Coach en EuroLeague, la chance inouïe de Pierric Poupet : « Ce n’est pas ce que j’avais prévu »
Pierric Poupet, head-coach en U18 ÉLITE puis en EuroLeague !
En 2020, alors qu’il a fait partie de la génération des joueurs qui n’ont pas su qu’ils disputaient leur dernier match officiel à cause du confinement (un derby Lille – Denain pour sa part), Pierric Poupet (désormais âgé de 39 ans) était interrogé par le site du Syndicat National des Basketteurs sur la suite qu’il comptait donner à son parcours. « On verra ce que la vie me réserve, je prends les choses étape par étape », répondait l’homme aux 18 saisons LNB, dont 7 en Pro A. Censé devenir le directeur général de… ME3P, une entreprise de Cambrai spécialisée dans l’agencement de cellules commerciales, il était alors certainement très loin de se douter que la vie, justement, lui réservait l’un des sésames les plus enviés du Vieux Continent, un spot de coach en EuroLeague, et un duel face à Ioannis Sfairopoulos pour commencer, si rapidement après avoir raccroché.
« Si cela peut représenter une opportunité pour moi, très bien, mais ça passe après »
« Ce n’est pas commun, mais en même temps, la vie, ce n’est jamais commun », souriait-il mardi après sa première victoire face à l’Étoile Rouge de Belgrade (100-91). « Ce n’est pas ce que j’avais prévu au départ en arrivant à l’ASVEL. Je n’ai pas d’ambitions personnelles sur des postes de coach. J’ai dit aux joueurs que je me fixais personnellement comme objectif d’apprendre chaque jour et d’être un peu meilleur, de faire des erreurs et d’apprendre d’elles pour ne pas être trop stupide. Aujourd’hui, cela se passe bien, j’essaye de progresser. J’arrive à cette position-là, je vais faire de mon mieux. Et puis il n’y a pas spécialement de pression… (il s’arrête et sourit) Enfin, il y en a, toujours, mais j’essaye d’aider au maximum les joueurs et le club. Et si en plus cela peut représenter une opportunité pour moi, ce sera très bien. Mais ça passe après. »
Vacciné par l’expérience malheureuse Gianmarco Pozzecco, froidement remercié après dix semaines en poste, le président Tony Parker a donc souhaité miser sur une solution interne, quitte à ce que l’heureux élu ne dispose d’aucune expérience d’entraîneur principal, si ce n’est deux saisons à la tête des U18 de Denain. « On va voir ce que cela donne avec Pierric et sa philosophie », ajoutait TP dans les colonnes du Progrès. « Je n’avais pas envie de reprendre un risque avec un coach que je ne connaissais pas. Il est là depuis longtemps. »
Une demi-saison sans vraies perspectives d’avenir ?
Depuis presque trois ans, pour être exact. Meilleur ami d’enfance de T.J. Parker, avec qui il a joué dès les benjamins au sein de la sélection départementale de Seine-Maritime, il a intégré le staff villeurbannais en 2021, à l’époque tout juste amputé de Frédéric Fauthoux à l’époque. Notamment assigné au travail vidéo et à quelques séances individuelles avec Victor Wembanyama lors de sa première saison, il a pris du galon au fur et à mesure des mois (et des départs), au point d’être l’intérimaire retenu pour la réception de Roanne en octobre, puis la solution privilégiée pour finir la saison, un peu à l’image de ce qui avait été réalisé en 2018 avec… T.J. Parker, après le départ de J.D. Jackson.
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Septième coach du mandat de Tony Parker, « pour une mission commando » disait-il dans L’Équipe, lui qui rêve de faire venir un nom plus huppé ensuite (Sergio Scariolo, Gordon Herbert, Frédéric Fauthoux), Pierric Poupet connait la feuille de route présidentielle. « On ne veut pas finir derniers en EuroLeague, on veut être compétitifs en Championnat, jouer au moins la finale et accrocher un trophée, comme la Leaders Cup l’an passé, ou la Coupe », énumérait la légende des Spurs au micro du quotidien sportif. Une victoire face à Berlin vendredi, qui reléguerait l’ALBA à deux longueurs plus le panier-average, représenterait déjà un pas de géant vers le premier objectif.
Un destin à la Pierre Sage ?
Interrogé sur ce que serait une deuxième partie de saison aboutie, Pierric Poupet a toutefois botté en touche. « On va revenir mercredi (hier) au travail, jeudi, ensuite il y aura Berlin, ensuite il y aura Cholet. On va voir semaine après semaine. Une deuxième partie de saison réussie serait de voir le groupe toujours dans la même attitude que face à l’Étoile Rouge. Les dirigeants posent les objectifs, on essaye de s’en fixer entre nous au sein de l’équipe mais l’objectif que je veux garder en tête est de travailler et progresser. Le reste, victoires ou défaites, on verra… »
Moins de quatre ans après avoir quitté les parquets, l’ancien meneur de Roanne est surtout face à une chance inouïe, dans une position paradoxalement presque confortable : pas attendu à une telle hauteur, vraiment pas programmé pour se retrouver coach en EuroLeague aussi rapidement, il ne peut que surprendre positivement, surtout après la déprimante première partie de saison traversée face à l’ASVEL, à l’image du destin vécu par son homologue Pierre Sage dans le club voisin de l’Olympique Lyonnais, en passe de redresser l’OL alors qu’il n’avait jamais coaché un match pro auparavant. S’il ne parvient pas à modifier la dynamique, son inexpérience constituera une vraie circonstance atténuante. Et si, en revanche, tout se passe bien, le mérite lui en reviendra entièrement et pourrait lui ouvrir des portes pour l’avenir. « Ce qui s’est passé depuis ma prise de fonction ? Je leur ai dit qu’il fallait gagner face à l’Étoile Rouge, ils ont gagné », rigolait-il mardi soir. Maintenant, il faut aussi gagner contre Berlin. Et la suite, oui, on verra…
L’œil de ses anciens coachs
Jean-Denys Choulet (à Roanne entre 2007 et 2009) : « Il a joué en EuroLeague avec nous ! C’est à dire qu’il s’est tapé le Real Madrid, le FC Barcelone, tous les gros de l’époque. La saison d’après, il a fait l’EuroCup, ce sont quand même deux énormes expériences. J’ai une anecdote qui me revient en mémoire. D’ailleurs, on en avait reparlé après et il m’avait dit : « J’étais con à l’époque quand même ! »
Il était venu me voir chez moi pour me dire qu’il ne comprenait pas pourquoi il ne jouait que 15 minutes par match et qu’il devrait jouer plus. Il devait être à 4 points de moyenne et on était en EuroLeague. Quand tu sais d’où il venait, Orléans et Bourg sans un très gros temps de jeu non plus, ça m’avait marqué qu’il trouve que 15 minutes en EuroLeague ne suffisaient pas. Au téléphone plusieurs années après, il m’avait dit qu’il se rendait compte avec le recul que je lui avais donné une chance incroyable de jouer en EuroLeague et qu’il n’y évoluerait certainement plus jamais.
Maintenant, il y est en tant que coach, tant mieux pour lui ! C’est un mec qui n’est pas bête, qui comprend le jeu. Maintenant, il n’a jamais coaché de sa vie, si ce n’est les U18 de Denain, et il se retrouve balancé dans une équipe qui a 21 millions d’euros de budget, c’est très bien pour lui. C’est une chance incroyable, j’aurais sauté de joie si je l’avais eu à son âge. Il y a des joueurs qui y sont arrivés, d’autres qui se sont plantés, on verra ce que ça donne. Je ne peux que lui souhaiter bonne chance et de performer à ce niveau-là. »
Rémy Valin, son dernier entraîneur (à Denain entre 2017 et 2020) : « Dans ce métier-là, il n’y a pas de chemin tracé ou prédéfini. Pierric a fait tout ce qu’il fallait pour devenir entraîneur : les diplômes, la formation, les débuts avec les jeunes. Après, on sait ce qui peut arriver lorsqu’on devient premier assistant, c’est la loi dans le milieu. Parfois, ça arrive en Pro B, parfois en NM1 et parfois en EuroLeague… Si Tony Parker lui a donné les rênes, c’est que son travail quotidien a été reconnu par tout le monde, notamment les joueurs, et qu’il a senti qu’il pouvait lui faire confiance.
Il avait déjà commencé sa formation quand il était encore joueur. Il partait une journée et demie par mois : le lundi et le mardi matin, pour suivre ses cours à Paris. C’était logique que le club lui donne les U18 à l’époque. C’était l’équipe de jeunes la plus performante que l’on avait. Il travaillait en collaboration avec un autre coach.
Quand il était dans mon équipe, c’était déjà un joueur très expérimenté. C’était mon capitaine, le gros relais que j’avais dans l’effectif. C’est quelqu’un de calme, réfléchi, avec du caractère. Il connait très bien le basket, il a quand même fait une campagne d’EuroLeague en tant que joueur, plusieurs saisons en Pro A. Il a beaucoup d’arguments pour lui. J’ai vu son premier match avec l’ASVEL, j’ai trouvé ça vraiment bien. On a senti une vraie énergie. Pierric a été comme il est, comme les trois mots donnés auparavant : calme, réfléchi, avec du caractère. Et puis, il fallait les taper l’Étoile Rouge ! Ce n’est pas simple hein. »
À Villeurbanne,
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