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De prospect déchu à la finale de l’EuroLeague, comment Petr Cornelie a retourné sa carrière

EuroLeague - Alors que son évolution de carrière était sérieusement menacée par plusieurs saisons de surplace, Petr Cornelie s'est finalement hissé jusqu'au Real Madrid, avec des crochets par les Jeux Olympiques et la NBA. Le fruit d'une prise de conscience tardive et d'un travail presque insensé pendant une saison à Pau.
De prospect déchu à la finale de l’EuroLeague, comment Petr Cornelie a retourné sa carrière
Crédit photo : Real Madrid

Le 20 mai 2021, Petr Cornelie prenait part à une déroute historique d’un Élan Béarnais en déliquescence, battu 77-115 à Nanterre. Deux ans et un jour plus tard, l’intérieur alsacien pourrait figurer sur la feuille de match d’une finale d’EuroLeague, en tant que membre du Real Madrid. « Je suis super content d’être à ce Final Four », nous confiait-il jeudi. « On voit clairement qu’il y a quelque chose qui se passe ici : regardez, vous êtes 200 journalistes au bord du parquet, ce n’est pas anodin. »

« Quand tu sens que tu plafonnes dans ta carrière,
tu te remets en question »

Pour en arriver à se hisser jusqu’au week-end phare de l’Europe du basket, Petr Cornelie a admirablement su renverser une carrière qui commençait à battre dangereusement de l’aile. Ancien prospect bien coté, au point d’être drafté en 53e position par Denver, l’enfant du Mans Sarthe Basket n’a longtemps jamais su renouveler les promesses d’une saison 2015/16 étonnante. De 9,5 points à 54% et 5,4 rebonds de moyenne, il passe subitement à 4,1 points à 40% en 2016/17. Les prémices de quatre années de stagnation entre le MSB, Levallois et Pau-Lacq-Orthez. « Ça me pesait clairement. Jusqu’à mes 22-23 ans, tout a été relativement facile pour moi : j’étais talentueux, grand, j’avais un shoot, je n’ai jamais vraiment eu besoin de bosser en fait. Je n’ai pas appris à avoir une bonne éthique de travail. Mais à un moment donné, quand tu te retrouves avec des pros, ton talent ne suffit plus. »

Alors Petr Cornelie nonchalant pendant ses jeunes années sarthoises ? Son ancien directeur sportif, Vincent Loriot, répond par la négative, plaidant plutôt l’éparpillement. « Il ne travaillait pas moins que les autres mais le Petr de l’époque avait une personnalité qui a pu le desservir parce qu’il était jeune. Il dévore la vie, il est d’une curiosité folle, avec énormément de centres d’intérêts. Il avait envie de tout savoir, de tout apprendre, de s’engager dans 1 001 projets et il a sans doute oublié l’essentiel. » Il suffit de remonter son fil Instagram, avec la signification toute relative que cela a, pour se rendre compte du changement. Avant 2020, on voyait Petr l’influenceur, Petr à la montagne, Petr en vacances, Petr le photographe, Petr le mannequin, Petr le gourmet, etc. Désormais, il n’y a que des photos de basket, ou presque. « Il fallait faire le tri dans ses centres d’intérêts afin de donner le maximum d’efforts pour ce sur quoi il est payé », synthétise Vincent Loriot. « Il se dispersait, n’était pas forcément conscient qu’il fallait tout donner dans le basket pour s’extraire de la masse. »

Une année de forçat

Une prise de conscience tardive, vécue lors de l’été 2020, après une première saison proche de l’échec à Pau. « C’était l’année ou jamais », explique-t-il. « A un moment donné, quand tu sens que tu plafonnes dans ta  carrière, tu te remets en question. Des gens me disaient que je n’étais pas bosseur du tout, etc, il y avait beaucoup de facteurs. Et à 25 ans, j’arrivais au bout du statut de jeune. Alors dans ma tête, je me suis dit que j’allais travailler au maximum du maximum, que j’allais être à la limite du surentraînement. » Entouré de Jimmy Vérove, l’assistant béarnais, et de Guillaume Alquier, l’actuel préparateur physique de Victor Wembanyama, Petr Cornelie se fixe l’objectif d’être le basketteur qui bosse le plus en France et tourne au rythme insensé de 2 à 3 séances quotidiennes : des shoots dès 7h du matin, entraînement individuel ou collectif en milieu de matinée, déjeuner avec l’appareil de pressothérapie sur les jambes, une nouvelle séance l’après-midi, avec de la musculation par-dessus, pour s’épaissir de 4 à 5 kilos. « Tout était optimisé autour du basket pour lui », éclaire Guillaume Alquier. « Il a dédié toute son année à ça. Depuis que je suis arrivé dans le milieu, je n’avais jamais vu ça. Même s’il avait joué 35 minutes, il était présent tôt dès le lendemain des matchs. »

Un investissement sans limite qui lui a permis de doubler ses statistiques, de s’offrir le statut d’invité surprise dans l’aventure olympique argentée des Bleus puis de traverser l’Atlantique, direction la raquette des Nuggets, avant d’intégrer le club le plus mythique d’Europe. « Il n’y a pas de secret : quand on met tout de son côté et qu’on s’en donne les moyens, ça paye », souffle Guillaume Alquier. Et pourtant, même s’il évolue dans des sphères infiniment plus élevées depuis, Petr Cornelie reste presque nostalgique de cette époque. « Sincèrement, ce que l’on a fait était assez dingue, j’en garde un super souvenir. Bien sûr, n’avoir qu’un seul match par semaine aide pour cela mais j’avais un niveau de travail que je n’ai pas réussi à reproduire depuis. » Reste que lorsqu’on s’est infligé une telle éthique, une légère diminution maintient toujours à des cadences impressionnantes. « C’est l’un des plus gros bosseurs que j’ai vu dans ma carrière », assure le vétéran Anthony Randolph. « Il montre aux jeunes ce qu’ils doivent faire : venir à la salle, faire profil bas et bosser dur. »

Toujours est-il que des joueurs qui travaillent beaucoup, il y en a d’autres. Et si cela suffisait pour doubler ses statistiques et s’offrir une place au soleil, cela se saurait… Alors pourquoi lui plus que les autres ? « Je pense que j’avais forcément un bagage au départ », répond-il. « J’ai toujours été le potentiel, l’espoir, le truc, le machin. Quand j’ai mis le travail à côté, ça a produit des résultats plus grands que chez d’autres. Je suis super content de cela. C’est important de récolter les fruits de son travail. Dans le cas inverse, c’est chiant… »

Une fin de saison plus compliquée au Real Madrid…

Mais puisque l’histoire ne peut pas être complètement rose, Petr Cornelie a assez peu de chances de disputer la finale de l’EuroLeague. Être sur la feuille de match serait déjà une avancée par rapport à vendredi où Chus Mateo a choisi de l’écarter, malgré la pénurie d’intérieurs à sa disposition (Guerschon Yabusele suspendu, Vincent Poirier et Gabriel Deck blessés). Encore largement responsabilisé début avril (13 points en 21 minutes contre Grenade, 15 minutes à Breogan, 17 contre Gérone et le Bayern Munich), l’international a été doublé dans la hiérarchie par le jeune Eli Ndiaye (18 ans), déterminant défensivement lors du Match 5 face au Partizan Belgrade alors que lui n’a dû se contenter que de 6 minutes totalement anonymes sur l’ensemble de la série, qui ont fait ressortir quelques limites défensives. « Il a fait une très bonne saison avec nous », nuance Fabien Causeur. « Même si ses minutes sont réduites ces temps-ci, il continue de bosser et à faire de bonnes choses pour y arriver. » Rester prêt, toujours, afin de saisir l’opportunité éventuelle quand elle arrivera, surtout si c’est face à l’Olympiakos… « Ces dernières semaines ont été plus compliquées pour moi », admet Cornelie. « C’est clair que c’est frustrant [d’être laissé à l’écart pour la demi-finale] mais je fais avec. J’aurais tendance que la situation ne va pas évoluer pour la finale car cela nous a plutôt réussi. Je me prépare comme si j’allais jouer et si je ne joue pas, tant pis… Notre effectif est super large et j’ai moins de temps de jeu, ce sont les aléas du basket. Je continue de travailler car le but n’est pas juste d’être là et de regarder. Je veux amener ma pierre à l’édifice et permettre au Real de performer. En attendant, j’essaye de me rassurer en me disant que j’ai été présent toute la saison et que j’ai permis à l’équipe d’être là où elle est aujourd’hui. » Surtout qu’un débat concernant la présence, ou non, de Petr Cornelie sur le parquet d’une finale d’EuroLeague était difficilement imaginable il y a deux ans. A l’époque, il aurait juste signé pour un maintien de l’Élan Béarnais en Betclic ÉLITE…

Le regard de Moustapha Fall,
son adversaire en finale de l’EuroLeague

« J’ai vu son éthique de travail en équipe de France. Il ne jouait pas beaucoup lors des JO, mais il était tout le temps en train de bosser, sans que personne ne lui dise quoi faire, toujours à demander d’aller en muscu. Il voulait être prêt au cas où sa chance arrivait et cela témoignait d’un très grand professionnalisme. J’étais content quand j’ai vu qu’il avait signé au Real Madrid. Je me suis dit qu’il allait avoir l’occasion de montrer ce qu’il savait faire cette saison et il a réussi à le faire sur certaines séquences, j’en suis heureux pour lui. »

À Kaunas,

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