Will Cummings, une bonne tête de MVP… mais ne lui en parlez pas
« À mon sens, il mérite tout simplement d’être élu MVP de la saison. » Signé Lahaou Konaté, le constat a le mérite d’être limpide et est surtout partagé par tous aux Metropolitans 92, si ce n’est presque par le principal intéressé lui-même. « Le trophée de MVP ? Je ne m’en soucie pas, ce n’est vraiment pas ma priorité première », répond Will Cummings, éludant directement la question. Des propos qui tranchent avec ceux de son principal concurrent Brandon Jefferson, beaucoup plus direct (ou honnête ?). « Je veux aller chercher le MVP, c’est un vrai objectif pour moi », a-t-il clamé il y a dix jours dans les colonnes de L’Équipe. Alors d’autres s’occuperont s’occuperont du lobbying en lieu et place de Cummings. « Moi, je le mettrais MVP effectivement », glisse Sacha Giffa, assistant-coach à Boulogne-Levallois. « Avec les moyens qu’on a, on a tout de même fait les trois quarts de la saison en tête et c’est en grande partie grâce à lui. »
Samedi, à Strasbourg, au cours d’une défaite francilienne (81-87) qui a permis à l’AS Monaco de recoller à la première place de Betclic ÉLITE, Will Cummings (1,86 m, 29 ans) n’a pas eu grand chose à se reprocher (22 points à 7/13, 2 rebonds et 3 passes décisives), hormis une fébrilité peu commune (5 balles perdues). Une performance dans la droite lignée de ses prestations de la saison, lui qui est parfois injouable, tant en Betclic ÉLITE (16,8 points à 51%, 2,3 rebonds et 5,1 passes décisives) qu’en EuroCup (17,4 points à 50%, 3,5 rebonds et 4,7 passes décisives). « Il nous porte sur ses épaules dans les deux compétitions », souligne Lahaou Konaté.
« Une vitesse d’exécution qui fait penser aux grands meneurs de NBA »
En écoutant Will Cummings parler, on a surtout l’impression que cette saison lui sert d’exutoire après deux années de frustration en Russie. Meneur du Lokomotiv Kuban entre 2019 et 2021, il n’était pas épanoui à Krasnodar, loin de sa famille, en plus plombé par des résultats décevants lors de sa première saison. « J’ai fait le choix des Metropolitans 92 car je voulais être heureux », lâche-t-il. « Je voulais faire en sorte de profiter de la vie européenne, pas juste avoir un job en Europe. L’objectif est rempli car je prends bien plus de plaisir ici que lors des deux dernières années. Vous ne pouvez pas imaginer le bol d’air frais que c’est d’être à Paris après tout ce temps en Russie… »
Et sportivement ressentait-il aussi l’envie d’avoir sa propre équipe, d’être enfin le patron. « C’est ce qu’il attendait », confirme Sacha Giffa. « Il voulait montrer son niveau à tout le monde. À chaque fois, il a été le back-up de quelqu’un. » De Scottie Wilbekin, au Darussafaka Istanbul, au cours d’une saison qui lui a permis de remporter l’EuroCup (en 2017), puis de Mantas Kalnietis et Nigel Williams-Goss au Lokomotiv Kuban. Une seule fois a-t-il vraiment eu les clés. C’était en Allemagne, sous les couleurs d’Oldenburg, en 2018/19. « Après Darussafaka où il fallait se fondre dans un rôle, c’était une décision stratégique pour vivre une année de liberté et jouer pleinement mon jeu », explique-t-il. Tellement libre qu’il en a décroché le trophée de MVP de Bundesliga (20,5 points à 50%, 3 rebonds et 4,3 passes décisives). Soit ce qu’il a voulu reproduire aux Mets, après l’intermède frustrant de Krasnodar. « Boulogne-Levallois, c’est un peu la même approche que l’Allemagne », sourit-il.
En rejoignant les Hauts-de-Seine, Will Cummings avait également la certitude d’évoluer sous les ordres d’un entraîneur qui le désirait vraiment. Depuis qu’il a martyrisé la SIG en 1/16e de finale de la BCL en 2017 (21 points et 5 passes décisives lors du match aller notamment), du temps où il évoluait à l’Aris Salonique, le technicien normand souhaitait le faire venir. « On avait déjà discuté avant mais ça n’avait jamais pu se faire », indique le Floridien. Une cour assidue qui s’est transformée au fil des semaines en une vraie relation de confiance. « On a un meneur de jeu exceptionnel, qui tient la baraque de façon magnifique », se réjouissait le sélectionneur national à l’issue de la victoire à Monaco en janvier. « On s’entend extrêmement bien », ajoute le joueur. « On se repose l’un sur l’autre car souvent, on pense la même chose. »
Sous les ordres de Vincent Collet, quatre ans après avoir déjà franchi un cap sous les ordres de David Blatt à Istanbul, Will Cummings se rapproche du très haut niveau européen. « Il a vraiment progressé », consent Sacha Giffa. « Déjà, l’an dernier, il nous avait tués lors du match retour (18 points). L’impact qu’il a actuellement est incroyable, il a encore augmenté son niveau. » Et l’ex-Cardiac Kid de lister tout ce qui l’impressionne chez le natif de Jacksonville : « ses capacités de drive », « ses capacités de finition sur les grands » − peut-être inspirée de toutes ses jeunes années passées à regarder son idole Allen Iverson −, son intelligence de jeu, « une vitesse d’exécution incroyable qui fait penser aux grands meneurs que l’on voit en NBA »…
L’heure des grands rendez-vous
Autrement dit, avec Cummings, Boulogne-Levallois a signé l’un des meilleurs coups de recrutement de l’été 2021 en Betclic ÉLITE. L’embauche d’un véritable patron à la mène, soit ce qui a fait défaut toute l’année dernière avec l’erratique Brandon Brown sous les Mets version Jurij Zdovc. « Sans Will, il y a beaucoup de matchs où l’on ne passe pas », pointe Giffa. Ce qui permet au club francilien de figurer en tête du championnat depuis la soirée du 17 octobre, jour de la première défaite de l’ASVEL. Exactement six mois de domination qui n’étaient pas nécessairement prévus au programme, en vertu de la présence du monstre à deux têtes monégasquo-villeurbannais, mais qui ne surprend pas le joueur. « Au vu du talent de mes coéquipiers et du coach, je savais évidemment qu’une telle saison était possible dès le début », assure-t-il. « Le tout était de transformer toutes ces individualités en un vrai collectif, ce que l’on a su faire. C’est même l’un des meilleurs groupes de gars que j’ai connu dans ma carrière. »
Si Will Cummings affirme vivre « [sa] plus belle saison d’un point de vue individuel », l’ancien étudiant de Temple sait qu’il sera réellement jugé à l’aune des grosses échéances qui démarrent cette semaine. Mercredi, les Metropolitans 92 recevront Venise en 1/8e de finale de l’EuroCup, un match pour lequel ils vont se « sublimer » a prévenu Vincent Collet. Et l’Américain se verrait bien effectuer un petit doublé personnel, quand bien même le chemin vers le sacre final a été modifié. « C’est complètement différent qu’à l’époque », soupire-t-il. « C’est un one shot, on n’aura pas le droit à l’erreur. Tout peut arriver, ça va être intéressant. » Puis ce sera le moment des playoffs de Betclic ÉLITE, avec les yeux rivés vers le premier titre national de sa carrière, avant une nouvelle croisée des chemins.
Que faire à l’aube de ses 30 ans, à l’heure du « prime de [sa] carrière » ? Continuer à être « libre » dans un club du calibre des Metropolitans 92, pourquoi pas toujours à Levallois d’ailleurs, ou tenter d’enfin intégrer le gratin européen, lui qui n’a jamais disputé l’EuroLeague ? « Les gens essayent de m’en parler mais je ne regarde pas l’avenir, je me concentre simplement sur le moment présent, je veux juste que l’on continue à gagner. » D’autant plus qu’un titre serait loin d’être immérité pour l’escouade du commandant Cummings. « Que l’on termine premier, deuxième ou troisième de la phase régulière, on a été la meilleure équipe jusque-là cette saison », assène-t-il. Le meilleur joueur de la meilleure équipe, cela vaut bien un trophée de MVP. Même si ce n’est pas réellement sa priorité, on a compris.
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