Les raisons du creux de Zaccharie Risacher : faut-il s’inquiéter pour le prospect de la JL Bourg ?
En playoffs de l’EuroCup, Zaccharie Risacher tourne à 1,3 d’évaluation en moyenne
Au moins, la dernière action de ses 18 ans aura été une réussite. Après une passe hasardeuse d’Axel Julien dimanche, Zaccharie Risacher s’est envolé pour repousser le lay-up du Blésois Tobin Carberry, qui se croyait seul en contre-attaque. Contre non comptabilisé par la LNB, qui aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus problématiques pour la finale de l’EuroCup, prévue 52 heures plus tard à l’Adidas Arena. Le prospect a glacé Ékinox en se tordant de douleur par terre, avant de se relever en boitant bas, son genou ayant heurté un panneau publicitaire au moment de l’atterrissage. « C’est plus de peur que de mal », rassurait Frédéric Fauthoux dans la foulée. « Il est bon pour jouer avec un joli bandage mardi à Paris ! »
Alors qu’il a fêté ses 19 ans lundi, la nouvelle perle du basket français n’a pas exactement enchanté les spectateurs de NBA TV qui s’étaient connectés aux aurores dimanche à l’heure américaine pour observer celui qui est annoncé à la première place de la draft depuis deux mois (0 point à 0/4, 2 rebonds, 2 passes décisives et 3 balles perdues pour -3 d’évaluation en 18 minutes). Mais son contre sur Carberry a scellé la victoire burgienne (81-66), à un moment où Blois pensait pouvoir encore remonter (71-62, 36e minute). La preuve d’une certaine solidité mentale chez Risacher, capable d’être décisif même quand il traverse un soir sans. Il avait déjà démontré cette faculté en plantant deux 3-points cruciaux contre le Besiktas Istanbul lors du Match 1. « On n’est pas toujours obligé de marquer 20 points pour être impactant et important pour son équipe », appuie Freddy Fauthoux. « Après ce qu’il a fait là, il pouvait sortir pour moi. »
Ciblé et fatigué
Mais c’est aussi un fait, indéniable statistiquement : Zaccharie Risacher n’est plus le joueur du début de saison. « Il est dans un creux », acquiesce Axel Julien. Jusqu’au mois de février, le natif de Malaga avait surpassé toutes les attentes, s’imposant comme le meilleur défenseur de son équipe et comme une menace offensive de premier ordre, à 59% de réussite à 3-points après 16 journées ! Depuis un mois pile, il est loin de ses standards initiaux : seulement deux de ses neuf derniers matchs à 10 points ou plus, 6,4 unités de moyenne, avec un pourcentage devenu famélique de loin (23%). La conséquence de sa commotion cérébrale, subie après ses premiers pas en Bleus le 23 février, et de l’arrêt de deux semaines ayant suivi ? « C’est le seul aspect où il est difficile de se prononcer », rejette Anthony Brossard, son coach individuel.
Car pour le reste, toutes les raisons de la mauvaise série de l’ailier bressan sont plutôt connues. Déjà, depuis qu’il s’est retrouvé annoncé n°1 de la prochaine draft NBA, le fils de Stéphane Risacher est devenu une cible. « Tout le monde veut être bon contre lui, ou plutôt ne pas le laisser briller : on ne lui laisse plus de tirs ouverts, on joue physique avec lui », glisse E.J. Rowland, son mentor quadragénaire à la JL Bourg. Ainsi, il n’est pas rare de voir des adversaires se lancer un défi personnel face au prospect : Armel Traoré dimanche, ou Sekou Doumbouya le 20 mars, tellement déterminé à ne pas laisser un mètre à son vis-à-vis que le sniper Bryce Brown a passé sa soirée dans un fauteuil, toujours seul pour shooter. Une manière de détourner l’attention, pour mieux laisser briller ses coéquipiers, en somme.
Surtout, Zaccharie Risacher expérimente ce que l’on pourrait assimiler au rookie wall en NBA. Le jeune ailier n’avait jamais autant été responsabilisé en carrière : déjà 1 135 minutes de disputées sous les couleurs de la JL Bourg, contre 831 sur l’ensemble de la saison 2022/23 avec l’ASVEL ! Contre Paris, il jouera ses 53e et 54e match officiel de la saison. Or, avec ses douleurs au genou et la Coupe du Monde U19, il n’a pas pu effectuer une véritable présaison avec du travail foncier pour se préparer à encaisser cela. « C’est presque comme s’il avait épuisé tout son carburant et qu’il n’avait pas le temps d’en refaire », image Anthony Brossard.
L’heure du rebond en finale ?
Une telle période était prévisible, surtout chez un rookie de 18 ans, et arrive même particulièrement tard dans la saison. Malheureusement, à un moment inopportun pour lui, où il avait l’occasion rêvée d’évacuer les derniers doutes planant encore autour de son cas : quel meilleur environnement que l’ambiance irréelle du Sinan Erdem Dome pour juger de sa faculté à tenir la pression ? On a malheureusement vu : -4 d’évaluation… Forcément difficile à vivre pour un jeune adulte autant scruté ? « Ce n’est pas quelqu’un de trop expressif mais il a l’air toujours aussi décontracté », répond Frédéric Fauthoux, même s’il est difficile de savoir ce que pense réellement le meilleur jeune de l’EuroCup. « Parfois, on aurait tendance à creuser un peu pour lui faire dire si ça ne va pas », avoue Anthony Brossard.
Alors oui, Zaccharie Risacher aurait certainement préféré vivre cela en janvier, plutôt qu’en plein playoffs de l’EuroCup. Toujours est-il qu’une telle série négative reste particulièrement formatrice, en lui suggérant tous les écueils à éviter. Ainsi, ces derniers temps, on l’a trop vu forcer, tenter d’aller forcer son déclic par lui-même. « La chose qu’il n’a pas bien faite, ou qu’on ne lui a pas dit, c’est de laisser les choses venir à soi quand on est moins bon », développe Axel Julien. « Il ne faut pas vouloir retrouver confiance absolument par soi-même. Il faut l’aider et le conseiller. Je lui ai dit l’autre jour qu’il n’était pas devenu mauvais du jour au lendemain. »
Surtout qu’il n’y a pas spécialement d’alerte à avoir, si l’on écoute tous ceux qui le côtoient au quotidien : Risacher n’a pas changé sa façon de faire, a conservé son éthique de travail, a même gagné en professionnalisme sur des aspects comme l’alimentation, etc. Ce qui signifie, aussi, qu’il n’est pas vraiment utile de tenter un électrochoc, pour forcer un déclic, puisque le joueur est resté sur ce qui faisait auparavant sa réussite. « C’est juste une histoire de temps et de patience », plaide Freddy Fauthoux Et quelle meilleure scène qu’une finale d’EuroCup pour reprendre confiance ? Dans le système rigoureux de Tuomas Iisalo, aucun Parisien ne se lancera dans une mission personnelle sur lui : l’idée sera avant tout de gagner la finale plutôt qu’un duel individuel. « On a tellement de bons joueurs qu’ils ne vont pas pouvoir se focaliser que sur lui », annonce E.J. Rowland. « Ils risquent de resserrer l’étreinte, Zacch’ aura des tirs ouverts et le panier va peut-être redevenir grand comme une bassine. Cette finale peut être son rebond ! » Et le dernier mois sera bien vite oubliée…
L’œil d’Anthony Brossard, son coach individuel :
« C’est hyper formateur »Comment peut-on l’expliquer le creux de Zaccharie Risacher ? Y-a-t-il un lien avec sa commotion cérébrale subie avec l’équipe de France ?
C’est le seul aspect où il est difficile de se prononcer. Il est vite fait de se dire car sa commotion n’a pas été résorbée totalement. Ça peut l’expliquer mais ça me dépasse totalement d’un point de vue médical. La seule chose est qu’il ne s’est jamais aussi bien entraîné et qu’il n’a jamais aussi bien travaillé qu’en ce moment. Ça rend encore plus frustrant car sa baisse de régime n’est pas liée à des entraînements moins qualitatifs. La réalité, c’est que l’un des joueurs de sa classe d’âge qui a joué le plus de matchs cette saison et qu’il y a forcément un moment dans l’année où ça se ressent un peu. J’ai l’impression que c’est un peu en ce moment. Tout ça mis bout à bout explique que ce soit plus dur en ce moment.
Est-il plus ciblé du fait de son statut de potentiel n°1 de draft ?
Complètement. Ce qui fait du bien à l’équipe, c’est qu’il est effectivement ciblé, même quasiment des fois coupé du jeu, et ça ouvre beaucoup d’espace pour les autres. Ça fait du bien pour l’équipe mais c’est plus dur pour lui. Mais aujourd’hui, oui clairement en Betclic ÉLITE, c’est devenu une cible. En EuroCup un peu moins, car il y a des objectifs de résultats collectifs. Il y a forcément un match-up qui est excitant pour les adversaires.
On s’attendait à une période comme ça, mais elle arrive tard dans la saison…
Il y a une chose à savoir, c’est qu’on a commencé le travail le 1er août avec Zaccharie et qu’il n’a jamais eu le temps de digérer. On a enchaîné les entraînements, on ne lui a jamais laissé la possibilité d’avoir un break pour digérer tout ce qu’il avait encaissé. En décembre, il a été pris par le All-Star Game, par l’équipe de France en février. Quand il a eu une période faite pour ça, il était en protocole commotion. Quand il aura la possibilité de digérer tout ce qu’il a encaissé, on se rendra un peu compte des progrès qu’il a fait jusqu’à maintenant. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir parce que la qualité de travail est là, l’éthique aussi, tout est bien. La réalité, c’est que l’équipe continue à avancer avec lui. Tant mieux que ça n’ait pas d’impact sur le collectif.
Comment vit-il cette période ? Forcément frustrante mais arrive-t-il à garder confiance quand même ?
C’est exactement ça. Il s’autorise à être frustré mais après avoir apprécié le résultat collectif. Il est tourné vers le collectif donc il se rend compte que l’équipe et le club sont en train de faire des choses incroyables. Ce qui le frustre le plus, c’est de ne pas pouvoir aider l’équipe. Par contre, ce qui est rassurant, c’est qu’on continue à faire ce qu’on a mise en place et on se rassure dans le travail qu’on fait au quotidien. Dans un processus, il y a forcément un passage où c’est plus difficile. Le challenge, c’est de maintenir le travail, même si les résultats ne sont pas immédiats.
Vous ne le voyez pas baisser la tête ?
Non. Même des fois, on aurait tendance à creuser un peu pour lui faire dire si ça ne va pas. Lui est assez confiant. Avant Blois, il m’avait dit qu’il s’était conditionné à faire une belle prestation et qu’il s’était dit qu’il ré-enclenchait la machine sur ce match. Il n’a pas du tout baissé les bras. Il faut qu’il soit conscient de la période actuelle, plus difficile, tout en gardant en tête que ça va forcément finir par payer s’il maintient ses efforts de travail.
Le reproche qu’on peut lui faire, c’est de forcer un peu trop pour débloquer la situation par lui-même…
Complètement. Avec le fait d’être moins adroit en ce moment, il peut se mettre à douter un peu plus et faire des choix hésitants. Ce n’est pas quelque chose qui lui ressemble. Dans ces cas-là, on a l’impression d’être pris dans une spirale où on enchaîne les mauvais choix. C’est hyper formateur pour lui. Pour moi, c’est un très bel outil de travail pour regarder ce qui va, ce qui ne va pas, ce qu’on peut changer. On travaillait bien quand tout allait bien. Maintenant que ça va moins bien, on a encore plein de pistes à explorer. Le plus important est d’en avoir conscience et de mettre les choses en place pour y remédier.
Reste-t-il encore hermétique à tout ce qui se dit autour de lui, comme le retour des doutes ces dernières semaines ?
Totalement. Ce qui fait sa force, c’est qu’il se concentre vraiment sur le quotidien, sur le présent, et il est peu affecté par ce qui se passe les jours de matchs. Ils est peu affecté par les prévisions, les semaines et les mois à venir. Il se concentre sur le prochain entraînement, le prochain match. Pour la finale de Paris, il n’est pas affecté, ni par l’enjeu, ni par tout ce qu’il peut se dire autour de lui.
Comment vit-le fait de jouer une finale d’EuroCup ?
Il est hyper excité (il le répète). Il y a une vraie envie de faire quelque chose en équipe. Sa préoccupation est d’abord d’aller chercher le titre, d’aider l’équipe, et s’il fait un gros match, ce sera super.
À Bourg-en-Bresse,
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