Endy Miyem, les adieux d’une très grande du basket français : « J’ai accompli la plupart de mes rêves ! »

Septième joueuse la plus capée de l’histoire avec 235 sélections, la nonuple médailée Endy Miyem va arrêter sa carrière
Endy, vous vivez vos derniers moments sur un terrain de basket…
Ça y est, oui, la décision d’arrêter est prise ! J’en suis sûre et certaine, je n’ai pas de regrets.
Pourquoi maintenant ?
Parce que j’ai fait le tour ! Je sens que je suis un peu arrivée au bout, à la fois mentalement et physiquement, de tous les efforts que cela peut demander. Je préfère m’arrêter maintenant plutôt que de me retrouver à faire l’année de trop. J’aime toujours jouer au basket mais c’est vrai que j’aime un peu moins les entraînements par exemple (elle rit). Plus ça va, plus c’est compliqué de supporter tout ce qui va autour des matchs.
« Je suis un peu arrivée au bout de tous les efforts que cela peut demander »
Comment vivez-vous ces dernières semaines dans le circuit ?
Je réalise un peu, sans y arriver complètement. Après, depuis le début de saison, c’était acté dans ma tête que c’était la dernière. Plus la saison avançait, plus cela me confirmait que ma décision était la bonne. J’essayais de profiter de chaque instant : des derniers entraînements, derniers matchs, dernières fois où l’on partage des choses avec les coéquipières. Je vois les choses différemment, avec plus de recul. J’ai l’impression de réaliser mais une fois que ce sera vraiment terminé, je pense que ça va me faire tout drôle.
Terminer en playoffs, avec Tarbes qui arrache la 8e place, plutôt qu’en playdowns, est-ce la vraie satisfaction du moment ?
Ah oui, clairement ! J’ai répété toute la saison à mes coéquipières que j’ai quasiment tout vu dans ma carrière, mais que je ne voulais pas voir les playdowns ! Ça non, je n’en avais vraiment pas envie (elle rit). Je suis fière qu’on soit en playoffs et que ça se termine sur une note positive, dans le sens où les objectifs du club sont atteints.

Si l’on devait raconter votre carrière à la jeune Endy Miyem qui avait 15 ans, aurait-elle l’impression d’avoir accompli ses rêves ?
Franchement… Je dirais que oui ! J’ai accompli la plupart des choses dont je rêvais. Je suis parti de chez moi à 13-14 ans, direction Toulouse, et je rêvais d’être à l’INSEP. J’y suis allée. Ensuite, je rêvais d’intégrer un gros club. C’est vrai que je pensais à Valenciennes mais ça a été Bourges, j’étais ravie. Ça a été de pouvoir jouer l’EuroLeague, ça a été chose faite. Ça a été de pouvoir jouer en équipe de France, ça a été chose faite. Ça a été de pouvoir gagner des choses avec l’équipe de France, ça a été chose faite. Ça a été de pouvoir participer aux Jeux Olympiques, j’y suis allée trois fois. Ça a été de pouvoir jouer à l’étranger : je suis allée en Russie, en Italie, en WNBA aussi… Bien sûr qu’il y a toujours des choses que l’on aimerait mieux faire mais j’ai conscience d’avoir vécu des moments exceptionnels.
« Bourges, mon club de cœur »
Lorsque l’on regarde votre carrière, il y a un club qui ressort : Bourges…
(elle interrompt) Forcément ! C’est mon club de cœur, mon premier club professionnel, là où j’ai lancé ma carrière, là où j’ai gagné le plus de titres, là où j’ai rencontré le plus de monde, là où j’ai vécu le plus d’années dans ma vie aussi ! Bourges est un endroit particulier, un club qui aura toujours une place particulière dans mon cœur.
Sans faire offense à votre équipe de Tarbes, il est d’ailleurs aussi vraisemblable que ce soit aussi le lieu de votre dernier match en carrière lors du quart de finale de La Boulangère Wonderligue…
Je me fais tous les scénarios ! Si ça passe, ce serait top. Ce serait énorme de battre Bourges et je sais qu’on est capable de le faire avec cette équipe. Mais si ça ne passe pas, c’est vrai que ce sera un clin d’œil particulier de voir que mon dernier match pro serait à Bourges.

Savez-vous combien de trophées vous avez gagné lors de votre parcours ?
Non, je n’ai pas compté ! Combien ?
20 trophées : 19 en club, le titre de champion d’Europe 2009 et huit autres médailles avec les Bleues…
Ah, c’est pas mal ! (elle rit)
« Partir à l’étranger m’a fait grandir »
Y-en-a-t-il un qui ressort ?
Forcément, je dirais que le plus prestigieux est l’EuroBasket 2009. Après, il y a pas mal de titres de championne de France qui ont une énorme valeur à mes yeux car c’est le travail de toute une saison, sous les couleurs de Bourges que j’ai portées avec beaucoup d’amour. Pour moi, ça a toujours été spécial de gagner des titres avec Bourges.
Il y a aussi deux crochets par l’étranger, à Koursk et Schio. Qu’en retirez-vous ?
J’en garde surtout des éléments sur le côté humain ! Je souhaite vraiment aux jeunes de pouvoir partir à l’étranger, de pouvoir découvrir une autre culture, de se retrouver hors de sa zone de confort, dans le rôle de la joueuse étrangère, forcée de voir les choses sous un autre prisme. C’est très enrichissant en tant que personne. Personnellement, ça m’a fait vraiment grandir et évoluer dans ma vie de jeune femme. De ne pas avoir ses repères, ça pousse à s’affirmer, à se découvrir soi-même.

En terme de grand saut, vous êtes passée de Bourges à la Russie…
Violent ! (elle rit) Ça, je le souhaite moins aux autres ! Non, je rigole… C’est clair que ce sont deux mondes à part. Je n’en retiens que le positif aujourd’hui, les gens que j’ai pu rencontrer. Mais vivre en Russie, ce n’est pas donné à tout le monde.
Cette expatriation, était-ce aussi dans le but de remporter l’EuroLeague, le plafond de verre jamais atteint avec Bourges ?
Clairement, oui. Je voulais être dans une grosse écurie européenne pour essayer d’aller titiller un peu plus haut en EuroLeague. Malheureusement, ça ne s’est pas fait. Ce qui ne m’a pas empêché de vivre des belles choses et des bons moments.
« J’étais loin de penser que j’aurais autant de médailles et de sélections »
Vous avez également transité par la WNBA le temps d’un été…
À Minnesota, oui, en 2018. Je me suis retrouvée dans l’une des plus grosses franchises, multi-titrée, avec des joueuses références, des internationales américaines. Ça a été une fierté d’évoluer dans cette équipe. Quand on se retrouve coéquipière de Sylvia Fowles, Seimone Augustus, Maya Moore, Lindsay Whalen… (elle s’interrompt) Voilà quoi, ce sont des noms qui résonnent dans le basket mondial. Et pouvoir être coachée par Cheryl Reeve, c’est le gratin du basket mondial.

Outre Bourges, l’autre maillot qui ressort de votre carrière est celui de l’équipe de France : 235 sélections, septième joueuse la plus capée de l’histoire, neuf médailles…
J’étais loin de penser que j’aurais autant de médailles, autant de sélections. C’est clairement une joie et une fierté. Cependant, quand je parle de petits regrets, il y avait forcément l’envie de se retrouver encore une fois sur la plus haute marche d’un EuroBasket. Malheureusement, on a échoué… plusieurs fois (cinq finales d’affilée perdues entre 2013 et 2021, ndlr). C’est triste mais ça montre aussi l’excellence de cet effectif pendant toutes ces années, de toujours se hisser jusqu’en finale.
Une telle carrière internationale vous semblait-elle envisageable au début ?
Pas du tout ! Mais alors là, vraiment pas ! Quand je suis arrivée à l’INSEP, je ne pensais pas avoir les capacités pour être un jour en équipe de France. J’ai commencé à y croire parce que François Gomez le disait à l’entraînement : « Endy Miyem sera un jour en équipe de France. » Du coup, j’ai compris qu’il y avait peut-être une possibilité. Et au final, mon parcours m’a montré que…

Qu’est-ce qui a le plus de valeur à vos yeux entre l’or européen de 2009 ou vos deux médailles olympiques ?
(elle réfléchit) Plus les médailles olympiques quand même ! J’ai même envie de dire l’argent de Londres 2012, même si l’avantage du bronze de Tokyo était de finir sur une victoire, pour une fois. Ce n’est quand même pas négligeable (elle rigole).
2012 est l’été qui vous a fait tous passer dans une nouvelle dimension. Le grand public a presque découvert le basket féminin français à ce moment-là, bien plus qu’en 2001 ou 2009…
Totalement ! C’est flagrant qu’il y a eu un avant et un après 2012. Quand on arrivait dans les salles (elle souffle)… C’était la folie ! Tout le monde nous félicitait, nous accueillait super bien. Et même des gens hors basket : je me souviens qu’on m’a reconnu à la gare par exemple (elle rigole). Je me suis dit : « Mais qu’est-ce qui se passe ?! » Ça ne m’était encore jamais arrivé ça. C’était dingue.
« Toujours pas de discussion avec Jean-Aimé Toupane :
je n’ai pas apprécié la manière dont les choses ont été faites »
En revanche, vous n’avez jamais annoncée votre retraite internationale. La façon dont s’est terminée votre histoire avec le maillot bleu, dans l’anonymat des deux premiers matchs de qualification de l’ère Toupane en novembre 2021, est-elle aussi un regret ?
(elle hésite) Un regret, je ne sais pas… Une chose est sûre : après Tokyo, je souhaitais poursuivre jusqu’à Paris 2024. Tout le monde était au courant, tout le monde le savait. Malheureusement, je me suis blessée après les Jeux de Tokyo, j’ai dû me faire opérer (à la cheville, presque un an d’absence sur l’année 2022, forfait pour la Coupe du Monde, ndlr) et ça a été un peu plus compliqué après. Je me suis battue pour revenir mais voilà… Il y a des sélectionneurs qui font leur choix, il faut accepter et avancer.

Avez-vous eu une discussion avec Jean-Aimé Toupane ?
Non, toujours pas, non.
Est-ce une petite blessure ?
Oui, car j’aurais aimé que ça se passe différemment. J’aurais juste aimé que l’on communique en fait. Le sélectionneur fait ses choix mais il y a des façons de faire les choses. J’aurais voulu que ça soit fait différemment. Je respecte le choix de ne pas me sélectionner mais je n’ai pas apprécié la manière dont les choses ont été faites.
« Dans le staff de Tarbes dès la saison prochaine en tant que directive sportive ! »
Qu’avez-vous prévu pour l’après-basket ?
La suite sera toujours à Tarbes ! Dès la saison prochaine, je serai présente dans le staff en tant que directrice sportive. Autrement, j’ai eu l’opportunité de pouvoir commenter des matchs à la télévision, c’est vraiment que j’ai un exercice que j’ai apprécié. Donc pourquoi pas si l’occasion se représente !

Directrice sportive, cela vous intéressait depuis longtemps ?
Cela fait quelques temps que j’y songe, oui. En fait, on m’avait proposé un autre projet ailleurs, qui ne s’est pas fait pour diverses raisons. Ça m’a laissé le temps d’y réfléchir et j’ai compris que ça m’intéressait, que j’aimerais bien évoluer là-dedans. Quand on a été joueuse, on se dit qu’on peut amener son expérience et sa vision en passant de l’autre côté…
Avez-vous conscience d’avoir fait partie des grandes du basket français ?
C’est très dur de s’auto-évaluer mais oui, par la force des choses. J’ai passé pas mal de temps en équipe de France, j’ai pas mal de médailles autour du cou, pas mal de trophées avec Bourges. Donc rien que pour ça, oui !
Souvenirs en vrac
Une coéquipière qui vous a marqué ?
Waow, je vais avoir des problèmes ! Je dirais plutôt « les coéquipières qui m’ont marqué » car une seule, c’est impossible : Céline Dumerc, Emmeline Ndongue, Sandrine Gruda. C’est avec elles que j’ai le plus évolué. Mais franchement, c’est dur, il y en a beaucoup : Diandra Tchatchouang, Isabelle Yacoubou, Héléna Ciak… Et là, je me dis que cette liste ne va jamais s’arrêter (elle rigole). J’en rajouterai une seule : Carine Paul, qui est devenue ma meilleure amie après nos années à Toulouse, l’INSEP et Bourges.
Votre coéquipière la plus forte ?
Maya Moore (à Minnesota), c’était quelque chose quand même ! Ça avait beau ne pas être sa meilleure saison quand j’y étais, elle était quand même capable de faire des trucs de fou…
La coéquipière qui a eu le plus d’influence sur vous ?
Cathy Melain. Quand je suis arrivée à Bourges, elle était là. Je me souviens de quelques fois où elle me lançait des scarface (des regards noirs, ndlr) avec les jeunes (elle rigole). C’était sa façon de nous éduquer. Cathy ne parlait pas beaucoup mais rien qu’avec le regard, on pouvait sentir qu’on avait fait un truc qui n’était pas bon. Donc quand elle nous lâchait son petit scarface, on se dit : « OK, c’était une boulette, à ne pas refaire ! » Récemment, je me suis revue à l’époque où j’arrivais à Bourges, et les remarques / réflexions que je pouvais avoir des anciennes. Maintenant, c’est moi qui suis à leur place à Tarbes. Et c’est un truc de dingue ! On se passe le relais, c’est beau.
L’adversaire la plus forte, ou celle sur qui vous détestiez défendre ?
(elle hésite) Je ne sais pas, il y en a eu beaucoup aussi ! Je me souviens d’une joueuse, DeLisha Milton-Jones (double All-Star WNBA et double championne olympique, ndlr), qui avait joué à Prague (entre 2010 et 2012). Elle, elle était super relou !
Le coach qui a marqué votre carrière ?
Pierre Vincent, forcément. C’est lui qui m’a lancé dans le monde pro à Bourges, c’est lui qui m’a fait venir en équipe de France. Pour tout ça, c’est lui.
Votre meilleur souvenir en carrière ?
Les Jeux Olympiques de Londres 2012. Pour toutes les raisons dites précédemment (voir plus haut dans l’interview, ndlr) et parce que c’était la première fois que je faisais les JO. C’était pas loin de chez nous, il y avait du monde, il y avait une ambiance fou et on a fait un résultat. Tout était réuni pour que ce soit magique !

Le pire souvenir ?
Je pense que c’est la défaite en finale du championnat d’Europe 2013 contre l’Espagne (69-70). Parce que c’était à la maison (à Orchies), parce qu’on avait une équipe de fou, parce qu’on a clairement déjoué. C’était la dernière compétition de pas mal de filles, comme Edwige Lawson. On se disait que ce serait juste dingue de finir sur un titre.
La meilleure ambiance ?
Du coup, il y a moyen que ce soit Orchies aussi ! Franchement, c’était ouf ! Les gens venaient pour nous spécifiquement, toute la salle était pour nous, il y avait nos familles. C’était vraiment top. Après, attention, le Prado, à Bourges, sur les gros matchs, ça peut rivaliser ! Mais on va dire l’EuroBasket, car ils ont été endurants sur plusieurs matchs.
Quelle est la période où vous vous êtes sentie à votre apogée dans votre carrière ?
Je pense à plusieurs moments, mais je dirais la période juste avant mon départ de Bourges pour Koursk (en 2015). Là, je me sentais vraiment bien dans mon basket, vraiment en confiance.

Son parcours
- 2006/15 : Bourges
- 2015/16 : Dynamo Koursk (Russie)
- 2016/18 : Famila Schio (Italie)
- 2018 : Minnesota Lynx (WNBA)
- 2018/19 : Lattes-Montpellier
- 2019/21 : Flammes Carolo
- 2021/23 : Bourges
- 2023/24 : ASVEL
- 2024/25 : Tarbes
Son palmarès
En club :
- Septuple championne de France (2008, 2009, 2011, 2012, 2013, 2015 et 2022)
- Double vainqueure du tournoi de la fédération (2007 et 2008)
- Quintuple vainqueure de la Coupe de France (2006, 2008, 2009, 2010 et 2014)
- Vainqueure du Match des Champions 2014
- Championne d’Italie 2018
- Double vainqueure de la Coupe d’Italie (2017 et 2018)
- Vainqueure de l’EuroCup 2022
Avec l’équipe de France :
- Championne d’Europe 2009
- Quintuple vice-championne d’Europe (2013, 2015, 2017, 2019 et 2021)
- Médaillée de bronze lors de l’EuroBasket 2011
- Vice-championne olympique 2012
- Médaillée de bronze lors des Jeux Olympiques 2021
- Triple médaillée de bronze en juniors (Euro U18 2005, Euro U20 2007, Mondial U21 2007)
Distinctions :
- MVP de l’EuroBasket U20 2007
- Meilleure jeune de la LFB 2008
- MVP finale de la Coupe de France 2014
- Élue dans le meilleur cinq de l’EuroBasket 2021

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