Humiliés par le Canada d’entrée (-30), les Bleus déjà en grand danger
Et dire qu’on se plaignait déjà d’avoir du mal à respirer à Jakarta… Alors que les innombrables gratte-ciels de la cité javanaise sont constamment enveloppés dans un désagréable voile de pollution, comme floutés dans un manteau grisonnant, l’horizon des Bleus s’est encore considérablement embrumé en Indonésie : une gifle, une vraie (65-95 face au Canada), qui hypothèque grandement les chances de qualification de l’équipe de France pour les quarts de finale. « C’est terrible, on n’a plus notre destin en mains », soupirait Vincent Collet, sonné par l’ampleur du désastre, incapable de trouver trace dans sa mémoire encyclopédique d’une telle déroute, inédite depuis 1987 en compétition internationale.
Un -30 en forme de couperet en cas d’égalité à trois au deuxième tour ?
À l’issue d’une deuxième mi-temps cataclysmique (25-52), les vice-champions olympiques peuvent déjà redouter un fiasco absolu : la fin de leur série de trois podiums d’affilée, non seulement, mais surtout une élimination dès le premier tour de la compétition. Ce qui serait assez honteux, reconnaissons-le. Une faillite qui n’est pas totalement impossible : en cas de défaite dimanche contre les shooteurs baltes, impressionnants en ouverture face au Liban (109-70), les Bleus seraient condamnés à jouer les matchs de classement entre la 17e et la 32e place… Mais il ne faut pas non plus tirer des conclusions trop hâtives des résultats du jour : l’équipe de France est censée battre la Lettonie, doit battre la Lettonie. Toutefois, c’est le chemin vers les quarts de finale qui s’est largement rétréci. Le panier-average étant prépondérant en cas d’égalité à plusieurs, ce -30 représente un boulet difficilement surmontable. Ainsi, les tricolores vont désormais se muer en premiers supporters du Canada, désireux de les voir faire un sans-faute jusqu’à la fin du séjour indonésien. Et puis eux, de leur côté, joueront leur qualification face au Brésil et… l’Espagne, une perspective rarement réjouissante dans l’histoire et la tradition du basket français, faites de désillusions perpétuelles face à la Roja.
Déjà tellement préjudiciable, cette correction est également aussi inattendue qu’incompréhensible. « Jamais je n’avais imaginé cela », admettait Vincent Collet. « Bien entendu que j’avais imaginé une défaite mais pas comme ça… C’est totalement inexplicable. » Surtout après une première mi-temps globalement encourageante (40-43), seulement ternie par une petite avalanche de balles perdues (9) qui avait permis au Canada de virer en tête à l’heure des vestiaires après avoir compté sept points de retard (28-21, 14e minute), au plus fort de l’exceptionnelle entrée de Mathias Lessort (7 points à 100%), seul soldat fiable au relais d’un Evan Fournier trop esseulé (19 points à 7/13). Mais l’arrière des Knicks s’est effondré à la reprise, cantonné à 2 unités à 1/6, comme l’ensemble de ses coéquipiers d’ailleurs.
Gilgeous-Alexander le grand
Une entame catastrophique, en forme de flot de mauvais tirs et de défenses douteuses, a directement fait plonger les Bleus (40-50, 22e minute), martyrisés par l’exceptionnel talent individuel d’un seul homme : Shai Gilgeous-Alexander, la star d’Oklahoma City (31,4 points de moyenne). Muet jusqu’à la 15e minute, le meilleur meneur de NBA s’est mis en route sur la ligne des lancers-francs, avant de livrer un récital absolu, aussi beau pour les puristes (et les 12 000 fans indonésiens, énamourés devant les arabesques du génie du Thunder) que douloureux pour nos yeux de Français : 13 points sur les sept premières minutes de la période, 19 unités à 70% en 12 minutes après l’entracte, 27 pions au total (avec 13 rebonds et 6 passes décisives). « Shai a fait du Shai », commentait Rudy Gobert. « Mais si on l’avait coupé du reste de son équipe au lieu de lui donner des shoots d’entraînement, peut-être que cela aurait été un autre match. C’est ce qu’ils nous ont fait. »
Doté d’une ligne arrière incroyablement athlétique, avec les buffles Luguentz Dort ou Dillon Brooks collés aux basques de De Colo et Fournier (ce qui contrastait tragiquement avec la défense négligeable d’Okobo sur SGA en début de deuxième mi-temps), le Canada n’a pas cessé d’harceler les Bleus, à la limite de l’agression physique permanente. « Ils nous ont sorti de nos systèmes, nous ont forcé à effectuer des choses qu’on ne fait pas d’habitude », regrettait l’arrière des Knicks. « Ils ont coupé notre jeu en nous forçant à prendre des décisions rapides et de mauvais tirs », renchérissait Rudy Gobert, certes encore optimiste pour la suite. « Parfois, cela fait du bien de se prendre un bon crochet pour se remettre les idées en place. On sait que le match de dimanche sera éliminatoire. Avec cette mentalité, on ne va pas aller très loin. C’est à nous de changer d’état d’esprit et je pense que le reste va suivre. Il n’y a pas de colère. C’est une grosse défaite : il faut la prendre, l’encaisser, la digérer. On sait tous, et on va tous savoir, ce qu’on doit mieux faire. » Où trop de défaillances individuelles de leaders (0 point et 0 passe pour Nicolas Batum qui a pris son premier tir à la 27e minute, 4 points à 1/4 pour Guerschon Yabusele, 8 points et 4 balles perdues pour Rudy Gobert, qui s’est lui-même qualifié « d’inexistant ») sont venues se rajouter au projet collectif déjà bancal du jour. Oui, vraiment, l’air est lourd à Jakarta…
À l’Indonesia Arena,
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