France – Lettonie : un sursis ou le fiasco
En toute fin d’entraînement, Sylvain Francisco tente un step-back : la trajectoire est parfaite, bien parabolique, pour finalement… à peine effleurer le cercle, pour le plus grand amusement de Isaïa Cordinier, qui en tombe littéralement de rire, et d’Evan Fournier, hilare sur le banc. Quelques instants avant, au même endroit, Guerschon Yabusele et Mathias Lessort se défiaient en duel et se chambraient à chaque possession : un poing serré après un échec de l’un, un regard méchant après avoir contré l’autre puis Lessort qui s’écroule par terre après un trois points miraculeux de son vis-à-vis, mi accablé mi rieur. Des scènes qui témoignaient, samedi soir, du retour de certains sourires, 24 heures après la correction reçue des mains du Canada (65-95).
Une réunion pour tout mettre à plat
Dans leur hôtel de Jakarta, situé à proximité immédiate de l’Indonesia Arena, les Bleus ont eu le temps de digérer la tempête qui s’est abattue sur eux vendredi. « On a eu une réunion, on a revu les images », révélait Vincent Collet. « Il fallait faire un retour sur ce qui s’est passé. Pour moi, c’était impensable d’évacuer la défaite et dire : ‘Allez, maintenant, on repart’. Il s’est passé quelque chose, il faut l’utiliser. » En préambule de la séance vidéo, le staff a d’abord laissé la possibilité aux joueurs de s’exprimer, avant d’organiser une intervention en deux parties : les défauts à corriger puis le retour à la positivité. « Car il faut pouvoir se projeter », explique le sélectionneur. « Si on arrive avec le fardeau canadien, on n’aura aucune chance de rebondir. On est maintenant dans la phase de rédemption. »
Une journée qui n’avait finalement qu’un seul but : la remobilisation des joueurs, notamment des leaders défaillants (Nicolas Batum, Guerschon Yabusele, Rudy Gobert…), la responsabilisation individuelle, la sensibilisation à l’urgence… « Y-a-t-il eu une prise de conscience ? Je ne sais pas, on verra dimanche au match », a répondu Evan Fournier, dont la conférence de presse expresse a fait le tour des réseaux sociaux vendredi : « We got our ass kicked », littéralement « On s’est fait botter les fesses », comme seule déclaration initiale d’après-match. En lâchant complètement prise en seconde période, les Bleus ont mis en péril la suite de leur compétition avec un -30 qui pourrait peser très lourd en cas d’égalité à trois. « Ça ne sert à rien de s’inquiéter alors qu’on n’est même pas sûr de gagner nos prochains matchs », rétorquait le New-Yorkais, resté loin de tous ces calculs d’apothicaires et scénarios potentiels.
Déjà un match pour survivre…
Car pour l’instant, avant de songer à l’éventualité de prendre la porte avant le transfert à Manille pour les quarts de finale, l’équipe de France est surtout au bord d’un fiasco retentissant : une seule défaite avant la fin du premier tour enverrait les Bleus disputer des déprimants matchs de classement 17e – 32e place… La menace libanaise semble inexistante, celle lettone est déjà un peu plus réelle. Portée par ses shooteurs, la sélection balte, même sans Rihards Lomasz, Janis Strelnieks et Kristaps Porzingis, peut embêter les tricolores dans un grand jour, même si elle risque de souffrir physiquement et à l’intérieur. « Ils ont les armes pour nous mettre en difficulté », reconnaît Evan Fournier. « C’est une équipe avec beaucoup de mouvements, un très beau passing game, et de nombreux shooteurs de qualités qui vont jouer au large. » Mais la France n’est pas devenue une mauvaise équipe à cause d’une seule mi-temps ratée. La véritable équipe de France doit battre la Lettonie. Mais est-elle seulement arrivée en Indonésie ?
Vincent Collet, le jour d’après : « On est maintenant dans la phase de rebond »
Démarrer par une claque,
pas toujours rédhibitoire…L’histoire française prouve qu’une mauvaise entame n’est pas toujours synonyme d’une conclusion malheureuse. L’exemple le plus connu est celui de l’EuroBasket 2013, démarré par un revers contre l’Allemagne (74-80) et bouclé en apothéose, avec une couronne continentale sur la tête (80-66 en finale). L’édition 2022 du championnat d’Europe a bien failli être marquée par le même scénario : une défaite face à la Mannschaft, un deuxième match anxiogène face à la Lituanie puis une finale, beaucoup plus malheureuse celle-ci. On pourrait aussi citer l’EuroBasket 2005, commencé par une bouillie de basket (50-64 contre la Grèce) et terminé avec la première médaille européenne depuis 47 ans, ou la Coupe du Monde 2014, d’un impair initial face au Brésil (63-65) à un exploit absolu à Madrid.
Ces retournements de situations ne sont évidemment pas une spécificité française. Parmi tous les exemples marquants, on pourrait surtout mentionner celui de l’Italie 2003, catastrophique en début d’EuroBasket avec deux défaites d’affilées, dont une humiliation contre la France (52-85), et qui s’était immiscée sur le podium final, préalable indispensable à sa médaille olympique un an plus tard. Plus proche de nous, souvenons-nous également de France – États-Unis, avec le point de vue inverse. Venir avec (presque) toutes les stars à Tokyo et perdre d’emblée contre les Bleus était un camouflet pour Team USA. Les Américains avaient pourtant tout de même quitté le Japon avec l’or autour du cou…
Mais tous ces faits historiques viennent aussi se heurter à l’épreuve de la réalité. Aucun format ne se rapprochait de celui de cette Coupe du Monde 2023, où toutes les rencontres sont capitales, avec deux groupes extrêmement denses qui vont se croiser. En 2013, les Bleus avaient été sacrés champions d’Europe en lâchant trois matchs lors du premier tour. Cette fois, une seule défaite pourrait suffire à causer sa perte… Si le Canada s’incline une seule fois, l’équipe de France a de grandes chances de prendre la porte, même en restant parfaite jusqu’à la fin. Autant dire qu’on n’ose pas imaginer l’éventualité du Canada – Espagne en toute fin de second tour, où les coéquipiers de Shai Gilgeous-Alexander seraient déjà qualifiés tandis que la Roja jouerait sa vie…
À Jakarta,
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