Pierre Tavano, les Bleus après le drame : aux prémices d’une reconstruction professionnelle
Pierre Tavano, aux côtés de Frédéric Sarre, a découvert l’équipe de France en février en tant que responsable vidéo
« Je ne souhaite à personne de vivre ça », souffle Pierre Tavano, la voix blanche, replongé dans ses terribles souvenirs du 8 mars 2023. Vers ce tragique début de matinée où son fils de cinq ans, Paul, lui a demandé de l’aide pour respirer, avant de tomber inconscient sous ses yeux, malgré le massage cardiaque qu’il lui prodiguait. La veille, l’enfant avait déjà perdu connaissance dans une aire de jeux, incapable de trouver de l’air pendant quelques secondes, puis avait passé plusieurs heures à patienter au CHU de Tours, pour finalement être renvoyé chez lui passer ce qui serait sa dernière nuit. « Ça fait un an et j’ai l’impression que c’était encore hier », reprend le coach. « Le fait que mon fils ne soit plus là, que je ne puisse plus l’avoir physiquement, c’est dramatique. Ça restera à jamais un drame dans ma vie et même si ce n’est pas facile, il faut avancer. »
Avancer, personnellement, en surmontant la plus indicible des épreuves, malgré des images et interrogations qui hanteront à jamais, renforcées par l’enquête du parquet de Tours, pour l’instant restée sans réponse, pour homicide involontaire. Et, aussi, nécessairement avancer, professionnellement, lui qui n’a plus officié depuis la fin d’une brève expérience à Hyères-Toulon (NM1) en janvier 2023. Certes, pendant tout ce temps, le basket ne l’avait pas oublié, avec « une grosse solidarité », utile pour ne pas se sentir complètement abandonné, mais certainement si vaine par ailleurs. Jusqu’à l’appel de son binôme historique, Vincent Collet, en quête d’un assistant-vidéo intérimaire pour la fenêtre internationale de février.
Le retour de la paire Collet – Tavano
« Bryan George n’était pas disponible en raison de son engagement avec les Atlanta Hawks », explique le sélectionneur national. « Je connais très bien Pierre, il a travaillé 16 ans avec moi. C’est une question de confiance et de compétence, je savais qu’il serait à la hauteur de la tâche. » Et voici donc l’éternel duo reformé, plus de sept ans après une finale crève-cœur perdue contre l’ASVEL en 2016 avec la SIG. Une énième opportunité loupée d’accrocher ensemble un troisième titre de champion après les sacres du MSB en 2006 et de Villeurbanne en 2009, et de multiples trophées annexes (Coupe de France, Semaine des As, Leaders Cup, Match des Champions). « Les automatismes sont vite revenus », apprécie Tavano. « Le mode de fonctionnement ne se perd pas. »
D’autant plus que les deux hommes, installés non loin l’un de l’autre dans le Bas-Rhin, ont pu anticiper ensemble l’échéance « avec des sessions de travail sur la Croatie et la Bosnie-Herzégovine sur tout le mois précédent », dixit Vincent Collet. Nommé responsable vidéo, Pierre Tavano devait assumer le scouting des deux adversaires des Bleus : le décorticage des systèmes, les principes offensifs et défensifs, les habitudes de chaque joueur, les faiblesses à cibler, etc. « J’ai pris un peu d’avance quand j’ai été nommé. Je voulais m’imprégner du jeu croate et bosnien pour être prêt quand les listes seraient diffusées. Mais c’est vraiment différent des clubs : c’est particulier car on avance un peu à tâtons au début, ne sachant pas quels joueurs seront sélectionnés. »
« Encore plus de force que d’habitude ! »
Revenu de Brest et de Tuzla avec deux victoires en poche, Pierre Tavano est rentré chez lui avec le souvenir de « 10 jours très intenses », où il s’est naturellement fondu dans le staff de Vincent Collet. « Il a une personnalité qui se met au service des autres », apprécie l’ancien entraîneur des Metropolitans 92. « Il a très bien collaboré avec mes deux assistants, Pascal Donnadieu et Ruddy Nelhomme. Il était en connexion permanente avec eux pour élaborer les différents montages. » Habitué à l’EuroLeague lors de ses années dans le costume de n°2, le Lyonnais a pu retrouver le très-haut niveau. « Ça a été une très belle expérience », raconte-t-il. « Je suis tombé sur des joueurs qui ont l’habitude de côtoyer de la précision en EuroLeague ou EuroCup, je ne pouvais pas faire de l’à-peu-près. Il a fallu que je monte mon niveau, que je fasse des choses encore plus précises que d’habitude. »
Au-delà de l’aspect purement sportif, cette fenêtre internationale a presque fait office de thérapie pour Pierre Tavano. De première pas sur le long sentier de l’impérieuse reconstruction professionnelle. « C’était un honneur d’y être et ça m’a remis le pied à l’étrier », apprécie-t-il. « J’ai pu retrouver ce que j’avais perdu, ce que j’ai toujours aimé. J’ai eu beaucoup de chance que la fédération m’appelle. Ces dix jours avec l’équipe de France m’ont permis de voir que je peux continuer, que ça ne s’arrêtera pas là pour moi. Le drame que l’on vit ne m’a pas empêché de bosser, voire même de faire mon travail encore mieux. »
De quoi permettre à l’ex-disciple d’Alain Gilles de relancer sa carrière à 55 ans ? Son envol personnel en 2016 avait d’abord été couronné de succès, amenant le Tours Métropole Basket de la Nationale 2 à la Pro B. Une belle histoire interrompue par l’invraisemblable descente du TMB en NM1, meilleur relégué de l’histoire du haut de ses 14 victoires, puis par son passage beaucoup moins réussi au HTV l’an dernier (13 défaites en 16 matchs). « Maintenant, grâce aux Bleus, je sais que je peux repartir », martèle Pierre Tavano. « Je me suis rendu compte que j’ai pris du plaisir. Cela m’a donné encore plus de force que d’habitude. » Afin de se remettre à gagner des matchs, des titres, pour tout un club. Et, dorénavant, aussi surtout pour Paul…
Paul Tavano honoré à Château-Renault
Tous les basketteurs du club de Château-Renault fouleront désormais le parquet de la salle Paul Tavano. Licencié en baby basket l’an dernier au CRAB, avant sa soudaine disparition, le fils de Pierre et Céline Tavano a donné son nom au gymnase de cette commune d’Indre-et-Loire, sur proposition du président du club, Jean-Marie Robin, et de la maire, Brigitte Dupuis-Jaubert. « C’est un très bel hommage et nous sommes heureux de voir que Paul restera gravé à jamais, lui qui faisait du basket là-bas », confie le père.
Une cérémonie s’est déroulée jeudi soir, en présence de la famille (dont sa grande sœur Léa, qui a vaincu une leucémie en 2020), de certains élus locaux, de licenciés du CRAB et d’amis de la famille Tavano, comme Vincent Collet. « C’était très émouvant », indique le sélectionneur. « Surtout que ça vient très tôt après son décès, ça ravive des souvenirs plus que douloureux. C’est un beau geste de la commune de Château-Renault. »
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