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[Témoignage] Mehdy Ngouama nous raconte son incroyable parcours

Betclic ÉLITE - Après avoir connu la maladie et d'importants problèmes familiaux, Mehdy Ngouama est toujours parvenu à rebondir. A 25 ans, il réalise de belles performances à Le Portel pour sa première saison complète en Jeep ELITE. Le meneur de jeu nous dévoile son parcours atypique.
[Témoignage] Mehdy Ngouama nous raconte son incroyable parcours
Crédit photo : Lilian Bordron

Les photos ci-dessous sont tirées de la collection personnelle de Mehdy Ngouama, hormis celles en LNB

Mehdy Ngouama. Ce nom vous dit peut-être enfin quelque chose. Le meneur de jeu évolue depuis trois saisons dans la Ligue Nationale de Basket et pour la deuxième saison de suite, après un demi-exercice à Nanterre, en Jeep ELITE. C’est sous les couleurs de l’ESSM Le Portel que l’ex-gamin du Blanc Mesnil commence à s’imposer en première division française (9,5 points à 44,3% de réussite aux tirs, 2,7 rebonds, 2 passes décisives et 2,9 fautes provoquées pour 8,8 d’évaluation en 21 minutes dans une équipe à 50% de victoires). Pour en arriver là, Mehdy Ngouama a pris divers chemins de traverse. Des parquets parisiens à celui du Chaudron, en passant par ceux de Lorraine et de Floride, il a toujours affiché un vrai talent pour ce jeu mais ses soucis en dehors des gymnases sont venus entraver ses plans les plus ambitieux. Sans pour autant qu’il n’abandonne. Au contraire même… Témoignage.

Sa découverte du basketball entravée par la maladie

« Avant de commencer le basket, je faisais de l’athlétisme, du sport de combat et du foot. Je suis venu au basket par hasard. Mais avant de démarrer le basket, je suis tombé gravement malade. J’ai eu une méningite virale, à 9 ans. J’étais entre la vie et la mort, à l’époque ça ne se soignait pas trop bien. Quand je suis sorti de l’hôpital, j’étais incapable de marcher. J’ai eu des séquelles qui aujourd’hui me gênent encore. Je suis sourd d’une oreille. On apprend à vivre avec. J’ai repris le basket, l’année suivante, chez moi au Blanc Mesnil. »

La passion attrapée au CSP 19

« J’ai repris l’école comme un élève normal. Ma mère travaillait dans le 19e arrondissement à Paris. Elle avait vu une affiche pour rejoindre un club de basket. Comme j’avais touché au basket avant d’être malade, le fait qu’il y ait du basket à côté de là où elle travaillait, ça lui permettait de veiller un peu plus sur moi. Elle m’a amené faire des essais à CSP 19. A l’époque le coach était Philippe Pronier. Il s’est avéré que j’avais un certain talent. Il m’a pris dans son équipe. Il y avait Kevin Dinal, Bakary Seidi, Abou Diagne… moi j’étais le petit poussin (U11), on m’a surclassé en benjamin (U13). J’ai fait cette année-là, on a été champion, j’ai refait une année avec mon coach, ça se passait très, très bien. Le basket en moi commençait à prendre une certaine ampleur. Je faisais les trajets de Blanc Mesnil à Paris tout seul, à l’âge de 9-10 ans. La sécurité n’était pas vraiment là, ça inquiétait ma maman. Je continuais parce que j’adorais ça.

J’ai commencé à me faire connaître en Île-de-France sur les sélections, avec le tournoi interzone. Je jouais pour le Comité de Paris et j’affrontais le CD93. Les coaches savaient que je venais du Blanc Mesnil, dans le 93. »

« Sans Fred Magbotiade, Mehdy Ngouama n’existerait pas »

D’abord refusé puis intégré au Pôle

« Mes copains avaient un an de plus que moi, eux montaient en minimes (U15). Je voulais les suivre mais j’étais encore en benjamin. Philippe Pronier souhaitait que j’avance dans le basket, plutôt que de me conserver. Il m’a confié à un collègue, Fred Magbotiade, qui a repris le coaching au PBR. Sans lui, Mehdy Ngouama n’existerait pas. Il m’a pris sous son aile. A la fin de l’année, j’ai loupé les tests du Pôle pour y entrer en U14. Je suis passé en minimes France, en étant coaché par Guy Poirier, un entraîneur basé sur l’éducation. Je n’avais pas le même rôle qu’en benjamin, où j’avais le premier rôle, celui avec le ballon. Je suis passé en 6e/7e homme, ce qui avait tendance à m’énerver. En cours de saison, il y a de nouveaux tests pour intégrer le Pôle en cours de cursus (pour la saison U15, NDLR). J’y suis allé et Eric Goffic, coach du Pôle à l’époque, a lancé devant tout le monde : « J’ai trouvé une pépite ». C’était flatteur. J’ai fait mon année au Pôle. Mais à la fin de la saison, je n’ai pas été pris en centre de formation. Je suis reparti chez mes parents. Je suis retourné à Villemomble en banlieue avec Fred et Julien Martin (il a été coach à Chalon-sur-Saône, assistant à l’Elan Béarnais puis il est parti au Brésil). A l’époque, il y avait Moustapha Fall qui commençait à peine le basket. Je suis resté à Villemomble en U17 et j’ai connu Karl Le Polles. C’est lui qui m’a tout appris sur la défense. »

Finalement rappelé par les centres de formation

« J’ai eu un parcours atypique, j’ai enchaîné les clubs. Ce n’était pas à cause d’une instabilité, c’était surtout un instinct de survie, j’avais besoin d’avancer. A la fin de la saison U17, j’ai eu une chance à Nanterre. Le coach était Charles Dubé-brais, un Canadien avec une philosophie américaine. Il m’a partagé un peu de sa culture. C’était le seul qui souhaitait que je vienne au centre de formation de Nanterre. Avant d’attendre leur réponse, j’ai fait un test à Nancy grâce à Fred qui avait contacté le coach du SLUC. Pierre Verdière est venu me chercher à la gare. J’étais un peu frêle mais il m’a fallu un entraînement pour qu’ils comprennent pourquoi je devais venir dans le centre de formation. Je me rappelle de cet entraînement parce que j’avais mis un dunk et les joueurs se sont dits : « C’est qui lui ?! ». Je parle de Vincent Pourchot, Kingsley Pinda, Benjamin Sene… Nancy m’a pris. C’était l’année 2013, celle qui m’a permis d’éclore. J’étais dans une belle structure. Tout ce que je tiens sur le pick and roll vient de Pierre Verdière et de l’école de Nancy. Le week-end, il y avait les matches Espoirs (U21) qui étaient les plus importants et le dimanche les rencontres U18, qui étaient plus un All-Star Game avec Lenny Charles-Catherine. En semaine, j’avais aussi l’UNSS. »

L’appel du pied des Etats-Unis

L’EuroBasket U18 2013

« La récompense que j’ai eu en fin d’année, c’est le fait d’être présélectionné en équipe de France U18. A la base je n’étais pas dans la liste mais le sélectionneur Tahar Assed-Liegeon m’a vu au Trophée du Futur. C’était flatteur. Je suis arrivé en cours de préparation. J’étais un peu timide mais au fur et à mesure j’ai compris que j’avais le niveau. Arrivé à la sélection finale, il a du faire un choix et m’a dit : « Je ne sais pas si tu serais un joueur du banc. » J’ai toujours été le genre de gars qui a un rôle majeur, le second rôle ne m’intéressait pas. Avec le recul, je pense qu’il essayait de me préparer au haut-niveau. Il m’a donné l’opportunité de porter le maillot équipe de France pour que j’aspire au haut-niveau. Quand j’allais entrer dans ce milieu-là, ce n’est pas le premier rôle que j’aurais, c’était le second. C’est ce que j’ai appris en équipe de France (10 minutes en moyenne sur l’Euro, NDLR). Avec le recul, je me suis dit ça et je le remercie pour cette sélection. Je n’ai pas forcément beaucoup joué, je ne comprenais pas pourquoi je ne jouais pas. »

Son expérience aux Etats-Unis

« Après l’Euro, je suis parti aux États-Unis pour faire le Tournoi Adidas Nation. J’étais face au Top 100 des joueurs attendus à la Draft 2015, comme D’Angelo Russell. J’ai eu un rôle important, avec 12-13 points de moyenne. Un article a parlé de moi (sous le nom de Nehdi Ngouma, son nom sur les feuilles de marques, NDLR) comme « le meneur le plus impressionnant du tournoi ». Ce qui m’a placé dans la mock-draft qui a suivi. Mon nom a commencé à circuler dans les universités américaines. J’ai reçu de l’intérêt de Pittsburg, Baylor, Valparaiso… De belles structures ! Ils me demandaient si j’allais venir aux Etats-Unis l’année suivante. Je disais que non car j’étais très bien à Nancy. Sauf que mon entourage avait changé et ils m’ont influencé sur mon départ aux Etats-Unis. Mon coeur était à Nancy mais ma tête voulait aller aux Etats-Unis dans la perspective de la NBA. Toute cette hype qu’il avait autour de moi… Sauf que cela ça s’est très, très mal passé. »

« Quand on m’a annoncé le projet des Etats-Unis, on m’annonçait un truc… vraiment (il coupe). « Tu vas faire un an ou deux à la fac et ensuite tu t’inscris à la Draft et c’est comme ça que ta carrière va commencer. »

Mais j’étais en BTS à l’époque et il fallait que je valide des points pour aller en NCAA. Je ne parlais pas bien anglais, j’ai passé les AST et je les ai loupés. Du coup, il fallait que je change mes projets. On m’a dit qu’il fallait que j’aille en JuCo. Je ne savais pas vraiment ce que c’était mais mon entourage m’a dit que j’allais en Floride. Je pensais rejoindre les Florida Gators, j’étais hyper enthousiaste. Arrivé à Orlando, un coach est venu me chercher à l’aéroport. On a fait 4 heures de route jusqu’à arrivé à JuCo, à Marianna (au Chipola College, NDLR). C’était dans un cadre assez particulier dans une ville à caractère racial. J’attirais la jalousie des autres joueurs. »

Les problèmes familiaux le ramènent en France

« La première saison s’est très passée. Dès que tu arrives, il y a des showcases. Les coaches et scouts viennent te voir. Je faisais un showcase de fou. Ensuite, beaucoup de ces coaches venaient me voir à l’entraînement. C’est ce qui a attiré la jalousie des autres. Malheureusement l’année ne s’est pas très bien passée à cause de faits dans ma vie personnelle. J’ai appris que ma mère a été expulsée de son logement et moi je ne pouvais rien faire. Je suis rentré dans une forme de dépression. La dépression a été suivie par une blessure. Je cherchais absolument à rentrer en France pour savoir si je pouvais faire quelque chose. Sauf que si je ne pouvais pas m’aider moi même, je ne pouvais aider personne.

« J’ai arrêté le basketball pendant un an. J’ai fait des petits boulots chez Gifi. Et puis Guerschon Yabusele m’a appelé… »

J’ai fait une autre année en essayant de valider mes diplômes, ma mère essayait de me rassurer de son côté, mes petits frères ont du partir chez mon père… Dans ce contexte-là, mes ambitions ont changé. Tout ce que je voulais, c’était aider ma famille. J’avais arrêté de penser à moi. Bien que j’ai eu une opportunité d’aller en NCAA (à Alabama State, mais en raison de son passé au SLUC Nancy, il a été suspendu par la NCAA, NDLR), j’ai décidé de rentrer en France. Sauf qu’une fois en France, je me suis retrouvé à la rue. Ma mère vivait dans de conditions pas très cool, je n’avais pas de maison. J’ai dormi dehors, dans les halls, pendant un certain temps parce que je voulais continuer de m’entraîner et retrouver mes repères à Paris. Je n’arrivais pas à demander à un proche de m’héberger, je ne suis pas comme ça. Je n’y arrivais pas. Je me suis enfermé. Les gens ne le savaient pas, j’étais tellement discret dans ma manière de faire. Jusqu’au jour où un voisin a jeté mes affaires parce qu’il a vu que je les avais caché en haut du bâtiment et qu’on m’interdisait d’entrer dans le hall. J’ai dormi une dernière nuit auprès de ma mère puis je suis reparti chez mon père parce que mentalement je n’en pouvais plus. Je ne pouvais plus vivre dans des circonstances pareilles. »

Plus le goût au basketball

« J’avais décidé d’arrêter le basket. J’ai arrêté pendant un an, j’ai fait des petits boulots chez Gifi, en intérim, fait de la vaisselle pour gagner un peu d’argent. Bizarrement Guerschon Yabusele m’a appelé de Chine (rires). Il se demandait ce que je devenais parce qu’il n’entendait plus parler de moi. Je lui ai raconté mon histoire et il s’est senti concerné. Il a appelé ses agents, ses proches pour m’aider. S’il ne m’avait pas appelé, je ne sais ce que je serais devenu.

L’agent qui me suivait depuis plus tout jeune, Pascal Lévy, était aussi concerné. Quand j’ai fait le choix de partir aux États-Unis, lui voulait que j’aille en Pro B à 18 ans. C’était l’un des seuls qui avait vu mon potentiel. La plupart de mes coachs m’ont tous apporté quelque chose mais je ne les ai jamais écoutés. Oui j’apprenais, mais ils m’orientaient dans une direction que je ne souhaitais pas vraiment prendre. J’ai tellement enduré dans ma vie personnelle que je ne pouvais pas laisser les coachs dicter mon futur. Je ne peux pas être esclave de ma vie.

Je remercie tous les coachs qui ont été sur mon chemin. « Le travail paye toujours », je n’y crois pas en fait. Le travail paye quand tu t’en donnes les moyens, c’est vrai, mais il ne paye pas toujours car il t’apporte juste le choix. J’ai beaucoup travaillé pour avoir le choix d’avoir des options, c’est pour ça que j’ai eu ce parcours. Les coachs m’ont souvent bridé, j’ai eu des barrières devant moi mais j’en ai fait une échelle. Tous les coachs m’ont apporté quelque chose, c’était des étapes. Tous ont vu mon potentiel mais on ne pouvait pas dire sur le moment que j’allais être en Jeep ÉLITE.

D’où je viens, très peu de gars s’en sortent. Je ne souhaite à personne de venir de la banlieue. Même si on peut en être fier, mais la réalité c’est ce que n’est pas une chance.

Le basket français je suis peut-être chanceux d’y être. Je ne suis pas là pour me lamenter sur mon sort mais si j’en suis là je ne peux pas dire que c’est grâce à quelqu’un. »

Réintégré petit à petit dans le basket français

« Guerschon a passé des appels, Pascal m’a demandé comment j’étais physiquement. Je n’étais pas bien. J’ai pris contact avec Laurent Norbal qui a été mon préparateur physique avant que je reprenne le basket. Puis j’ai fait un essai à Poitiers – où il y avait Sékou Doumbouya – juste pour voir où j’en étais. J’ai enchaîné avec un tournoi international U23 à Tourcoing. J’ai fini meilleur marqueur du tournoi et j’ai enchaîné avec des entraînements à Charleville-Mézières. Mon agent voulait se donner une idée de quel type de joueur je pouvais être. Il y avait Martin Hermannsson, je crois que je n’étais pas loin de signer pour les playoffs mais ça ne s’est pas fait. Rémy Valin a entendu de bonnes choses et j’ai signé à Denain.

C’est là que ça a commencé. L’été, je suis allé me préparer aux Etats-Unis, j’avais travaillé pour payer mon billet. J’ai croisé Roger Mbah a Moute, le frère de Luc, j’avais joué avec lui au Adidas Nations. Il avait signé dans une agence NBA qui représentait Russell Westbrook. Je me suis entraîné avec lui, Javale McGee, Bismack Biyombo… »

Un dunk à Disney qui a fait beaucoup parler

« Je suis arrivé en France plein de confiance, je pensais tout casser. Ca ne s’est pas passé comme je souhaitais (rires). Retour au second rôle. Rémy Valin a vu du potentiel en moi mais il a du me calmer car il y avait beaucoup de rivalité avec Jay Threatt. Il savait qu’il avait une bombe dans les mains sauf qu’il ne m’a pas vraiment exploité. En finale de la Leaders Cup, j’ai juste fait une action mais l’action m’a donnée des vues pour la NBA en fait. Ce dunk là a fait parler beaucoup de monde (à voir ici).

J’ai signé à Vichy derrière puis j’ai été contacté en cours de saison par un scout NBA d’Oklahoma City en décembre. Mon agent n’y croyait pas trop après la saison mais, alors que j’étais en vacances en Espagne avec ma petite famille depuis un jour, OKC a demandé à ce que j’aille sur place. Pour moi je pensais que c’était fini pour moi la NBA. Je suis rentré rapidement en France, j’ai dormi chez Yohann Sangaré et je suis allé là-bas, il y avait Yannis Morin aussi. Ils m’ont mis à l’essai, je me suis fait couper le dernier jour avant les Summer Leagues. Je suis rentré bredouille en France. J’avais tout misé là-dessus et j’avais refusé les propositions en France.

« Quand Stéphane Eberlin m’a donné les clés de l’équipe, j’ai jubilé »

Vichy me proposait deux ans pour la stabilité, ma fille mais comme moi je voulais avancer, j’ai refusé et je me suis retrouvé sans rien quand je suis rentré à la maison. Puis j’ai fait un essai à Monaco. La compétition avec Dee Bost était rude, j’ai beaucoup appris avec Sasa Obradovic même si je ne suis resté qu’un mois. Je me suis retrouvé sans emploi. »

Le déclic à Souffelweyersheim

« J’ai eu l’appel de Souffel’. C’était la meilleure période de ma vie car le coach m’a dit : « Tu as les cartes en main, le premier rôle, le feu vert… Tant que tu me fais gagner, je ne te dirais rien. » Je suis arrivé à Souffel’ et ils se sont fait gifler de 30 points en Coupe de France (56-76 contre Nancy, ndlr). Je ne connaissais pas Souffel’, je pensais que c’était de la NM1. Je me suis demandais dans quelle galère je m’étais embarqué… Le coach (Stéphane Eberlin) après le match m’a ramené à l’hôtel et m’a dit : « Ecoute Mehdy tu es ici pour nous faire gagner. Je te donne les clés de l’équipe. » Quand il m’a dit ça, j’ai jubilé. Je savais déjà que quelque chose allait se passer. Tu me donnes un peu, je vais m’occuper du truc. Donc j’ai fait quatre matches, ça a fait le buzz et des équipes de Jeep ELITE ont commencé à s’intéresser à moi. Il y avait Nanterre, Limoges et Le Portel. J’étais dans une dynamique de MVP, je pensais que si en Jeep ELITE on me laissait jouer, ça irait vite. Sauf que je suis arrivé à Nanterre et on m’a fait comprendre qu’il fallait que je franchise encore des étapes. Ça ne s’est pas forcément bien passé à Nanterre parce que j’ai pris le rôle du mauvais gars pour que l’équipe ait plus de caractère car ils étaient derniers avant que j’arrive. J’essaye d’apporter ce que je peux apporter.

J’essaye d’apporter ce que le coach me demande car quand on me donne un travail je le fais à fond. Même si ce n’était pas ce que j’attendais au niveau personnel, on gagnait des matches et moi quand je signe dans une équipe, je ne signe pas pour perdre mais pour gagner. C’était le plus important pour moi, j’étais heureux par rapport à ça. »

L’apprentissage avec Eric Girard

« Ensuite Le Portel m’a contacté, Christian Monschau (coach sur la deuxième partie de saison 2019-2020, NDLR) avait mentionné mon nom auprès d’Eric Girard (alors devenu directeur sportif). Il me connaissait de la Pro B je pense. Au final, c’est Eric Girard qui a repris les rênes (de l’équipe), j’étais surpris. On m’a dit des choses qui me faisaient peur par rapport à lui. Il a un caractère, j’ai un caractère, ça va exploser. Au final, comme je l’avais senti, ça a explosé à certains moments mais je suis toujours dans l’apprentissage. Mon destin m’apporte des gens dans ma vie pour me permettre d’avancer en tant qu’homme et tant que sportif. Il fait un travail énorme avec moi. Il bosse mentalement pour moi, Mike Happio (l’assistant) aussi. J’apprends le rôle du meneur de jeu de haut-niveau. C’est tellement enrichissant, je ne peux pas plus remercier le seigneur de l’avoir placé sur mon chemin.

« Je pense que j’existe maintenant dans la tête d’Eric Girard »

Eric Girard a du vécu, de l’expérience. Je pense qu’en observant mon comportement et voyant quel type de personnage j’étais, il a peut-être du voir quelqu’un qui lui ressemblait. Je ne le connaissais pas. Je m’étais juste renseigné auprès de gars que je connais sur lui, ils m’ont dit de ne pas aller avec lui car ça exploserait. Je préfère faire mon avis par moi même. Je pense qu’il me connaît désormais. Ça peut m’aider.

Eric Girard me demande beaucoup de progresser dans mon rôle de meneur tout en restant naturel, il ne veut pas me retirer mes armes. Il voit quelque chose en moi que les gens ne voyaient pas forcément. Eric Girard me répète que je suis une personne qui vient de nulle part et qu’il va m’apprendre à être un joueur d’élite. On a eu des blessures en début de saison, les matches qu’on a gagné n’étaient pas forcément faciles mais j’étais présent sur le terrain lors des victoires. Je lui ai montré qu’il pouvait compter sur moi, que je pouvais lui donner certaines options. Je pense que j’existe maintenant dans la tête d’Eric Girard, ce qui n’était peut-être pas le cas au début.

Je suis meneur avec Benoit (Mangin). C’est un joueur All-Star, il connait bien le milieu. Il a commencé en tant que pro assez jeune. J’apprends énormément de lui, par son attitude, son leadership. Ce qu’il apporte au Portel, c’est vraiment énorme, sur et en dehors du terrain. Il est comme Pierric Poupet à Denain.

Un meneur de jeu très percutant

« Je n’ai pas la même définition que les autres d’un meneur de jeu. Pour moi, un meneur n’est pas forcément celui qui distribue le ballon, c’est celui qui met en confiance ses coéquipiers, c’est celui qui mène la danse. Je ne pense pas être un meneur de jeu français. En tant que deuxième meneur, j’ai plus le rôle d’un Américain. Je ne sais pas pourquoi on donne autant d’importance aux Américains en sachant que notre formation française est capable d’amener des gars qui peuvent prendre ce rôle là. La plupart des Américains, quand ils viennent en France ils pensent qu’ils vont nous marcher dessus, mais quand ils tombent sur des sauvages ils ne sont plus rien. Il serait bien de donner un peu plus d’importance à notre formation que de donner de l’importance aux Américains. Il y a tellement de potentiel chez nous, on ne le voit pas forcément, c’est dommage.

« Les gens entendent que je suis ingérable. Aujourd’hui, je gère mes émotions »

On est en mission à Le Portel. Les gens s’attendent à ce qu’on fasse partie du bas de la liste. Le moyen terme serait de confirmer l’équipe qu’on a est une équipe capable d’exister en Jeep ELITE. Il faut vivre le moment présent, prendre les matches les uns après les autres. »

Une grande ambition

« Après sur le long terme, à la fin de ma formation au Portel avec Eric Girard, j’aspire soit aller à l’étranger, soit, si je devais rester en France, aller dans un club qui alignerait le chèque. J’ai une petite famille et il serait temps qu’on me paye (sourire). Je suis très ambitieux, je le garde pour moi. Mes proches savent où je veux aller. Le temps nous le dira, à l’heure actuelle je travaille dans l’ombre pour me préparer pour la suite. Je sais que quand ça va arriver, ça va faire mal. Il faut juste être patient. »

La dépression

« J’aimerais parler de la dépression. C’est important. Je l’ai traversé, quand j’étais aux États-Unis, j’en ai eu. Quand je suis rentré en France, j’en ai eue. J’en ai eu aussi dans ma carrière professionnelle.

Avec la COVID-19, je sais que ce n’est pas facile. Il est important de pouvoir en parler, il faut en parler avec ses proches. Rester seul te détruira. Il faut savoir qu’on est jamais seul. Il est important de savoir se livrer.

Je l’ai géré personnellement, je ne l’ai pas mentionné à un professionnel. D’où je viens, si j’allais voir un psy, on me prendrait pour un faible. J’en ai parlé à mon entourage. La personne qui m’aide aujourd’hui, c’est Mike Happio. Il fait un énorme travail. Il m’aide à avancer. Eric Girard aussi, il m’aide à gérer mes émotions. Je les gère mieux. La plupart des gens, quand ils entendent parler de moi, ils entendent que je suis ingérable. Certes. Mais aujourd’hui, je gère mes émotions. C’est grâce à mon entourage.

J’ai entendu Kevin Love parler de ça. Après il y a plusieurs types de dépression. Il faut savoir pourquoi surtout. Lui c’était dans le sport, moi c’était dans ma vie et ça a ressurgit sur le sport. Le gars gagne des millions de dollars, pourquoi est-il dépressif ? Il joue, pourquoi est-il dépressif ? Il y a parfois des dépressions dont on ne sait pas d’où elles viennent. Pour moi, ça vient de ma vie personnelle. »

Mettre sa famille à l’abri

« La famille est très importante. Ma mère, mes deux petits frères, ma grande sœur comptent énormément pour moi. C’est pour ça que je porte le numéro 5 car Mehdy Ngouama ce n’est pas que moi, c’est cinq personnes. J’ai fait ma propre famille, c’est important de les avoir avec moi.

Ma mère a une situation stable aujourd’hui. J’ai pu l’aider. Elle a beaucoup donné et a souffert intérieurement. Elle gagnait le strict minimum et élevait quatre enfants. Elle a donné à tout son environnement. Elle ramenait de la joie et de la bonne humeur. Au CSP 19, il y avait un gymnase qui s’appelait Hautpoul et les gamins la connaissent encore car on l’appelait « la daronne de Hautpoul ». Parce qu’elle donnait vraiment à tout le monde. Elle a sacrifié son bonheur pour les autres. Elle faisait des aller-retours au Pôle pour ne pas que je rentre le soir tout seul. Derrière, elle devait s’occuper de trois gamins, aller au travail… Ce n’est pas facile ! C’est pareil pour ma sœur qui a pris le rôle de deuxième mère. Quand ma mère a perdu ses proches, elle aussi a connu la dépression et ne pouvait pas m’accompagner au basket. C’est ma sœur qui a mis ses activités de côté pour que moi je puisse m’entraîner dans de bonnes conditions. Des fois, elle loupait des cours de danse, elle était triste mais c’était parce que j’étais son petit frère. C’est pour ça que cinq personnes font ma personne et que je portais le numéro 5. Maintenant j’ai le numéro 0 car tout le monde va bien et c’est un nouveau départ pour moi. »

A lire en complément ce jeudi : « Mehdy Ngouama vu par ses entraîneurs »

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