E.J. Rowland (41 ans), une cure de jouvence à Bourg : « Je ne m’attendais pas à une telle longévité »
E.J. Rowland est le 4e joueur le plus âgé du circuit européen
Au bout de deux minutes d’interview, quelqu’un toque à la porte de la salle de presse d’Ékinox. C’est Frédéric Fauthoux, maillot bordeaux floqué à son nom en main. « Alors, ça te plaît ? », lui demande immédiatement E.J. Rowland (1,89 m, 41 ans). Le sourire de l’entraîneur de la JL Bourg ne laisse guère de place au doute. « Tu vois quel type d’homme c’est ? », nous lance-t-il. « Il a offert ça à tous ! Voilà, ça c’est Mister Rowland ! » Un maillot typé football personnalisé, avec le sigle JL Bourg devant et le nom dans le dos. Et surtout le sceau argenté de l’EuroCup sur la poitrine. « Je voulais commémorer notre parcours européen », sourit celui qui a lancé sa marque vestimentaire GRRR, visible sur la plupart des chaussettes des Bressans depuis son arrivée en octobre. Tous les joueurs ont reçu leur t-shirt mercredi, de même que le staff technique, jusqu’au président Desbottes. « Et ils auront d’autres surprises dans les prochains jours », promet le meneur.
Une manière pour le Californien de remercier tous ceux qui auront contribué à rendre sa… 19e saison professionnelle inoubliable. Lorsqu’il a disputé son premier match pro, dans l’ancienne D-League, son coéquipier Zaccharie Risacher n’avait que 7 mois ! Son coach envoyait encore des bombinettes à 3-points sous le maillot de Pau-Orthez. Derrière Sergey Toporov (43 ans), Byron Allen (bientôt 43 ans) et Tremmell Darden (42 ans), Earl Jerrod Rowland fait partie du Top 5 des joueurs les plus âgés d’Europe, à 41 ans et 12 jours. « Je ne m’attendais vraiment pas à jouer aussi longtemps », admet-il.
Quasiment deux ans sans jouer !
« Est-ce que c’est la fin pour moi ? »
Et pour cause… En 2020, sa carrière semblait vraiment battre de l’aile. Non seulement le vétéran n’était plus aussi productif qu’avant (de 9,1 à 5,8 points de moyenne en Liga Endesa) mais surtout s’était-il sérieusement blessé au quadriceps avec Fuenlabrada. « Puis est venu le Covid, puis ma femme est tombée enceinte et je n’ai pas voulu partir jouer quelque part. » Tout juste passera-t-il six semaines en Iran pour les playoffs au printemps 2021. « Je me demandais : est-ce que c’est la fin pour moi ? Mais j’allais voir mes amis jouer à Madrid, on dînait ensemble après, j’entendais leurs histoires et ça a commencé à me démanger de reprendre. » Alors E.J. Rowland a repris l’entraînement individuel avec Uros Dragicevic, actuel assistant-coach de… l’AS Monaco, s’est remis le pied à l’étrier avec un match en avril 2022 à l’Hapoël Jérusalem puis la présaison du Maccabi Tel-Aviv. « Avec eux, je me suis rendu compte que je pouvais toujours être performant. » Banco pour un retour au plus haut niveau, avec une saison pleine à Gliwice (15,2 points à 44%, 3,9 rebonds et 7,9 passes décisives en 32 minutes de moyenne), pensionnaire du bas de tableau polonais, sa première vécue en intégralité depuis l’exercice 2016/17 passé avec le Khimki Moscou.
Pourtant, E.J. Rowland n’aurait jamais dû se retrouver à la JL Bourg cette saison. « L’été dernier, on a bâti un groupe de 12 joueurs pour ne pas avoir à prendre un joker médical », rappelle Frédéric Fauthoux. Mais face à la déchirure à la cuisse de JeQuan Lewis début octobre, suivie de la fracture du pied d’Hugo Benitez, le club bressan se retrouve contraint d’explorer le marché et fait appel à son pigiste quadragénaire. Un coup de foudre mutuel. « Au bout d’une semaine, je disais à tout le monde que cette équipe était spéciale et pouvait faire quelque chose de grand », retrace le meneur. « Un peu à la surprise générale, il est devenu le grand frère du vestiaire », apprécie son coach. « Il a su prendre des joueurs sous son aile comme Bryce Brown. Il parle aussi beaucoup à Zaccharie Risacher. C’est quelqu’un qui est toujours positif et qui profite pleinement des derniers moments de sa carrière. »
De fait, son rôle, ses minutes, ses statistiques ne sont plus du tout une priorité. « J’ai fait mon temps », souffle-t-il. « J’aurais pu aller ailleurs et jouer plus, comme l’an dernier en Pologne. Mais j’ai déjà vécu mon prime où je m’intéressais au scoring et à mon temps de jeu. Maintenant, c’est Hugo Benitez qui a besoin d’expérience, qui doit avoir ce rôle, JeQuan Lewis aussi. Personnellement, je m’en fiche de jouer 2 ou 25 minutes. La situation est géniale ici, je suis heureux tous les jours, je n’ai pas l’impression d’aller travailler. J’amène de l’énergie positive et je savoure vraiment, car je sais que ça ne va pas durer pour toujours. » À tel point que E.J. Rowland a tranché dans le vif en décembre dernier. La JL Bourg lui avait laissé le choix : une prolongation jusqu’en fin de saison, mais sans jouer, ou un départ au terme de son contrat. « Lui nous a dit : « C’est pas grave de ne pas jouer, je vis quelque chose de grand, je veux le vivre jusqu’au bout », lance Frédéric Fauthoux. « C’est un état d’esprit fort. Mais il y a eu des blessures, des occasions et il apporte désormais dans les vestiaires et sur le terrain. »
La dernière danse ?
Depuis le début des playoffs, E.J. Rowland joue ainsi près de 10 minutes de moyenne. Et ses qualités physiques, pour un joueur âgé de 41 ans, ne cessent d’impressionner, notamment sa vitesse de jeu. « C’est un mélange de discipline et de passion pour ce sport », explique-t-il. « Ma pause après le Covid a aussi permis à toutes mes petites blessures de se guérir et j’apprécie encore plus ce métier maintenant. » Suffisant pour continuer au-delà de cette saison, ou ce Match 4 contre l’AS Monaco pourrait marquer le dernier de sa carrière en cas de défaite ? « C’est du 50-50 », répond l’ancien coéquipier de Frédéric Adjiwanou en NCAA. « Si c’était ma dernière saison, j’ai tout donné pour cette équipe et je pourrais partir tranquille. Beaucoup de gens essayent de me convaincre de continuer car je suis encore bien physiquement. Sauf qu’après avoir connu une telle situation à Bourg, je ne voudrais pas me retrouver dans un mauvais contexte. » Et une prolongation à la JL alors, potentiellement dans un rôle de troisième meneur et de grand frère du vestiaire ? « Si je décide de continuer, je suis ouvert au fait de rester. »
Doyen de Betclic ÉLITE, 2 ans et 8 mois devant son dauphin David Holston, E.J. Rowland présente l’un des CV les plus respectables du championnat. À son actif, deux EuroBasket avec la Bulgarie, des trophées en Allemagne et Lettonie, sept campagnes d’EuroCup, une saison d’EuroLeague (avec l’Unicaja Malaga en 2011/12) et une empreinte marquante en VTB League. Élu MVP du championnat en 2013 avec le VEF Riga, il a fait partie de la toute première promotion du Hall of Fame de la VTB en 2019, aux côtés de quelques légendes comme Andrei Kirilenko ou Milos Teodosic. « En sortant du lycée ou de l’université, je n’avais pas une très grosse réputation donc je dois être fier de ce que j’ai accompli », clame-t-il. « Ma carrière est un peu inattendue, j’ai changé le destin de ma famille donc je suis très heureux de tout ce que j’ai traversé. » Et de tout ce qu’il reste potentiellement à vivre, même sur l’espace d’une simple quinzaine. « Si on est champions de France, il faudra bien trouver un autre cadeau », se marre-t-il. Les Bressans n’ont peut-être pas fini d’agrandir leur garde-robe…
À Bourg-en-Bresse,
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