ITW Sylvain Francisco : « Je ne pensais pas m’adapter aussi rapidement à l’EuroLeague »
« Ce match à Fenerbahçe, on aurait dû le gagner ». Quarante-huit heures ont passé depuis la déconvenue en Turquie du Bayern Munich en EuroLeague (le 11 janvier dernier) mais Sylvain Francisco, lui, ressasse encore cette occasion manquée sur le terrain du club stambouliote (98-91, a.p.). Paradoxal quand, quelques minutes auparavant, parmi les choses qu’il a pu acquérir dans son début d’apprentissage de l’EuroLeague, il citait la capacité à « passer rapidement à autre chose ». On l’excusera pour ce trait de caractère, qui rejaillit encore par moment. Lui le compétiteur dans l’âme, l’adepte du un contre un, biberonné au basket de rue.
Après avoir montré un premier aperçu de tout son potentiel lors de ses années en France, en Pro B à Paris puis en première division avec Roanne, Sylvain Francisco a confirmé tout cela à l’étranger, en Champions League notamment, avec des expériences abouties et réussies successivement à Manresa (finaliste de la BCL en 2022) et Peristeri (élu dans le 5 majeur idéal du championnat grec en 2022-2023). À 26 ans, le natif de Créteil découvre cette saison le plus haut niveau européen, l’EuroLeague. Utilisé en tant que 6e homme au Bayern Munich, en relais de l’Argentin Leandro Bolmaro et de l’Américain Carsen Edwards, l’ancien joueur des Metropolitans 92 n’a pas mis bien longtemps à s’acclimater en Bavière pour devenir l’un des rouages principaux de l’équipe de Pablo Laso (meilleur marqueur de l’équipe en BBL avec 13,9 points par match, 3e en EuroLeague avec 10,9 points). Si les résultats collectifs ne sont pas forcément à la hauteur des ambitions de cet historique club d’outre-Rhin (14e en EuroLeague, dauphin de la surprenante équipe de Chemnitz en BBL), il semble pour le moment être un endroit propice à l’épanouissement et à la progression du rookie Sylvain Francisco.
Après un entraînement au sein du FC Bayern Campus, complexe sportif destiné aux sections jeunes et féminine de l’équipe de football situé au nord de la ville, le meneur est revenu sur ses premiers mois de compétition en EuroLeague, sa première fois face à Mike James ou encore ses débuts avec l’équipe de France au Mondial 2023 l’été dernier. Il défiera d’ailleurs un club français en EuroLeague ce jeudi, avec la réception de l’ASVEL à la BMW Arena de Munich.
« Une relation assez forte avec Pablo Laso »
À l’été 2023, vous avez changé de dimension en signant dans une équipe d’EuroLeague, après deux ans en BCL avec Manresa et Peristeri. Vous aviez déjà eu des offres d’équipes EuroLeague après votre belle saison en Espagne. Pourquoi avoir décidé de sauter le pas cette année ?
Je pense que j’étais davantage prêt l’été dernier. Je crois que j’étais déjà prêt la saison d’avant, mais c’est juste que les équipes, elles, avaient un peu des doutes. Des doutes pour un rookie, sur ce qu’il peut faire, apporter à l’équipe. Et je pense aussi que, comparé à l’année d’après, j’ai évolué en tant que meneur, dans ma lecture du basket. J’ai fait une grosse saison avec Peristeri et j’étais parmi le meilleur cinq du basket grec. C’était la saison de la confirmation avec Peristeri.
Justement, on s’est parfois questionné sur vos choix de carrière au moment des signatures. Et quand on voyait se dérouler votre saison, on se disait que vous aviez fait le bon choix. Quels sont les critères principaux que vous recherchez chez un club ?
Moi ce que je cherche, c’est d’abord l’équipe, la structure. Mais le plus important, c’est la relation avec le coach, si on a la même vision. Parce que tu peux être dans une équipe avec un coach qui n’aime pas le jeu que tu proposes. Je sais qu’avec certains coachs, le style de coaching qu’ils exploitent sur le terrain, c’est le même jeu que je veux aussi. Dans ma recherche d’équipes, je voulais voir où est-ce que je peux aller, où est-ce que je peux faire des erreurs, apprendre de celle-ci et progresser de plus en plus.
LIRE AUSSI. Les cinq raisons de soutenir BeBasket en s’y abonnant
Cette saison, vous découvrez le plus haut niveau européen, l’EuroLeague. Que pensez-vous de vos premiers mois de compétition avec le Bayern Munich ?
Franchement, je trouve que c’est pas mal. Après, je suis vraiment dur avec moi-même. Je sais que je peux toujours faire mieux. Pas qu’au niveau du scoring, mais aussi sur la compréhension du jeu. Je sais que je suis bien là-dedans et que je progresse de plus en plus. Pour moi, même en allant en EuroLeague, j’essaie d’être dans une équipe où je pourrais m’épanouir et faire des erreurs ma première année. J’ai fait une bonne première partie de saison mais d’un autre côté, je trouve aussi que je n’ai pas fait assez. Je veux toujours faire plus.
Vous n’avez pas forcément le profil type des meneurs Euroleague : un gestionnaire qui va distribuer le jeu pour ses partenaires. Est-ce que vous pensez que c’est un atout pour vous justement d’être dans un style assez différent, davantage porté vers le scoring ?
Bien sûr, mais parce que je sais faire les deux en vrai : la gestion et scorer. Ce sont des choses que j’ai appris avec Pedro Martínez (NDLR : son entraîneur à Manresa), avec Spanoulis (NDLR : son entraîneur à Peristeri) et maintenant Pablo Laso. Je ne pensais pas que j’allais m’adapter aussi rapidement. Souvent, quand tu vas dans un autre niveau, tu as besoin d’attendre un petit moment mais je me suis intégré assez rapidement. C’est un avantage que je puisse à la fois créer pour moi et pour les autres.
Vous parlez justement de Pablo Laso et de l’importance du coach dans votre choix de club. Quelle est votre relation avec lui ?
J’ai une très bonne relation. J’apprends surtout beaucoup avec lui. Je lui demande ce qu’il a besoin que je fasse, quels joueurs je dois cibler pour moi et les autres. On parle assez souvent. On a des systèmes qui facilitent la tâche des joueurs : je sais quand je dois attaquer et quand je dois faire la passe à mes coéquipiers. On a une relation assez forte.
« Mike James ne pouvait pas marquer une troisième fois sur moi »
Lors du match à domicile face à Monaco (NDLR : record de points de Sylvain Francisco en EuroLeague), au milieu du 3e quart-temps, il y a une scène où on semble voir Pablo Laso vous réprimander lorsque vous revenez dans votre moitié de terrain. Alors que vous étiez en train de marquer plusieurs paniers de suite, qu’est-ce qu’il vous reprochait en particulier ?
En fait, ce qui s’est vraiment passé (rires)… En regardant la vidéo, tu as l’impression que je suis en mode « laisse moi ». Mais en fait, cela concernait Mike James. À chaque possession, on essayait de changer de joueur sur lui en défense afin de le fatiguer. À ce moment de la partie, on s’est échangé des paniers : il a marqué deux fois et j’ai marqué plusieurs fois aussi. Le coach dit alors : « Sylvain, change de joueur ». Et j’ai dit « non, je ne veux pas, laisse moi le prendre » car je sais que la prochaine fois, il ne va pas marquer. Isaac (Bonga) vient quand même mais je lui dit aussi que je le prends. Donc voilà c’était juste les émotions. À ce moment-là, je l’ai pris personnellement avec les égos. Au temps-mort suivant, je me suis excusé auprès du coach. Je voulais juste l’arrêter, c’est comme ça, c’est moi. Il a marqué une fois, deux fois, il ne pouvait pas remarquer une troisième fois sur moi.
Sylvain Francisco waved off Pablo Laso & hit another 3-pointer 😳pic.twitter.com/cWjqAH5VbW
— BasketNews (@BasketNews_com) December 22, 2023
Vous êtes maintenant un joueur d’EuroLeague, dans une équipe aux fortes ambitions, à la fois sur le plan national et continental. Qu’est-ce que cela change au quotidien ?
C’est forcément différent. Parce que là, même si tu fais des mauvais matchs, où on a perdu, que tout le monde est énervé, tu es obligé de passer à autre chose car les matchs s’enchaînent très vite. Le sentiment général de l’équipe est : vite passer à autre chose, comme si on avait oublié le match d’hier. Si un joueur vient pour la première fois et voit que les gars rigolent, il va se demander « pourquoi vous rigolez, on a perdu hier ». Nous, on est obligé de passer à autre chose. C’était surtout différent pour moi au début de l’année parce que je stagnais toujours sur le match précédent. Après, j’ai réussi à me relâcher à ce niveau-là.
Après, tu joues beaucoup plus, donc tu dois prendre vraiment soin de toi, tu vois aussi davantage tes propres systèmes et ceux des autres équipes. Il y a plus de travail individuel du coup : tu viens plus tôt ou tu restes plus tard si tu veux vraiment t’entraîner individuellement.
D’ailleurs, quels sont les secteurs de votre jeu où vous devez encore vous améliorer pour franchir un nouveau cap ?
D’être un peu plus constant sur mes 3-points. Après, je prends quelques bonnes décisions sur le terrain, mais je peux faire mieux, notamment pour trouver un peu plus facilement mes coéquipiers. Après, on n’a pas forcément des systèmes qui donnent une passe décisive pour les meneurs, c’est plus des extra-passes. Donc voilà, améliorer mon jeu sur demi-terrain et être plus constant sur mes tirs à 3-points.
« Vincent Collet doit faire la liste la plus dure de sa carrière »
Parlons un peu de l’équipe de France. L’été dernier, vous avez effectué votre première compétition internationale avec les Bleus, à l’occasion du Mondial 2023 en Asie. Que retenez-vous de cette expérience ?
C’était une expérience incroyable. Tu es avec les meilleurs joueurs français. Partager cela avec le groupe principal, c’est énorme. C’était ma première fois, je me suis dit que j’allais pouvoir m’épanouir et apprendre d’eux. Après, je pense que le premier match nous a vraiment laissé beaucoup de séquelles (-30 face au Canada, ndlr). Collectivement, on était vraiment bien en début d’année mais quand la Coupe du Monde est arrivée, le jeu a vraiment changé au premier match. On ne se trouvait pas, on jouait plus individuellement et on ne défendait pas assez. Après c’était vraiment une belle expérience, c’était énorme. J’aurais aimé jouer un peu plus sur les matchs de préparation, pour avoir une meilleure relation avec l’équipe.
LIRE AUSSI. Zoom sur les premiers pas de Francisco en Bleus
Qu’est-ce qu’il faudrait changer au niveau de la préparation ou de l’équipe avant les Jeux olympiques 2024 de Paris ?
Je trouve qu’il faut jouer contre des nations plus élevées. Je pense que cela peut nous permettre de savoir où est-ce que l’on peut s’améliorer. J’espère être prêt pour les JO. On verra car je pense que Vincent Collet doit faire la liste la plus dure de sa carrière. Il y a beaucoup de joueurs et il faut prendre les meilleurs afin de décrocher une médaille. Pour tous les joueurs et le staff, c’est un stress en plus.
Vous avez eu toujours eu l’objectif affirmé d’évoluer un jour en NBA. Est-ce que vous le mettez un peu de côté pour le moment avec l’EuroLeague, avant de retenter le coup un peu plus tard ?
Peut-être dans 2-3 ans, peut-être l’année prochaine. On verra bien. J’essaie d’avoir un bon timing. J’ai eu pas mal de proposition pour des contrats de dix jours mais je n’ai pas pu les avoir parce que je signais assez tôt durant l’intersaison avec mes futurs clubs. Mais bien sûr, la NBA c’est le rêve de tout le monde. La meilleure solution c’est de faire une belle saison en EuroLeague, peut-être rester deux ou trois ans et après au moins y aller et avoir une expérience à ce niveau. Il faut avoir le bon timing et être patient. Mais ça reste toujours un rêve.
Propos recueillis à Munich.
Sylvain Francisco, de jolis débuts en EuroLeague
Parmi la vingtaine de Français engagés dans la compétition, à la mi-saison, Sylvain Francisco est le 4e meilleur marqueur de la délégation tricolore en EuroLeague avec 10,9 points par rencontre (derrière l’intérieur du Panathinaïkos Mathias Lessort et les deux vétérans de l’ASVEL Joffrey Lauvergne et Nando De Colo). Le meneur a déjà signé quelques belles performances, comme face à Monaco et Fenerbahçe (21 points, son record en EuroLeague), et montré sa capacité à inscrire de gros tirs, comme lors de la victoire après prolongation à la LDLC Arena contre l’ASVEL.
À titre de comparaison en année rookie, parmi les joueurs français en activité en EuroLeague, le joueur du Bayern Munich se situe dans les mêmes sphères qu’un Nando De Colo (10,1 points avec Valence en 2010-2011) ou qu’un Rodrigue Beaubois (11,8 points avec Strasbourg en 2015-2016). De beaux exemples à suivre pour Sylvain Francisco, entre le potentiel meilleur marqueur de l’histoire de l’EuroLeague et celui qui a remporté deux années de suite la compétition avec l’Anadolu Efes (2021 et 2022).
Commentaires