Le miracle bleu : l’équipe de France revient de l’enfer !
« On s’est tous un peu vu dans l’avion du retour », souffle Timothé Luwawu-Cabarrot, ostensiblement ému après le buzzer final. Un petit quart d’heure auparavant, à 77-75 pour la Turquie, lorsque l’arbitre lui siffla une faute antisportive incompréhensible sur Cedi Osman à 12 secondes de la sirène, l’Azuréen avait les yeux dans le vague, conscient de l’étendue du fiasco à venir. Théo Maledon se cachait dans son surmaillot, Moustapha Fall semblait sonné, Guerschon Yabusele se tenait la tête… Un terrible constat d’échec allait s’abattre sur cette équipe de France version 2022, une élimination alors inévitable, rendue possible par une consciencieuse entreprise d’autodestruction dans le troisième quart-temps. Un sabordage absolu avec un terrible 0-19 (de 49-38 à 49-57). Et puis, tout est devenu irrationnel. « J’ai l’impression d’avoir survécu à un truc », lance Evan Fournier. Un miracle, un vrai. Le bras de Cedi Osman qui tremble sur la ligne des lancers-francs, le chrono qui ne se déclenche pas alors que Furkan Korkmaz (8/9 aux lancers-francs) avait correctement réceptionné le ballon, la seconde remise en jeu turque qui termine dans les mains d’Evan Fournier après une déviation décisive de TLC puis Rudy Gobert qui s’élève plus haut que tout le monde (avec une faute non sifflée en prime…) pour arracher la prolongation (77-77). Tellement absurde que même Vincent Collet en était déboussolé, persuadé d’avoir gagné, lui qui s’est précipité pour saluer Ergin Ataman après avoir serré le poing en direction de son banc. « J’avais juste cinq minutes d’avance », sourira-t-il après coup.
« Le scénario le plus dingue »
Et pourtant, alors que tout plaidait en leur faveur pour la prolongation, tant le scénario (87-82, 44e minute) que la dynamique avec des Turcs qui n’y croyaient plus (« Nous étions au plus bas mentalement », dira Ataman), les Bleus ont encore presque trouvé le moyen de perdre. La balle de match est revenue entre les mains de Furkan Korkmaz dans la foulée d’une mauvaise passe de Thomas Heurtel et d’un 0/2 de Rudy Gobert sur la ligne des lancers-francs. Mais sous la pression d’Amath M’Baye, l’ailier des Sixers s’est emmêlé dans son dribble et a abandonné la gonfle à Terry Tarpey III (87-86, score final). Cette fois, Vincent Collet pouvait exulter ! « Vous me prenez un peu de court mais c’est probablement le scénario le plus dingue que je n’ai jamais vécu », avoua le technicien normand en conférence de presse, l’un des rares à avoir continué d’y croire à la toute fin du temps règlementaire. « C’est du basket, je savais qu’il nous restait une chance. J’espérais qu’Osman laisse un lancer-franc en route et qu’on pourrait intercepter le ballon pour égaliser à trois points au buzzer. » Cela fait beaucoup de si non ? « On n’avait plus les cartes en main, ni la maîtrise de la situation. » C’est bien pour cela que c’est un miracle…
A-t-on assisté à la véritable naissance de cette équipe de France version 2022 ? Ces Bleus-là étaient tellement morts et enterrés que ce scénario pourrait bien servir de catalyseur pour la suite de la compétition. « On n’a jamais arrêté de se battre », clame Rudy Gobert. « Je suis très fier qu’on n’ait pas baissé les bras, alors que beaucoup d’équipes auraient abandonné. On a été récompensé pour cela. » Cette qualification dit effectivement tout des qualités mentales de cette équipe de France, qui a réussi à trouver un chemin alors que l’horizon semblait plus bouché que jamais… « On est une équipe tenace », souligne Amath M’Baye. « Ça a toujours été dans notre ADN, c’est notre identité. On le montre encore aujourd’hui. »
Un hara-kiri dans le troisième quart-temps
Pour autant, il ne faudra pas oublier de nombreuses choses. Déjà que ce retour ne tient pas qu’en la combativité tricolore mais aussi dans le 0/2 de Cedi Osman et l’erreur de la table de marque qui ne déclenche pas le chrono ensuite. « On a eu de la chance », admet Thomas Heurtel. Surtout, l’équipe de France n’ira nulle part avec une telle légèreté dans son jeu. Performants défensivement en première période, au point de prendre rapidement 16 points d’avance (31-15, 15e minute), les Bleus ont manqué l’occasion de tuer définitivement le match à cause de leur éternelle faiblesse : les balles perdues. Mais si ce n’était que ça… Avec ce fameux 0-19, le troisième quart-temps restera d’une faiblesse abyssale, pratiquement un hara-kiri pour permettre à la Turquie de complètement renverser la rencontre (49-57, 30e minute). « On est retombé dans nos travers », regrette Vincent Collet. « On n’avait plus de rythme en attaque, on défendait moins dur. Nos balles perdues représentent une vulnérabilité difficilement supportable. C’est inacceptable, il faut que ça s’arrête, sinon il n’y aura pas de suite. » Le mérite du sélectionneur sera d’avoir trouvé les mots pour remettre son groupe dans le bon sens au cours des deux minutes d’entracte. « L’intervalle entre les deux quart-temps nous a permis de reprendre nos esprits et de repartir du bon pied directement », acquiesce-t-il.
Sauf qu’entre-temps, à l’image de Bugraham Tuncer (un temps à 6/6 à trois points), la Turquie avait engrangé de la confiance et a longtemps retardé le retour bleu grâce aux gros shoots de Korkmaz , Hazer ou Sanli (66-69, 37e minute). Il aura fallu un immense Rudy Gobert (20 points à 7/11 et 17 rebonds, record absolu de l’histoire de l’équipe de France), absolument dominant dans la raquette. « Les gens disent de la merde à son propos, que tout le monde ferme sa gueule », tonnait Timothé Luwawu-Cabarrot. Le pivot picard a dominé, commençant d’abord par écœurer Alperen Sengun (8 points à 4/10) avant de régner dans les airs, sans équivalent physique. En plus de la prolongation arrachée, ses trois claquettes d’affilée (de 75-77 à 81-77) pèsent lourd dans le résultat final. Mais même avec un Gobert aussi monstrueux, l’équipe de France n’aurait jamais dû se qualifier si la fin de match avait été sensée. Le basket a beau ne pas être un sport rationnel, ce qui est passé une fois ne suffira pas une deuxième fois…
À Berlin,
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