Mickaël Hay, une main de velours dans un gant de fer
Mickaël Hay ADA Blois 2023-24
Depuis le 5 décembre dernier, cela fait plus de dix ans que Mickaël Hay tient sans discontinuer les rênes de l’ADA Blois. Bail en cours. « Presqu’une anomalie dans le sport professionnel moderne », concède David Morabito, l’un de ses coach assistants. Une éternité même, puisqu’« avec une saison comme celle que nous vivons, ou la précédente, on prend dix ans en une année ! ».
Mickaël Hay est le seul entraîneur dans ce cas en Betclic Élite, l’indéboulonnable Pascal Donnadieu mis à part. Si ce dernier est intimement lié à Nanterre, le natif de Bressuire n’avait aucune attache avec le blaisois. Il avait même refusé le poste en 2013 – « Il était sceptique sur le club », explique Thomas Cornely, joueur emblématique blésois qu’il a coaché et façonné pendant 7 ans. Plus encore, Mickaël Hay avoua récemment à la presse locale qu’il avait été tout proche de refaire ses valises dès le premier soir…
Des hauts et des bas
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la Loire. Elle aura tantôt pris un goût de champagne, tantôt un goût amer. Comme Pascal Donnadieu – en partant certes de moins loin –, Mickaël Hay aura connu la joie des montées successives. Après une finale de playoffs de Nationale 1 (NM1) dès 2014-2015, le club finit champion dès l’année suivante et accède en Pro B. La dernière marche aura en revanche été plus longue à franchir. Non pas tant sportivement qu’« administrativement ». En 2018, le club est champion de France de Pro B – et Mickaël sacré meilleur entraineur –, mais n’accède pas en Jeep Élite, faute d’un centre de performance agréé. En 2020, c’est le Covid qui joue les trouble-fêtes. Alors que l’ADA fait la course en tête, les clubs de LNB décident de geler les résultats : l’équipe reste une nouvelle fois à quai. Mais après des playoffs annulés l’année suivante, le club touche enfin le Graal en 2022. De quoi forger le caractère ! À dire vrai, de caractère, l’homme n’en manque guère. « Il est sur le banc comme il était quand il était joueur : déterminé. Il a la dalle ! », indique Dominique Roinard, entraineur-assistant à ses côtés depuis 5 ans, et par ailleurs presque un ami de 30 ans : « Cela fait 27 ans qu’on se parle au quotidien ».
Passionné
Très jeune, Mickaël Hay sut qu’il deviendrait coach : « Dès mes premières années de joueur, je notais les exercices que l’on faisait », confie-t-il. Et l’attrait pour la fonction n’a fait que grandir : « À la fin de ma carrière, j’avais d’ailleurs tendance à devenir plus entraîneur que joueur. Il était temps de tourner la page ! ». Rien d’étonnant quand on connait sa passion pour ce jeu qu’il n’a de cesse de scruter, d’analyser, de décortiquer, avouant regarder « au minimum une dizaine de matchs par semaine. Il n’y a pas un jour où je ne regarde pas de basket ». « Je me suis parfois demandé s’il ne dormait pas dans la salle, ironise Thomas Cornely. Ce n’est pas le genre de coach à descendre de son bureau juste pour l’entrainement. Il est constamment à la salle, toujours disponible si tu as besoin de lui. Il aime ce métier, cela se ressent ». « Le jour où je n’aurai plus soif d’apprendre, il sera temps d’arrêter », prévient Mickaël Hay.
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Ce jour-là n’est pas encore venu. Dans dix ans, il se voit d’ailleurs toujours entraîneur, « même si c’est un métier énergivore et, surtout, un métier où l’on ne fait pas de plan de carrière. Je n’aurais d’ailleurs jamais imaginé rester aussi longtemps dans un même club ». Toujours à l’ADA ? L’avenir le dira. Lui n’a qu’une crainte : « J’ai tellement connu de choses ici que je ne veux pas faire la saison de trop ». La difficulté est que l’on ne le sait généralement qu’après… Dans tous les cas, il ne se considère « ni irremplaçable, ni tout-puissant. Les résultats passés n’offrent aucune immunité ». Il avoue qu’il pourrait être tenté par une aventure à l’étranger, mais constate que « les entraineurs français n’ont pas très bonne réputation. À tort. C’est un problème de lobbying ».
Maître technico-tactique
Ses qualités de maître technico-tactique sont unanimement louées. « C’est incontestablement sa force. Il sait poser les problèmes. Il est logique, précis. Tout ce qu’il fait a du sens », vante David Morabito, peu avare de compliments pour louer « ce mentor qui m’a fait grandir ». Si le « QI basket » est une qualité (trop ?) généreusement allouée aujourd’hui, nul doute qu’il est l’un des premiers à pouvoir y prétendre. « Avec lui, j’ai pris une tarte baskettement parlant. Jusque-là, je jouais plutôt à l’instinct. Il m’avait d’ailleurs expliqué qu’il allait ‘me casser pour mieux me reconstruire’. La première année fut très difficile pour moi, il y avait énormément d’infos à assimiler, il était toujours sur mon dos. J’ai failli partir. Mais on m’a expliqué que s’il était dur avec moi, c’est qu’il croyait en moi. J’ai persévéré », raconte Thomas Cornely. Il a bien fait.
Côté basket, on ne sera donc pas surpris d’entendre Mickaël Hay avouer une préférence marquée pour le basket européen, valorisant le collectif et la tactique plutôt que les individualités : « Le Bologne de Rigaudeau, le basket espagnol, ce que fait le Real Madrid aujourd’hui… Je regarde peu la NBA, seulement à partir des playoffs », confesse-t-il. Il explique : « Les règles sont différentes, la culture aussi. L’exemple-type, c’est Tyren Johnson. Quand il est arrivé ici, il ne pensait qu’à sa gueule. Quand je vois ce qu’il est devenu aujourd’hui, ce qu’il fait cette saison à Nancy, au service de l’équipe, c’est une sacrée métamorphose ! ». L’Américain, autre joueur emblématique de l’ADA s’il en est, qui a passé 6 saisons sous les ordres de Mickaël Hay, loue le rôle de ce dernier dans cette transformation : « Il a changé ma carrière. Il m’a permis d’apprendre à jouer au basket européen. J’étais un bon joueur, mais je ne connaissais pas les petits détails. Un jour, il m’a d’ailleurs dit que c’était pour ça que je ne jouais pas en Betclic ÉLITE ».
Mentalité « old-school » ?
Le même Tyren Johnson confia un jour à la presse locale que « Mickaël a une qualité particulière que peu d’entraîneurs ont : il a une mentalité old school, traditionnelle, mais un esprit très moderne dans son approche du basket ». Mentalité « old-school » ? Par-là, il faut sans doute entendre travail, rigueur, exigence, engagement, humilité, sens du sacrifice – autant de valeurs pas très bling-bling que Mickaël Hay n’a de cesse de mettre en avant dans ses conférences de presse d’après-match. « Passionné », « travailleur », « exigeant avec lui-même », « honnête », « droit », « carré », « qui ne triche pas » sont d’ailleurs les qualités humaines qui lui sont généralement prêtées, tant par l’encadrement du club que par ses joueurs. Lui se voit « droit, juste, cohérent, direct. Je ne vends pas du rêve ». « Je pense que sa principale qualité est qu’il traite chaque joueur de la même manière », confirme Tyren Johnson. « C’est un coach honnête et franc. Pas le genre à te planter un couteau dans le dos », fait valoir Thomas Cornely. Une qualité plus rare qu’il n’y parait, semble-t-il. « L’opposition ne me fait pas peur », confirme Mickaël Hay, partant du principe « qu’on n’est pas là pour être aimé ». La séduction n’est clairement pas son registre de prédilection. « Il peut paraître froid, mais c’est un homme juste et attachant », juge Dominique Roinard. « Certains peuvent effectivement penser qu’il est froid et distant, mais je ne suis pas d’accord. Le coach est juste un gars qui n’a pas le temps de bla bla », corrige Tyren Johnson. Thomas Cornely précise l’analyse : « Mickaël fait très attention à ne pas mélanger le perso et le pro. Quand je suis parti deux ans à Caen, il n’arrêtait pas de m’appeler. Mais dès que je suis revenu à Blois, il est redevenu plus secret. En revanche, il prend toujours soin de toi, y compris hors basket ».
Une aventure humaine
Si Mickaël Hay concède « qu’être en poste depuis dix ans est une source de fierté : cela signifie que l’on a des résultats », il avoue que son « plus grand motif de satisfaction, c’est de contribuer à faire grandir les joueurs et le club. Le sel, c’est de ne pas gagner pour soi, mais de partager les choses ». Et d’insister sur le fait que « ce ne sont pas seulement des joueurs, mais des hommes que tu accompagnes, souvent des jeunes d’à peine 20 ans ». « L’envie de transmettre, c’est vraiment ce qui anime Mickaël, et pas juste baskettement parlant », indique Dominique Roinard. « Son discours m’a aidé dans mon parcours de vie. Il m’a fait grandir en tant qu’homme », témoigne Thomas Cornely. Il relève : « Quand on commence une saison, il ne fixe jamais d’objectif en termes de place, de participation aux playoffs, mais seulement en termes de progression de jeu et des joueurs ». « Il a toujours trouvé un moyen de tirer le meilleur parti de moi. Il m’a aussi aidé en dehors du terrain en me faisant apprécier la vie. Je peux parfois me consumer avec le basket et il m’a toujours dit de vivre dans le présent – ‘Amusez-vous et profitez de ce moment’. Je le remercie vraiment beaucoup pour cela car cela m’a aidé en tant qu’être humain », lui fait écho Tyren Johnson.
Cette jeunesse a bien évolué depuis ses débuts. « Les générations changent, le basket également. Les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup plus d’ambitions que nous pouvions en avoir à l’époque. Ou du moins, ils n’hésitent pas à la revendiquer. Après, il faut garder en tête que les devoirs arrivent avant les droits. Aujourd’hui, certains veulent l’inverse… », observe le coach. À l’actif, il relève que « la quantité de travail a beaucoup augmenté. Un travail plus ciblé, plus individuel qu’à mon époque, et qu’il faut savoir resituer dans le 5 x5 ». Au passif, il déplore « des problèmes de concentration, que je ne remarque pas que chez les joueurs de basket d’ailleurs ».
Évolution
Dans tous les cas, souligne-t-il, « soit on s’adapte, soit on reste un vieux con et on disparaît ». Adepte d’un « management militaire » à ses débuts – « par peur de ne pas avoir le respect des joueurs » –, il estime être aujourd’hui « plus participatif, plus responsabilisant ». « Le coach te tient pour responsable », confirme Tyren Johnson. « Ce n’est pas un gendarme, il te responsabilise. Il n’arrête pas de te dire que ‘c’est à toi de tracer ton chemin’ », indique de même Thomas Cornely.
En quelque sorte, Mickaël essaye de faire la synthèse entre ses deux mentors : « le cartésien » Philippe Hervé, dont il retient « la méthode, le fait de donner du sens, la défense », et le « gestionnaire d’émotions Gregor Beugnot, qui m’a également apporté les fondamentaux offensifs ». « Aujourd’hui, la maîtrise technique ne suffit pas », observe-t-il. Un diagnostic qui vaut tant pour les joueurs que pour les entraîneurs. « La gestion des émotions, le management, c’est clairement la dimension sur laquelle le coach a le plus progressé. Avant, il était vraiment focalisé sur le basket. Il s’ouvre désormais plus aux autres, fait attention aux différents caractères, conduit une approche plus individuelle », diagnostique Thomas Cornely. « Le coach est à l’écoute des difficultés de ses joueurs. Il n’est peut-être pas d’accord, mais il tient compte de votre opinion. Beaucoup d’entraîneurs ne font pas ça », encense encore Tyren Johnson. Pour Thomas Cornely, une chose est sûre : « Je ne trouverai pas d’autre entraineur dans ma carrière avec cette confiance ». Un entraineur qui, assurément, gagne à être connu.
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