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[Édito] La France dominée par l’Espagne en finale, comme un symbole

Tout au long de l'été, le basketball espagnol a cumulé les succès au contraire du basketball français. Pourtant, on pensait que le basketball français finirait par prendre le dessus. Erreur...
Crédit photo : FIBA

Le basket est un sport qui se joue à cinq contre cinq et à la fin, c’est l’Espagne qui gagne. La célèbre citation de Gary Lineker, après une défaite anglaise contre l’Allemagne en demi-finales de la Coupe du Monde de football 1990, peut désormais être modifiée. Malgré le départ à la retraite de los Niños de Oro – la génération de Pau Gasol et de Juan-Carlos Navarro -, le basket espagnol continue de tout rafler en Europe. Pourtant, avec les fins de carrière internationales des supposés derniers joueurs cadres (Sergio Rodriguez, Marc Gasol) et les blessures des autres (Ricky Rubio, Sergio Llull, Alberto Abalde…), le soi-disant manque de renouvèlement des joueurs très haut-niveau – en partie du au temps de jeu accordé aux Espagnols en Liga Endesa – et la montée en puissance du basketball français, on pensait que la hiérarchie finirait par s’inverser en faveur du basket français à terme.

A la Coupe du Monde U17 à Malaga, l’Espagne a donné une leçon à la France en demi-finales (photo : FIBA).

L’été 2022 devait faire office de bascule, après la médaille d’argent aux Jeux olympiques 2021 des garçons et la première place européenne des filles sur cette même compétition, avec une victoire en quarts de finale contre l’Espagne, par ailleurs absente de la Coupe du Monde 2022. Surtout, les équipes de France jeunes étaient sur le papier plus excitantes que jamais après des campagnes non moins excitantes, les Coupes du Monde U17 2018 (deux finales contre les États-Unis) et celle en U19 masculin de 2021 (-2 contre les États-Unis). Mais non. Cet été, le basketball espagnol a atteint TOUTES les finales des compétitions jeunes (Euros U16, U18 et U20, Coupes du monde U17) chez les garçons comme chez les filles. De son côté, le basketball français a cumulé les échecs, tout en ayant fini dans le Top 5 à chaque compétition. Lors des Coupes du monde U17, les Français ont d’ailleurs buté sur l’Espagne en demi-finales, face à des équipes plus à l’aise sur les matches couperets notamment grâce à leur grinta, leur résistance à la pression et leur culture technico-tactique. Seule l’équipe de France U16 féminine a tiré son épingle du jeu, à la toute fin de l’été, en remportant la finale de l’Euro U16 contre… l’Espagne, après prolongation. Son sélectionneur, Arnaud Guppillotte, illustre technicien fédéral ayant remporté moult médailles, nous a partagé son point de vue quant à la domination espagnole :

« C’est une vaste question, nous en avons beaucoup parlé pendant l’été entre les coachs. Je pense déjà qu’il manque une identité pédagogique.  Pour moi, « les joueuses doivent plus penser à jouer que jouer en pensant ». En France, nous avons une identité très professorale qui vient du siècle des lumières, des universités, de la renaissance, de l’intellectualisme… Donc l’entraîneur sait, il a le savoir et le dispatche aux joueuses et elles écoutent religieusement. Mais, nous ne nous intéressons pas réellement à ce qu’elles savent déjà faire. Pour moi, il faut utiliser le savoir de la joueuse. Je dis ça, car les Espagnoles ont un style pédagogique différent, c’est du laisser jouer, elles sont joueuses. Moi, à l’entraînement je les laisse jouer et après, je leur demande ce qui n’a pas été. Ce qui nous manque, ce n’est pas la technique, car techniquement nous sommes dix fois meilleures que l’Espagne par exemple sur la gestuelle de tir. Nous techniquement, tactiquement et physiquement, nous sommes  bons, mais il nous manque la fluidité, donc le jeu. Ma philosophie est de dire le jeu appartient aux joueuses, donc moi, je suis juste là pour mettre des limites. »

Alors que faire ? Le président de la Fédération française de basketball (FFBB), Jean-Pierre Siutat, n’a pas manqué de qualifier l’été de « décevant » pour les équipes de jeunes.

Après la dernière compétition estivale, la Coupe du Monde 2022, Jean-Pierre Siutat réunira sans aucun doute, en compagnie du Directeur Technique National (DTN) Alain Contensoux, les cadres techniques nationaux pour déterminer les raisons de ces échecs répétés, tout en dressant un bilan du 3×3 beaucoup plus enthousiasmant, sans pour autant se reposer sur ses lauriers. Mais en matière de bilan, la finale de ce dimanche 18 septembre a d’ores et déjà tout réuni à notre goût :

  • L’approche mentale de la rencontre, avec des Espagnols d’attaque d’entrée et des Bleus a contrario tendus, à l’image du premier tir de Guerschon Yabusele, raté quand toutes ses premières tentatives des précédents matches entraient dans le filet.
  • Le body-language (langage corporel) s’est encore avéré bien différent. Comme toujours, les Espagnols ont montré un incroyable esprit de corps et la grinta nécessaire pour se dépasser quand les Français semblaient parfois livides.
  • A ce jeu-là, les staffs ont affiché une différente émotionnelle forte, avec une décontraction / retenue plus importante de la part de Sergio Scariolo sur les temps faibles quand Vincent Collet a semblé moins sous contrôle. Une différence souvent vue sur les compétitions jeunes.
  • Une domination espagnole dans l’intensité, l’activité et même dans la dureté quand on ne cesse de vanter les qualités physiques et athlétiques françaises.
  • Une fluidité dans le jeu, avec des décalages et mismatches toujours exploités à merveille par les Espagnols. Du côté Français, les systèmes récités ont souvent été cassés et n’ont pas amené leur lot de bons tirs. Un basket récité retrouvé en équipe de France jeunes avec des formes de jeu, certes riches et adaptées au groupe, reproduites encore et encore avec une efficacité parfois suspecte.
  • La domination tactique espagnole, avec des variations défensives (box and one, triangle et deux etc.) et la rapide adaptation collective aux choix français, ainsi qu’aux faiblesses tricolores a été criante.
  • Le faible nombre de créateurs dans le jeu français. Le cinq majeur en tête, avec trois joueurs ayant un impact avant tout défensif (Albicy, Tarpey et Gobert). Si notre fameux réservoir pullule d’options à l’intérieur, le présent et le futur de notre ligne arrière inquiète si aucun joueur ne passe un cap. L’absence d’un patron dans le jeu tel que Nando De Colo laisse entrevoir ce que pourrait être la suite.
  • La maîtrise des fondamentaux reste clé. Quand la pression défensive se fait plus forte, que l’adversaire rentre dans la tête, il est difficile d’adresser une passe de qualité. Le temps de réaction, le touché de balle, la concentration et la rigueur font parfois défaut chez les joueurs français. Ils ont très souvent commis des pertes de balle d’apparence grossières. Mais la reproduction de ces erreurs confirme un fait malheureux : certains fondamentaux français doivent être renforcés.
Joueur de Malaga depuis quatre ans, Jaime Fernandez s’est rendu très utile sur cet EuroBasket 2022. Encore plus en finale (photo : FIBA).

En prenant en compte tous ces facteurs, des joueurs de rôle espagnols tels que Jaime Fernandez ou Alberto Diaz ont su se sublimer le jour J, eux qui ont pu prendre confiance en suivant leurs leaders et en épousant parfaitement le projet de jeu mis en place, basé sur la richesse du basket espagnol qu’ils pratiquent depuis toujours. Il est de coutume d’entendre dans les staffs espagnols des équipes nationales jeunes que les Français présentent bien plus de potentiels dans leurs effectifs, mais que les équipes ibériques sont tout simplement meilleures. Un constat que l’on peut retrouver au niveau sénior, avec peut-être plus d’individualités mais une incapacité à produire un jeu collectif du même acabit.

Non, la FFBB ne peut pas tout changer à elle seule

Il serait d’une grande malhonnêteté intellectuelle de croire que la FFBB peut révolutionner l’ADN du basket français en deux ans, avant les Jeux olympiques de 2024, et que l’institution de la rue du Château-des-Rentiers a le pouvoir de tout changer dans le basket français à elle toute seule. De la même manière qu’il est trop facile de croire que des changements de staff technique entraîneraient des effets positifs en équipe nationale dans la foulée. Non, qu’on se le dise à deux ans de Paris 2024, le problème est avant tout culturel : la culture sportive espagnole, du moins en matière de sport collectif de salle, est supérieure à la française. Les jeunes espagnols ont un emploi du temps extra-scolaires qui leur permet de pratiquer leur sport plus tôt l’après-midi et plus souvent que deux fois par semaine, ils vont dans les salles, regardent les rencontres télévisées (Liga Endesa, EuroLeague) et apprécient le beau jeu avant de le reproduire. La passion dans les salles, avec des parents actifs, des entraîneurs formés à l’école espagnole, est plus forte. Tout ceci, la FFBB ne le maîtrise pas ou peu. Et quand bien même elle modifierait sa politique d’entrée sur les Pôles régionaux (à partir de U14) et nationaux (à partir de U16), en privilégiant les aspects basket à l’aspect physique, le changement dans les productions en équipes nationales ne se ferait sentir qu’à très long terme.

D’autres Français vont-ils suivre le chemin de Guerschon Yabusele, devenu l’un des joueurs clés de l’équipe de France ? (photo : FIBA)

Autrement, l’exil répété des jeunes talents français doit amener à une réflexion commune de la part de la FFBB et de la LNB, en y conviant les agences de joueurs, si importantes dans le cursus des jeunes pouces et qui auraient certainement des réflexions à partager. Car les plans de carrière des jeunes générations actuelles (de 1998 à 2001), qui n’arrivent pas à s’installer au plus haut-niveau, sont à revoir. Avec plus de recul car il est de la génération 1995, Guerschon Yabusele en est peut-être le meilleur exemple. Parti à 21 ans en NBA, il n’a pas eu de vraie chance sur place car il n’était sans doute pas encore tout à fait prêt. Prêt, il le serait peut-être maintenant, après avoir réalisé des progrès faramineux en EuroLeague dans un premier temps (ASVEL puis Real Madrid). Des performances en EuroLeague qui lui ont ouvert les portes du plus haut-niveau international, aux Jeux olympiques puis à l’Euro, et donc permis de passer un nouveau cap. Bien nombreux sont les jeunes français à suivre le même chemin : s’expatrier faute de projet convenable à leurs yeux et ceux de leur entourage, avant de se résoudre à revenir en Europe vers 23-24 ans, leur permettant ainsi de reprendre leur marche en avant.

Non, tout n’est pas à remettre en cause dans le basket français après une médaille d’argent. Le bon travail français permet aux Bleus d’aligner les médailles année après année. Mais si l’objectif assumé et unique devient l’or pour toutes les compétitions, alors oui, il y a un grand besoin de pousser pour réformer l’emploi du temps scolaire, de modifier l’offre sportive dès le plus jeune âge ou encore de mettre à disposition des cadres techniques professionnels bien avant l’entrée dans les Pôles Espoirs. En espérant pouvoir un jour cumuler les succès grâce à un jeu moins stéréotypé et bien plus léché. Du beau basket efficace en somme. À l’Espagnole…

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