« Une gestion calamiteuse » aux Mets mais la LNB balaye l’hypothèse du forfait général : « Il faut arrêter avec ce scénario ! »
Les Mets vont terminer la saison, assure Philippe Ausseur, président de la LNB
Philippe Ausseur, quel est votre regard sur l’actualité des Metropolitans 92 ?
D’abord, il faut ramener tout le monde à la raison. Évidemment, on n’est pas aujourd’hui sur l’hypothèse d’un forfait généralisé. Il faut arrêter avec ce scénario, on n’est pas là-dessus. La Commission de Qualification traite cet après-midi le cas de Matthieu Gauzin et va se prononcer, de manière souveraine, sur sa possibilité de rejoindre Nancy. On sait qu’ils vont remplacer Alen Omic (ce qui sera le 16e contrat de leur saison, ndlr). Ils peuvent se retrouver à neuf contrats homologués, tout en ayant utilisé les seize contrats autorisés pendant la saison. On fera tout pour qu’ils puissent finir la saison. Je leur ai dit de tout faire pour terminer la saison, et du mieux possible.
Depuis l’intersaison, je pense que la gestion des Metropolitans 92 est vraiment calamiteuse. Ce n’est pas satisfaisant. Je suis très agacé, et le mot est faible, de cette situation. Il faut que la ligue se penche sur ce cas : à la fois pour sanctionner ce qui doit être sanctionné, et ça le sera, et pour voir comment arriver à mieux réguler cela. Sauf que cela prend corps dans un système de basket européen qui marche sur la tête. C’est un peu la foire : pour caricaturer, si vous êtes joueur de basket européen, vous pouvez quasiment faire 15 clubs dans la même saison. Ce n’est pas acceptable mais malheureusement, ça ne dépend pas que de nous, d’abord de la FIBA.
Par ailleurs, cela met l’accent sur l’un des dix chantiers prioritaires que j’avais donné à la ligue cette saison : la refonte des règlements. Je pense qu’il y a un certain nombre de choses manquantes, d’autres qui sont contradictoires entre elles et qui amènent à des problèmes. Il faut pouvoir avoir plus de clarté et de visibilité sur nos règlements.
« La volonté réaffirmée par les Mets est d’aller au bout du championnat »
Êtes-vous en contact régulier avec les dirigeants des Mets ?
Oui. J’ai eu hier (mardi) Luc Monnet, le président de la SCIC (président du conseil d’administration de la société Boulogne-Billancourt Sport Développement, propriétaire des Metropolitans 92, ndlr). La volonté réaffirmée hier soir est vraiment d’aller au bout du championnat, de le jouer à fond et de préparer une éventuelle Pro B. C’est leur déclaration, mais je n’ai pas de raison de la contredire : « On jouera jusqu’au bout, et à fond, ce championnat, quand bien même on sera 9+1, le +1 étant un jeune, mais on ira au bout ». Tant mieux. Il faut qu’ils se concentrent là-dessus et que la raison revienne. On sait très bien que leur probabilité sportive de se maintenir est très faible, mais c’était avant même les départs de Omic et, peut-être, Gauzin.
Le spectre du forfait général est éloigné par une condition de l’article 131.3 du règlement qui indique que les joueurs stagiaires/aspirants et sous convention de formation n’entrent pas dans le quota des 16 contrats… En clair, ce sont les jeunes qui vont empêcher cela ?
Tout à fait. Il y a deux distinctions et c’est pour ça que je dis que nos règlements doivent être toilettés. Il y a le fait d’avoir homologué au moins 10 joueurs dans une saison : or, c’est le cas pour les Metropolitans 92. Dix joueurs homologués, ce ne sont pas dix joueurs qualifiés. Je ne sais pas si Matthieu Gauzin aura la possibilité de quitter les Metropolitans 92. Si je fais une analyse juridique du sujet, ce sont des clauses que nous ne connaissons pas, non recevables du point de vue du droit du sport. A priori, en droit, si une clause est illégale, elle ne s’applique pas. On verra bien l’analyse qu’en fera la Commission de Qualification (ndlr : celle-ci a refusé, plus tard, le transfert de Gauzin vers Nancy). Il ne serait pas impossible qu’elle dise à Nancy et aux Metropolitans 92 que la clause n’est pas valable et qu’il n’y a pas de sortie possible. Qu’il n’ait plus très envie de jouer, c’est un autre problème. À l’heure où l’on se parle (ce mercredi après-midi), ils ont bien les 10 joueurs. On verra le traitement de Gauzin mais on n’est pas sur un forfait général, il faut arrêter cela.
Ces jeunes-là doivent-ils donc obligatoirement signer des contrats professionnels ?
Ils avaient prévu d’en signer un pro. Ils vont le faire et ça rentrera dans le calcul. Ce que je critique, c’est qu’il n’y a aucune anticipation. Je pense qu’ils ont réussi à avoir des joueurs comme Dee Bost qui n’ont accepté de venir jouer aux Metropolitans 92 qu’avec la garantie de pouvoir en repartir. On en revient à un sujet du basket européen qui marche un peu sur la tête. Il faudra bien qu’un jour que la FIBA se saisisse du sujet et qu’on arrête d’avoir toutes possibilités de transfert où l’on veut et quand on veut tout au long de la saison. Quasiment tous les clubs disposent de ce type de clauses : elles ne sont pas connues de la ligue et c’est bien le problème. Si elles l’étaient, elles seraient refusées et le contrat ne serait pas homologué. On va mettre en place des règles de régulation et de sanction pour que nous puissions agir quand nous aurons connaissance de ces cas. Il est certain que cette vague de départs est inédite. C’est d’abord à relier avec la situation extrasportive des Metropolitans 92 à l’intersaison où il y a eu beaucoup d’hésitations sur le fait de repartir. L’effectif a été bâti à la dernière minute, ce n’était pas encourageant. Ils sont maintenant dans une situation où ils sont plus proches de la Pro B que de se maintenir.
« Un système de basket européen qui marche sur la tête »
Si Matthieu Gauzin s’en va, cela ferait sept départs depuis le début de la saison, trois depuis le 23 janvier. Est-ce que cela ne fausse pas le championnat si l’on prend l’exemple de Saint-Quentin, seule victime des Mets sur la phase retour quand ils avaient encore le duo Theodore – Omic ? Les concurrents pour les playoffs du SQBB vont désormais affronter une équipe de Boulogne-Levallois qui sera sensiblement inférieure.
Oui, c’est le problème, vous avez raison. Mais le système est imparfait de toute façon. Rien n’empêcherait un autre club de recruter un joker après un départ pour X raison, de faire venir un remplaçant médical qui serait beaucoup plus fort que le joueur précédent. On va prendre des initiatives sur l’aspect effectif. Mais je pense qu’on marche sur la tête dans le contexte européen. À ne pas avoir du tout de règles de régulation, contrairement à ce qui peut se passer dans d’autres sports, on fait ce qu’on veut, on part quand on veut, c’est royal pour les agents. Franchement, ça ne va pas. Mais il faut que la FIBA nous aide.
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Vous avez évoqué de potentielles sanctions. De quoi pourrait-il s’agir ?
On va répondre à l’ensemble de nos clubs. La sanction qui s’appliquera a minima sera une très lourde sanction financière. On sanctionnera probablement aussi financièrement les joueurs. On peut parler de suspension de joueurs mais c’est un peu une blague s’il part dans un autre championnat. Il faut que la sanction sera dissuasive, et elle le sera : ça pourrait largement être 25 000 euros en cas de première infraction, et probablement de 50 à 75 000 euros en cas de récidive.
L’incertitude autour de la situation des Metropolitans 92 a été le premier vrai dossier de votre présidence l’été dernier…
(il coupe) Oui, c’est vrai que ça a été un gros dossier. Mais il y en a plein d’autres très positifs. La raison pour laquelle ça m’agace, c’est qu’on a aujourd’hui de très bonnes nouvelles dans le basket : les affluences, les audiences, la satisfaction de nos partenaires, l’accord avec la NBA, une nouvelle identité visuelle annoncée pendant la Leaders Cup, etc. Tout ça va dans le bon sens, c’est très bien. Malheureusement, on a un peu cette scorie qui gâche tout. Il y a plein de choses très positives et c’est extrêmement frustrant de gâcher ça avec cette crispation et cette erreur de gestion d’effectif, entre guillemets. Il faut qu’on arrive maintenant à régler ça, de la même manière qu’il a pu y avoir quelques agacements à droite et à gauche. Ça vient contrecarrer une communication très positive sur tout le reste. Les mauvaises nouvelles sont des bonnes nouvelles pour les médias, c’est normal, mais essayons de ne pas en créer des mauvaises là où on en a plein de bonnes.
« Il y avait mieux à faire pour les Mets, ça a manqué d’un vrai pilote à bord »
Mais avec du recul, gèreriez-vous ce dossier de la même façon ? Y-a-t-il des regrets à avoir autorisé l’engagement des Mets ?
Non, pas de regrets, parce qu’objectivement, cela aurait été tout aussi illisible. Financièrement, le club n’a aucun risque pour finir la saison. Ils sortaient d’un superbe championnat, avec deux draftés, Victor Wembanyama et Bilal Coulibaly. Il y avait mieux à faire. Je répète que la gestion a été calamiteuse, ça a manqué d’un vrai pilote à bord, d’une vraie directive. Je pense qu’ils se sont trompés dans le fléchage de la Coupe d’Europe qu’ils voulaient jouer. Ils n’avaient quasiment aucune chance d’aller en EuroCup donc il ne fallait pas postuler, surtout qu’ils auraient certainement été pris en Champions League. Déjà, ça, c’était un peu dommage et ça n’a certainement pas non plus aidé à ce que des investisseurs aillent plus vite aux Metropolitans 92. Mais quand vous êtes vice-champions de France, que vous avez des finances saines, ça aurait été incompréhensible de ne pas redémarrer le championnat.
Comme cela reste tout aussi incompréhensible en ce moment…
Tout à fait. Mais une ligue ne pourra jamais s’immiscer dans la gestion d’un club. Je ne vais pas défendre le modèle d’une ligue fermée mais la NBA a beaucoup plus de poids dans la régulation de ses franchises. Une ligue a un certain nombre de moyens mais ne pourra jamais se substituer au fait qu’il y ait une gouvernance, un management et une gestion de qualité dans les clubs. On met en place le maximum de prévention possible, le maximum de régulation possible, même si c’est souvent a posteriori. Mais je n’ai pas de regrets : après la saison Wembanyama – Coulibaly, ça aurait été catastrophique de ne pas tenter, au moins, de faire cette saison. Peut-être qu’ils iront en Pro B maintenant mais ça, c’est un autre débat…
L’été dernier, vous aviez justifié la reprise en disant que cela « leur laissait le temps de se structurer et peut-être d’ouvrir le capital à des investisseurs »… Or, on n’a pas l’impression que cela ait réellement été le cas.
Complètement. On n’est pas dans le club mais je pense qu’il y avait une possibilité. Après, c’est facile de donner des leçons de l’extérieur. Je ne sais pas très bien quelles sont les difficultés liées à la salle, même s’ils avaient sécurisé Marcel-Cerdan à Levallois. Il y avait un vrai projet de faire une Aréna à Boulogne-Billancourt. Ça a l’air très compliqué là aussi. Tout cela n’a pas aidé…
« Un avenir est possible pour les Metropolitans 92 »
Vous disiez aussi croire qu’un beau projet était possible aux Metropolitans 92. Peut-on toujours réellement envisager un avenir pour ce club ?
Je crois qu’il y en a un, oui. Je vais le dire de façon externe, mais très factuelle. D’abord, il y a un centre de formation qui existe, très structuré, avec des jeunes de qualité dedans. Il y a la place pour avoir un club de Pro B en Ile-de-France et qui joue la carte de la formation. Le réservoir de jeunes dans la région reste sans équivalent. Mais il est évident qu’il faut que ce club soit dirigé. Ça nécessitera une ouverture du capital et que la mairie de Boulogne-Billancourt soit moins présente dans la gestion et l’administration du club. C’est primordial pour qu’il y ait un avenir aux Metropolitans 92. Mais bien entendu qu’un avenir est possible.
Pourtant, la vraie crainte actuelle est la disparition du club l’été prochain…
Encore une fois, la vraie question reste sur la gouvernance et le management de ce club.
Silence radio chez les Metropolitans 92
Président du conseil d’administration de la société Boulogne-Billancourt Sport Développement (BBSD), propriétaire des Metropolitans 92, Luc Monnet a décliné notre demande d’entretien. « Nous ne souhaitons pas communiquer dans l’immédiat, nous le ferons en temps utile », a indiqué le dirigeant boulonnais, alors que la situation de son club n’a jamais été aussi critique.
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