ASVEL – Monaco, l’explication finale : six clefs pour le titre
« C’est le genre de match que l’on rêve de jouer », savourait William Howard tard dans la nuit de mercredi devant le stade Louis-II, avant de s’engouffrer dans le bus ramenant l’ASVEL vers l’Astroballe, théâtre de l’épilogue de Betclic ÉLITE ce samedi. Si l’on excepte le Final Four bâclé de l’année dernière au Kindarena, le championnat de France va vivre son cinquième Match 5 d’affilée après Strasbourg – ASVEL 2016, Chalon – Strasbourg 2017, Monaco – Le Mans 2018 et ASVEL – Monaco 2019.
L’affiche est sans surprise et, à vrai dire, probablement appelée à se renouveler régulièrement au cours des prochaines éditions : Lyon-Villeurbanne contre Monaco, les deux mastodontes du basket français face à face. Soit déjà la quatrième édition en playoffs d’un futur classique, pour 100% de triomphes de l’ASVEL jusque-là. Le club rhodanien a pourtant frôlé son premier échec face à la Roca Team cette semaine après avoir perdu le Match 3 à Gaston-Médecin (80-83). Mais une réaction de champion deux jours plus tard (85-68) a permis aux hommes de T.J. Parker d’arracher un épilogue. « On va avoir droit à un Match 5 étouffant à l’Astroballe », se réjouissait Michel Veyronnet, le directeur sportif lyonnais. « Ce sera l’apothéose du championnat entre les deux équipes d’EuroLeague. » La lutte finale entre deux groupes qui vont en découdre pour la neuvième fois de la saison, histoire de se départager une bonne fois pour toute : 4 victoires partout pour le moment. L’heure est venue de dire qui est réellement le meilleur. Avec six clefs majeures pour cet épilogue.
1 – L’attitude de l’AS Monaco
On a coutume de dire qu’une finale se joue habituellement sur des petits détails. Mais, en l’occurrence, si l’AS Monaco se présente à l’Astroballe avec la même attitude que lors des Matchs 2 (54-91) et 4 (68-85), l’épilogue risque encore de tourner à la correction. Largement supérieure d’un point de vue talent individuel, cette Roca Team peine pourtant à se faire mal sur la durée, au point de laisser Sasa Obradovic démuni, incapable de savoir sur quel bouton appuyer. « Là est tout le problème de cette équipe : c’est la même rengaine depuis fort longtemps, on ne sait jamais à quoi s’attendre en arrivant au match », regrette Léo Westermann. Ces finales ont constitué un formidable aperçu de l’incarnation monégasque du roman « Docteur Jekyll et Mister Hyde » : deux rencontres où les solistes se sont mis au service d’une entreprise de démolition physique des deux côtés du parquet, entrecoupées de deux autres matchs où le jeu collectif de l’ASM fut sans idées, proche du néant absolu. « Quand on se met à jouer individuel et à vouloir porter l’équipe l’un après l’autre, on se met en difficulté », pointe Yakuba Ouattara. « En revanche, quand on se met à jouer ensemble comme lors des Matchs 1 et 3, c’est une autre histoire, on est difficile à affronter. »
Mais puisque la Roca Team n’a plus de filet de secours, contrairement à mercredi, il y a fort à parier qu’elle reviendra à Villeurbanne avec une toute autre attitude. Dwayne Bacon n’avait-il pas commencé sa conférence de presse post-Match 3 en avançant la volonté de montrer un autre visage suite à l’humiliation de l’Astroballe (-37) ? « Comme d’habitude depuis le début des playoffs, tout sera mental pour nous », ajoute le capitaine Westermann. « Si on est mentalement dans le match, prêts à faire tous les efforts, on est très difficiles à arrêter. On va tout faire pour être dans les meilleures intentions. » La perspective d’un trophée au bout devrait aider. Et des vacances le lendemain aussi… « C’est le dernier match, il n’y aura plus rien 24 heures après donc autant tout laisser sur le parquet », conclut le meneur alsacien. Toutefois, même dans les meilleures dispositions, cette équipe de l’AS Monaco n’est pas imbattable, comme le Match 3 l’a prouvé où l’ASVEL avait échoué à une seule possession (80-83) en attendant la 39e minute pour rentrer son premier tir à trois points. Dans ce cas-là, l’épilogue se jouerait alors sur les fameux petits détails, que voici…
2 – L’entame de la rencontre
Hormis le Match 3, où Monaco avait éprouvé quelques légères difficultés à se mettre dans le coup (16-21 à la 11e minute), les entames ont toujours été décisives au cours de cette finale. Peut-être pénalisée par sa coupure de neuf jours, l’ASVEL a connu son seul temps-faible de la série lors du démarrage du Match 1 (17-29, 10e minute) et n’a jamais réussi à refaire son retard. Idem, la Roca Team a coulé à pic dès le début de ses deux revers (12-28 à l’Astroballe à l’issue du premier quart-temps la semaine dernière puis 9-22 mercredi). « Sur cette série, le début du match a toujours conditionné le reste de la rencontre », note William Howard. « Il est toujours important de bien démarrer pour exister et avoir une chance de gagner. »
Évidemment, les deux coachs tiennent un discours en tous points similaires. « Le début va être primordial », dit T.J. Parker, tandis que Sasa Obradovic déclare « qu’il faudra montrer de la dureté dès les premiers instants, car cela dictera ensuite le reste de la rencontre. » Particulièrement rayonnant dans l’effectif villeurbannais, Chris Jones a lui opté pour un discours aux tonalités plus guerrières. « C’est à celui qui frappera le premier. Il faudra répéter la même chose lors du Match 4, ce sera à nous d’être les agresseurs. »
3 – Les rebonds
Mercredi 15 juin, la finale de Betclic ÉLITE avait démarré par un massacre aux rebonds : 13 à 3 dans le premier quart-temps pour l’AS Monaco, dont 7 offensifs, 41 à 27 à l’issue de la rencontre. T.J. Parker n’a ensuite cessé d’ériger la lutte sous les panneaux en priorité absolue. « C’est la consigne n°1 », clamait-il. Or, depuis, l’ASVEL a remporté la bataille du rebond lors des trois rencontres suivantes : 39-34, 30-28 et même 38-26 mercredi, où la nouvelle domination villeurbannaise dans le secteur était devenue criante. Bien que sous-dimensionnée, moins physique, moins athlétique et même diminuée avec les blessures de Charles Kahudi et Victor Wembanyama, la raquette rhodanienne a haussé le curseur en terme d’intensité – un prérequis évident pour gagner une finale – et affiche surtout beaucoup plus d’envie. À titre d’exemple, on a vu Marcos Knight aller cueillir trois rebonds offensifs au nez et à la barbe des babars monégasques lors du Match 4… « Avec la dureté et la défense, le rebond sera l’une des clefs de la rencontre », acquiesce le pitbull lyonnais.
Afin de retrouver de l’allant dans ce domaine, Sasa Obradovic pourrait-il être tenté par un coup de poker : à savoir relancer Donta Hall, resté en civil depuis le début des finales ? Difficile à croire : s’il avait voulu essayer quelque chose, le technicien serbe aurait sûrement plus opté pour le Match 3, dans la foulée de la déroute historique à l’Astroballe. Mais l’ancien pivot d’Orlando apporterait des qualités athlétiques bienvenues, à commencer par sa verticalité, à la Roca Team. En demi-finale contre l’Élan Béarnais, il avait régné dans les airs avec 7,8 prises par match. Surtout, qui sortir de l’effectif ? Paris Lee, comme en demi-finale ? Improbable tant le futur meneur du Panathinaïkos est précieux des deux côtés du parquet, à un poste où Léo Westermann n’apporte pas toutes les garanties nécessaires. L’inconstant Will Thomas ? Compliqué de l’imaginer, tant Sasa Obradovic lui accorde sa confiance (38 minutes lors du Match 3). Alpha Diallo, passé au travers de sa finale jusque-là ? Ce serait se priver de l’une de ses meilleures armes défensives. Le Belgradois n’a pas livré de réponse à cette interrogation mais sait que le destin de son équipe reposera en partie sur cette lutte des big men. « Beaucoup de choses dépendront de ce qui se passera dans la raquette », indique-t-il. Sans casser son contingent d’étrangers, il dispose aussi d’une arme inexploitée lors des deux sorties à Gaston-Médecin : Ibrahima Fall Faye, 2,06 m, 7 rebonds en 23 minutes lors des deux rencontres à l’Astroballe.
4 – La défense
C’est un poncif : l’attaque gagne des matchs, la défense gagne des titres. L’ASVEL a déserté le domaine pendant la première mi-temps du Match 1, cela lui a coûté son avantage du terrain. L’AS Monaco a perdu toute étanchéité pendant deux rencontres et le paye par ce retour peu désiré à l’Astroballe. « On sait qu’on a été très loin de notre niveau lors du dernier match », regrette Sasa Obradovic. « Cela s’est traduit sur notre défense : elle doit être plus solide, on doit laisser moins de points faciles. Peut-être que l’on a oublié que c’était une rencontre de playoffs… Ces grands matchs se gagnent d’abord en se consacrant à 100% à la défense. » Typiquement ce que Villeurbanne a su faire mercredi : en oppressant les Monégasques pendant le premier (9 points concédés) et le troisième (11) quart-temps, les doubles champions de France en titre ont entretenu leur rêve de triplé.
Avec autant de virtuoses offensifs des deux côtés (Mike James, Dwayne Bacon, Élie Okobo, Chris Jones), chaque équipe peut empiler les points assez facilement, sans forcément de fond de jeu collectif (18 passes décisives cumulées pour les deux équipes au total sur le Match 4). De fait, l’agressivité défensive, l’engagement et la combativité seront autant de facteurs déterminants. « Tout le monde est capable de marquer mais pas tout le monde n’est capable de bien défendre », disait Paris Lee mardi. « Ce secteur est donc le plus important car on aura besoin de faire des stops. » Ou du moins de limiter l’influence des stars adverses, plutôt que de les empêcher de marquer. Ainsi, mercredi, Mike James a énormément scoré (34 points) mais son impact sur la rencontre a été extrêmement faible. « Il faut user et isoler leurs joueurs avec de grosses qualités individuelles pour que les tirs qu’ils prennent ne soient plus les mêmes », explique T.J. Parker. « On attaque beaucoup James quand il est en défense afin de le fatiguer. » Une recette qui peut autant s’appliquer pour l’AS Monaco vis-à-vis des leaders villeurbannais…
5 – Les lieutenants
« Est-ce que l’on peut gagner avec un seul joueur ? », interroge Sasa Obradovic, avant de lâcher une réponse lapidaire. « Non, jamais. » Lors du Match 4, Mike James a livré un vrai numéro de soliste (34 points à 10/19) sans être aidé par ses coéquipiers, que ce soit de sa faute (seulement 2 passes décisives contre 10 sur la rencontre précédente) ou de la leur. Derrière, seul Dwayne Bacon a dépassé la barre des 6 unités ! Et encore, l’ancien ailier d’Orlando brille surtout par son inconstance sur cette finale. Hormis quelques rares étincelles, Alpha Diallo, Donatas Motiejunas ou Will Thomas font sérieusement défaut depuis le début de la série. Des joueurs comme Paris Lee, primordial lors du Match 3, ou Yakuba Ouattara sont également passés au travers lors du dernier revers monégasque. « Il faudra que l’on limite les tirs de Lee et Ouattara qui peuvent être très bons avec James à la création », note ainsi T.J. Parker.
Invité à s’exprimer sur la prestation d’Élie Okobo (25 unités) après le Match 3, le technicien villeurbannais en avait profité pour appeler au réveil de ses lieutenants. « On a besoin d’un Élie à ce niveau. Mais on a aussi un peu plus besoin des autres. » Un credo entendu par les principaux intéressés avec deux superbes facteurs X lors de la quatrième manche, Marcos Knight et William Howard, réduits à 6 points à 3/13 en cumulé deux jours auparavant. « Il fallait que j’apporte plus que lundi, où je n’avais pas assez pesé », avouait le fils de Skip Howard. Nul doute que les lieutenants monégasques seront dans le même état d’esprit ce samedi ! Car une variété de menaces serait un atout prépondérant dans la course au trophée…
6 – La gestion des émotions
Dans une carrière, peu de rencontres recèlent d’un enjeu aussi fort. Mais dans les deux effectifs, de nombreux joueurs ont déjà connu des rencontres aussi importantes. Tous les Monégasques, déjà, avec le Match 5 du quart de finale d’EuroLeague, au Pirée, qui aurait pu leur ouvrir les portes du Final Four. Ce soir-là, dans le volcan grec, la Roca Team avait fait très bonne impression, en faisant trembler l’Olympiakos jusqu’au bout (88-94). Un modèle à suivre pour les coéquipiers de Léo Westermann. « Si l’on joue comme à l’Olympiakos, je ne me fais pas trop de soucis », tente de se rassurer le champion de France 2015. Et s’ils ont tenu tête au Stade de la Paix et de l’Amitié, les joueurs de la Principauté ne devraient pas trop trembler face au public de l’Astroballe, quand bien même l’ambiance risque d’être belle.
Cela n’offrait pas un titre mais l’ASVEL a également disputé un match couperet le mois dernier, en quart de finale retour à Cholet. Battus par CB en ouverture des playoffs à l’Astroballe, les Villeurbannais étaient allés à la Meilleraie pour ne pas transformer leur saison en un échec industriel. L’avantage du terrain et la force de l’histoire seront également du côté des hommes du président Parker : club le plus titré de l’histoire du basket français (20 titres), l’ASVEL a toujours barré les rêves de grandeur de Monaco, éliminant la Roca Team des playoffs en 2016, 2017 et 2019. Dont lors de l’épilogue de la finale (66-55) il y a trois ans… Charles Kahudi, sur le banc, et David Lighty, sur le terrain, mémoires vivantes de la récente histoire rhodanienne, tâcheront de transmettre cette culture à leurs coéquipiers. A contrario, maudite jusque-là en Betclic ÉLITE, l’AS Monaco pourrait-elle revoir danser ses vieux fantômes de 2018 et 2019 en cas de money-time accroché ? La thèse est peu plausible : il serait effectivement étonnant que des joueurs comme Mike James ou Dwayne Bacon se sentent très concernés par les échecs de leurs prédécesseurs…
Point bonus : l’envie
On aurait pu ajouter l’adresse ou la gestion de la chaleur (30 degrés annoncés) à cette longue liste. Mais un autre point revenait également régulièrement dans les discours des acteurs. « Ça va se jouer sur l’envie », prévenait, par exemple, William Howard dès mercredi soir. Certes, mais à ce stade-là de la saison, à 2-2 en finale du championnat, une équipe pourrait-elle réellement avoir moins envie que l’autre d’être couronnée championne ? Place au 328e, dernier et meilleur match de cet opus 2021/22 de Betclic ÉLITE !
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