L’ASVEL premier club de l’histoire à placer deux joueuses dans le Top 5 de draft WNBA : l’interview de Yoann Cabioc’h

Deux joueuses dans le Top 5 d’une même draft, aucun club international ne l’avait fait avant l’ASVEL
De nombreuses universités américaines ont déjà envoyé deux de leurs représentantes en WNBA dans le Top 5 d’une même draft. En 2016, le podium était même labellisé UConn à 100% avec Breanna Stewart, Moriah Jefferson et Morgan Tuck.
Mais aucun club international n’avait placé deux joueuses dans les cinq premières places d’une même cuvée. Tout juste les Canberra Capitals s’étaient hissés deux fois au premier tour en 2001, avec Lauren Jackson (n°1) puis Kristen Veal (n°13).
Dans la nuit de lundi à mardi, l’ASVEL a écrit l’histoire en permettant à Dominique Malonga (1,97 m, 19 ans), choisie en deuxième position par Seattle, et Juste Jocyte (1,84 m, 19 ans), cinquième choix (Golden State), d’accomplir leur rêve. Avant le début du quart de finale vendredi contre Basket Landes, auquel participeront les deux néo-draftées, entretien avec l’entraîneur Yoann Cabioc’h.
« C’est exceptionnel et historique ! »
Yoann, êtes-vous resté éveillé dans la nuit de lundi à mardi pour suivre la Draft de vos joueuses Dominique Malonga et Juste Jocyte ?
J’ai regardé, évidemment ! C’était impensable de ne pas être devant.
C’est la première fois de l’histoire qu’un club international place deux joueuses dans le Top 5…
Déjà, deux joueuses d’un même club au premier tour, ça n’a pas dû arriver souvent (une seule fois, en 2001, avec Lauren Jackson et Kristen Veal de Canberra, ndlr). C’est exceptionnel et historique. De pouvoir accomplir deux jeunes femmes dans le Top 5 de draft la même année, ça témoigne de beaucoup de choses. De leur travail en premier lieu, où elles ont toujours été mises dans des situations de plusieurs heures de travail dans la même journée et elles se sont énormément investies. C’est aussi une forme de récompense pour le club qui a misé sur les jeunes.
Prenons les deux joueuses au cas par cas : Dominique Malonga est-elle à sa juste place avec la deuxième, ou pouvait-elle espérer plus ?
Personnellement, je pense qu’elle devait être première. Je le répète depuis des mois : peut-être que l’on me prenait pour un fou il y a un an mais on s’aperçoit aujourd’hui que j’avais raison. Il faut être réaliste : si elle est deuxième, c’est parce qu’un club ne draftant pas Paige Bueckers en première se serait mis en danger pour la suite. La hype est tellement importante autour d’elle. Et justifiée, parce que c’est une joueuse extrêmement forte. Mais elle a aussi quatre ans de plus que Dom… Après, je crois qu’aucun club ne pouvait prendre le risque de ne pas sélectionner Paige Bueckers.
Se retrouver à Seattle est-il un bon spot pour Dominique Malonga ?
Très bon, même si ce n’est peut-être pas là qu’elle aura le plus gros temps de jeu immédiatement, puisqu’il y a quand même Nneka Ogwumike et Ezi Magbegor. En revanche, Seattle est une franchise prestigieuse, titrée à quatre reprises, avec un certain poids de l’histoire et le passage de plusieurs joueuses légendaires : Lauren Jackson, Sue Bird, Breanna Stewart… Elle va être bien entourée avec des joueuses expérimentées qui vont lui apprendre les ficelles du métier, au sein d’une structure de top niveau avec une nouvelle salle d’entraînement. Elle va pouvoir se concentrer uniquement sur sa progression et son travail. C’est un game-changer de disposer d’un tel outil.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de Dominique Malonga cette saison ?
Il y a deux choses qui me viennent à l’esprit. Quand les trophées de La Boulangère Wonderligue ont été remis la semaine dernière, j’ai dit aux filles que Dominique aurait pu être MVP en ayant de plus grosses stats mais que la raison pour laquelle elle ne les avait pas, c’est qu’on avait fait le choix de jouer collectivement. Ça aurait été mettre l’équipe en danger de tout miser sur Dom. Malgré tout, sortir des statistiques comme elle l’a fait (15,4 points à 50%, 10,3 rebonds et 1,4 contre), c’est impressionnant.
La deuxième chose, c’est qu’on s’est beaucoup attaché cette saison à renforcer ses points faibles pour qu’elle en ait le moins possible pour la suite de sa carrière. On a énormément travaillé sur la physicalité, sa capacité à aller à droite comme à gauche, sa compréhension du jeu, notamment défensivement, etc. Aujourd’hui, Dom est une joueuse qui a de moins en moins de lacunes. Pour le grand saut qui l’attend vers la WNBA, c’est une bonne chose. Elle va moins se faire cibler sur les points faibles qu’elle pouvait avoir et la suite du travail pourra consister à renforcer ses points forts. Cette saison, je voulais identifier avec elle les points noirs éventuels de son jeu pour la WNBA et je suis très fier du travail qu’elle a fait. Cela voulait dire qu’il fallait qu’elle sorte de sa zone de confort, qu’elle met le doigt sur les zones problématiques de son jeu et qu’elle se fasse challenger dessus. Elle a été superbe dans cette réponse-là.
Avez-vous vu un tel phénomène, sur et en dehors du parquet, à son âge ?
À son âge, je ne sais pas. Mais j’ai travaillé avec Candace Parker donc forcément… (il sourit) Ce serait faire injure à Candace de dire que Dom en est déjà là. Après, a-t-elle le potentiel pour y aller ? Je pense que oui. Ça va être une joueuse All-Star, une franchise player dans peu de temps. Elle a un potentiel exceptionnel qu’elle est déjà en train de réaliser. Des joueuses comme elle, on en voit très peu. Quand j’étais à Chicago, j’ai eu la chance de travailler avec des phénomènes comme Candace Parker, Emma Meessean, Allie Quigley, Courtney Vandersloot ou Kahleah Cooper : Dom peut faire partie de cette caste-là, oui.
« Dominique peut fait partie de la caste des phénomènes,
Juste dominera le jour où elle matchera la physicalité »
Que vous inspire la destination de Juste Jocyte, draftée par Golden State, elle qui était annoncée au deuxième tour le matin même par ESPN ?
Il y a toujours une forme d’incertitude dans la draft. J’avais confiance parce que les contacts que j’avais me rassurait sur le fait que beaucoup d’équipes la voulaient au premier tour. Mais tant que ce n’est pas fait… Quand son nom est sorti en cinquième, j’ai tout de suite pensé que Golden State était bien pour elle, même si j’avoue que j’étais surpris : ils ont déjà beaucoup d’Européennes et je me questionne sur comment ils vont faire cet été pendant l’EuroBasket. J’attends de voir l’état de l’effectif pendant la période. Cela dit, c’est un super spot pour elle. La coach, Natalie Nakase, est très compétente et c’est un nouveau livre à écrire, dans une franchise qui vient de se créer. Il n’y a rien de mieux que d’arriver dans un truc tout neuf.
Juste Jocyte est arrivée à l’ASVEL en 2019 : en ce sens, elle est plus un produit lyonnais que Dominique Malonga…
Clairement. Son évolution est incroyable. Elle est arrivée en U15, quand elle avait 13 ans, et elle va repartir en étant joueuse WNBA. Surtout, elle a eu un parcours jalonné d’embûches : elle s’est blessée l’an dernier, elle a joué moins de dix matchs (9), elle a été opérée, il lui a fallu huit mois pour s’en remettre. À la reprise, au début du mois d’août, il faut savoir qu’elle ne pouvait pas courir ! Et dès la fin du mois, elle pouvait jouer des matchs amicaux. Le staff médical a été exceptionnel sur le dossier.
Ensuite, elle a travaillé de manière acharnée au quotidien et ça lui a permis de prendre le leadership. Quand on voyait qu’elle avait du mal à courir en août, on se demandait quand elle pourrait le prendre mais elle a su le faire assez tôt dans la saison. On a vraiment vu son rôle évoluer d’année en année, c’était hyper intéressant. Il y a des choses qui ne s’apprennent pas au basket et elle en a beaucoup très naturellement : ce QI basket, cette compréhension, cette vision, cette finesse dans le jeu. Elle a ça dans le sang.
Vous-a-t-elle surpris cette saison ?
Surpris, non. Elle a beaucoup travaillé, elle s’est renforcée physiquement. C’était sa problématique et elle est clairement en train de la régler. Elle gère de mieux en mieux les contacts donc c’est bien. Mentalement, elle a toujours été très forte. Quand il y a un match raté ou une semaine compliquée, elle arrive de suite à rebondir. C’est une qualité rare et intéressante à 19 ans.
Quel peut-être son plafond en WNBA ?
Aujourd’hui, je pense que Juste fait déjà partie du meilleur tiers de la WNBA en terme d’adresse et de compréhension de jeu. La question va être sa capacité à gérer l’aspect physique. Il faut prendre en compte que c’est une joueuse de 19 ans, et que certaines sont draftées à 22-23 ans. Il lui reste du temps pour matcher tout ça et je n’ai pas trop d’inquiétude étant donné que c’est une grosse travailleuse. Va-t-elle pouvoir s’exprimer pleinement cet été ? J’espère mais Juste n’est pas un produit fini. Elle a un potentiel très fort. Le jour où elle matchera la physicalité, la vitesse et la dureté, elle dominera.

Jusqu’à quand allez-vous pouvoir compter sur les deux en playoffs ?
Juste et Dominique vont rester à l’ASVEL jusqu’au dernier match, quoiqu’il arrive.
Sans dire que vous avez de nouveau deux Top 5 en stock avec Aïnhoa Risacher et Téa Cléante, un nouveau projet jeunes va s’enclencher à l’ASVEL…
Bien sûr. 2026 est l’année de draft de Téa. À elle de fournir les mêmes efforts que Dom et Juste, mais je crois qu’elle peut être draftée. On a montré à l’ASVEL qu’on pouvait faire en sorte que les joueuses soient draftées haut. La structure de travail a été mise en place, j’ai des bonnes relations avec plus de la moitié des franchises, je sais que certaines ont un œil sur ce qu’on fait. Aïnhoa Risacher et Téa Cléante sont dans les starting-blocks pour être draftées dans les deux prochaines années, c’est l’objectif.
Quel regard portez-vous sur la performance d’Aïnhoa Risacher au Hoop Summit ?
C’est bien mais je pense que si on refaisait un deuxième Hoop Summit cette semaine, elle pouvait claquer 15 points et 10 rebonds. Elle fonctionne comme ça : elle tâtonne face à la nouveauté, elle observe mais elle apprend très vite. Dès qu’elle a une deuxième situation, elle s’ajuste. On a vu des choses intéressantes. Ce que je trouvais intéressant pour elle, c’était aussi d’aller passer du temps avec des filles de sa génération, se confronter aux Américaines, aux autres Européennes de son âge, passer du bon temps à Portland, voir un autre fonctionnement de staff. C’est hyper enrichissant. Sa performance en elle-même, ce n’est pas ce qui compte le plus. C’est l’expérience plutôt.








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