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Des crêpes et un duo gagnant : le phénix Saint-Quentin, histoire d’une résurrection

Pro B - Au bord de l'abîme début 2019, le SQBB est revenu de l'enfer financier pour s'imposer comme une place forte de Pro B. Moins de cinq ans après, Saint-Quentin a même composté son billet pour la Betclic ÉLITE, porté par le binôme Laurent Prache - Julien Mahé. Un joli clin d’œil au phénix, l'oiseau mythique figurant sur le logo du club. Chronique d'une résurrection inattendue.
Des crêpes et un duo gagnant : le phénix Saint-Quentin, histoire d’une résurrection
Crédit photo : Julie Dumélié

11 janvier 2022. Saint-Quentin touche le fond en s’inclinant à Évreux (68-73), le SQBB est relégable. Tous ceux qui disaient que la troisième place acquise en 2021 n’était due qu’à la présence du duo Parker Jackson-Cartwright – Hugo Besson avaient raison. Alors Julien Mahé va trouver son président Laurent Prache et lui intime de tourner la page. « Il faut que tu me coupes », lui dit-il. Mais le dirigeant refuse catégoriquement et invite son coach à venir en discuter dans une crêperie locale, La Remise de Tantine. « Il m’a répondu qu’un bon Breton ne refusait jamais une crêpe », se marre-t-il racontant l’épisode. Trois jours plus tard, le SQBB brillait contre Boulazac (90-83) après avoir compté jusqu’à 30 points d’avance, le prélude d’une deuxième partie de saison exceptionnelle, au point de terminer de nouveau sur le podium. Une tradition est née, ou plutôt une superstition. La veille de chaque match à domicile, les deux hommes vont manger à la crêperie. Une seule fois ont-ils omis de le faire : c’était en marge de la rencontre contre Champagne Basket, perdue à domicile, la seule défaite de la saison à Pierre-Ratte… Alors quand la fille de Julien Mahé, Lola, avait sa représentation théâtrale le jeudi 11 mai au soir, veille du match du titre, il a fallu ruser. Pour ne pas laisser l’irrationnel décider de leur destin, le coach et le président se sont donc retrouvés à leur table préférée le vendredi à midi, quelques heures seulement avant la réception d’Angers. Quelques heures avant une soirée de légende pour Saint-Quentin. Le pouvoir des crêpes…

Le coup de massue Larrouquis, 300 000 euros de perte

2018/19 : comme ici à Rueil, le SQBB de Benoit Gillet se débat dans l’anonymat de la Nationale 1 (photo : Gérard Héloise)

Pourtant, qui y aurait cru il y a plusieurs années, lorsque le SQBB retrouvait la Nationale en 2017 ? Le sort du club ne tenait pas à une amusante histoire de superstition. Ce n’était même pas qu’une affaire sportive… Pour avoir longtemps vécu au-dessus de ses moyens, le club se découvre un déficit de 184 000 euros et se retrouve poussé au bord du précipice par la plainte de son ancien joueur Thomas Larrouquis, qui réclame 210 000 euros pour ne pas avoir été indemnisé de la perte de sa licence professionnelle, Saint-Quentin n’ayant pas souscrit à l’assurance obligatoire de la convention collective. Les sponsors fuient tous progressivement, posant les bases d’une liquidation judiciaire, et il faudra l’entrée de Xavier Bertrand, président du conseil régional, au conseil d’administration du club pour redonner confiance. L’ancien ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy convainc Laurent Prache, patron du magasin Leclerc d’Harly, de prendre la présidence en 2018. « J’ai dit oui parce que, potentiellement, si je n’y vais, le SQBB peut crever », raconte-t-il dans le Tome 2 de la Saga SQBB, le récit de l’histoire du club par Éric Jonneau. « Mais j’y vais en sachant aussi que je pouvais être le fossoyeur du club. » Une crainte renforcée en janvier 2019 par le jugement de la cour d’appel d’Amiens : débouté en première instance, Thomas Larrouquis obtient gain de cause, avec une note de 177 000 euros à régler pour le SQBB. La fédération ajoute un retrait de cinq victoires pour mauvaise gestion financière. « On a des points de pénalité, on a 300 000 euros de pertes, on n’est pas loin de la banqueroute, j’ai passé plusieurs nuits blanches pendant trois mois », ajoutait-il dans le livre.

Interrogé dans les couloirs de Pierre-Ratte vendredi, Laurent Prache a d’ailleurs destiné sa première pensée vers ces moments troubles de 2019. « Ce titre est une grande réussite, d’autant plus lorsqu’on se rappelle d’où l’on revient. Le club était presque mort. C’est tout un symbole mais le phénix prend toute sa valeur. » En 2019, l’oiseau symbole de résurrection a été ajouté sur le logo d’un SQBB qui a continué à traverser des périodes délicates par la suite : une situation sportive alarmante en février 2020 avec trois victoires de retard sur le premier non-relégable avant d’être sauvé par le Covid-19, un retour dans la zone rouge début 2022, une Leaders Cup ratée pas plus tard qu’en début de saison (1v-3d), l’affaire Nzeulie en janvier qui aurait pu faire exploser le groupe… Pour finalement prendre place sur le trône de Pro B pour la première fois de son histoire. « C’est un travail collectif », souligne Laurent Prache. « On a eu beaucoup de soutien des collectivités territoriales : la ville, le département, la région… Les partenaires privés ont joué le jeu, surtout pendant la période Covid, ce qui nous a permis de résorber les dettes. »

18 janvier 2020 : le SQBB de Drake Reed perd le match de la peur contre Fos et devient relégable en Pro B (photo : Sébastien Grasset)

Sportivement, le tournant a eu lieu le 5 février 2020, lorsque Julien Mahé a été appelé pour prendre la succession de Thomas Giorguitti sur le banc. Avant le confinement, le Breton avait déjà commencé à redresser la barre avec trois victoires en cinq rencontres et depuis, c’est une success-story absolue : 69v-33d, trois podiums, deux trophées de coach de l’année, un titre de champion de France Pro B… « Ça a matché dès le départ, on s’est bien trouvé », reconnait Laurent Prache. « Il y a une vraie confiance réciproque entre nous, c’est le binôme, une paire gagnante. Est-ce qu’on aurait fait tout cela sans Julien Mahé ? Je ne pense pas… » Abasourdi par le titre vendredi, l’ancien entraîneur gravelinois avait eu ses premiers mots pour son dirigeant. « Je suis très ému pour Laurent Prache. Avec sa compagne Marlène, dans l’ombre, le boulot qu’il fait est extraordinaire. Cela va au-delà du sportif pour moi, c’est une rencontre exceptionnelle. En février 2020, on ne pouvait pas s’imaginer que l’on vivrait un truc comme ça. En 2021, on sortait de l’enfer, on prenait tous les trophées LNB, on était la surprise. On a beaucoup entendu que c’était parce qu’on avait Parker Jackson-Cartwright et Hugo Besson mais l’année dernière, sans eux, ça s’est passé comment ? Il y a deux ans, on ne pouvait pas monter : il n’y avait pas de centre de formation agréé, beaucoup moins d’argent… Au fur et à mesure, le président a travaillé pour qu’on ait l’agrément, pour qu’on puisse monter la masse salariale. Cela peut sembler une construction logique vu de l’extérieur mais il a fallu se bagarrer pour progresser. Si vous saviez le travail accompli dans une structure si petite, si petite… »

« Récupérer un million par la porte ou par la fenêtre »

Cette « structure si petite », c’est précisément bien ce qui risque de poser problème à l’étage supérieur. « J’en suis tellement loin pour l’instant », soufflait Julien Mahé vendredi. « On aura le temps de voir dans les jours qui viennent. Évidemment que le challenge sera très difficile mais en attendant, c’est le terrain qui a parlé. » Forcément, cette équipe risque d’être démantelée cet été avec seulement trois joueurs sous contrat : le meilleur jeune Melvin Ajinça, qui avait signé trois ans avec des clauses de sortie vers la Betclic ÉLITE et la NBA, le vice-capitaine William Pfister et le MVP Mathis Dossou-Yovo, qui avait ajouté une option de prolongation en cas de montée à son contrat d’un an. Le coach reste également lié, mais avec une clause de sortie. Si le recrutement sportif devra être à la hauteur, ce qui a toujours été le cas depuis l’arrivée de Mahé (le duo Jackson-Cartwright – Besson, Akwasi Yeboah désormais au Darussafaka, Deane Williams vainqueur de la BCL), le chantier titanesque reviendra surtout au président Prache.

Le président Laurent Prache, debout en bleu au premier rang (photo : Julie Dumélié)

Avec ses 2,11 millions d’euros dans les caisses, Saint-Quentin était le 11e budget de Pro B. À l’étage supérieur, cette saison, un seul club était sous les 3,5 millions : Fos-Provence, finalement relégué. Cinq clubs de Pro B avaient même des moyens supérieurs aux BYers. « On était avec un club avec un budget moyen de Pro B, je pense qu’on aura le plus petit de Betclic ÉLITE mais on a déjà prouvé que l’argent ne faisait pas tout », relève le dirigeant. S’il n’a « rien anticipé », superstitieux (vous l’aurez compris…) au point de refuser de signer le devis de l’hôtel pour les playoffs à Angers, Laurent Prache sait que le SQBB va devoir récupérer un million d’euros « par la porte ou par la fenêtre ». Déjà assuré du soutien en hausse de la mairie, Saint-Quentin va faire le tour des partenaires potentiels privés pour tabler sur un budget de 3 millions. « C’est surtout la masse salariale qui est importante, il nous en faut une digne de ce nom », martèle le président. « Notre inconvénient qui peut devenir avantage, c’est qu’on a une structure très faible du club dans notre budget, il y a beaucoup de bénévoles. On va avoir une grosse part de masse salariale. » Ce qui ne devrait pas valoir une sanction au club, eu égard à la future Luxury Tax, puisque le SQBB sera très vraisemblablement en-dessous du seuil minimal.

La Betclic ÉLITE, « pour grandir »

La transition vers la Betclic ÉLITE sera également marquée par plusieurs aspects logistiques, avec notamment la mise à niveau du vétuste Palais des Sports Pierre-Ratte (inauguré en 1972) via l’ajout de cubes 24 secondes et d’un tableau d’affichage avec le nom des joueurs. Mais la plus grande interrogation réside dans la cohabitation avec le volley. Pensionnaire de deuxième division, le SQV partage la même enceinte, chevauchant ainsi ses délimitations sur le parquet avec celles du basket. Or, la convention de la Betclic ÉLITE impose un tracé unique. Il faudra donc trouver une solution… Mais alors que le club va fêter ses 50 ans dimanche prochain, Laurent Prache voit en cette accession au plus haut niveau une belle opportunité de progresser, quitte à faire passer le résultat sportif au second plan, surtout avec trois relégations. « Ce sera sûrement plus compliqué mais on va savourer et profiter du sort qui ne nous était pas réservé à la base. Monter en Betclic ÉLITE va nous faire grandir. Même si on ne fait qu’une seule saison, ce n’est pas grave. On va améliorer nos équipements, cela va nous mettre en lumière. Peut-être que nous sommes voués à descendre mais après tout, ce n’est pas grave… L’important, c’était de récupérer le titre. Après, ce n’est pas parce qu’on n’a peut-être pas la capacité à se pérenniser en Betclic ÉLITE qu’il ne faut pas monter. On va essayer et la messe n’est pas dite : peut-être qu’un beau collectif avec un budget restreint peut continuer à faire des dégâts. » Surtout si cela reste combiné à des dîners de veille de match à la crêperie locale…

À Saint-Quentin

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