Nicolas Pavrette, ce jeune Français qui marche sur la troisième division espagnole
Leader du CB Moron, Nicolas Pavrette est le favori pour le trophée de MVP en LEB Plata
Décidément, Tony Skinn ne sera jamais un grand fan de la Roanne. En 2006, pour sa toute première expérience professionnelle, le meneur nigérian avait vécu un calvaire face à la défense oppressante du tout jeune Marc-Antoine Pellin. Coupé avant même le début de la saison, il avait laissé la Chorale s’envoler sans lui vers un historique titre de champion de France. 17 ans après, l’ancien meneur de Clermont-Ferrand et Gravelines-Dunkerque a connu une nouvelle histoire compliquée avec un Roannais. Devenu coach à George Mason University, il a recruté l’été dernier l’intérieur ligérien Nicolas Pavrette (2,10 m, 22 ans) mais le Français a quitté la fac sans prévenir début novembre, mécontent d’un temps de jeu quasi inexistant, choisissant de retourner en Europe sans plan B sous la main.
N°1 à l’évaluation
Il n’a pas à le regretter : moins de six mois plus tard, il a gagné ses galons de joueur professionnel en étant le n°1 à l’évaluation parmi les 28 équipes de LEB Plata, la troisième division espagnole. Le pivot du CB Moron, club de la périphérie sevillane, tourne à 14,2 points à 55%, 10,1 rebonds, 1,2 passe décisive et 1,3 contre pour 21,3 d’évaluation en 30 minutes de moyenne. Sans lui, lors des sept premiers matchs, Moron a connu la défaite à trois reprises. Avec lui, c’est seulement 4 revers en 22 rencontres. « Je savais que j’allais performer mais peut-être pas autant, à avoir un tel impact sur l’équipe des deux côtés du parquet », admet-il.
De quoi lui ouvrir des portes plus attrayantes pour la suite car en novembre, le plan n’était pas réellement orienté vers une signature en LEB Plata. Né à Saint-Brieuc, parti très jeune à Roanne, Nicolas Pavrette est un pur produit de la Chorale, de mini-basket à Espoir. « À la fin de ma dernière saison U18 (9,4 points de moyenne, ndlr), je sentais que la formation française m’avait apporté beaucoup mais que je devais partir aux États-Unis. Le jeu est vraiment réputé pour être plus physique, c’est ce qu’il me fallait. » Un an de lycée à Central Pointe, puis deux ans d’université à Central Michigan (3,1 points et 3,3 rebonds en 54 matchs NCAA) pour s’épaissir et s’endurcir. « Quand je suis arrivé là-bas, je pesais 80 kilos », souffle celui qui affiche désormais 104 kilos sur la balance. « Ça a été un développement constant avec Central Michigan, peut-être que j’aurais dû rester là-bas pour ma troisième année plutôt que de partir à George Mason. »
Peut-être pas, surtout, vu ses états de service de la saison en Espagne. Pourtant, débarquer début novembre sur le marché européen, quand tous les effectifs sont déjà bouclés, n’était pas spécialement la meilleure idée qui soit. JFL grâce à ses années roannaises, le géant briochin espérait trouver une ouverture en Pro B. Il n’en fut rien. « On m’a dit que ça allait être compliqué de signer en Pro B car je n’ai pas fait de grosses statistiques aux États-Unis. J’ai dû mettre mon ego de côté pour aller en troisième division espagnole. Les structures n’ont absolument rien à voir avec celles de NCAA mais j’ai pris cela comme le fait de descendre pour mieux rebondir. Je voulais commencer fort pour ma première saison en pro. »
Un avenir en France ?
Mission accomplie ! Un semestre après, Nicolas Pavrette sait qu’il « pourra signer où [il] veut » cet été. Le fruit d’une saison rookie en double-double de moyenne, qui fait de lui le candidat majeur au trophée de MVP du championnat. « C’est une récompense de tout le travail que j’ai fourni dans l’ombre pendant toutes ces années », indique le grand frère d’Eloise Pavrette, ancienne jeune de Villeneuve-d’Ascq partie lancer sa carrière à San Salvatore, en deuxième division italienne. Une lente métamorphose qui l’a vu progressivement devenir une menace des deux côtés du parquet. « Quand je suis parti de France, je ne pouvais pas scorer », retrace-t-il. « Maintenant, je tire à 3-points, je vais mettre mes lancers-francs. J’ai toujours eu une facette défensive avec le rebond ou le contre mais j’ai développé cet aspect offensif qui fait de moi un joueur plus complet. »
Resté en contact avec son ancien coéquipier roannais, Arthur Bruyas ne peut qu’acquiescer. « Partir aux États-Unis lui a fait du bien et lui a permis de passer un cap dans son basket », souligne l’ailier de l’Élan Béarnais. « Il a toujours eu un gros potentiel de par son profil : très longiligne, très grand, athlétique. Il a une grosse capacité de rebond, il peut être dominant dans ce secteur car il est long et peut monter fort au panier. À la Chorale, il était assez réservé, un peu timide mais à l’écoute et travailleur. Il a vraiment un profil hyper intéressant, avec une grosse marge de progression. Il faut qu’il persévère car il a vraiment toutes les qualités pour devenir un bon joueur. »
Surtout que Nicolas Pavrette a su allier ses performances individuelles à un vrai impact collectif : dans les petits budgets de LEB Plata, Moron était 9e lors de son arrivée et a finalement terminé avec le 2e bilan. Vainqueur à Zornotza (79-72) en demi-finale aller de conférence, avec un énième chantier de son tricolore (11 points, 15 rebonds et 2 passes décisives), le club andalou a aussi fait un pas vers la finale de conférence, synonyme d’accession en LEB Oro en cas de victoire. « Les objectifs ont été revus à la hausse, le but est d’aller au bout maintenant », assène-t-il. Avant d’envisager une plateforme d’exposition plus importante pour sa seconde saison ? « Je sais que j’aurai pas mal d’options, de gens qui vont m’appeler mais je n’y pense pas encore », évacue-t-il, concédant juste qu’il aimerait évoluer en première division. En France ? « Ce serait encore mieux ! Si j’ai une bonne opportunité, avec du temps de jeu et un bon endroit, j’y penserai sérieusement. Il y a ma famille, ma mère ne m’a pas vu jouer depuis longtemps. Et que ma grand-mère puisse venir à un match, ça me ferait super plaisir. » Elles, aussi, verraient que le petit Nicolas a bien changé depuis ses jeunes années roannaises…
Afflux français dans les divisions inférieures en Espagne
« Invasion française en LEB Oro, LEB Plata et en Liga EBA », titrait en février dernier le média Zona de Basquet. Soit une permutation de la tendance initiée par Carlos Cherry, Espagnol débarqué à Quimper en 2012 et qui a fait les beaux jours de Saint-Laurent-de-la-Plaine en Nationale 3 jusqu’en 2021. D’autres Espagnols lui avaient emboité le pas les saisons suivantes, à travers Pro B et NM1 : Xavi Forcada, Asier Zengotitabengoa, Marcos Suka-Umu, Javier Beiran, Xavi Rey, etc.
Mais désormais, c’est l’inverse ! À Moron, par exemple, Nicolas Pavrette a pris la place de Ryan Lobreau, ancien joueur du Havre et de Saint-Vallier, blessé en novembre. Sur les parquets, il a croisé la route de Ludgy Debaut, depuis parti au Venezuela. Si Benicarlo avait éliminé Zornotza en quart de finale, il aurait eu droit à un duel 100% français dans la peinture avec Maxime Yomi Kemayou (6,7 points et 8,4 rebonds), vainqueur l’an dernier des playoffs de D3 espagnole avec Edwin Jackson, depuis reparti en EuroLeague avec l’ASVEL. Prêté par Cholet Basket, le géant Naoll Balfourier a également tenté de lancer sa carrière avec le Fibwi Palma, sans grande réussite (1,2 point et 1 rebond), la faute à une très grave entorse de la cheville qui l’a éloigné des parquets pendant quatre mois dès l’entame, alors qu’Arsone Mendy a dû quitter Algeciras en décembre à cause d’une blessure.
« Ça ne m’étonne pas qu’il y ait autant de Français car c’est une bonne passerelle », s’exclame le Roannais. « C’est un championnat bien respecté en Europe, c’est logique de venir y tenter sa chance. C’est très différent du jeu français : le rythme est plus lent, il y a souvent un poste 5 athlétique avec beaucoup de shooteurs autour. »
S’ils ne sont que deux en LEB Oro (Sofiane Briki et Tom Digbeu), un championnat où Sidy Cissoko a lancé sa carrière, l’exode est encore plus marqué en Liga EBA, l’équivalent de la Nationale 2. 13 tricolores arpentent ainsi les parquets de quatrième division, avec des profils bien différents : cela va du prodige Kyllian Michée, en couveuse avec l’équipe réserve du Real Madrid, à Clément Dézallé, joueur confirmé de NM2 (6,1 points de moyenne l’an dernier avec Sorgues), parti vivre une nouvelle expérience à Pas Pielagos.
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