La rédemption bleue : l’exploit de l’équipe de France face au Canada !
L’équipe de France retourne en demi-finale olympique !
Peut-être y avait-il un peu de frustration à extérioriser ? Un peu de rage, aussi, certainement. Beaucoup de fierté, surtout. « Y’a quoi là ?! Y’a quoi maintenant ?! », criait furieusement Evan Fournier, à l’attention du public de Bercy. Alors qu’il a lancé un mini-psychodrame au cœur des Bleus vendredi avec une déclaration pleine de sous-entendus à l’encontre du plan de jeu suite à l’inquiétante défaite contre l’Allemagne, l’enfant de Charenton venait de sceller la qualification française pour les demi-finales d’un tir à 10 mètres au buzzer des 24 secondes (76-66, 40e minute). « C’était le moment fun du match », souriait-il après coup.
Un air de 2005 ou 2014…
On n’est pas tout à fait d’accord. Il y a eu beaucoup de moments fun en cette fin d’après-midi à Bercy. Bien plus que ce que l’on aurait pu imaginer à la base. À vrai dire, on s’est retrouvé plongé des années en arrière. Il y avait un air de Novi Sad 2005, lorsque des Bleus balbutiants au premier tour avaient éliminé la Serbie-Monténégro, championne du monde en titre (sous l’appellation Yougoslavie), en barrage (74-71). Il y avait un air de Madrid 2014, lorsque des Bleus fessés à Grenade une semaine plus tôt par la Roja (64-88) avaient bouté la Roja hors de son Mondial (65-52). « C’est une victoire que je comparerais à celle de Madrid en 2014 », clame Vincent Collet. « C’est ce que j’ai dit de suite aux joueurs donc je peux vous le répéter aussi. »
Si l’on était taquins, on écrirait que les désaccords persistent entre Vincent Collet et Evan Fournier. Car lorsqu’on a demandé à l’ancien arrière de Detroit, auteur de son meilleur match du tournoi (15 points à 4/8 et 3 passes décisives), s’il voyait des similitudes avec l’exploit d’il y a dix ans, lui a immédiatement réfuté toute ressemblance. « C’est totalement différent, ça n’a rien à voir. En 2014, on était un groupe de jeunots qui ne devait même pas être là. Là, pour nous, ce n’est pas du tout un exploit. On s’est juste mis à jouer comme on devait jouer. »
Chaque match est différent mais il y a pourtant quelques points communs… Le fait que personne n’y croyait, ou si peu, à part eux, pour commencer. Et dans la tenue du match, également. On pourra notamment évoquer le chef-d’œuvre défensif livré par l’équipe de France sur 20 minutes (seulement 29 points encaissés à la mi-temps), en écho aux 52 unités concédées en Espagne. Vraiment intéressant face à une équipe disposant d’autant de talent… Il y eut aussi les facteurs X : l’acte de naissance sur la scène internationale de Rudy Gobert il y a dix ans, celui d’Isaia Cordinier cette fois. Dans la lignée de sa fin de match contre l’Allemagne où il avait initié la révolte, l’ailier des Bleus a cette fois allumé la mèche. 10 points dans les 3 premières minutes, histoire de montrer aux Canadiens que rien ne leur serait donné. « Son entame a fait une énorme différence », a tweeté… Manu Ginobili, le héros du titre olympique en 2004 de l’Argentine. Et comment ne pas mentionner Mathias Lessort ? Sous les yeux de son coach, Ergin Ataman, l’intérieur du Panathinaïkos Athènes a incarné l’esprit de « cailleras », pour reprendre, qui animait le groupe tricolore ce mercredi. En mode agression constante dès qu’il avait le ballon, le bulldozer martiniquais a tout écrasé sur son passage dans la raquette, rare point faible des Canadiens, et rentrant même ses lancers-francs avec régularité (9/14), ce qui ne gâche rien. Il y eut aussi les shoots iconiques, ceux qui resteront dans les mémoires collectives : c’était le short de Thomas Heurtel en 2014, ce sera la prière d’Evan Fournier en 2024.
Deux chances pour une médaille
Mais avant de penser à la filiation avec d’anciens matchs de légende, cette équipe de France a surtout écrit sa propre histoire ! Elle a mis tous les ingrédients d’une soirée inoubliable : du cœur, un vrai état d’esprit, de l’engagement, de la solidarité. Les fruits d’un speech marquant de Vincent Collet dans le vestiaire avant l’entre-deux ? « Un discours de bonhomme », disait Fournier. « L’un des meilleurs que j’ai entendu », ajoutait Batum. Sans oublier une vraie unité, avec la preuve indirecte que ni Evan Fournier ni Vincent Collet n’avaient tort. Pour une fois, le jeu d’attaque des Bleus était joliment pensé, avec une priorité clairement axée sur le jeu intérieur, où le duo Mathias Lessort – Guerschon Yabusele a clairement fait oublier la défaillance offensive de Victor Wembanyama (7 points à 2/10, dont 0/6 à 3-points, 12 rebonds, 5 passes décisives et 3 contres) et l’absence de Rudy Gobert (moins de 4 minutes de jeu), mi-benché, mi blessé. Et que rien ne sera possible pour ces Bleus sans une défense de très haut niveau : sur certaines séquences, on a entrevu la machine défensive qu’appelle le technicien normand de ses vœux depuis le début de la campagne.
Avec des rotations limitées (DNP pour De Colo et Strazel, 77 secondes pour Coulibaly), l’équipe de France s’est peut-être enfin trouvée, construite dans l’adversité de ces derniers jours, face au doute collectif. Sûrement aussi renforcée par les vertus mentales de cette fin de match sous respiration artificielle, où les coéquipiers de Shai Gilgeous-Alexander (27 points à 9/19) ont coupé l’écart de -19 (48-29, 21e minute) à -5 (65-60, 36e minute)… Mais il était écrit que cette soirée-là était destinée à s’inscrire au Panthéon des plus grandes de l’histoire bleue. Parce qu’on n’a jamais connu plus belle scène que les Jeux Olympiques à la maison pour briller. Et parce qu’il aurait été si bête de gâcher cette opportunité, qui ne se représentera pas avant plusieurs décennies, par des chamailleries égocentrées. Alors était-ce l’histoire d’un soir ? Si oui, cela au moins le mérite de ne pas accoler la mention d’accident industriel à ces Jeux Olympiques, comme on pouvait le craindre. Mais à ce compte-là, on préférait autant l’histoire d’une semaine, qui deviendrait alors une histoire éternelle… Qu’importe ce qui arrivera face à l’Allemagne en demi-finale, on sait, au moins, que les Bleus ont encore deux matchs à disputer. Samedi, pour le dernier jour du tournoi masculin, ils auront un match pour une deuxième médaille olympique d’affilée. Géant.
À Bercy,
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