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Isaïa Cordinier et Mam’ Jaiteh, un duo à la sauce bolognaise : « Eh oui, on grandit hein ! »

Interview - Associés sous les couleurs de la Virtus Bologne, Isaïa Cordinier et Mouhammadou Jaiteh nous racontent leur nouvelle vie dans un entretien croisé.
Isaïa Cordinier et Mam’ Jaiteh, un duo à la sauce bolognaise : « Eh oui, on grandit hein ! »
Crédit photo : Alexandre Lacoste

« Je suis choqué mais c’est vrai en plus. Comme quoi… La boucle est bouclée. » On souhaitera à Mam’ Jaiteh de ne pas tout à fait boucler la boucle maintenant mais, à peine un quart d’heure après la victoire de la Virtus contre la JL Bourg en EuroCup (83-82), l’évocation de son premier match professionnel à… Bourg-en-Bresse résume bien l’ampleur de son parcours. À l’époque, le 29 septembre 2012, dans la petite salle Amédée-Mercier, le jeune pivot de Boulogne-sur-Mer, alors âgé de 17 ans, avait été bizuté par un Américain nommé David Monds (16 points à 7/13 et 8 rebonds, contre 8 points à 3/8 et 7 rebonds dans une défaite 61-97), l’une des rares fois où il avait été en-dessous en Pro B. Quasiment dix ans plus tard, sur la scène européenne, le voici transformé en tourmenteur de la raquette burgienne (15 points à 6/8, 8 rebonds, 2 passes décisives, 2 interceptions et 1 contre).

Éxilé épanoui depuis un peu plus de trois ans et des passages par Turin, Saratov et Gaziantep, Mouhammadou Jaiteh (2,11 m, 27 ans) a gagné sa place dans une équipe de dimension internationale : la Virtus Bologne. Excellent en finale de la Supercoupe d’Italie contre Milan en tout début de saison (18 points à 9/12, 9 rebonds, 3 passes décisives et 2 interceptions pour 27 d’évaluation), il a même été rejoint en octobre par un compatriote, Isaïa Cordinier (1,96 m, 25 ans). Le club de « Bologne la rouge », ville bastion du communisme italien, ne se place pas encore au niveau du Real Madrid et de ses quatre tricolores mais les deux forment maintenant clairement un axe majeur du vestiaire transalpin. « Il faut que tu te mettes au Français », intimait ainsi en rigolant l’arrière azuréen au responsable des relations presse de la Virtus, à l’issue de notre interview.

Cette réunion sous le mythique V noir s’apparente presque une suite logique des choses pour deux destins se ressemblant sur les bords : lancés en Pro B, ils ont d’abord été promis aux plus grandes sphères avant d’être stoppés dans leur ascension pour des raisons différentes. Désormais tous les deux performants chez l’un des grands prétendants à l’EuroLeague (9,3 points à 48%, 4 rebonds et 2 passes décisives en Lega pour Cordinier ; 11 points à 64% et 7,6 rebonds pour Jaiteh), ils ont accepté l’idée d’un entretien commun le 12 janvier dernier dans la foulée de leur sixième victoire européenne de la saison.

Pour tous les deux, signer à la Virtus Bologne représente un bond en avant dans votre carrière. Avez-vous vraiment l’impression que vous avez débarqué dans un grand club ?

Mam’ Jaiteh : On sent qu’il y a beaucoup d’ambitions en effet. Il y a tout dans les infrastructures, la volonté du staff et du management pour grandir et atteindre nos objectifs. Il y a beaucoup plus de demandes et d’exigences. C’est parfait pour nous.

Quand on met les pieds à Bologne, est-ce que l’on ressent vraiment tout l’héritage d’un des clubs les plus historiques du basket européen ? Au vu de votre nationalité, les gens doivent forcément vous parler d’Antoine Rigaudeau par exemple…

Isaïa Cordinier : Ah, moi je viens d’apprendre que j’habite dans le même bâtiment que lui à l’époque. Donc c’est un peu drôle (il sourit). Mais oui, comme l’a dit Mam’, on sent qu’il y a des attentes et qu’il faut travailler pour répondre aux attentes du club. L’organisation met pas mal de choses en œuvre pour que nous, les joueurs, performions le mieux possible. Franchement, personnellement, c’est la meilleure organisation que j’ai connu dans ma carrière. C’est cool de jouer dans une équipe qui veut tout gagner. Il faut répondre aux attentes.

On vous parle de la vision à long-terme de la Virtus ? Un géant endormi pendant de longues années qui veut retrouver la lumière…

MJ : Oui, avant la signature, l’une des premières choses dont on nous parle, c’est le but. La seule chose qui intéresse le club est cet objectif final et ce serait se voiler la face que de dire que l’on veut juste gagner quelques matchs. À la Virtus, on prétend aux trophées et c’est pour ça que l’on signe ici.

« Des lévriers aussi athlétiques, comment on va faire ? »

Mam’, des journalistes locaux soulignent ta relation privilégiée avec Milos Teodosic. C’est vrai ça ? Tout devient plus simple avec un tel meneur ?

MJ : Je ne sais pas pas si c’est exact ou non mais de toute façon, quand tu es un poste 5, c’est toujours bien d’être en bons termes avec ton meneur. Ou les créateurs plutôt. Ça concerne Isaïa aussi donc (il rit). De toute façon, que ce soit Isaïa ou Teodosic, ce sont des personnes avec qui je m’entends très bien en dehors, on peut parler de tout et de rien. Après, forcément, le talent de ces joueurs fait la différence. En tant que big man, c’est du donnant-donnant avec eux. Plus je leur facilite la vie, plus ils me facilitent la mienne. Alors j’essaye de faire ça.

Vous évoluez avec certains des plus grands joueurs d’Europe, certains que vous regardiez sûrement à la télévision quand vous étiez plus jeunes comme Milos Teodosic ou Marco Belinelli. C’est particulier de jouer avec des gars comme ça ?

IC : Quand tu rejoins une grande équipe, tu te retrouves forcément avec des grands joueurs. Et il n’y a rien de mieux pour progresser. C’est une chance aussi pour nous d’apprendre. Mais oui, c’est juste un kif d’être ici, avec eux. Faire partie d’une telle organisation, partager le terrain avec de très grands joueurs, c’est vraiment bien.

À quoi ressemble le championnat italien dans sa globalité en terme de jeu proposé, de culture basket, d’engouement, etc ?

IC : Pour moi, qui n’ait joué qu’en France jusque-là, je trouve que c’est vachement différent, à commencer par le rythme. Ce n’est pas le même basket. C’est un peu plus basé sur deux ou trois joueurs, étrangers la plupart du temps, et ils essayent de dérouler des systèmes un peu plus longs, ça joue plus demi-terrain. Mais nous, avec le groupe qu’on a, on n’adapte pas notre style de jeu entre la Lega et l’EuroCup par exemple. On veut juste gagner tous les matchs.

Vous évoluez sous les ordres de l’un des coachs qui possède l’un des plus beaux palmarès du basket mondial, Sergio Scariolo. C’est comment de jouer pour lui ?

MJ : C’est ça, son CV parle de lui-même. C’est quelqu’un qui a une grande expérience, une énorme connaissance du jeu. C’est… Je ne sais pas quoi dire (il rit).

IC : Non mais c’est un coach qui a des principes forts, carrés. Son système est bien développé, il l’a prouvé depuis plusieurs années. Il faut juste l’intégrer du mieux possible et pouvoir performer dedans. C’est sûr qu’il a énormément d’expérience et que c’est un entraîneur qui apporte à la fois aux joueurs et au groupe en général.

Mam’, vous avez reparlé de la demi-finale France – Espagne de l’EuroBasket 2015 ou tu évites le sujet ?

MJ : J’y étais en plus, mais je n’ai pas joué…

IC : C’est quand vous les avez battus ?

MJ : Non non, c’est quand Pau Gasol met 40 points.

IC : Ah oui, c’est ça.

MJ : Mais non, c’est vrai qu’on n’en a jamais parlé. Mais ça y est, je vais le faire, tu me l’as mis dans la tête.

IC : On a déjà parlé un peu des France – Espagne quand même. Il est fier de nous avoir autant battus. Il disait : « Des lévriers aussi athlétiques, comment on va faire ? » (les deux rient) Donc oui, il est fier.

Car oui, les deux étés où la France a battu l’Espagne, c’est pendant l’intervalle où il n’était pas sur le banc…

IC : Oui, oui, il l’a dit direct ! C’est ce que je lui ai dit également : « Mais on t’a battu aussi ! » « Non, non, je n’étais pas là. »

« Les qualités que Mam’ avait avant, il les a renforcées x10 »

Le fait de vous retrouver entre deux compatriotes à l’étranger, est-ce quelque chose qui facilite la vie ? Notamment pour toi, Isaïa, qui vit ta première expérience loin de France…

IC : Complètement ! Avoir un autre Français dans une équipe étrangère, c’est toujours sympa. Surtout qu’avec Mam’, on se connaissait un peu avant, on avait fait une Summer League ensemble (en 2017, à Las Vegas, quand Cordinier était avec Atlanta et Jaiteh avec Philadelphie, ndlr). Non franchement, c’est cool d’être avec un francophone. Tu peux parler, tu peux t’intégrer plus facilement, d’autant plus que je suis arrivé én cours de saison. Donc oui, ça a clairement rendu les choses plus faciles.

MJ : Moi, c’est ma quatrième saison à l’étranger. Être avec un Français ou sans, ça n’a absolument rien à voir. Il y a plein de petites choses qui sont facilitées.

Du coup, même si vous n’êtes pas tout à fait de la même génération, vous avez une relation qui remonte à avant la Virtus ?

MJ : En fait, ça remonte à très, très longtemps. Car moi, mon premier souvenir, il date de ma saison rookie à Boulogne-sur-Mer (en 2012/13). Lui, il était à Antibes à l’époque. Ça fait combien d’années ça ?

IC : Surtout que toi, quand t’étais à Boulogne, moi j’étais encore cadet.

MJ : Sauf que je m’en rappelle de lui, c’est ça qui est incroyable. Après, de toute façon, dans le championnat de France, on se croise tous, on se connait tous plus ou moins.

IC : Voilà, on a joué l’un contre l’autre (dont le tout premier match de Cordinier en Pro A, trois minutes à Nanterre le 13 octobre 2013 à 16 ans et 10 mois, ndlr).

MJ : Mais c’est cool, ça aurait pu être un Français avec qui on avait peut-être un peu moins d’affinités. Là, c’est parfait, ça tombe bien, on s’entend bien.

IC : Même quand Mam’ était en Italie, on avait fait un match amical avec Antibes contre Turin.

En dehors du basket, vous passez aussi beaucoup de temps ensemble ?

MJ : Pas trop non, j’habite un peu à l’écart (il commence à rigoler).

IC : Exactement ! Il habite trop loin.

MJ : J’ai fait une erreur, j’ai mal anticipé la chose. Disons qu’on essaye de rattraper tout ce temps perdu avant et après les entraînements. Peut-être l’année prochaine, on verra.

IC : Le problème, c’est qu’on ne peut pas aller dans le centre de Bologne en voiture. Et comme il ne veut venir qu’en voiture, il ne se déplace jamais de chez lui (il rit).

MJ : Je suis un gros fainéant (Isaïa explose de rire). Quand je suis chez moi, je suis chez moi. Il y a les verrous et je me fais ma journée chez moi.

Mam’, tu as fait du lobbying en octobre pour qu’Isaïa rejoigne la Virtus ?

MJ : (il rit) Disons que vu l’expérience et le niveau du coach, c’est quelqu’un qui prend tout seul ses décisions. Mais c’est vrai qu’il m’en avait parlé avant donc j’ai forcément dit des trucs positifs. Mais je sais que ma voix n’a pas forcément eu un poids majeur… Je lui ai quand même dit que j’étais très, très favorable à sa signature.

Comment est la qualité de vie à Bologne ?

IC : Franchement, dans le centre, c’est bien. Je pose la voiture chez moi et je fais tout à pied dans le centre. Il y a plein de choses à faire, restos ou autre. C’est juste bien, il n’y a pas trop ou pas assez. C’est cool. En plus, c’est vraiment la ville du basket, tu sens vraiment l’engouement des fans. Marco (Belinelli), il me dit : « Dès que je vais promener mon chien, c’est capuche – lunettes – masque. » C’est une ville vraiment agréable.

« Tous les jours, je reste étonné de ce que Isaïa est capable de faire »

« La ville du basket », oui, c’est surnommé Basket City. Comment était le derby avec la Fortitudo Bologne en décembre ?

IC : Pfff, insane !

MJ : Impressionnant, c’était vraiment impressionnant. Dès l’échauffement, il y avait un engouement qui était vraiment incroyable. Je me rappelle de notre sortie pour l’échauffement : on s’est fait huer par le parcage de la Fortitudo et tu as tous nos fans qui se sont mis à couvrir les sifflets !

IC : Quand tu vois le mur d’ultras… Je suis dégoûté que l’on soit de nouveau dans des jauges à 30%. Le derby était dingue.

Tous les deux, vous n’avez évidemment pas la même histoire mais tout de même des destins qui se ressemblent un petit peu : vous avez démarré en Pro B, vous rêviez ou rêvez toujours de NBA, on a pu douter de vous à des moments donnés et au final…

IC : (il coupe) Ah, c’est vrai !

Et au final, vous ne prenez pas votre envol ensemble à Bologne mais vous vous y épanouissez.

IC : En effet… On est ici pour passer un cap. Quand tu es un joueur, tu veux évoluer au plus haut-niveau et il faut s’y prendre étape par étape. C’est une étape de plus. Mais oui, c’est vrai qu’on a des parcours un peu similaires.

MJ : Je n’avais jamais fait tous ces liens mais c’est exact.

Sans même parler de Nanterre, où vous avez tous les deux joué à des stades différents de vos carrières. C’est un club qui vous a marqué ?

MJ : J’y ai fait trois ans quand même donc c’est sûr que ça restera un club gravé pour moi. Ce n’est que des bons souvenirs. J’ai grandi là-bas, j’y ai appris énormément de choses et ça m’a rendu meilleur en tant que joueur et en tant qu’homme.

IC : Ah ben moi, ce sont les années où j’ai explosé ! J’ai toujours dit que je serais reconnaissant envers Nanterre et de tout ce qu’ils m’ont donné. Car comme tu l’as dit, c’était à une période où les gens doutaient un peu et ça m’a permis de me relancer puis de confirmer l’année d’après.

Et se retrouver à l’étranger, loin de la France où tout le monde vous connaissait par cœur, au point d’apposer des étiquettes durables, est-ce quelque chose qui fait du bien ? Aussi de découvrir cette pression qui est un peu différente lorsqu’on est un joueur étranger ?

MJ : Déjà quand tu es étranger, bizarrement, tu t’intéresses plus aux étrangers des équipes adverses. Tu es plus concentré sur les gens qui ont le même statut. Après, je ne sais pas si ça change tant que ça car quand on arrive quelque part, France ou ailleurs, notre objectif reste de performer.

IC : Tu restes un joueur de basket quoi !

MJ : Exactement.

IC : Tu veux gagner, tu veux être le meilleur et aider ton équipe, c’est tout.

Et quel regard portez-vous l’un sur l’autre en tant que joueur ?

IC : Ah ben il est gâté ! (il explose de rire). Non non, je rigole.

MJ : Personnellement, je le connaissais déjà d’avant mais là, même en le voyant tous les jours, je reste étonné de ce qu’il est capable de faire. À chaque fois, je me dis : « Waow, Isaïa sait faire ça ! » Pour moi, c’est juste impressionnant. Je connais son objectif final et je pense qu’il a clairement toutes les chances et toutes les possibilités pour y parvenir. Dans le sport, c’est parfois une question d’opportunité. J’espère que cette opportunité viendra car le niveau, le potentiel et les qualités, il les a.

IC : Cimer ! En tant que sportif, j’ai toujours eu l’ambition d’évoluer au plus haut niveau. Comme Mam’ l’a dit, c’est aussi une question d’opportunité, on verra bien. Pour l’instant, je suis concentré sur la Virtus, on a des objectifs à atteindre. Pour répondre à la question, là où je suis impressionné, c’est que toutes les qualités qu’il avait avant, il les a renforcées x10. Il est juste super efficace. On a Milos (Teodosic) dans l’équipe et ça l’aide un peu mais c’est aussi son placement, le fait d’avoir l’intelligence de lire les déplacements de Milos. Mam’ a encore renforcé ses points forts et c’est ce qui fait qu’il est aussi dominant maintenant. C’est cool de voir aussi la progression de chacun.

MJ : Eh oui, on grandit hein (il rit).

IC : Tu vois, le premier souvenir que j’ai de lui, c’est quand il était à Boulogne-sur-Mer. Son style de jeu est un peu différent mais justement, il a développé d’autres skills, il s’est perfectionné. C’est cool de partager cette expérience à l’étranger.

« L’EuroBasket 2022, on travaille pour »

Deux coéquipiers de la Virtus Bologne ensemble au prochain EuroBasket, est-ce l’objectif ?

MJ : En tout cas, personnellement, tout ce que je peux prendre, je le prendrai. Je travaille dur et je serai toujours ouvert pour, je serai toujours volontaire. Maintenant, si ça se fait, tant mieux. Si ça ne se fait pas, j’aurais quand même tout fait pour l’inverse et ce ne sera pas grave, je partirai en vacances et je serai supporter des Bleus.

IC : L’équipe de France, c’est un objectif ! Surtout que j’ai pu participer à toute la préparation de cet été et ça donne envie. C’est pareil, tu partages le terrain avec des gros joueurs et représenter ton pays, c’est fort. Comme je l’ai dit, je veux jouer au plus-haut niveau et l’équipe de France est le plus-haut niveau international. Après, il faut aussi y aller étape par étape, il y a les fenêtres avant. Comme l’a dit Mam’, advienne que pourra, ce seront les choix du sélectionneur. En tout cas, on travaille pour.

Isaïa, comment as-tu vécu les derniers Jeux Olympiques, toi qui as accompagné les Bleus jusqu’à Tokyo au cas où ?

IC : C’était le deal ! Ce n’est pas comme si je m’étais fait couper au dernier moment ou quelque chose comme ça. J’ai déjà eu la chance de découvrir le village olympique. Les voir à la télé ensuite, c’était particulier. Mais j’étais leur premier fan ! Demandez à ma copine, mes potes ou ma famille, j’étais à fond. Surtout quand Timothé (Luwawu-Cabarrot, son compagnon de formation antibois) taffait d’ailleurs, ça me faisait bizarre. Mais voilà, après, tu as toujours ce truc qui te fait dire : « Ah, les JO, j’aurais peut-être pu ! J’aurais peut-être pu participer à la médaille. » Ça ne sert à rien de ressasser ce qui s’est passé. Pour moi, c’était déjà un énorme pas en avant de pouvoir participer à la prépa avec les A. J’ai pris tout ce que j’avais à prendre, j’ai appris énormément.

Suivez-vous encore un peu la Betclic ÉLITE depuis l’étranger ?

IC : De temps en temps, oui. Je ne le suis peut-être pas autant qu’avant mais j’aime bien le basket et j’ai des gars sûrs qui jouent toujours là-bas. Donc je regarde de temps en temps.

MJ : Je crois qu’elle est là la différence entre lui et moi. Lui, il n’est que dans sa première année à l’étranger, il a encore des attaches en France. Dans quatre – cinq ans, quand il aura passé beaucoup de saisons à l’extérieur, tu verras qu’il te dira qu’il suit un peu moins (Isaïa rit). C’est sûr qu’on a toujours des gars qu’on connait, qu’on essaye de suivre de loin. On ne connait plus tous les joueurs : c’est un circuit qui se renouvelle avec des anciens qui arrêtent, des nouveaux jeunes qui émergent. Mais plus on s’éloigne, plus on passe du temps sans y être et plus on se retrouve des fois à se dire « Oh mais c’est qui ce jeune ? ». Waow, j’ai l’impression que je me fais vieux (il sourit).

Le regard de Pascal Donnadieu,
leur ancien entraîneur à Nanterre

« Premièrement, ce sont deux anciens avec qui j’ai gardé un très bon contact. Les deux sont des éponges. Ils sont très à l’écoute, ce sont des garçons à la tête bien faite.

« Les gens avaient une fausse perception de Mam’ »

Concernant Mam’, à l’époque, les gens ne se rendaient pas compte qu’il était pivot titulaire d’une équipe d’EuroLeague à 19 ans. Au cours de ses trois années à Nanterre, il a fait de très bonnes stats. On a fait tout un travail avec lui parce qu’il était jeune. Franchement, je n’ai pas le même regard que l’on peut avoir de l’extérieur. On a gagné des titres avec Mam’, il s’est développé et je considère que son passage à Nanterre a été bon. Il y avait de telles attentes autour de lui que l’on avait l’impression que ça pouvait être mitigé. Mais ce n’est pas mon point de vue. Il est parti contraint et forcé à l’étranger car il a été poussé dehors par Limoges mais je pense que ça a été une opportunité pour lui. En France, il était caricaturé en un joueur un peu soft, ce qui n’était pas forcément le cas. À ce moment-là, peut-être que j’aurais dû être plus vigilant dans ma communication. Il était très jeune, il sortait du Centre Fédéral et de la Pro B où il avait dominé, la marche était haute avec la Coupe d’Europe. Les gens avaient une fausse perception de lui. Pour lui, s’exiler à l’étranger a été une très bonne chose dans la mesure où il s’est endurci et il a progressé au fil des années. Il a commencé dans des clubs assez moyens et aujourd’hui, il est dans le gratin européen, dans un club appelé à jouer rapidement l’EuroLeague.

C’est un joueur qui a une très bonne intelligence, qui sait très bien se placer offensivement, que ce soit sur les situations de rebond, sur la lecture de jeu. Il est très opportuniste. Je l’ai revu avec l’équipe de France en novembre pour la première fois depuis plusieurs années. Là où j’ai trouvé qu’il avait énormément progressé, c’est sur sa faculté à être très adroit. Il l’était déjà relativement mais j’ai trouvé qu’il avait un gros toucher sur ses petits floaters et autres. Il ne rate quasiment rien, il a un pourcentage de réussite extrêmement élevé. C’est un garçon qui sait se placer, qui lit bien ce que ses coéquipiers proposent. Quand on est au contact de joueurs comme Teodosic, ça doit faciliter encore plus sa progression. Il ne faut pas oublier que les intérieurs viennent parfois à maturité un peu plus tard. Il a démarré très jeune et il est maintenant arrivé à maturité. Il est extrêmement productif. Il a 28 ans donc il ne changera pas radicalement son jeu dorénavant. Il va quand même encore un peu évoluer avec l’expérience. Cette saison, il est au contact de l’un des plus grands techniciens au monde (Sergio Scariolo) donc il va continuer d’apprendre. Il va se développer sur des détails. Défensivement, offensivement, il peut encore progresser sur plein de petites choses mais le gros du travail est fait.

« Isaïa, l’un des joueurs les plus forts que j’ai eu l’occasion de coacher »

Quant à Isaïa, je dois déjà dire que cela a été deux ans de pur bonheur à ses côtés. Il restera l’un des joueurs les plus forts que j’ai eu l’occasion de coacher et pourtant, j’en ai vu quelques uns. Franchement, il a des qualités hors-normes, tant athlétiquement que baskettement parlant. De plus, il a une éthique de travail et une mentalité irréprochables. J’en ai fait mon capitaine sur ma deuxième saison alors qu’il est très jeune. Pour moi, c’est un garçon qui remplit toutes les cases. Il est déjà un joueur de haut-niveau et il est appelé à être encore plus dominant dans les années à venir, tant sa marge de progression est importante, que ce soit en Europe, en équipe de France, ou en NBA, si on lui donne sa chance, puisque je sais que c’est son objectif. Si j’ai déjà pu voir une évolution en novembre depuis son départ de Nanterre ? Oui, oui. Notamment lors du dernier quart-temps contre le Monténégro où c’était difficile. Il a pris ses responsabilités offensives, il était dans le scoring. C’était son match le plus abouti offensivement en équipe de France et pour l’avoir côtoyé pendant deux ans à Nanterre où j’avais essayé de lui donner un maximum de responsabilités, je sais qu’il est capable de le faire. J’étais content pour lui.

Des destins qui se ressemblent ? Même si c’est vrai sur la finalité, ils n’ont pas du tout connu le même début de carrière. Mam’, il y a eu beaucoup, beaucoup, peut-être trop d’attentes. Tous les regards étaient tournés vers lui, il y avait un peu d’impatience à son propos. Du côté d’Isaïa, à travers sa blessure et la décision très sage qu’il a eu de stopper pendant un an pour reprendre, c’est quelque chose de complètement différent. Mais que ce soit l’un ou l’autre, on n’est pas recruté à Bologne par hasard. La Virtus ne signe pas des joueurs sans potentiel ou qui ne sont pas capables d’évoluer à très-haut niveau. C’est la meilleure preuve que ce sont maintenant deux joueurs référencés. D’ailleurs, ça me fait sourire parce qu’il y a aussi Kyle Weems. Et même Julian Gamble la saison dernière ? Ils ont compris qu’il y avait un filon à Nanterre (il rit). C’est une fierté de voir ces deux garçons-là évoluer à un tel niveau et si j’ai pu contribuer à leur éclosion, tant mieux ! »

 

À Bologne,

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