Alexis Tanghe, le spécialiste des montées (inachevées) : « Une histoire sans fin »
Alexis Tanghe a connu cinq montées de la Pro B vers la Betclic ÉLITE, un record en LNB
Le BC Orchies a de quoi être jaloux. Le club nordiste est la seule ancienne équipe d’Alexis Tanghe (2,08 m, 33 ans), en Pro B, qui n’a pas bénéficié de sa grande spécialité : monter à l’étage supérieur. Sacré champion de France Pro B au début du mois de juin avec La Rochelle, son deuxième titre, le Blésois a validé sa cinquième accession en Betclic ÉLITE, sur douze saisons dans l’antichambre ! Un record en LNB.
Coaches need to evaluate Alexis Tanghe. One of my favorite teammates I ever played with. The guy wins everywhere he go. Versatile offensively and defensively, but his best skill is being a great teammate. That’s more important than many think.
— Tyren Johnson (@tyrenjohnson) June 6, 2024
« Cinq montées, c’est pas mal », souffle-t-il. « Chaque début de saison, tu te bats pour gagner mais tu sais très bien que les places sont limitées et que ce sera dur de monter. Je ne réalise pas forcément que j’ai eu cinq montées mais je sais très bien que ce n’est pas normal. Après, j’ai toujours eu la chance d’être dans des équipes ambitieuses. » C’est généralement vrai, du moins pour ses quatre premières, mais pas du tout pour le Stade Rochelais, qui espérait simplement, dans un monde idéal, arracher une place en playoffs. Sauf qu’avec la force de l’habitude, une équipe qui gagne peut se reconnaitre de loin.
« Il y a des points commun dans toutes les montées », acquiesce l’homme aux cinq accessions. « Ça a toujours été la force d’un groupe, au sens large, staff compris. S’il y a de bonnes affinités en dehors, c’est beaucoup plus facile de partager ensuite sur le terrain, de se battre pour la même chose. Il faut un projet, des joueurs qui y adhèrent, qui sont là pour partager et non pas monopoliser leur part du gâteau. La construction d’un groupe et le partage, c’est comme ça qu’on gagne des matchs. » De Bourg-en-Bresse 2014 à La Rochelle 2024, cinq montées en dix ans, qu’Alexis Tanghe a accepté de retracer. Coup d’œil dans le rétroviseur en sa compagnie.
JL Bourg – 2014
« C’était une grosse armada : Devin Booker dans la raquette, John Flowers dans les ailes, O’Darien Bassett en combo, Philippe Braud qui shootait de partout, Simon Darnauzan qui tenait la baraque, etc. On avait vraiment une équipe surdimensionnée pour la Pro B. L’objectif montée était affiché depuis le début. C’était la saison avec 44 matchs, on finit 2e derrière Boulogne-sur-Mer qui avait une poule géographique un peu plus facile que la nôtre. On était en mode rouleau compresseur sur les playoffs, avec Devin Booker intenable à l’intérieur. On a battu Poitiers en finale, il y avait Arnauld Thinon en face, qui est devenu manager à La Rochelle. Des fois, avec Jérôme (Sanchez), ça nous reprend de le chambrer là-dessus (il sourit). »
Boulazac Basket Dordogne – 2017
« Entre-temps, j’ai vécu une saison individuelle catastrophique à Orchies. Les deux saisons au BBD sont très bonnes dans l’ensemble, une demi-finale la première où l’on échoue en prolongation à Évreux à cause d’un shoot de Bastien Pinault derrière la blanche qui nous a complètement détruit. Il y avait vraiment de grosses attentes et on se présente avec un groupe remanié la deuxième année, pas forcément taillé pour la montée. Le début est très mauvais, on est presque relégables à Noël (4v-8d) et ça a été une montée en puissance folle après coup. Les playoffs ont été incroyables. On perd le Match 2 de la finale à Nantes d’un point et on gagne le dernier dans une ambiance complètement folle au Palio. Pour la petite anecdote, comme avec Bourg, il y avait Laurence Ekperigin en face : on a fini par jouer ensemble à Blois ensuite et il avait trop la rage contre moi car je l’avais battu deux fois (il rit). »
Chorale de Roanne – 2019
« Le projet était de remonter. Le club a construit une équipe très solide dès la première saison mais on perd en finale des playoffs contre Fos-sur-Mer, qui sort deux matchs de très haute qualité. Ça n’a pas empêché le club de garder une très grosse ossature. Vu que ça faisait deux ans qu’on travaillait ensemble, on a vraiment très bien joué tout au long de la saison. On finit à la première place, donc champions de France Pro B, avec même le doublé Leaders Cup – championnat. C’était un bon groupe, tout le monde s’entendait bien, était là pour partager. »
ADA Blois – 2022
« On aurait déjà pu monter en 2020, dès la première saison. Ce n’était pas une équipe construite pour survoler le championnat mais on était tellement intenses que je ne vois pas ce qui aurait pu nous arriver. Lors de la deuxième année, on est longtemps dans les deux premiers mais on s’écroule à la fin. La troisième, on ne commence pas très bien, on est longtemps dans le ventre mou mais on trouve nos marques dans le sprint final en hiérarchisant mieux l’équipe et on finit en trombe. Ça avait une saveur particulière à titre personnel car je suis originaire de Blois, c’est le premier club qui m’a fait vibrer. J’allais voir l’ADA en Nationale 2, au Palais des Sports. Petite salle, grosse ambiance, ça jouait trop bien. Mes stars étaient des joueurs de NM2. Pour moi, c’était déjà des pros, c’était le rêve de jouer là-bas quand j’étais petit ! Donc oui, c’était une grosse émotion de monter avec eux. »
La Rochelle – 2024
« On n’était pas du tout parti pour ça l’été dernier, la montée était loin d’être l’objectif. On visait un maintien tranquille, pourquoi pas accrocher une place en playoffs. Mais quand on a vu notre début de saison, on a ajusté vers un objectif de Top 4. Et ça a grandi avec les résultats. On a joué sur la cohésion, l’équipe avait presque un côté familial. On était certains à avoir déjà gagné ensemble, comme avec Jérôme (Sanchez, à Bourg et Boulazac), Gaëtan (Clerc, à Boulazac) ou Thomas (Ville, à Roanne).
La formule du championnat, avec une seule montée, faisait peur. En fait, ce qui était dur, c’est qu’on a été premier toute la saison avec une grosse avance et que toutes les personnes gravitant autour du club nous voyaient déjà en Betclic ÉLITE. Personnellement, je savais très bien que le premier n’était généralement pas celui qui gagnait les playoffs. J’ai essayé de calmer tout le monde. En arrivant avec ce statut de premier, on avait beaucoup plus de pression. C’était un peu stressant, on savait que ça n’apportait aucune récompense en soi Mais au final, l’histoire est hyper belle : on assure la première place trois journées avant la fin et on confirme notre domination en playoffs. On s’est accroché pour aller chercher le titre.
Personnellement, entre la première place et les playoffs, je préfère gagner les playoffs car c’est tout un contexte : l’ambiance, les matchs qui s’enchaînent contre une même équipe, etc. Par contre, tu ne gagnes pas de trophée, juste une pancarte d’accession en Betclic ÉLITE. C’est un peu moins bien, il n’y a pas de médaille, pas de trophée mais tu ne le fais pas pour ça. Du coup, champion au bout des playoffs, c’était l’association parfaite ! »
Jamais conservé en Betclic ÉLITE :
« C’est un échec pour moi »Du haut de ses cinq montées, Alexis Tanghe n’a pourtant plus plus regoûté à l’élite du basket français depuis la fin de la saison 2011/12, bouclée dans un rôle du bout du banc à Roanne, comme les trois précédentes (2,7 points et 1,4 rebonds en 111 matchs, 10 minutes de moyenne).
Déjà non conservé après les accessions de la Chorale et de l’ADA Blois, l’ancien intérieur de l’INSEP a vécu un nouveau crève-cœur en étant poussé vers la sortie par La Rochelle, alors qu’il pensait être de l’aventure à l’étage supérieur. Mais les négociations de prolongation ont achoppé sur quelques détails. « Je l’ai appris 3-4 jours après la montée. Ça m’a fait encore plus mal que Roanne. Je me voyais les accompagner en Betclic ÉLITE. J’ai 33 ans donc je savais pertinemment que si je ne montais pas là, je ne reverrai plus jamais la Betclic ÉLITE. C’était important pour moi. C’était un objectif individuel que de pouvoir monter avec le club et rester en place plus que deux – trois saisons. Ça me tenait à cœur. C’est un échec pour moi… Ça ternit un peu la note finale. À Bourg et Boulazac, ça avait été mon choix : je privilégiais le temps de jeu et les responsabilités et je savais que je n’en aurais pas en Pro A. Avec Blois, je savais avant même les playoffs qu’ils ne me garderaient pas. Par contre, Roanne et La Rochelle ont été deux grosses déceptions à titre personnel. C’est complètement le sentiment d’une histoire qui se répète. Tu te dis que tu te bats pour le club et que tu n’es pas forcément récompensé. J’ai le sentiment d’une histoire sans fin… »
Avec déjà quelques contacts en Pro B, Alexis Tanghe sait qu’il devra repartir pour une treizième saison consécutive dans l’antichambre. Et une sixième montée à l’horizon 2026 ? « J’espère », rigole-t-il. On ne parierait évidemment pas contre…
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