Adrien Moerman choisit l’exil à Taïwan : « J’ai toujours les capacités pour réussir au plus haut niveau »
Après Steven Guinchard, Adrien Moerman va devenir l’un des pionniers français à Taïwan
Il a longtemps espéré, attendu que le téléphone sonne avec un coup de fil en provenance de l’EuroLeague. Mais l’appel tant désiré n’est jamais arrivé. Bien sûr, la ligne d’Adrien Moerman n’est pas restée complètement inactive, avec, par exemple, le BC Dubaï qui voulait en faire une figure de son nouveau projet. « J’ai refusé beaucoup de choses car je voulais vraiment revenir en EuroLeague« , glisse l’intérieur français.
Le Francilien a notamment repoussé un pont d’or de Trabzon, pensionnaire de deuxième division turque, qui lui proposait la somme colossale de 60 000 dollars par mois. « Je ne me voyais pas aller en D2 alors que je sais que j’ai les capacités pour jouer au plus haut niveau. » Même raisonnement pour la Betclic ÉLITE : le SLUC Nancy a tenté de faire revenir son ancien poste 4 (2011/12), Le Portel est également venu aux nouvelles. « Éric Girard m’a appelé, il était surpris que je sois encore sans club. Mais j’ai dit non, je voulais vraiment viser plus haut et jouer à l’étranger. » Ou alors il voulait avoir la possibilité d’inclure une clause de sortie, ce qui n’était pas garanti partout. Le retour en France attendra, mais ne se fera peut-être jamais…
Le Portel et Nancy ont tenté leur chance
À 36 ans, Adrien Moerman n’est toutefois pas le plus naïf du milieu. Malgré son CV étincelant, magnifié par un doublé européen avec l’Anadolu Efes Istanbul, il savait très bien que ses chances de retrouver l’EuroLeague, neuf mois après son dernier match en Russie (où il alignait ses statistiques les plus neutres en carrière avec 5,7 points à 37% et 4,4 rebonds de moyenne), devenaient quasiment nulles au fil des jours. « Au début, je me concentrais uniquement sur l’EuroLeague mais maintenant, avec la demi-saison qui s’est déjà écoulée, j’ai conscience que ce sera difficile. » Alors, l’ancien ailier-fort du Zénith Saint-Pétersbourg s’est mis à écouter une gamme bien plus élargie de prétendants.
Parmi eux, le Taipei Taishin Mars, pensionnaire du championnat taïwanais. En début de saison, Adrien Moerman avait déjà éconduit une écurie de TPBL mais les choses ont changé. Cette fois, l’ancien MVP de Pro A (en 2015 avec Limoges) a été bien plus sensible aux arguments déployés par l’actuel quatrième de la ligue locale (8v-8d). À tel point qu’il a apposé sa signature sur le contrat le mercredi 8 janvier, devenant l’un des tous premiers joueurs français de l’histoire à rejoindre le championnat taïwanais, après le binational Steven Guinchard.
« J’ai dit oui car je voulais vraiment jouer au basket », expliquait-il le week-end dernier, à quelques jours de son décollage pour Taipei, effectué ce jeudi matin. « En plus, c’est toujours sympa de voir un nouveau championnat. Mon but est de jouer là-bas à fond et de revenir en EuroLeague l’année prochaine. Si j’arrive à être bon et à retrouver du rythme, ce sera un peu plus facile de retrouver un bon club européen plutôt qu’en restant à la maison. » Reste que l’international français (12 sélections) s’apprête à vivre un saut dans l’inconnu, lui qui n’était encore jamais sorti du continent européen jusque-là, même si la présence d’une connaissance dans l’équipe (Michael Eric, affronté à sept reprises en Turquie) le rassure.
Maintenu en forme avec l’USA Toulouges
Avant de signer, Adrien Moerman a aussi fait ses devoirs et s’est infusé plusieurs séquences du championnat taïwanais, y compris un match entier de ses futurs coéquipiers. « On voit bien que ce n’est pas l’EuroLeague, que ce n’est pas un jeu à l’européenne, que le basket est différent », juge-t-il. « Il n’y a pas 40 000 systèmes : c’est un basket simple, un peu comme en NBA, avec du pick and roll, du jeu individuel et ça shoote après les picks. » Si le Japon a pris les commandes du basket local, avec le championnat le plus attractif de la zone, Taïwan tente de rattraper son retard, avec quelques vieilles gloires qui ont transité par la TPBL. « DeMarcus Cousins a joué là-bas (MVP de la finale l’an dernier, ndlr), Dwight Howard aussi », énumère la recrue des Mars. « Je pense qu’ils essayent de développer leur culture basket. »
Des gros CV attirés par les dollars taïwanais ? « Je n’y vais pas pour l’argent, ce ne sont pas les mêmes budgets qu’au Japon, d’autant plus qu’ils ont un salary cap », avance Moerman. « Je ne vais pas le cacher, je vais toucher 20 000 dollars par mois. J’aurais eu trois fois plus à Trabzon donc pour ce prix-là, j’aurais pu refuser et attendre. L’argent, c’est bien mais jouer, c’est plus important. J’aurais signé pour n’importe quel montant en EuroLeague. Taïwan, c’est juste pour retrouver les parquets. » Car s’il s’entraînait trois fois par semaine avec l’équipe de Toulouges (NM3), en plus de ses séances individuelles quotidiennes, le triple champion de France commençait à avoir des fourmis dans les jambes. « Le basket, c’est toute ma vie ! Ça m’a manqué de fou… »
Après 282 jours sans match, au moins sera-t-il servi niveau enchaînement des rencontres, même si le mois de février sera très haché, entre le Nouvel An local et la trêve internationale (deux matchs les 7 et 9 février, puis plus rien avant le 1er mars). Dans un championnat réduit à… sept équipes, le calendrier comporte tout de même 36 rencontres par club, avec six confrontations directes, et parfois trois sorties par semaine. « Au début, il va me falloir quelques matchs d’adaptation mais je suis prêt », jure-t-il. « Physiquement, je suis bien. Les muscles sont là, il faut juste que je retrouve du rythme. » Pour ensuite renouer avec son rêve européen, et que son histoire avec l’EuroLeague ne s’arrête pas sur une fin abrupte, et une dernière apparition à 3 minutes de jeu avec l’AS Monaco en décembre 2022 ? « J’ai encore tous mes moyens », clame le néo-taipéien. « Même si j’ai 36 ans, j’ai toujours les capacités de jouer et réussir au plus haut niveau. Je n’en suis pas au stade de juste jouer pour me faire plaisir. » La pré-retraite attendra. Adrien Moerman veut montrer qu’il est toujours là. Et tant pis s’il faut exiler à 10 000 kilomètres pour cela…
L’expérience russe
À propos de Taïwan, Adrien Moerman explique aussi. « Découvrir de nouvelles cultures, c’est ce que j’aime bien. Surtout, c’est très bien pour ma petite fille : elle peut voir le monde et se rendre compte à quel point c’est différent selon les endroits. » De ce point de vue, la famille Moerman a été servie récemment avec une expérience de 14 mois en Russie, au Zénith Saint-Pétersbourg, faisant suite à son départ de l’AS Monaco.
« La Russie, c’est vraiment particulier », souffle-t-il. « C’est un tout autre style de vie. Après, même si la ville de Saint-Pétersbourg est très belle, c’est vraiment difficile de s’adapter car il commence à neiger dès le mois de septembre. Donc tu ne peux pas sortir, il fait trop froid ! » Et vivre dans un pays en guerre ? « Là-bas, la vie était normale, tu ne ressens pas la guerre. Entre les informations et ce qu’il se passe vraiment en Russie, ce sont deux choses différentes », évacue-t-il. Le tout dans un relatif anonymat vu de France, surtout comparé à son ex-coéquipier Thomas Heurtel, empêtré dans de multiples polémiques suite à sa signature à Saint-Pétersbourg. « La différence, c’est que je n’étais pas avec les Bleus ! Par rapport à Thomas qui s’est beaucoup fait critiquer, je n’ai rien reçu moi… »
Côté basket, arrivé fin janvier 2023, Adrien Moerman avait rapidement séduit le Zénith, au point d’être reconduit pour la saison 2023/24. Et lui s’épanouissait en VTB League. « J’aimais bien le style de jeu, les arbitres laissent beaucoup plus jouer qu’en Europe ! Ça m’a vraiment surpris. Individuellement, j’apportais ce que je pouvais à l’équipe. Je ne mettais pas 20 points par match (5,7 points à 37% et 4,4 rebonds) mais défensivement et dans l’activité, j’étais là. »
Pas assez, toutefois, pour convaincre Xavi Pascual de lui faire confiance jusqu’au bout de la saison. À l’approche des playoffs, le technicien espagnol a souhaité remplacer l’enfant de Montrouge par Juwan Morgan. « Je n’ai pas trop compris mon départ », regrette Moerman. « On avait cartonné tout le monde sur la deuxième partie de saison, en perdant juste d’un point à Kazan sur un vol incroyable des arbitres. On aurait pu remporter le titre avec cette équipe. Mais le coach avait peur en voyant les autres équipes se renforcer. Au final, ils ont perdu en demi-finale des playoffs et fini 3e. J’accepte la décision de l’entraîneur, il a été clair et franc avec moi. C’était un choix tactique de sa part, je n’en veux à personne. Il m’a juste dit qu’il espérait ne pas le regretter. Il ne me l’avouera pas mais je pense qu’il l’a regretté. Même d’autres joueurs m’ont dit que ce n’était plus pareil après mon départ. » À lui, désormais, d’enfiler le costume inverse à Taïwan et de réussir à bonifier une équipe qui marche bien, victorieuse de ses trois derniers matchs.
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