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L’altercation Waters – Ho You Fat : comment la saison des Mets s’est renversée à Monaco

À la mi-temps du match Monaco - Boulogne-Levallois le 2 avril 2023, une échauffourée a éclaté dans le vestiaire des Metropolitans 92 entre Tremont Waters et Steeve Ho You Fat. Un échange de coups qui a entraîné le départ du meneur porto-ricain : un évènement finalement bénéfique pour l'équipe francilienne, finaliste de Betclic ÉLITE. Avant de retourner en Principauté, là où tout est arrivé, l'intérieur français des Mets a raconté la genèse de cette altercation.
L’altercation Waters – Ho You Fat : comment la saison des Mets s’est renversée à Monaco
Crédit photo : Sébastien Grasset

Il est 19h50 dans les vestiaires de Gaston-Médecin en ce dimanche 2 avril 2023. Dauphin de l’AS Monaco, Boulogne-Levallois défie le leader en Principauté et reste dans le coup à la mi-temps de la 27e journée de Betclic ÉLITE (37-40). Les Metropolitans 92 ne le doivent qu’à un seul homme, Tremont Waters (auteur de 14 points à la pause). Sauf que ce dernier phagocyte toutes les possessions, au détriment du projet collectif. Un refrain récurrent depuis un mois et le retour de blessure du meneur porto-ricain, joueur au talent rarement vu en France. Mais l’ancien Celtic supporte mal l’incroyable attention portée à Victor Wembanyama et s’enferme dans un côté soliste. « Bien qu’il soit très fort, il avait bloqué le vestiaire car il n’acceptait pas du tout la lumière sur Victor Wembanyama », a indiqué Alain Weisz, le directeur des opérations basket, au micro de RMC. « C’est le seul qui n’avait pas compris qu’elle pouvait éclairer tous les autres. » 

Vétéran des Metropolitans 92, leader de groupe, Steeve Ho You Fat retrace le fil de la saison et comment Tremont Waters s’est progressivement mis tout le monde à dos au sein de l’équipe francilienne. Ce jour-là, à Monaco, c’est lui qui a dégoupillé, frappant son coéquipier au terme d’une altercation verbale. L’actuel meneur de Gigantes est revenu sur le terrain, a continué à scorer (31 points au total, son record de la saison) mais les Metropolitans 92 ont coulé en deuxième mi-temps (68-87), traumatisés par l’épisode. Les dernières minutes de Waters sous le maillot des Mets. Désireux de s’en aller, le futur adversaire des Bleus de Vincent Collet à la Coupe du Monde a laissé un trou béant en terme de scoring, ce qui aurait pu plomber les ambitions levalloisiennes, déjà refroidies par leurs dernières sorties (69-86 à Villeurbanne, 78-79 au Portel). Au contraire, son départ a été parfaitement compensé : DeVante Jones a pris une toute autre dimension à la mène, les responsabilités se sont diluées, Victor Wembanyama est revenu au centre de l’échiquier et le jeu développé est d’une qualité largement supérieure. A posteriori le tournant de la saison. Après la qualification des Metropolitans 92 pour la finale de Betclic ÉLITE à l’Astroballe dimanche, Lahaou Konaté y a fait une petite allusion lourde de sens. « On avait vraiment à cœur de retrouver l’état d’esprit qu’on a depuis le début de saison… (il se corrige) Enfin non, depuis que TaShawn Thomas est arrivé, depuis que Barry Brown est arrivé, depuis que certains sont partis… »

Au cœur de l’affaire, Steeve Ho You Fat a accepté de revenir sur l’épisode Waters. « Uniquement parce qu’on est en finale », précise-t-il. Sollicité, Tremont Waters n’a pas répondu à nos questions.

Steeve Ho You Fat :
« C’était la chose à faire »

« Tremont Waters, c’est un talent pur, honnêtement. Tout le monde l’a vu. Moi-même, lors des premières semaines, je m’en voulais de ne pas être assez bon pour jouer avec lui . Je m’en souviens d’en avoir parlé avec Bandja (Sy). Il y a eu beaucoup d’incompréhensions dès le début entre le reste de l’équipe et lui. Très vite, j’avais capté qu’il était trop rapide pour nous. On essayait de pallier la différence mais est venu un moment où il a encore monté le niveau. Là, je me suis dit : « Mince, on n’a pas assez d’expérience pour ce meneur, il est trop fort pour être avec une équipe aussi jeune. » Lui aussi avait commencé à verbaliser une certaine frustration de son côté : « l’équipe est trop jeune, il n’y a pas de vrai poste 5, etc ». En tant qu’intérieur, ça me faisait chier de ne pas pouvoir l’aider, je voyais bien qu’il n’arrivait pas à trouver sa place dans le groupe. Ça, c’était en septembre ! Je m’en voulais de ne pas être au niveau d’un joueur de mon équipe. Même si je ne suis pas aussi rapide, j’étais censé pouvoir compenser avec l’expérience mais je n’y arrivais pas avec lui. Il était vraiment au-dessus du niveau de l’équipe.

Ho You Fat et les Mets n’ont pas su raccrocher Waters au projet collectif (photo : Antoine Bodelet)

Tout a commencé comme ça, sa frustration est arrivée de là. Il a senti qu’il avait un niveau supérieur par rapport au championnat de France et il s’est mis à manquer d’humilité. Au début, cela allait, il jouait avec l’équipe, il faisait ce qu’il pouvait, il a essayé de se contenir. On en parlait entre nous, le coach aussi, on voulait l’aider. Sauf qu’il n’a pas réussi à canaliser sa frustration. Le problème, c’est qu’elle s’est transformée en quelque chose de nocif pour l’équipe. C’est à ce moment-là qu’on l’a perdu. Il ne voulait plus faire les efforts défensifs. Offensivement, il est passé d’efforts collectifs à des efforts individuels. C’était hyper néfaste pour l’équipe. Il a essayé de communiquer une fois ou deux mais selon lui, il restait un incompris. Même si on discutait avec lui, il ne voyait aucune solution pour régler le problème principal qu’il avait identifié : que l’équipe était en dessous de son niveau à lui. Du coup, il disait ne pas pouvoir prendre le même plaisir que nous, ne pas pouvoir profiter des choses de la même façon. Clairement, il s’attendait à mieux.

« Un tyran à l’intérieur de l’équipe :
son but était de montrer au monde qu’il était meilleur que Victor »

J’ai ressenti chez lui de la tristesse, de l’incompréhension. Petit à peu, c’est devenu un joueur égocentré. Tout tournait autour de lui. L’exposition de Victor (Wembanyama) a encore compliqué les choses. Au moment où il était au plus bas, que ses sentiments négatifs se sont renforcés pour arriver dans une période vraiment sombre, il ne pensait pas comme le reste de l’équipe : à savoir que la présence de Victor mettait tout le monde en lumière et qu’il fallait en profiter, se donner à fond pour se faire voir. Tout ce que Victor va découvrir, il le connait, même s’il n’a pas été une star en NBA. Mais il y avait déjà mis un pied (41 matchs avec Boston, Toronto et Washington), il savait déjà ce que c’était. Au lieu de se transformer Victor en opportunité, il l’a transformé en menace. Victor est devenu une menace pour lui. Son but était de montrer au monde qu’il était meilleur que Victor. Dans son expression, dans son attitude, c’est ce qu’il montrait. Nos systèmes où il faut donner la balle à Victor, il ne voulait plus les faire, il ne lui faisait plus de passe. Statistiquement, Victor mettait 25-30 points et il fallait deux – trois gars à 10-15 points pour gagner. Ça s’est transformé en Tremont Waters met 30 points, Victor en met 15 et les autres en mettent 5. Tout a été chamboulé dans l’équipe, on n’arrivait plus du tout à jouer.

Waters a vu Wembanyama comme un concurrent direct (photo : Sébastien Grasset)

Tout le monde en avait un peu marre. On avait essayé d’en discuter, on a tenté beaucoup de choses mais rien ne marchait. Pire, ça s’étalait au-delà de l’équipe. Il a commencé à être nocif dans les bureaux avec les dirigeants, le staff administratif, tout le monde. C’était vraiment difficile. Pendant ce temps-là, j’observais. Au bout d’un moment, je commence à voir de l’agressivité envers lui. Je vois des gens qui en ont marre et qui ne veulent plus se laisser marcher sur les pieds, qui refusent de se faire insulter, de se faire maltraiter. La réalité, c’était ça. Le mec était un tyran à l’intérieur de l’équipe. Ça ne se voyait pas sur le terrain car on a des jeunes joueurs dans l’équipe, des mecs qui n’avaient jamais connu ça, qui ne savaient pas comment réagir par rapport à ça. Bien sûr, on a Vincent Collet qui a déjà vécu de telles situations mais ce n’est pas son rôle d’intervenir. Lui, il accompagne tous ses joueurs. Il les a choisis donc il les aime tous. C’est très difficile pour lui d’en écarter un, il est toujours plus pour la discussion. Le mec était devenu très nocif : il faisait sa loi en dehors des terrains et arrivé devant les caméras de NBA TV, il était le meilleur joueur. Ça, c’était très très dur. Car en plus, on perdait des matchs bêtes, comme Le Portel, alors qu’on avait l’objectif d’arriver en finale. Lui menaçait tout ça.

« Il fallait taper du poing sur la table »

J’en parle avec Lahaou (Konaté), avec Bandja (Sy), j’écoute les ressentis de chacun. Et je me dis : « Mais attends, je ne suis pas de la même génération, j’ai été éduqué d’une façon où les problèmes comme celui-ci se règlent entre joueurs. Le problème, c’est qu’on a essentiellement des jeunes et pas assez de vieux pour taper du poing sur la table et dire les choses. On n’est pas du tout l’équipe forgée pour être brutal. » En même temps, Tremont Waters avait le soutien du public, qui ne voyait que les matchs. C’est très dur d’aller affronter un joueur comme ça. Je réalise que j’ai l’expérience, que j’ai déjà entendu parler de plein de situations réglées en tapant du poing sur la table donc que c’est ce qu’il faut faire. Il faut qu’un joueur aille le voir et lui dise les choses. Je me suis dit que je le ferai à un moment. Tout s’est accéléré et c’est arrivé à Monaco. Dans le vestiaire à Gaston-Médecin, on en vient à lui expliquer une nouvelle fois, alors qu’on a passé des mois à le faire, qu’on a un objectif collectif et que s’il continue à jouer comme ça, on ne va pas y arriver. On lui dit qu’il est en train de nous plomber. Monaco, c’était un match important. Encore une fois, il est nocif, il refuse d’écouter, il contredit. Alors j’ai tapé du poing sur la table. Je lui ai dit : « Ça suffit, tu es en train de nous faire chier, il faut que ça s’arrête. Soit t’es avec l’équipe, soit tu t’en vas et tu nous laisses faire, on va se démerder sans toi. »

21 tirs en 37 minutes à Monaco ce jour-là pour Tremont Waters (photo : Sébastien Grasset)

Comme il a gardé son attitude, tout est monté d’un coup, ça a pris des proportions incroyables, à tel point que nous en sommes venus aux mains. Pour moi, c’était la seule solution, et après on passe à autre chose. Cependant, on n’avait pas besoin de se séparer de lui, c’est lui qui a voulu partir. J’ai entendu plein de situations où l’on en vient aux mains, entre hommes, les idées sont recadrées et on tourne la page en repartant sur l’objectif collectif. Dans la foulée du match à Monaco, ça a été très, très dur. Je l’ai vu de suite dans les yeux de tous les joueurs. Encore une fois, ce sont des gamins. Une telle violence d’un seul coup, c’est compliqué. J’ai dû m’exprimer devant eux, faire une réunion de groupe, m’expliquer. Maintenant, l’état d’esprit est incroyable. Tout le monde prend du plaisir, est positif, donne des efforts incroyables. Actuellement, c’est parfait ! Le groupe a une très belle mentalité et on le montre : faire ce qu’on a fait contre l’ASVEL, je n’en reviens pas d’ailleurs (il souffle). Parvenir en finale après notre saison, après tous ces bouleversements, il faut être très solide. Gros respect aux gamins qu’on a ! Mais ça ne m’étonne pas spécialement non plus, on a une équipe très ambitieuse de par sa jeunesse et son coach.

« C’est fou de repartir de Monaco avec des mecs traumatisés
et d’y revenir en étant la meilleure version des Mets ! »

J’ai été sanctionné pour mon geste, j’ai rencontré les dirigeants : j’ai reçu une amende et été écarté du groupe pendant plusieurs jours. Mais avec du recul, cet épisode a eu un impact très positif. C’est pour cela que je me permets d’en parler maintenant car nous sommes en finale. Dans le cas inverse, je ne me serais pas exprimé dessus. J’ai beaucoup de coéquipiers qui me disent : « Steeve, t’as sauvé la saison des Mets ! » Je l’ai entendu plusieurs fois mais non, je n’ai rien sauvé. Ce dont je suis sûr, c’est que c’était la chose à faire. Derrière, chacun a pu prendre la place qui lui était réservée à la base. Vincent Collet a pu se remettre à coacher, ce qu’il ne pouvait plus faire : quand un joueur ne t’écoute pas mais que tu dépends de lui car il a un talent fou, que peux-tu faire ? Aujourd’hui, je pense qu’il prend du plaisir à nous diriger, il a retrouvé son équipe. Si l’on regarde de plus près, Barry Brown a un peu récupéré la place que Tremont avait : le genre de joueur un peu fou, qui peut marquer sur des actions éclair. Mais il organise un peu plus le jeu, il est plus collectif. Ce qu’on attendait de Tremont à l’époque, Barry le fait, sans être aussi talentueux peut-être. Chaque joueur est à sa place, et c’est ce qui fait que la saison est sauvée.

Tête basse, la dernière image de Waters sous le maillot francilien (photo : A.S. Monaco Basket)

Les Mets qui arrivent à Monaco en finale, ce sera la meilleure version des Mets ! On vient dans notre meilleure forme, notre meilleur état d’esprit. La dernière fois qu’on était à Monaco, ce n’était pas les Mets. C’est fou de partir de Monaco il y a deux mois en étant chamboulés, déchirés, avec des mecs traumatisés, et de revenir avec cette meilleure version de nous-mêmes. C’est le meilleur résultat à l’action que j’ai porté à Monaco ce jour-là. »

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