« Je suis un miraculé » : sauvé de la mort subite sur un playground, George Eddy raconte son arrêt cardiaque

4 juillet 2023. Anniversaire de l’indépendance des États-Unis. Comme plusieurs fois par semaine, George Eddy (67 ans) promène son accent américain et sa gouaille sur le playground de la promenade des Landes à Chatou, où il se dépense avec quelques adolescents. Tous ceux qui ont déjà joué avec Mister George peuvent en témoigner. Sur un terrain, il excelle dans deux choses : l’adresse et… le trash-talk. Mais à un moment donné, sur le dernier match 3×3 de la journée, la voix du basket se fait inaudible. « Il loupe un double-pas, saute pour prendre son rebond et s’assoit par terre juste après », raconte Maxime Lang (21 ans), spectateur ce jour-là. « On pensait que c’était du cinéma ou une manière de faire le show à l’américaine. Au début, on était un peu surpris, on ne savait pas ce qui se passait. Je l’ai mis en position latérale de sécurité. Pendant 10-15 secondes, on essaye de le faire revenir en l’appelant, en lui pressant le bras, mais il n’y a aucune réaction, alors je dis aux jeunes d’appeler les pompiers, puis le SAMU, qui est plus concret, plus investi dans le dialogue, qui pose des questions sur George. Mais au fur et à mesure de la discussion, on se rend compte que sa respiration devient de plus en plus saccadée, de moins en moins fluide. »

13 minutes de massage cardiaque

Joueur de Nationale à 3 à Chatou, éducateur sportif et entraîneur, Maxime Lang a suivi une formation de sauveteur. Mais lorsque George Eddy s’arrête subitement de respirer, c’est l’affolement. « Je suis un peu pris de panique. Je connais la théorie du massage cardiaque mais je ne me suis jamais préparé à en faire un. On a posé George sur le dos et j’ai pris mon courage à deux mains, j’ai commencé le massage cardiaque. Cela a duré quelques minutes mais ça m’a semblé être des secondes, je n’avais plus la notion du temps. J’étais stressé, j’avais peur de faire du mal, d’empirer les choses. Sauf que d’un coup, il a pris une grande inspiration et j’ai compris qu’on ne faisait rien de néfaste. Cette reprise de la respiration, c’était un élan de motivation pour essayer de le faire revenir au maximum. Sur le coup, on ne pense pas vraiment aux conséquences, on est dans l’urgence, dans l’attente des secours car on est seuls face à nous-mêmes et on a peur de faire une erreur. » Les pompiers mettront 13 minutes avant d’arriver et de prendre le relais, prodiguant notamment deux chocs électriques à l’aide d’un défibrillateur à l’ancien shooteur de Caen.

Ensuite emmené à l’hôpital de Poissy, placé pendant 40 heures dans le coma, George Eddy ne conserve évidemment aucun souvenir de cette séquence. Le black-out total à partir de sa perte de connaissance. « Maxime m’a sauvé la vie », témoigne-t-il. « Son massage a duré 13 minutes, c’est vraiment un exploit car c’est fatigant à faire. Grâce à lui, je n’ai jamais perdu complètement la circulation du sang. C’est appelé le low-flow, soit quand le sang continue à circuler péniblement. Le vrai danger, c’est l’arrêt complet de la circulation, ce qui entraîne la mort subite. » Non seulement cela ne lui est pas arrivé mais surtout le commentateur de Canal+ n’en gardera aucune conséquence négative, ce qui est absolument prodigieux. « 9 personnes sur 10 meurent en cas d’arrêt cardiaque. Sur les 10% restants, plus de la moitié en conservent des séquelles, parfois très graves, comme la paralysie ou la perte de la tête. Je fais partie des 3% qui n’ont rien. Je devrais pouvoir revivre normalement, simplement en portant un défibrillateur pour le reste de ma vie. Je suis un miraculé ! » Des propos confirmés par son saveur, Maxime Lang. « En voyant l’état de George actuellement, on a l’impression que rien ne s’est jamais passé. Il a l’air d’être dans une forme olympique. »

« Mourir sans douleur sur un terrain de basket, c’était presque idéal »

Aucune séquelle physique, aucune séquelle mentale… et psychologiquement ? « Même pas », réfute-t-il. « Je ne peux pas dire que j’ai eu peur car j’étais complètement endormi. Je regrette simplement le traumatisme que j’ai créé à ma femme et ma fille. Très honnêtement, si j’étais mort, cela aurait été une belle mort… Sur un terrain de basket, sans douleur, c’est presque des conditions idéales pour partir ! Ça peut arriver à n’importe qui, à n’importe quel moment. Cela aurait été pire pour moi de perdre la tête ou d’être paralysé que de mourir. Je me sens très chanceux ! »

Déjà victime d’un infarctus en juin 2021, qu’il avait senti venir à l’époque, le Floridien n’avait, en revanche, perçu aucun signe avant-coureur cette fois. « Absolument rien du tout », certifie-t-il. « J’avais la forme, je jouais plutôt bien ». Malheureusement, il a laissé ce jour-là, sur son playground chéri de Chatou, ses dernières foulées puisqu’il n’a désormais plus le droit de jouer au basket. À une exception près : continuer de battre le premier venu au HORSE. « Au moins, je peux continuer les concours de shoots », sourit-il. « Je vais assouvir ma soif de basket en entraînant les jeunes du Vésinet. Et puis, je peux faire de la natation ou du vélo. »

Alors qu’il va entamer une rééducation cardiaque de cinq semaines lundi, George Eddy est également à l’orée de la dernière année de sa carrière professionnelle, avec les Jeux Olympiques de Paris, commentés pour Canal+ et Europe 1, en ligne de mire, tout en consacrant ses dimanche soirs à la NBA sur Canal+ Afrique. Avec désormais une nouvelle idée en tête : sensibiliser à la problématique des incidents cardiaques. « Je pense qu’il y a quelque chose à faire au niveau des gestes de premiers secours. Il faut diffuser cette information à partir de l’école primaire. Je me rends compte que les professeurs ou les éducateurs ne sont pas tous formés aux gestes de premiers secours, ce qui est assez anormal. J’ai créé une association pour conseiller les municipalités sur le renouvellement des playgrounds et je vais essayer de faire des choses à travers cela. Mon idée est d’installer des pancartes récapitulant les 10 gestes qui sauvent afin de les afficher dans tous les centres sportifs, les stades, les parcs publics, etc. » Heureusement, ce jour-là, Maxime Lang les connaissait déjà…

Une pensée pour Ludovic Vaty

« Ce qui arrive à Ludovic Vaty me touche particulièrement, d’autant que c’était le même jour que celui où j’ai décidé de raconter mon histoire. Bien sûr, c’est complètement différent pour lui puisqu’il avait un problème connu depuis longtemps. Mais vu son âge, 34 ans, c’est dramatique, pour sa famille surtout. On ne peut qu’être de tout cœur avec lui, sans mauvais jeu de mots… »