« Une pièce à mettre au bilan » : le retour du dossier Thomas Heurtel ?
Alors bien sûr ce n’est pas lui qui aurait stoppé Shai Gilgeous-Alexander vendredi dernier lors du naufrage tricolore contre le Canada (65-95). Mais d’un coup, le cas Thomas Heurtel est revenu sur le devant de la table, également brusquement poussé par l’interview pleine d’émotion de Nicolas Batum au micro de beIN Sports dimanche après l’élimination des Bleus. « On a déconné, certes, mais tout le monde doit se remettre en question : coachs, joueurs, Fédération. Il faut réfléchir sur ce qui s’est passé cet été et pourquoi ça n’a pas été bon. Je n’en ai rien à foutre, de ce qui est politique ou je ne sais pas quoi. On a besoin de tout le monde à Paris, il nous faut la meilleure équipe possible et dans les meilleures conditions. » Quelques instants plus tard, en salle de conférence, le capitaine des Bleus confirmait que son plaidoyer concernait Thomas Heurtel, mais pas que.
« Ce n’est pas d’actualité », mais…
Grand artisan de la médaille d’argent des Bleus à l’EuroBasket 2022, au travers notamment d’un quart de finale héroïque contre l’Italie, le meneur héraultais est exclu de l’équipe de France depuis le 21 septembre 2022, trois jours après la finale, date à laquelle le Zénith Saint-Pétersbourg a officialisé son arrivée. Début août, alors qu’il disposait d’un accord avec le club russe depuis plus d’un mois (ce que la FFBB ne pouvait pas ignorer puisque cela avait fuité dans tous les médias), il avait pourtant signé l’attestation fédérale s’engageant à ne pas évoluer en Russie. Mais dans un déplaisant jeu d’intérêts mutuels, le sujet avait été évacué sous le tapis jusqu’à la fin du championnat d’Europe.
Depuis, Thomas Heurtel n’a cessé de se déclarer disponible pour la sélection, mais la portée est restée fermée côté fédération. Jusqu’à ce jeudi matin, lors du point presse à Jakarta, avec une ouverture minime. « C’est une pièce à mettre dans le dossier », a déclaré le président Jean-Pierre Siutat, avant de tempérer. « Aujourd’hui, ce n’est toujours pas d’actualité. D’ici le 10 octobre (date imposée pour le bilan et les perspectives 2024, ndlr), j’aurai vu le gouvernement sur le dossier. C’est peut-être la seule décision politique à mettre au sein du bilan car c’est nous qui avons décidé collectivement qu’il ne soit pas convoqué. Le problème, c’est qu’il a signé une attestation disant qu’il n’irait pas en Russie et il y joue quand même. Je respecte qu’il aille là-bas, il fait ce qu’il veut de sa vie. On ne l’empêche pas de partir mais on respecte aussi nos valeurs et ça nous a heurtés. L’important, c’est les Jeux et le respect de nos valeurs, donc on verra ça. » Soit un difficile équilibre à trouver entre la quête de performance à Paris et la cohérence fédérale…
Et pendant ce temps, au volley…
Si le cas Heurtel « est à mettre dans le dossier », c’est aussi parce que cette Coupe du Monde a mis en lumière l’inquiétante carence de l’équipe de France au poste 1, alors que les successeurs évidents des dernières années (Killian Hayes, Théo Maledon) n’ont, pour l’instant (?), pas tenu les promesses annoncées. Une fois Andrew Albicy non-sélectionné, Frank Ntilikina blessé et Nando De Colo exclu, en plus d’avoir été décevant, c’est Sylvain Francisco, 0 match d’EuroLeague, qui s’est retrouvé chargé de la gestion du money-time contre la Lettonie. Si le nom de Nadir Hifi émerge progressivement, l’avenir post-De Colo en 2025 est porteur d’angoisses, surtout avec le déficit de création observé actuellement. « Thomas Heurtel ? C’est un débat que l’on se pose aujourd’hui », a confirmé Boris Diaw, présent aux côtés du président Siutat, au 18e étage de l’une des innombrables tours de la tentaculaire ville de Jakarta. « On ne se l’était pas forcément posé avant. Le fait qu’on perde un meneur (Frank Ntilikina) pendant la préparation n’a pas aidé. Les absents, c’était acté… Pour le bilan, je me pencherais plus sur l’équipe présente à cette Coupe du Monde, on la pensait capable d’aller plus loin. »
Alors que Thomas Heurtel continue de bénéficier du soutien des joueurs, à l’image d’Evan Fournier qui a réaffirmé mardi sa volonté de le voir revenir, son cas est rendu éminemment compliqué par l’implication gouvernementale, alors que l’État, pourtant, « n’a rien imposé » selon Jean-Pierre Siutat. Interrogée par RTL, la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castera, a ainsi déclaré qu’il n’était « pas question » de changer les règles. « Un Thomas Heurtel savait en connaissance de cause que s’il partait jouer en Russie, il ne sera pas sélectionnable, il a pris quand même cette décision. Je retiens que dans les débriefs, cette thématique n’est pas revenue. On a déjà, à effectifs constants, des basketteurs exceptionnels. » Une déclaration rendue assez peu compréhensible, pour une ministre, par le début du championnat d’Europe de volley ce mercredi avec Jenia Grebennikov dans les rangs des Bleus. Le champion olympique évolue au… Zénith Saint-Pétersbourg.
Des explications avec Nicolas Batum
Après ses propos d’après-match dimanche, appelant à une remise en question de tous, y compris de la fédération, Nicolas Batum a été reçu dès le lendemain par ses dirigeants. « J’ai lu dans les médias que j’étais énervé mais c’est faux », certifie Jean-Pierre Siutat. « Il a réagi à chaud à la déception et c’est tout à fait normal. On a connu ça en juin avec Sandrine Gruda. Notre entretien était positif. On a passé 1h ensemble, ça s’est très bien passé. Ce n’était rien contre la fédération. Je pense qu’il regrettait que certains joueurs ne soient pas dans l’équipe. Oui, il y a les absents et on aurait tous voulu que Victor (Wembanyama) soit là. » Si tout le monde a pensé à Heurtel, le n°1 de la draft, absent pour raisons personnelles, faisait effectivement potentiellement partie des concernés par les propos de Batum. « Nous n’étions pas sûrs de quoi il parlait réellement », indique Boris Diaw. « Ses propos n’étaient pas clairs. C’est pour ça qu’il y avait une incompréhension. Il a précisé que ce n’était pas directement contre la fédération mais plutôt un constat général du basket français qu’il exprimait à ce moment-là. »
À Jakarta,
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