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L’argent ne fait pas le bonheur…

Passée à côté de sa finale, l'équipe de France s'est inclinée 76-88 face à l'Espagne et doit se contenter d'un titre de vice-champion d'Europe. Une immense désillusion pour la génération d'Evan Fournier et Rudy Gobert, qui attend toujours un titre majeur.
Crédit photo : FIBA

« Est-ce que vous avez l’impression d’avoir perdu l’or ou d’avoir gagné l’argent ? », lance un journaliste, un poil naïf, à Evan Fournier. Le capitaine des Bleus lève les yeux, l’air désabusé, et souffle. « Arrête… » Le débat pourra être légitime à froid mais ce dimanche soir, il ne reste qu’une paysage de désolation, une souffrance pure. Pourtant favoris, les tricolores ont complètement raté leur finale, saisis et enchaînés par l’immense enjeu. « Nous n’avons pas été à la hauteur », résume Andrew Albicy, le regard dans le vague.

L’Espagne championne d’Europe pour la quatrième fois de son histoire (photo : FIBA)

Seul survivant du titre de vice-champion d’Europe, le meneur de Gran Canaria a été ramené exactement onze ans en arrière, avec l’impression de devoir faire face à une Espagne intouchable. Mais à l’époque, du propre aveu du meneur, le roster de la Roja était « oufissime », constellé de stars. Cette année, l’équipe de Sergio Scariolo était annoncée en reconstruction, peuplée de role-players NBA et de solides éléments de Liga Endesa, mais pas assez armée, à tel point que la FEB est allée à l’encontre de ses convictions initiales en naturalisant Lorenzo Brown. Et pourtant, à la fin, c’est toujours l’Espagne qui gagne. La récompense d’une idée novatrice, d’un système pyramidal où tout est mis en place, du baby-basket jusqu’à la sélection nationale, pour pratiquer le même style de jeu, s’entraîner de la même façon. Parvenue en finale des neuf compétitions FIBA disputées cet été, la Roja est, tout simplement, le meilleur pays de basket en Europe. « Il y a beaucoup de travail derrière ce résultat », salue Sergio Scariolo. « Nous avons cette vision et nous sommes heureux que cela paye. »

Juancho Hernangomez sur un nuage

C’était supposément l’EuroBasket des Giannis, Doncic ou Jokic, cela allait assurément être l’Euro des superstars. Cela a finalement été l’Euro des Jaime Fernandez, Jaime Pradilla et Alberto Diaz, tous ces Ibériques méconnus mais sublimés dans le contexte collectif de la Roja. Ce fut aussi l’Euro de Rudy Fernandez, encore terriblement décisif en finale (7 points à 2/3 en 14 minutes) mais plus respectable que jamais, à 37 ans. Ce fut surtout l’Euro de Sergio Scariolo, incontestablement le meilleur sélectionneur du continent. Quand les Bleus semblaient avoir repris le momentum, passés de 26-47 à 46-49, le cerveau italien a varié les cartes et proposé de nouveaux ajustements. Au plus fort de la tempête, son temps-mort fut suivi d’un 9-0 salvateur (46-58, 25e minute). « Il faut donner du crédit à l’Espagne qui ne panique pas et propose derrière deux ou trois attaques magnifiques », soupirait Vincent Collet. Et puis, même sans superstar, il y eut quand même le fantôme des monstres d’antan, quand Juancho Hernangomez enchaîna six trois-points dans la seule première mi-temps, dont une grande partie face à une zone hasardeuse, alors que son record en sélection était de… trois. « Avec son niveau, il remplace au moins l’un des deux frères Gasol », acquiesce l’entraîneur des Metropolitans 92. « Ce qu’il a fait était absolument phénoménal. Il était dans la zone, il y a une part de magie. »

Pour atteindre leur Graal, Evan Fournier et les Bleus devront encore patienter (photo : FIBA)

Tout en maîtrise, tout en justesse, la Roja a donné une véritable leçon de basket à l’équipe de France. Mais après avoir inquiété pendant tout l’Euro quant à leur absence de fondamentaux, les Bleus ont finalement été terrassé par leur faiblesse originelle : les balles perdues. On disait qu’il était impossible de gagner un match de phase finale avec 20 balles perdues, c’est passé. On disait qu’aucune équipe ne s’était jamais hissée jusqu’en demi-finale avec 20 balles perdues, les tricolores l’ont pourtant fait. Mais il était véritablement impossible de devenir champion d’Europe avec autant d’imperfections. « Notre problème du tournoi nous a finalement tués », regrette Vincent Collet. Coupables de 19 possessions gaspillées, les tricolores ont pris 14 tirs de moins que les Ibériques. L’équipe de France a empilé les mauvais choix, les passes hasardeuses (dans la raquette…), les démarquages inachevés et beaucoup d’autres erreurs rédhibitoires à ce niveau. L’Espagne a scoré 35 points sur les balles perdues françaises, les Bleus seulement 7… « Cette statistique suffit pour parler du match », confirme le sélectionneur. « Pour l’Espagne, c’est la victoire de la maturité. » 

Une médaille plus appréciable au vu du parcours

Absente des débats pendant 17 minutes, l’équipe de France ne s’est pas donnée les moyens d’être sacrée championne d’Europe, donnant l’impression de rejouer un film déjà vu face à la Roja, sans agressivité, comme si elle avançait à reculons, incapable d’exploiter ses forces (seulement deux tirs tentés pour Rudy Gobert…). Une fois la consternation passée, il faudra pourtant se souvenir du parcours des Bleus pour tenter d’apprécier à juste titre cette médaille d’argent. Il faudra se souvenir des insuffisances de Cologne pour mesurer le chemin parcouru. Il faudra se souvenir des trous de souris empruntés en huitième et en quart pour savourer le fait d’avoir atteint la finale. Il faudra encore remercier Cedi Osman et Simone Fontecchio pour mieux contempler le miracle d’un nouveau podium. Mais évidemment, c’est impossible pour l’instant : l’équipe de France s’est encore inclinée contre l’Espagne, cette Espagne-là en plus… Et surtout, elle a encore perdu une finale, retardant le sacre d’une génération multi-médaillée (bronze mondial 2019, argent olympique 2021, argent européen 2022) mais toujours pas titrée. « J’ai l’impression que perdre en finale devient une habitude », peste Guerschon Yabusele. « C’est plus ça qui me rend dingue. » Il faudra maintenant espérer qu’une telle opportunité se représentera à l’avenir. Mais avant de se tourner vers l’enchaînement Coupe du Monde – Jeux Olympiques, il y a déjà beaucoup de larmes à sécher…

À Berlin,

 

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