De la départementale à l’EuroLeague, Pascal Donnadieu raconte son irréel parcours : « Mon rêve ultime, c’était la Nationale 4 ! »
Coach de la JSF Nanterre entre 1987 et 2024, Pascal Donnadieu a quitté ses fonctions
Dans les entrailles de Maurice-Thorez, le bureau de Pascal Donnadieu est une petite ode à sa carrière. Derrière sa chaise sont posés deux maillots dédicacés de l’équipe de France : ceux d’Isaïa Cordinier et Evan Fournier. « À mon premier coach pro », a écrit l’arrière des Pistons, lancé par la JSF à 16 ans en 2009/10. D’autres posters rappelant les plus grands moments de son parcours ornent les murs : le trophée de champion de France 2013, l’EuroChallenge 2015, l’affiche de la médaille d’argent olympique en 2021. Sur les murs, on trouve aussi les démonstrations d’affection d’autres anciens joueurs : une longue photo dédicacée de Johan Passave-Ducteil, les remerciements de Thomas Darnauzan pour « quatre années inoubliables ». Et puis il y a le vrai signe de l’invraisemblable ascension francilienne : la collection de médailles de Pascal Donnadieu, à rendre jaloux 95% des autres coachs, alors qu’aucun d’entre eux n’a dû traverser tout ce que le Nanterrien a connu.
Car l’histoire est digne d’un film. « Si Netflix voulait faire une série, il n’y aurait pas meilleur scénario », s’amuse son homologue Frédéric Fauthoux. Simple employé de banc, parti du plus bas niveau départemental, Pascal Donnadieu (60 ans la semaine prochaine) s’est imposé comme l’un des entraîneurs les plus marquants de l’histoire du basket français et a hissé Nanterre jusqu’au gotha européen. Lundi, les yeux embués par sa dernière sortie (74-90) et l’ovation d’un public adverse, l’adjoint des Bleus a utilisé l’expression « conte de fées » au moment de qualifier son parcours. Début avril, il nous avait reçu à Nanterre pour le raconter en longueur.
Le récit de Pascal Donnadieu
« J’ai toujours vécu à Nanterre, au Mont-Valérien avec mes parents. J’ai connu une jeunesse heureuse, sans problème. J’ai toujours adoré le sport : mes parents m’ont souvent dit que je me suis mis à lire L’Équipe dès que j’ai pu. C’est rare pour un petit ! Du coup, quand j’étais jeune, je voulais être journaliste. J’ai commencé le basket ici, très tôt, au gymnase Romain Rolland. Mon père, Jean, a été mon premier coach : il était joueur à la JSF, ensuite devenu entraîneur, donc j’ai rapidement attrapé le virus. À l’époque, la JSF était un club de quartier, ce que l’on appelle un patronage : la Jeunesse Sportive des Fontanelles. À côté de l’église, il y avait des terrains extérieurs et un petit gymnase.
« J’étais un meneur svelte et rapide ! »
Cela peut faire sourire maintenant mais j’étais un meneur de jeu plutôt svelte et rapide. J’étais assez adroit, mais pas le meilleur défenseur de la planète. J’ai quand même été sélectionné en équipe des Hauts-de-Seine et d’Ile-de-France, je me débrouillais plutôt pas mal. En parallèle, j’ai commencé à entraîner les petits de l’école de basket. Je suis d’abord resté à Nanterre au niveau régional, dans une équipe avec des anciens. Mais mon père a décidé de la dissoudre car il trouvait que les attitudes n’étaient pas terribles. J’ai été contacté par Rueil en Nationale 4, j’y ai fait trois saisons sympathiques, dont deux en N3. Je me débrouillais de mieux en mieux.
Coach de la JSF, l’histoire a démarré par une demande des copains de ma génération. Ils étaient tous partis en région un peu partout. Ils voulaient reformer une équipe à Nanterre. Moi, je jouais encore à Rueil mais ils m’ont dit : « Pascal, comme tu entraînes déjà les petits et que tu as match le samedi, est-ce que tu pourrais nous coacher le mercredi et on jouerait le dimanche ? » J’ai dit oui, ça a commencé comme cela. On est monté les deux premières années pour atteindre le niveau régional et mon père, qui était président, m’a fait un petit appel du pied pour que je devienne entraîneur-joueur. J’ai donc mis entre parenthèse ma modeste carrière de joueur pour revenir à Nanterre.
15 ans à la banque en parallèle
En parallèle, j’étais employé de banque (à la BNP, ndlr). Vu que j’étais tellement passionné de sport, je n’avais pas donné la priorité aux études. À un moment donné, à 17 ans, je suis entré à la banque parce qu’il fallait bien vivre. De 1981 à 1996, j’ai fait un peu tout ce que l’on peut faire dans une banque, comme être au guichet. C’était un métier alimentaire mais je n’y allais pas non plus en reculant, ce n’était pas le bagne. J’aime bien le contact humain, j’ai passé des bons moments dans le milieu bancaire. Je n’avais pas fait ce qu’il fallait pour choisir le métier que je voulais donc je n’avais pas à me plaindre. J’ai toujours considéré que cela avait été une richesse personnelle. Travailler 7h45 par jour dans un bureau m’a permis d’encore plus savourer le fait de vivre de ma passion dans un deuxième temps. Je suis parti en 1996 car j’ai eu l’opportunité d’être chargé d’actions basket en direction des quartiers à la mairie. C’était déjà une façon de vivre de ma passion. J’ai mis des ateliers basket en place dans tous les quartiers de Nanterre avec des éducateurs. Plus on montait, plus le service des sports a adapté mon temps de travail. J’étais d’abord à mi-temps et c’est quand nous sommes arrivés en Nationale 1, en 2001, que je suis passé à plein temps sur le club. Ce n’était plus possible de cumuler.
Avec Nanterre, nous sommes vraiment partis du plus bas niveau départemental. Ce n’est pas du tout une légende (il sourit) ! Les premières années représentent des souvenirs marrants : j’entraînais mes potes une fois par semaine pour jouer le dimanche. Le jour du match, vous n’êtes pas à l’abri qu’il n’y ait aucun arbitre désigné et que ce soit un peu folklorique avec un arbitre de chaque club. On partait à quelques voitures de Maurice-Thorez, on avait les plans sur des photocopies papier, on se suivait, on il arrivait qu’on en perde une en route et vu qu’il n’y avait pas de téléphone… (il rit) C’est le plus bas niveau du basket donc c’est forcément atypique. Dans notre petite gymnase de quartier, on jouait dans une ambiance sympa. Il y avait une petite centaine de personnes, pas plus, mais c’était déjà du monde pour nous. Vu qu’il n’y avait pas de tribune, tout le monde se mettait le long de la ligne de touche. Je suis fier de ces années-là. Je me rappelle de toutes petites salles, de gars des cités qui venaient nous voir dans le vestiaire pour nous dire, sur le ton de la boutade, qu’on ne gagnerait pas ce soir. Mais ça ne s’est jamais mal passé.
« Quand on arrive en N4, je me dis qu’on ne pourra pas faire mieux »
Même dans mes rêves les plus fous, je ne pouvais pas considérer que ce qui allait se dérouler m’arriverait un jour. Quand j’étais en département, je regardais le niveau régional comme si c’était la NBA de maintenant. Et quand j’étais en régional, mon rêve ultime était d’atteindre la Nationale 4. Car qui voulait dire Nationale 4 voulait dire championnat de France, donc des déplacements en province. C’est tout bête, cela n’allait pas plus loin que ça. Chaque fois que l’on montait, j’avais l’impression que c’était la dernière montée parce que l’on touchait un peu le Graal. Et pourtant, il y en a eu 10 en 15 ans…
Quand on est arrivé en Nationale 4, je me suis dit : « Bon, ça y est, on a réalisé notre rêve, on est en championnat de France, c’est fantastique, on ne pourra pas faire mieux ! » Sauf que l’année d’après, on montait en Nationale 3… On vivait le moment présent. On n’avait pas des moyens colossaux mais on a eu l’opportunité de recruter des potes à moi qui voulaient continuer à jouer en se faisant plaisir. Je pense notamment à François Godener, qui tournait à 15 points en Nationale 3 et nous a rejoint en région. Donc au lieu d’en mettre 15, il en mettait 30 ! Cela faisait un mixte sympa avec des bons jeunes du cru chez nous.
La découverte de la Nationale 1, en 2001, m’a vraiment marqué. Déjà parce que je suis passé à plein temps sur le club, donc. On s’entraînait tous les jours, on commençait à avoir des joueurs qui ne faisaient plus que ça. Mais aussi parce que c’était la première fois qu’on recrutait des joueurs étrangers. Pour nous, c’était vraiment une étape. Le premier Américain s’appelait Lawrence Williams mais il n’a pas laissé un souvenir impérissable, on ne l’a pas gardé… La NM1 représentait la découverte d’un truc différent. On y est resté trois saisons avant de monter en Pro B lors d’un dernier match contre Saint-Vallier (79-59) : on avait des garçons comme Pierre Brochard, Thomas Darnauzan, Guillaume Pons ou un super Ricain, Versile Shaw (21,8 points de moyenne).
Chaque montée est un symbole. La Pro B, c’est l’entrée dans la Ligue Nationale de Basket. Pour quelqu’un qui a connu le plus bas niveau, les noms sont parlants. Sur les premiers mois, je n’avais officiellement pas le droit de coacher, je n’avais pas obtenu la dérogation demandée. J’ai tout fait à l’envers : un coach professionnel lambda passe tous ses diplômes puis entraîne après. De mon côté, on montait plus rapidement que ma capacité à pouvoir obtenir tous mes diplômes. Vu que je travaillais à côté, je n’avais pas pu passer le Brevet d’État. La première épopée grand public de la JSF est la finale de la Coupe de France 2007. Ça a été incroyable. En plus, on l’a obtenu sur un plateau à Lorient, alors que ma famille est originaire du Morbihan. Il y avait le grand Chalon, demi-finaliste de Pro A, Cholet, nous et un autre club de Pro B, Antibes. On était les quatre équipes dans le même hôtel. Pour la fédération, il était évident que ce serait Cholet ou Chalon. Quand on est arrivé à l’hôtel, personne ne nous calculait, on était les inconnus du truc ! On a fait un match extraordinaire en battant l’Élan Chalon en quart de finale, c’était la grosse surprise (65-56). Et là, je m’en rappellerai toujours… Vu qu’Antibes avait aussi battu Cholet avant, les gens de la FFBB commencent à s’approcher de nous : « Si on va aller en finale, pensez-vous que vous êtes capable de mobiliser du monde ? » Mon père leur répond : « Ben oui, on est à Nanterre… » J’ai vu leurs regards changer à ce moment-là. On a logiquement gagné contre Antibes en demi-finale (78-62) et on s’est retrouvé à Bercy dans un engouement populaire incroyable. Surtout, on a fait une finale remarquable contre Pau-Orthez (défaite 83-92). À l’image de garçons comme Thomas Darnauzan ou Steffon Bradford, on a été héroïques, on menait au milieu du troisième quart-temps, on a joué les yeux dans les yeux tout le match.
« À tel point que je me pose la question d’arrêter… »
La montée en Pro A, en 2011, c’est le rêve ultime ! La première interrogation que je me suis posé, c’est : comment faire pour être à la hauteur ? Parce que la marche devient de plus en plus haute… On s’est appuyé sur la grosse ossature qui nous a permis de monter. Après un début difficile, on fait une deuxième partie de saison remarquable et on frise presque les playoffs. On était super heureux de se maintenir. Ce qui est marrant l’été suivant, c’est qu’on renouvelle l’équipe. Je me plante dans le recrutement, on fait une entame catastrophique. À tel point que je me pose la question d’arrêter… Mon père m’en a dissuadé, des joueurs comme Xavier Corosine ou Stephen Brun aussi.
Dans une carrière, il y a des rencontres qui marquent. Il y a une personne qui est vraiment primordiale dans ma carrière et le succès de Nanterre, c’est François Lamy, à l’époque agent. On a noué une relation amicale et professionnelle de très haut niveau. 80% des gros coups que j’ai fait sur les Américains, c’était avec lui. Il m’a permis d’avoir des garçons comme Andrew Drevo, Eric Schmieder. Et là, en 2012, on a réussi à sortir Trenton Meacham de sa retraite. On avait aussi recruté David Lighty. Sa signature est une histoire marrante : il avait fini la saison en D2 italienne, coupé en Lega. Je dis à son agent que je suis intéressé et il me répond : « Ah bon ? Je trouve qu’il n’a pas de véritable point fort. » (il rit) « Écoute, s’il veut venir, envoie toujours ! » En décembre, Chris Massie, qui avait un côté mercenaire, part de lui-même et François m’indique qu’il a un Colombien, Juan Palacios, de disponible. Bon, OK… On découvre un garçon extraordinaire. Au final, on signe une deuxième partie de saison fantastique. On fait une finale de Coupe de France où l’on se déchire complètement face au Paris-Levallois (74-77). J’ai toujours dit que si on avait gagné la Coupe, on n’aurait même pas passé le premier tour des playoffs. Ça nous met plus bas que terre quand on perd la finale, moi le premier, mais ça nous donne une force incroyable pour attaquer les playoffs.
« Champion de France, c’était inenvisageable, même dans mes rêves les plus fous »
Champion de France, c’était le titre le plus important mais paradoxalement celui que j’ai le moins savouré.. On a été débordé par ce qui nous était arrivé. On n’avait rien anticipé, comme la fête d’après-match : on s’est retrouvé dans une station-service à manger des sandwichs triangle (il rit). Un supporter nous avait invité dans sa discothèque porte Maillot. Mais on n’avait rien dîné et on s’est arrêté en chemin avec le bus dans une station Total ! Au delà de cela, j’ai eu le sentiment de ne pas savourer vraiment. Il y a eu des questions polémiques autour de nous : d’abord la salle, ensuite on nous prenait pour des charlots qui avaient un coup de pot incroyable et qui allaient connaitre l’enfer en EuroLeague. Tout cela a créé un climat bizarre. Pourtant, en étant réaliste, quand on est champion avec le 17e budget sur 18e, j’ai la modestie de dire que c’est l’un des plus grands exploits de l’histoire du basket français. La surprise a été incroyable. Ça a marqué beaucoup de gens, on m’en parle encore aujourd’hui. Du plus bas niveau départemental au titre de champion de France, c’était un conte de fées. Inenvisageable, même dans mes rêves les plus fous.
En séminaire avec Ettore Messina ou Zeljko Obradovic…
L’EuroLeague est la découverte de ce qui se fait de mieux en Europe. On nous avait dit que le basket français n’était pas respecté, etc. Et pourtant, ma première rencontre avec l’EuroLeague, c’est un séminaire de deux jours avec tous les coachs à Barcelone. Il y avait tout le gratin : Ettore Messina, Zeljko Obradovic, etc. Mes lettres de noblesse par rapport à eux n’étaient pas très élevées (il sourit). J’avais presque un sentiment de malaise, je ne me sentais pas à ma place, je ne bougeais pas de mon tout petit coin. Je n’allais pas les approcher pour leur dire « coucou, c’est moi le coach de Nanterre, vous me connaissez ! » Au contraire, ils sont venus vers moi pour me dire que ce qu’on avait fait était extraordinaire, etc. Cela m’avait touché qu’ils aient suivi notre épopée. Sportivement, on s’était retrouvé dans la poule la plus dure avec le CSKA Moscou, le FC Barcelone, le Fenerbahçe. Au-delà de la victoire chez le Barça (71-67), on a réussi à surprendre les gens en France et en Europe. Il y a des histoires incroyables comme Jérémy Nzeulie, Jo Passave-Ducteil qui arrivait de Pro B et qui défendait sur les meilleurs intérieurs d’Europe, la belle campagne du très jeune Mam’ Jaiteh.
« Je n’aurais pas supporté de faire l’année de trop »
Après le titre, ce que j’ai bien aimé, c’est qu’on a prouvé qu’on pouvait durer derrière. On avait cette faculté à se sublimer dans les grandes occasions, à continuer à faire vivre la légende. Ce n’était pas conforme à ce qu’on nous avait prédit mais on a réussi à repousser nos limites pour gagner deux fois la Coupe de France et deux Coupe d’Europe. Avoir construit un tel palmarès fait partie de mes fiertés, ce n’est pas donné à tout le monde de gagner des titres. Il ne s’agissait certes pas les compétitions européennes les plus prestigieuses mais quand on va gagner la finale de l’EuroChallenge 2015 à Trabzon (65-64), alors que notre leader Mykal Riley se pète le tendon en demi-finale, c’était quelque chose ! Une salle remplie de fans turcs, le scénario avec le lay-up au buzzer de T.J. Campbell, c’était un truc de fou ! Ces dernières années, pour différentes raisons, nous sommes revenus dans le rang. Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas été bons. Pour moi, c’est juste que l’on a sur-performé pendant un certain nombre d’années avant de faire ce qu’on devait faire, voire un petit peu mieux. Mais on avait tellement sur-performé avant qu’on était en régression dans l’esprit des gens, et je veux bien l’entendre. C’était un peu vrai, mais pas complètement…
Au final, à part mes trois saisons de joueur à Rueil, je n’aurais connu que Nanterre. Il y a toutefois eu des phases concrètes pour un départ. Quand vous êtes lié sentimentalement à un club, c’est dur de franchir le pas. Je n’ai pas réussi à le faire. Peut-être que j’aurais dû mais je n’ai pas de regret. À partir du moment où j’ai intégré l’équipe de France en 2017, c’était compliqué de partir dans un nouveau club, quand on n’a jamais changé, sans faire la préparation. Ce n’était pas me donner les moyens de réussir. Et puis, je n’avais pas non plus une volonté farouche de partir. J’ai pourtant eu de très bonnes propositions. Les deux options les plus poussées ont été Le Mans et Bourg : j’avais longuement discuté avec le président du MSB en 2014 mais il a préféré prendre Erman Künter et j’ai refusé la JL en 2021, c’est Laurent Legname qui a eu le poste. J’ai même eu une offre absolument faramineuse d’un club chinois après notre tournée en Chine avec l’équipe de France A’…
« Si on n’était qu’un club familial, on serait encore en région »
L’un des éléments qui est vite ressorti de l’ADN de Nanterre après notre arrivée en LNB, c’est la volonté de faire confiance aux jeunes. Permettre à des jeunes avec du potentiel de s’exprimer en Pro B était intéressant pour nous, du gagnant-gagnant avec les jeunes. Adrien Moerman (MVP Français de Pro B en 2008 avec la JSF, ndlr) a été l’un des premiers, il y a eu Evan (Fournier) ensuite. Il a fait une saison avec nous : il était facile à coacher, il avait déjà beaucoup d’ambitions. Il avait pris ses marques lors de la première partie avant de jouer de plus en plus ensuite pour On a continué sur cette philosophie à l’échelon supérieur, notamment avec Mathias Lessort ou Isaïa Cordinier. C’est toujours sympa de contribuer à l’explosion de jeunes Français. Et forcément, il y a aussi eu Victor Wembanyama… On a eu la chance de l’avoir de nombreuses années mais il faut avoir la modestie de se dire qu’on n’a fait que l’accompagner car c’est un tel génie sur le terrain. Je le dis d’autant plus facilement que j’ai été en bout de chaîne et que j’ai moins participé que certains éducateurs. Il a démarré de façon épisodique en 2020 et on l’a vraiment lancé en deuxième partie de saison : il a tout de suite été impactant et décisif pour nous aider à gagner des matchs. Quand je le vois commencer à devenir ce qu’il est en train de devenir, c’est forcément une grande fierté ! Surtout qu’il est resté le même, qu’il est toujours aussi attaché au club.
Au vu de mon histoire à Nanterre, je me suis toujours juré de ne pas faire l’année de trop. Ça m’a constamment hanté, je ne l’aurais pas supporté. Quand on a été champion de France, je me suis dit : « Tu veux gagner quoi maintenant à Nanterre ? » J’ai toujours craint l’année catastrophique : quand c’est votre bébé, que vous êtes parti du plus bas niveau, il y a une pression différente car vous n’avez pas envie de descendre d’un étage. C’est une fierté de ne jamais avoir été relégué. J’ai vu des coachs connaître des histoires formidables avec leur club et ne pas très bien finir : je trouve que les gens ont été sévères avec eux, ne retenant que la conclusion. Notre histoire est tellement atypique que ça a toujours été ma crainte. J’ai la faiblesse de croire que je ne suis ni cramé, ni usé, ni aigri. Tout le monde me demande pourquoi j’arrête alors que je suis en pleine forme (il rit), mais c’est bien la première raison. La deuxième, c’est que je trouve que c’est un joli symbole de finir à 60 ans. Commencer ma carrière de coach en première série départementale et finir ma carrière par les Jeux Olympiques dans mon pays, et une bonne saison avec Nanterre, j’y voyais un espèce de clin d’œil, ou un signe du destin. Enfin, je trouvais que c’était le bon moment car c’était un championnat à risque avec trois descentes : je considérais qu’il fallait que j’assume mes responsabilités et que c’était faire un cadeau empoisonné à Philippe (Da Silva). Je n’ai pas de regret. Mais ce n’est pas sans émotion non plus. C’est une décision que j’ai mûri et que j’assume parfaitement. Ça fait à peu près un an et demi que je le sais. Je voulais faire en sorte que ma succession soit carrée, pas sur un coup de tête. Ce départ ne s’est pas joué à pile ou face.
« Je sais que c’est une histoire incroyable »
À partir de la saison prochaine, j’endosserai le costume de directeur sportif pour aider le club. Je veux essayer, si possible, de lui rendre tout ce qu’il m’a donné. J’occupais déjà quelque part ce rôle donc ça me permettra de le faire encore mieux, de développer des nouveaux axes de travail. Philippe sera là pour coacher, je serai à sa disposition pour le recrutement, la structuration autour du sportif, l’extra-sportif. Mais en aucun cas, je ne m’immiscerai dans les aspects techniques. Tous les clubs ont des DS ou des GM donc c’est aussi une manière pour nous de continuer à nous structurer. Et puis, je continuerai peut-être à coacher malgré tout : en club, c’est terminé mais pourquoi pas une équie nationale ! Si l’on me propose une opportunité intéressante avec une sélection étrangère, ça pourrait me faire envie.
Je suis très fier que l’on dise que Nanterre est un club familial, convivial, mais ça ne suffit pas pour gagner des titres. Si on n’avait pas eu ce côté ambitieux, innovant, on n’aurait pas su renverser les montagnes. Je ne veux pas que l’on retienne juste le côté familial. Ça a presque des fois un côté péjoratif : familial, on pourrait y voir la colonie de vacances. Surtout que c’est au-delà du nom des Donnadieu. Mais si on était resté juste familial, on serait encore en région aujourd’hui. Souvent, on m’a taxé de faux modeste mais je sais que c’est une histoire incroyable. Je suis fier d’avoir traversé tout ce que l’on peut connaitre dans le basket : les bas niveaux, les niveaux intermédiaires et le très haut niveau. Je remercie tous les gens qui m’ont aidé car tout seul, on ne fait rien. Nanterre, ce n’est pas juste la réussite d’une personne. J’ai déjà été approché deux – trois fois par des réalisateurs pour que mon histoire à Nanterre débouche sur un film. Il n’y avait pas eu de suite jusque-là. Peut-être qu’ils n’avaient juste pas trouvé l’acteur… (il rit)
Son parcours :
- 1987 – 2024 : Coach de la JSF Nanterre (de la première série inter-départementale à l’EuroLeague)
- Depuis 2017 : assistant-coach de l’équipe de France
L’ascension de la JSF Nanterre :
- 1987/88 : première série inter-départementale (champion direct)
- 1988/89 : promotion d’honneur inter-départementale (champion direct)
- 1989/90 : honneur régional (champion direct)
- 1990/91 : promotion d’excellence régionale (accession directe)
- 1991/93 : excellence régionale (accession en deux ans)
- 1993/94 : Nationale 4 (accession directe)
- 1994/98 : Nationale 3 (accession en quatre ans)
- 1998/01 : Nationale 2 (accession en trois ans)
- 2001/04 : Nationale 1 (accession en trois ans)
- 2004/11 : Pro B (champion en sept ans)
- Depuis 2011 : Pro A (champion en deux ans)
- Depuis 2013 : participations régulières à des Coupe d’Europe (premier trophée en deux ans)
Son palmarès :
En club :
- Dix montées en carrière
- Champion de première série inter-départementale Hauts-de-Seine en 1988
- Champion de promotion d’honneur inter-départementale Hauts-de-Seine en 1989
- Champion honneur régional en 1990
- Champion de France Pro B 2011
- Champion de France 2013
- Double vainqueur de la Coupe de France (2014 et 2017)
- Double vainqueur du Match des Champions (2014 et 2017)
- Vainqueur de l’EuroChallenge 2015
- Vainqueur de la FIBA Europe Cup 2017
- Meilleur entraîneur de Pro B en 2011
En équipe de France :
- Médaillé de bronze lors de la Coupe du Monde 2019
- Vice-champion olympique 2021
- Vice-champion d’Europe 2022
La parenthèse bleue
« Vu que j’avais déjà eu l’équipe de France A’ pendant plusieurs étés à partir de 2014, Patrick Beesley m’a contacté après les Jeux de Rio en 2016. Il m’a dit qu’ils voulaient étoffer le staff, qu’ils en avaient discuté avec Vincent (Collet). C’était une grande fierté et un honneur. Je suis arrivé un peu sur la pointe des pieds et il se trouve que ma première compétition, l’EuroBasket 2017, n’était pas un franc succès… J’espérais ne pas être le chat noir (il sourit). Bon, les trois compétitions suivantes se sont soldées par trois podiums donc ça va ! J’ai trouvé ma place auprès de Vincent, qui m’a fait confiance. L’intégration n’a pas été difficile : la richesse du staff de l’équipe de France est que nous sommes nombreux mais tout le monde vit bien. C’est un fonctionnement proche de la NBA : on travaille beaucoup en équipe, je suis un peu le second coach derrière Vincent. On est souvent dans le dialogue et dans l’échange, je n’ai pas de domaine particulier car Vincent aime bien partager avec tout le monde. Il y a beaucoup de pression médiatique en équipe de France que notre travail doit être de soulager Vincent et de le mettre dans les meilleures circonstances.
J’ai participé à cinq compétitions internationales : la première n’a pas été abouti, la dernière encore moins, mais trois médailles, ce n’est que du bonheur ! Par rapport à mon parcours, ce qui est difficile, ce que je ne m’en rends pas vraiment compte. Souvent, je banalise à tort car je ne réalise pas, en étant pris dans le truc. C’était le cas de la finale olympique en 2021. Des fois, j’essaye de me poser pour me dire que c’est fabuleux d’en être arrivé là où je suis part, vu d’où je suis parti.
Je pense que le meilleur en équipe de France est à venir. Les Jeux Olympiques dans son pays, il n’y a rien de plus beau. Du premier jour de la préparation jusqu’aux Jeux, ça va être une aventure exceptionnelle. Je vais croquer dans la compétition, prendre du plaisir mais il faut que l’on soit à la hauteur. Quand on a connu le plus bas niveau départemental et qu’on termine par les Jeux en France, on ne peut pas rêver de grand chose en plus. C’est un ultime défi qui permettra de boucler la boucle. C’est vraiment l’apothéose ! »
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