesse du jeu, le jeu collectif. Et l’état d’esprit, l’atmosphère, le travail d’équipe. Que ce soit le staff ou les joueurs sur le terrain.
« J’admire le fait que Freddy ait gardé son tempérament entre ses deux carrières »
L. Vila
Donc on peut vraiment parler d’héritage palois ? Ce n’est pas un terme galvaudé…
FF : Pour moi, non. C’est vraiment le cas.
LV : Au contraire, même. Je trouve que c’est plutôt reconnaissant envers l’Élan Béarnais et c’est clair qu’on a une part d’héritage.
Trouvez-vous d’autres inspirations communes que l’Élan Béarnais ?
FF : Sincèrement, on ne s’est jamais trop demandé : « Quel coach t’inspire, quel coach ne t’inspire pas ?! » En tout cas, je n’en ai pas le souvenir. Après, on a une inspiration, des facilités, quelque chose que l’on pense maîtriser mais on veut toujours évoluer. On a une base mais les joueurs évoluent, le monde évolue, les équipes changent très vite. Ce n’est pas toujours évident de mettre en place tout ce qu’on a envie. Je pourrais citer plein d’inspirations. Je n’ai jamais caché que j’ai toujours regardé plein d’entraîneurs, pioché beaucoup de choses à droite à gauche, mais uniquement par rapport à ce que j’avais envie de mettre en place. C’est plus comme ça que je regardais les autres, non pas me dire que je voulais faire comme eux. Parce que dans mes équipes, je n’ai encore jamais eu de Shane Larkin, Mike James ou Dimitris Diamantidis…
À cette époque-là, sans même parler des Bleus, devenir coach en Betclic ÉLITE, était-ce un objectif pour tous les deux ou pas spécialement ?
LV : Moi, je n’ai jamais eu une ambition de fou pour être entraîneur pro. Et pour autant, quand tu es dans cet univers-là, en progressant petit à petit, on peut te le proposer. C’est une opportunité possible.
FF : Ah moi, pas du tout ! C’est que lorsque j’ai commencé à faire les équipes de France U16 et U20 que j’ai voulu rebasculer dans le monde pro. La NM2 était devenue compliquée pour plusieurs raisons mais ce sont ces étés en sélection qui m’ont donné l’envie. Alors j’aurais bien aimé commencer là où on travaillait à l’époque (à Pau)… Mais ça n’a pas été possible. Une fois que j’ai eu fini de balayer le monde amateur en long, en large et en travers, là c’est devenu une volonté oui.
En 2015, vous partagez même un été ensemble dans le staff de l’équipe de France U20…
FF : Tout à fait. Avec notre maître Aimé Toupane.
LV : Le maître (il rit) Tu t’en souviens exactement Freddy ?
FF : Ben oui.
LV : Parle alors. Moi, j’en ai fait plusieurs.
FF : On a terminé 4e alors que je pense qu’on aurait pu faire beaucoup mieux. On avait l’équipe pour aller…
LV : (il coupe) C’était qui la génération ?
FF : Mathias Lessort, Petr Cornelie, Guerschon Yabusele, Axel Bouteille, Timothé Luwawu-Cabarrot
LV : C’est l’année où Axel se pète au doigt et doit partir ?
FF : Oui, et où l’on perd contre les Turcs sur une sale zone des familles (défaite 61-70 contre l’Espagne en demi-finale et 74-84 face à la Turquie lors de la petite finale, ndlr). C’était Marko Guduric et la Serbie qui avaient gagné. Je pense qu’on aurait, au moins, pu aller en finale. Mais personnellement, ça avait été hyper enrichissant, sur et en dehors du terrain. J’en garde un très bon souvenir. Justement avec Laurent, qui est un vrai travailleur acharné. J’ai appris en le regardant. Parce que je suis moins travailleur que lui, ou pas de la même façon plutôt ! Le vrai adjoint d’Aimé c’était Laurent. Moi, j’étais pas mal en observation, on me faisait faire 2-3 trucs mais c’était la finalité du fait de passer mon diplôme.
« On a la même fibre de ne pas avoir peur de lancer des jeunes »
F.Fauthoux
Vous souvenez-vous de votre premier match l’un contre l’autre en Betclic ÉLITE ?
FF : Ah non.
LV : Le premier, pas spécialement, mais je me souviens d’un match où tu étais venu à Pau avec les Metropolitans. Il y avait un meneur fou là, on avait fait un match incroyable (victoire des Mets 114-110 en double prolongation le 27 octobre 2019, ndlr).
Briante Weber…
FF : Ah oui ! La fois où il a fait la salutation au Palais. Ah, c’était contre toi ?
LV : Oui.
FF : Je ne savais même plus tiens. Oh putain (il rit)
LV : Moi, je m’en rappelle très bien de ce match… La rencontre avait été serrée et Freddy revenait à Pau avec Levallois, donc je m’en souviens. Et puis il y avait Weber qui était un joueur incroyable.
Votre premier match, c’était un Levallois – Pau en mars 2018 : victoire 87-61 des Mets…
LV : Non non, il y a une erreur dans le score (il rit)
FF : Bah, on avait maîtrisé là (les deux rigolent)
Dans vos confrontations marquantes, il y a cette double prolongation à Pau avec Weber, mais aussi un quart de finale de Leaders Cup en 2019…
LV : Ah oui, on l’avait perdu celui-là.
FF : Exact, pour les débuts de Neal Sako.
Ou les duels Risacher – Salaün l’an dernier…
FF : Là, ça fait 1-1.
Oui, mais 2-0 pour Cholet contre Bourg sur la saison précédente…
LV : Ouais, c’était facile il y a deux ans (les deux rigolent)
J’imagine que vous ne connaissez pas le bilan de vos confrontations directes ?
Les deux ensemble : Non…
5-4 pour Frédéric (entretien réalisé la veille de la victoire de Strasbourg à Ékinox, qui porte donc le bilan à 5-5, ndlr)…
FF : Oh, putain !
LV : Ah il faut égaliser demain alors !
FF : Ça ne nous arrangerait pas tiens…
« Laurent, c’est monsieur Basket : je ne lui connais pas d’autre passion »
F. Fauthoux
N’est-ce pas un peu plus difficile, entre guillemets, de coacher contre quelqu’un que l’on connait si bien ?
FF : Pour moi, non. Après, à force de jouer les uns contre les autres, on commence à connaître ce que peuvent faire les autres et on essaye d’anticiper. Bon là, c’est Lolo donc c’est différent. On s’est côtoyé pendant longtemps à Pau mais on était surtout très concentré sur la formation, comment faire évoluer des gamins, comment anticiper les potentiels de très haut niveau. Sur le monde pro, on n’a jamais trop échangé longuement sur l’évolution du jeu. Pas assez à mon goût. On va se servir de l’équipe de France pour ça. En tout cas, j’y compte bien.
LV : C’est ça. On s’est plutôt scouté, ou regardé l’un l’autre, comme on regarde les collègues. On voit des similitudes, des évolutions, et on s’adapte toujours aux joueurs que l’on a. En faisant l’EuroCup, il ne peut pas faire la même chose que moi, on n’a pas la même équipe. Je pense que tu fais moins de scouting aussi, moins de préparation, ou une préparation différente, parce que tu n’as pas le temps avec deux matchs par semaine.
Donc une philosophie différente quand même ?
FF : Cette année, pas tellement je trouve.
LV : Un petit peu en défense quand même.
FF : En attaque, je ne sais pas qui s’est inspiré de qui mais je trouve qu’on se ressemble cette saison.
LV : C’est vrai. Il y a beaucoup de points commun.
Quel regard portez-vous sur vos carrières respectives en tant que coach ?
FF : Je trouve que Laurent fait du super travail. Il a été coach de l’année il y a deux ans, ce n’est pas le fruit du hasard. J’aime beaucoup comment ses équipes évoluent en permanence et progressent tout au long de la saison. Je ne suis pas surpris de ça. Si c’était l’inverse, je pense qu’on ne serait pas ensemble en équipe de France non plus (il rit). Mais on a la même fibre de ne pas avoir peur de lancer des jeunes et de les faire évoluer. C’est un signe qui nous lie beaucoup, avec les résultats que l’on connait.
LV : Ce que j’admire, c’est le tempérament qu’il a gardé entre sa carrière de joueur et sa carrière d’entraîneur. Le fait d’entretenir cette culture de la gagne, d’amener la gnaque, de montrer que la voie est possible. L’an dernier, vous arrivez en finale d’EuroCup. Bon, ça passe à côté mais tu sais ce que c’est d’arriver en finale, c’est déjà un gros parcours. Je pense que ça va se retranscrire en équipe de France. Ça, c’est un tempérament, un caractère.
Y-a-t-il une qualité que vous aimeriez bien prendre chez l’autre ?
FF : (il réfléchit) On voit que les équipes de Laurent sont étudiées et qu’il a une vision à long terme du jeu qu’il veut développer. On voit très bien comment il veut les faire jouer et souvent, il y arrive. C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup chez lui. Je ne dis pas que je ne l’ai pas mais j’imagine que Laurent l’a travaillé différemment que moi. Je pense que j’arrive plus à sentir et faire faire tandis que Laurent est plus réfléchi. Ça correspond aux qualités de chacun.
LV : Moi, ce serait le fait de galvaniser les gars sur les matchs clefs. Faire en sorte qu’il y ait la bascule par le jeu mais aussi la mentalité sur le terrain.
Quid de vos personnalités ?
FF : Laurent, c’est monsieur basket ! (Laurent se met à rigoler) En fait, je ne connais pas ses autres passions.
LV : Alors que moi, je connais sa passion pour la soirée (il rit) Toi, tu vas plus boire des coups que moi.
FF : Tout à fait ! Il faut que ces moments conviviaux existent.
« Un gros souci » à cause de… bières dans le bus
Après un titre de champion d’Europe à Riga l’année prochaine par exemple…
LV : Ah mais là, on va faire une fiesta de ouf !
FF : Je vais vous expliquer pourquoi Laurent parle de ça : un jour, on avait eu un gros souci quand il était directeur du centre de formation. Moi, j’adorais que mes équipes, au retour du match, profitent de ce moment convivial qu’est le bus. Donc on mettait à disposition deux bières chacun. Et Laurent l’avait appris ! Alors on avait eu un gros débat là-dessus : chez lui, c’était interdit et moi je lui disais : « Ben non, quand même, il faut qu’ils profitent de leurs 20 ans quoi ! » C’était monté assez haut… Je lui avais donné des exemples d’anciens coéquipiers fantastiques mais qui étaient complètement ailleurs après chaque match. Mais ce n’était pas passé pour Laurent.
LV : Ah moi j’étais un peu choqué sur le coup, je l’avoue. C’étaient des cartons de bière à l’entrée de la salle.
FF : Bon OK, en fait, on avait débarrassé le bus et on avait laissé tout ça à l’entrée de la salle où des jeunes jouaient le dimanche matin. Il m’a dit qu’il y avait deux erreurs (ils rigolent).
Et qui a gagné le débat alors ?
FF : 50-50, toujours. Regarde, ils sont quasiment tous pros maintenant.
LV : Et il y en a sûrement qui continuent à boire des bières (ils rigolent).
Parlons équipe de France… Freddy, comment a germé l’idée de faire de Laurent votre adjoint ?
FF : C’était ma priorité. Et d’ailleurs, ce n’est pas une idée qui a « germé »… Si j’avais l’honneur et la chance d’obtenir ce poste-là, je le faisais obligatoirement avec Laurent. Pour toutes les raisons évoquées auparavant et parce que je nous pense ultra-complémentaires dans la façon de travailler. C’était important pour moi. Je n’ai pas réfléchi, c’était une évidence.
Pourquoi votre binôme vous semble-t-il complémentaire ?
FF : Je pense que je suis assez réfléchi quand même bien sûr. Ce que je fais, ce n’est pas le hasard : je ne me lève pas le matin en me disant que je vais faire ça car je le sens bien. Mais c’est parce que ça me semble naturel en fait. Alors que je sais sais que derrière toutes les décisions de Laurent, il y a une réflexion très longue : « Telle équipe fait ça, une autre fait ça, en Espagne ils font ça, en Serbie ils font ça, etc ». Moi, je ne me pose pas toutes ces questions-là. Je suis vraiment différent de lui. Ça me semble beaucoup plus naturel, peut-être parce que je l’ai vécu (en tant que joueur).
Et complémentaire dans le vécu aussi, avec deux façons bien distinctes d’arriver au plus haut niveau…
FF : Tout à fait. Mais c’est normal ça ! Il y a bien des chefs d’entreprise qui ont commencé en tant qu’ouvrier dans leur usine…
« Sélectionneur, je le faisais obligatoirement avec Laurent en adjoint »
F. Fauthoux
Quand vous vous replongez 12 ans en arrière, l’un en NM3 et l’autre au centre de formation, c’est une belle histoire que de se retrouver désormais en équipe de France ensemble ?
LV : Déjà, je suis reconnaissant envers Freddy pour sa décision, et celle de la fédération. C’est un honneur et une forme de fierté de s’être connus à ce moment-là…
FF : Ah oui, évidemment !
LV : Parce que ce n’est pas n’importe où. Et d’avoir fait le parcours que l’on a fait, pour dorénavant y être. Mais c’est une mission. Il y a tout à faire maintenant, ce n’est pas une fin en soi.
Était-ce une évidence d’accepter ce rôle d’adjoint ?
LV : Bien sûr. Parce que c’est l’équipe de France. Parce que c’est Freddy. Comme dit, c’est un honneur, mais véritablement. Un honneur ++.
L’équipe de France prend de plus en plus une touche de Sud-Ouest : Boris Diaw et Frédéric Sarre en GM, Jacky Commères à la direction de la performance, vous deux sur le banc…
FF : Nous y sommes tous passés, oui. Cet héritage palois est en moi donc je ne vais pas le renier. Mais je pense qu’il y a une forme de hasard. Bien sûr que des haters vont dire que c’est une histoire de passe-droit. Je pense que c’est beaucoup de hasard si Boris est passé par Pau-Orthez et se retrouve désormais à ce poste en équipe de France. Ça aurait pu être quelqu’un d’autre mais ça tombe sur lui. Il se trouve, aussi, que ce n’était pas prévu que Fred Sarre se retrouve à ce poste-là. Mais si le dénominateur commun peut être l’Élan Béarnais, c’est très bien. Enfin, c’est très bien pour moi (il rit). Ça reste avant toute l’équipe de France.
Comment s’est articulé le travail à distance ces dernières semaines ?
FF : Beaucoup de visio-conférences. Depuis les nominations, c’est la première fois que l’on se revoit (entretien réalisé le vendredi 1er novembre, ndlr). On a fait des visios pour anticiper beaucoup de choses, construire l’équipe, parler du jeu, de tous les sujets nécessaires. Mais jusqu’ici, nous avons vraiment priorisé nos clubs car c’était le plus important. L’équipe de France n’empiète pas dans notre quotidien. S’il y a besoin, on prend vraiment des créneaux qui sont libres de tout : un jour de match, c’est impossible par exemple.
Un staff technique ne se limite pas qu’à deux coachs. Dans différents rôles, il y aura également Bryan George, Joseph Gomis, Pascal Donnadieu et Maxime Chiron. Avez-vous déjà une idée précise de comment sera réparti le travail entre les assistants ?
FF : J’en ai même une idée très précise. Mais je vais attendre la première fenêtre, qu’on le mette en place et que chacun soit à l’aise avec ce qu’on va proposer. J’ai déjà donné quelques missions aux uns et aux autres : il y aura quelqu’un pour la défense, quelqu’un pour des moments précis du match, quelqu’un pour des exercices spécifiques à l’entraînement, etc.
Vous disiez rêver un basket total pour l’équipe de France. Mais c’est quoi exactement un basket total ?
FF : C’est la formule choc de la conférence, qui a plu à tout le monde. C’est le basket que tout le monde a envie de développer (il rit). Pour le moment, on n’a rien inventé : il faut très bien défendre mais si tu veux gagner des choses, il faut quand même marquer beaucoup de points. Donc c’est total puisqu’il faut être bon en attaque et en défense. Quand l’Allemagne gagne à la Coupe du Monde, c’est exactement ce qu’elle fait. Le basket total, c’est un symbole, c’est une expression qui accroche mais c’est ce que tout le monde a envie de faire faire. Il y a de moins en moins d’équipes qui sont sous contrôle en permanence, aussi de par la qualité des joueurs qui a vachement évolué. Ils savent faire de plus en plus de choses, même si l’on voit de moins en moins de spécialistes. Du coup, on ose imaginer, vu que l’on va avoir plein de joueurs de top niveau mondial, que l’on puisse faire ce genre de basket.
LV : Personnellement, j’ai l’habitude de dire que la défense nourrit l’attaque, et que l’attaque nourrit la défense. Tout simplement parce que si tu scores en attaque, tu peux organiser ton repli défensif et si tu maîtrises ton rebond parce que tu as fait un stop, tu peux enchaîner sur du jeu de transition pour obtenir des paniers faciles.
FF : Donc c’est total (il rit).
LV : Tout est important. Quand on vous dit à un moment donné, « tel coach est plutôt défensif », vous croyez qu’il a oublié de travailler son attaque ? (Freddy rigole) Jamais. Tout est important.
« Le basket total, c’est ce que tout le monde a envie de développer »
F. Fauthoux
L’Élan Béarnais dans les années 90, c’était du basket total donc ?
FF : Ah oui. Clairement. Basket total, collectif. Parfois, je ne me rappelle plus comment on jouait et je me plonge dans des anciens matchs. Or, je retrouve des trucs qu’on faisait dans les années 90 qui ressortent aujourd’hui. On croit qu’on invente plein de choses mais on en faisait déjà beaucoup… Le fameux spanish pick, on le jouait déjà mais on ne l’appelait pas comme ça (il rit). C’était un écran dans le dos ! Regardez les images de Conrad McRae à l’époque, on ne lui faisait pas un spanish mais un écran dans le dos et il smashait.
Pau-Orthez a été précurseur alors…
LV : Non (il rit). Parce qu’Obradovic, il vous dirait que le Spanish pick, ça fait longtemps qu’ils le faisaient en Yougoslavie.
FF : Et il le faisait avec Diamantidis au Panathinaïkos. Il y a toujours une formule qui marque les esprits et ce sont les Espagnols qui ont réussi à le sortir avant tout le monde (il rit). Mais oui, à l’Élan Béarnais, on jouait un basket total, avec des joueurs de qualité, des entraîneurs de qualité et des formateurs de qualité.
Comme en équipe de France ces prochaines années ?
FF : C’est tout le mal que je nous souhaite.
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