Le bilan individuel des Bleus : Cordinier et Lessort ont marqué des points, des leaders en souffrance
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#00 Sylvain Francisco : Ah, ce shoot…
Où en seraient les Bleus s’il avait réussi ce tir au buzzer contre la Lettonie ? La question restera éternellement sans réponse. L’enfant de Sevran confiait avoir du mal à tourner la page, lui qui aurait directement pu acquérir une autre dimension en cas de réussite. Après, il n’y a aucun reproche à lui faire sur le tir en lui-même, pris bien en rythme et surtout dans ses cordes. Cloué au banc contre le Canada, hormis les sept dernières minutes sans intérêt, il a lancé sa Coupe du Monde dans le dur face aux Baltes, où son manque d’expérience et de gestion a pesé lourd dans la balance après l’expulsion de Nando De Colo. Très bon lors des deux matchs de classement, il a toutefois parfois eu tendance à trop geler le ballon. Il a aussi été inconstant défensivement, comme lors de ce money-time face à la Lettonie où il a souffert face à Zagars. Mais son bilan reste plutôt positif dans la mesure où il a amené ce qui était attendu de lui, malgré une certaine inconstance défensive : de l’explosivité et un grain de folie en attaque.
Ses statistiques : 8 points à 47%, 1,6 rebonds et 3,2 passes décisives pour 8,4 d’évaluation en 18 minutes (5 matchs)
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#0 Élie Okobo : Fort contre les faibles…
Une Coupe du Monde en deux temps. Contre le Canada et la Lettonie, il a été inexistant, certes pas aidé par le staff qui l’a laissé sombrer défensivement pendant 15 minutes d’affilée face à Shai Gilgeous-Alexander. Puis il s’est réveillé contre le Liban, après avoir été piqué par Vincent Collet, qui l’a accusé de ne pas avoir envie de jouer, au point de finir avec le statut aussi honorifique qu’inutile de meilleur joueur des trois derniers matchs. Attendu comme le leader offensif du banc, il a clairement failli à sa tâche lors des choses sérieuses (1 point à 0/6 lors des deux premières sorties). Comme l’an dernier, la question de sa compatibilité avec le rôle qu’il est censé tenir en sélection continue de se poser. Le reverra-t-on aux JO ?
Ses statistiques : 7,2 points à 48%, 1,8 rebond et 2,6 passes décisives pour 7,2 d’évaluation en 17 minutes
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#5 Nicolas Batum : Triste quatrième…
Il est entré dans l’histoire du basket français en disputant une quatrième Coupe du Monde, un record pour un joueur tricolore. Mais cette compétition ne restera pas comme la plus aboutie de Batman, apparu particulièrement touché après l’élimination prématurée des Bleus. Dès le buzzer final contre la Lettonie, il faisait son auto-critique devant les micros, clamant qu’il ne « pouvait pas laisser tomber [son] équipe comme ça », qu’il devait comprendre pourquoi il n’avait pas réussi à rassembler dans son rôle de capitaine. Son entame de tournoi contre le Canada (0 point et 0 passe décisive) rentre dans le cadre de ses pires performances sous le maillot bleu. On ne peut pas être le héros à tous les coups, mais Batum nous doit une autre sortie l’été prochain…
Ses statistiques : 6,2 points à 41%, 3,4 rebonds et 2 passes décisives pour 10 d’évaluation en 23 minutes (5 matchs)
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#7 Guerschon Yabusele : Un goût d’inachevé
Depuis l’année dernière, et son formidable EuroBasket, il a pris une autre dimension, option offensive n°2 de cette équipe de France derrière Evan Fournier. Et pourtant, sa Coupe du Monde laisse un immense goût d’inachevé, amplifié par son premier match raté contre le Canada (4 points à 1/4), où on l’a vu refuser des shoots ouverts, une rareté pour lui. Surtout, c’est son utilisation qui laisse perplexe. Avec son physique et ses qualités techniques, le Madrilène peut faire parler sa puissance dans le jeu post-up, sauf lorsqu’il est trappé à cause d’une qualité de passe assez passable. Or, on n’a vu qu’une seule séquence où il a été régulièrement servi dos au panier : le troisième quart-temps contre la Lettonie, incidemment le meilleur passage des Bleus à Jakarta… Frustrant.
Ses statistiques : 10,8 points à 58%, 3,2 rebonds et 2 passes décisives pour 12,6 d’évaluation en 23 minutes (5 matchs)
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#10 Evan Fournier : Paradoxal
Pour un petit point (289, contre 288 pour Nicolas Batum), il est devenu le meilleur marqueur de l’histoire de l’équipe de France en Coupe du Monde. Un statut honorifique, à la hauteur de son statut d’attaquant n°1, qu’il doit notamment à deux premiers matchs aboutis (48 points), où il tenait malheureusement le rôle de l’arbre qui cache la forêt, seul joueur avec la capacité de franchir son défenseur. Quand Evan Fournier est l’unique menace offensive de l’équipe de France, c’est rarement bon signe pour les Bleus. Déçu par sa nouvelle quête vaine de l’or, il n’avait ostensiblement pas envie de disputer les deux rencontres de classement (2 points à 1/8). Parfois trop soliste et léger défensivement, il a également fait preuve d’une fébrilité notable sur les remontées de balle, où plusieurs adversaires directs lui ont chipé son dribble.
Ses statistiques : 13,8 points à 43%, 3,2 rebonds et 1,4 passe décisive pour 9,6 d’évaluation en 23 minutes (5 matchs)
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#12 Nando De Colo : Retour raté
L’avait-on déjà vu aussi effacé en équipe de France ? Peut-être lors de ses débuts avec la sélection, lorsqu’il tenait un rôle frustrant de joker offensif en sortie de banc, mais il n’y avait alors pas les mêmes attentes autour de lui. Elles étaient d’ailleurs particulièrement élevées cette année, pour son come back en Bleu après un été off : son grand retour allait fluidifier le jeu de l’équipe de France, croyait-on. Cela n’a pas été le cas. En grande souffrance face aux bestiaux canadiens, il a plombé son équipe par sa disqualifiante contre la Lettonie (0 point et 8 passes décisives) où il ne doit absolument pas réagir comme ça, malgré la longue clé de bras d’Arturs Kurucs. Complètement recentré sur le poste 1, il a avoué lui-même, à demi-mots, avoir manqué d’agressivité. Sauf peut-être avec le corps arbitral, où son comportement agace de plus en plus… S’il a retrouvé du rythme sur les matchs de classement, il se doit une revanche pour sa dernière campagne internationale en 2024.
Ses statistiques : 8,4 points à 45%, 3,4 rebonds et 4,6 passes décisives pour 10,8 d’évaluation en 22 minutes (5 matchs)
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#22 Terry Tarpey : La fin de l’effet de surprise
Le tube de l’été 2022 n’a pas réussi à rééditer le même carton en 2023. Forcément moins responsabilisé du fait du retour de Nicolas Batum, le futur monégasque a beaucoup moins pesé. De plus, son profil était beaucoup moins unique que l’an passé, avec les présences également d’Isaïa Cordinier et Yakuba Ouattara qui ont pu faire embouteillage sur la ligne arrière. Lors du match le plus important de la Coupe du Monde, contre la Lettonie, le Franco-Américain a toutefois été l’une des rares satisfactions, ajoutant de l’efficacité (7 points à 2/3, 5 rebonds, 2 passes décisives et 2 interceptions) à son engagement constant. Attention à sa place pour les JO…
Ses statistiques : 2,4 points à 40%, 2,8 rebonds et 1 passe décisive pour 5,2 d’évaluation en 15 minutes (5 matchs)
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#24 Yakuba Ouattara : Dans le grand monde
Invité surprise de la liste de Vincent Collet, il a clairement tenu le rôle de 12e homme : 5 minutes pour du beurre à -30 contre le Canada, 0 face à la Lettonie. Lancé ensuite sur le parquet, il n’a pas été ridicule, avec une performance référence contre l’Iran (9 points à 80% en 11 minutes). Toujours investi, il a été l’un des rares à constamment rester pour shooter après les séances d’entraînement, même au lendemain de l’élimination où il était presque le seul sur le parquet de la salle annexe de l’Indonesia Arena. Mais cela ne lui a pas réussi pour trouver son rythme à trois points (0/7), alors qu’il était attendu dans ce secteur. Curieusement toujours pas prolongé par l’AS Monaco. Le reverra-t-on sous le maillot bleu pour une grande compétition ?
Ses statistiques : 4,3 points à 47%, 1,3 rebond et 0,5 passe décisive pour 3,3 d’évaluation en 11 minutes (4 matchs)
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#26 Mathias Lessort : À revoir
Il s’est battu tout le mois d’août pour revenir, et on a vu pourquoi dès sa première entrée en jeu. De l’explosivité, de la rage, des moves offensifs, une vraie force défensive : le Martiniquais a crevé l’écran en première mi-temps contre le Canada, dans un rôle de dynamiteur. Mais son tournoi s’est arrêté bien plus tôt que prévu, lui dont la cheville a ensuite été ménagé après l’élimination tricolore. Mais il a bien fait de s’accrocher : en seulement deux petites rencontres, il a gagné des points précieux en vue des Jeux Olympiques. Le pivot du Panathinaïkos est resté auprès de l’équipe à Jakarta jusqu’à la fin des matchs de classement.
Ses statistiques : 8 points à 88%, 5,5 rebonds et 0,5 passe décisive pour 12 d’évaluation en 17 minutes (2 matchs)
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#27 Rudy Gobert : L’énigme
C’est peu dire que le pivot de Minnesota a cristallisé les frustrations à Jakarta. Par sa discrétion offensive (1 seul tir contre la Lettonie !), par sa faute loin du ballon qui aura offert deux lancers-francs à Rolands Smits et précipité l’élimination tricolore, par sa propension à défendre trop bas sur les pick and roll (qui a entraîné un nombre colossal de paniers des arrières adverses sur sa tête, comme si les petits ne le craignaient plus), par son absence mystérieuse contre le Liban, certainement facilitée par l’intervention des Timberwolves qui n’ont pas jugé sa cheville à 100%. Certes limité offensivement, où on l’a vu demander de l’aide sur un mismatch avec Souleyman Diabaté, il gagnerait à être mieux servi vis-à-vis de ses qualités, notamment dans le jeu en mouvement. Beaucoup plus dominant contre l’Iran et la Côte d’Ivoire, pour sa 100e sélection, il a parfois semblé en marge du groupe, pour une compétition qu’il ne comptait pas forcément disputer à la base. L’olympiade de 2024 sera-t-elle sa dernière danse en équipe de France ?
Ses statistiques : 10,8 points à 67%, 8,3 rebonds et 1,8 contre pour 17,5 d’évaluation en 24 minutes (4 matchs)
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#30 Isaïa Cordinier : Mention bien
Au vu de ce qui était attendu de lui à la base, le Bolonais est sûrement celui qui a réussi la meilleure Coupe du Monde… « Et encore, il a raté deux-trois actions de peu contre le Canada, qui auraient pu lui permettre de prendre encore plus d’importance dans la compétition », tempérait Vincent Collet, qui faisait notamment référence à son dunk raté en contre-attaque mais qui a salué son attitude et son envie. Appelé de dernière minute afin de remplacer Frank Ntilikina, l’enfant des Sharks d’Antibes n’était certainement pas le profil qu’il fallait, tant il a cruellement manqué un meneur, mais il a exploité à fond l’opportunité offerte. Rayonnant lors des matchs de classement (26 d’évaluation contre la Côte d’Ivoire), il a marqué des points en vue de Paris 2024, du propre aveu du sélectionneur. De loin le meilleur +/- des Bleus (+39, contre +30 pour Francisco et +10 pour Fall).
Ses statistiques : 7,4 points à 52%, 3 rebonds et 2,8 passes décisives pour 10,4 d’évaluation en 15 minutes (5 matchs)
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#93 Moustapha Fall : Frustré
Après la compétition, il s’est épanché sur sa faible utilisation, devenant le premier joueur à exprimer sa lassitude face aux choix du staff. Alors qu’il possède un profil unique (le seul pivot français capable de jouer dos au cercle, de fixer, de ressortir proprement), le big man du Pirée a été quasiment inutilisé sur les deux premiers matchs de la Coupe du Monde : 3 minutes contre le Canada, 5 face à la Lettonie. C’est aussi de sa faute, puisqu’il n’a pas réussi à enfoncer ses vis-à-vis, comme en 2021, lors des rares fois où il a été servi dans le post-up. Aussi une question de match-up puisque son défaut de mobilité était quasiment rédhibitoire face aux intérieurs fuyants. Mais on n’a vu que l’ombre du pivot dominant de l’Olympiakos, et c’est fort dommageable lorsqu’on se rappelle, par exemple, à quel point il a détruit l’AS Monaco lors du Final Four. Au vu de sa frustration et de l’intégration attendue de Victor Wembanyama (voire de Joel Embiid), sa présence à Paris semble désormais très hypothétique…
Ses statistiques : 2 points à 57%, 1,5 rebond et 1 contre pour 3 d’évaluation en 12 minutes (4 matchs).
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Vincent Collet : La place aux doutes
Le sélectionneur n’est pas devenu un mauvais coach du jour au lendemain. Mais clairement, sa campagne 2023 ne restera pas dans les annales, au contraire même. Avec huit extérieurs et quatre intérieurs, dont un embouteillage de profils similaires à l’aile (Cordinier, Ouattara, Tarpey), l’équipe a été mal construite depuis le début, et encore plus déséquilibrée par la blessure de Frank Ntilikina. Le fait d’avoir directement annoncé une liste de 12 fut sûrement aussi une erreur. Surtout, ce sont ses options tactiques en matchs qui ont interrogé, à l’image du choix Élie Okobo pour les 15 premières minutes de la deuxième mi-temps contre le Canada. De plus, cela fait deux étés d’affilée que l’on voit les mêmes défauts (16,4 balles perdues de moyenne), sans qu’il ne paraisse en mesure de les corriger. A-t-il été bien écouté par ses joueurs ? Certaines de ses phrases peuvent laisser planer un doute, comme lorsqu’on a évoqué avec lui le plan tactique du Brésil pour contrer le Canada. « Le problème c’est que Bryan (George) leur (aux joueurs) a fait des slides (document de présentation) leur montrant qu’on jouait nos matches en 80 possessions et eux en 90, donc qu’il fallait… (ralentir le rythme). Ça ne suffit pas de dire des choses pour qu’elles soit appliquées. » D’un point de vue purement journalistique, il convient de lui reconnaître une immense qualité : celle d’avoir toujours été disponible pour la presse, même lors des moments les plus difficiles, accordant à chaque reprise entre 10 et 15 minutes assez riches niveau contenu. S’il est officiellement remis en cause par sa fédération, il semble toutefois improbable de l’imaginer être mis à la porte cet été, à un an des Jeux Olympiques, sans successeur évident pour prendre la suite. La piste d’un consultant extérieur, à l’image de ce que fait David Blatt pour le Canada, pourrait être à creuser.
À Jakarta,
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