ITW Florent Piétrus : « Je souhaite vraiment m’investir dans le basket »
Florent Piétrus espère intégrer l’organigramme d’un club, potentiellement en tant que GM
Vous avez raccroché les baskets après une dernière saison à Orléans en 2020. Comment se passe l’après carrière ? Comment vous y êtes-vous préparé ?
Ma carrière s’est terminée en plein Covid, donc je n’ai pas vraiment pu préparer l’après. Pour autant, je savais que c’était ma dernière saison donc j’étais prêt mentalement. Jusqu’ici, tout se passe bien.
Vous n’aviez pas d’appréhension, après 21 saisons à haut niveau ? Vous ne redoutiez pas ce moment où tout s’arrête ?
Au contraire. J’apprécie vraiment cette nouvelle vie. Pendant plus de 20 ans, j’ai voyagé autour du monde, respecté des horaires et des régimes alimentaires, mis mon corps à rude épreuve, etc. Donc quand j’ai arrêté, j’ai pu faire de nombreuses choses que j’avais envie de faire lorsque j’étais sportif, sans pression et sans contrainte. Le meilleur exemple c’est le saut en parachute que j’ai fait récemment, que je n’aurais jamais fait pendant ma carrière. Ma vie est bien remplie et je fais des choses qui me plaisent. J’avais besoin de ça pour pouvoir repartir dans un nouveau projet et notamment pour me lancer dans le domaine associatif.
« On manque d’anciens dans les organigrammes du basket français »
Justement, on vous voit aujourd’hui vous investir dans des œuvres caritatives par le biais de l’association Handoff, dont vous êtes co-fondateur. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre rôle et les actions que vous menez ?
C’est une association qu’on a créé sur Metz et dont les levées de fonds passent par la vente de maillots de grands sportifs. On a notamment parrainé une association messine qui agit pour l’inclusion par l’art. Le but, c’est vraiment de redonner, comme le nom l’indique. D’être dans le partage et la bienveillance, des valeurs qui nous sont chères. L’opération avait été un franc succès l’an dernier, avec plus de 20 000€ récoltés, alors que la prochaine édition est prévue le 28 mars. C’est un évènement important pour nous, car il permet de concrétiser des projets derrière. On a par exemple pu financer des voyages à Paris pour de nombreux jeunes, leur permettre de découvrir la capitale et de s’ouvrir. C’est une expérience très enrichissante humainement sachant qu’en plus d’être cocréateur de l’association, j’en suis le principal ambassadeur. Mais c’est une aventure où tout le monde apporte sa pierre à l’édifice. Ça fonctionne très bien et on est très contents.
Continuez vous de vous investir aux Antilles également ?
Oui, toujours. J’ai longtemps fait des camps en Guadeloupe. J’ai arrêté quelques années, mais je vais reprendre. C’est important de mettre des choses en place pour les jeunes basketteurs et de leur donner un maximum d’outils si jamais ils souhaitent franchir le pas. En ce moment je travaille aussi à la réhabilitation du playground de mon enfance, à Sainte-Anne.
Quelles sont les autres activités que vous menez aujourd’hui ? Avez-vous des projets précis dans le basket ?
J’ai effectué quelques missions auprès de la Fédération Française de Basketball. J’ai notamment accompagné les équipes de France U15 filles et garçons en Grèce l’été dernier, en tant que chef de délégation. Une super expérience pour moi comme pour les jeunes, qui m’ont posé pas mal de questions. Mais j’ai surtout pris le temps de passer différents concours après avoir raccroché les baskets. J’ai d’abord validé mon diplôme d’entraîneur avant de passer celui de directeur sportif à l’université de Grenoble. Je voulais savoir comment ça se passait dans les bureaux. Donc l’idéal pour moi aujourd’hui serait de pouvoir intégrer une structure ou un club auquel je pourrais offrir mon expérience du haut niveau et les compétences que j’ai développé dans mes différentes formations. Je souhaite vraiment m’investir dans le basket. Je pense que nous, les anciens joueurs, sommes très crédibles par rapport à ce qu’on a vécu et qu’on manque d’anciens dans les organigrammes du basket français. Mais les choses changent.
« On ne peut pas vraiment dire qu’Illan a eu sa chance jusqu’ici »
Justement, vous avez été intégré au programme des Légendes de la Ligue Nationale de Basket (LNB)…
Oui, la LNB, avec son nouveau Président Philippe Ausseur, met des choses en place. On est présents sur des remises de maillots, comme lors du dernier All-Star Game, ou sur d’autres évènements de la Ligue, et les choses sont en train d’avancer. Demain; on pourra peut-être aller voir les clubs, les aider dans leur structuration, et mener tout un tas d’actions à notre charge. C’est des choses qui vont prendre du temps, mais c’est un très bon début.
Votre fils Illan débute cette saison en professionnel à la SIG Strasbourg et compte parmi les meilleurs jeunes en France. Quel regard portez-vous sur sa jeune carrière ?
Illan progresse bien. Mais avec les soucis qu’a connu l’équipe en début d’année, on ne peut pas vraiment dire qu’il a eu sa chance jusqu’ici. Avec trois descentes en fin de saison, le coach doit faire des choix et Illan en fait malheureusement les frais. Même si ça fait partie de l’apprentissage, c’est dur pour un jeune joueur de s’entraîner la semaine et de ne pas être sur le terrain le week-end. C’est le cas pour mon fils, comme pour tous les jeunes joueurs qui n’ont pas l’opportunité de montrer ce qu’ils valent. C’est d’ailleurs un vrai défi pour la Ligue. On voit trop de jeunes s’expatrier au lieu de se développer dans nos clubs. Résultat, on ne profite pas du talent de nos joueurs et on risque de perdre à terme l’identité du championnat de France. Il faut trouver le moyen de permettre aux jeunes talents de s’exprimer, pour que les clubs et le public en profitent davantage.
Vous avez été formé à Pau-Orthez, où vous évoluiez notamment aux côtés de votre frère Mike et de Boris Diaw, tous deux draftés en 2003. Avec le recul, comment avez-vous vécu leur départ vers la NBA alors que vous n’aviez rien à leur envier sur le plan des performances ?
Je l’ai très bien vécu. J’étais super content pour mon frère et pour Boris. On a tous les trois été mis sur le devant de la scène en même temps mais vu le poste auquel j’évoluais (ailier-fort), j’avais peu de chances d’aller en NBA. À l’époque au poste 4, tu trouvais Rasheed Wallace, Dirk Nowitzki et Kevin Garnett. Des intérieurs de 2,10m minimum alors que je fais à peine 2,00m. Dans la NBA actuelle les choses auraient été différentes. Le jeu a changé, le small ball devient la norme, et la taille peut presque apparaître comme un handicap parfois. Mais pour revenir à la question, j’ai très bien vécu les départs de Mickaël et Boris en NBA. J’ai fait une très belle carrière en Europe, donc je n’ai rien à envier à qui que ce soit. Je suis en paix avec ça. J’ai accompli d’autres choses.
Vous avez passé huit années à Pau, trois à Malaga, cinq à Valence, trois à Nancy et deux à Strasbourg. Quel est le club qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?
Impossible d’en sortir un du lot. J’étais à Strasbourg récemment pour les voir affronter Malaga et j’ai eu la chance de croiser mes anciens dirigeants et assistants espagnols. C’était comme si on s’était quittés hier. Ils m’ont même invité à venir à Malaga le 5 mars prochain pour le match retour, en me disant que je méritais d’avoir une ovation, que je faisais partie de l’histoire du club (2004/07) Ça m’a touché. Valence c’est pareil. J’y ai passé cinq ans, et à chaque fois que j’y retourne, c’est comme si je n’étais jamais parti. Les clubs espagnols savent entretenir leur histoire, et n’oublient pas ceux qui ont porté leur maillot. C’est dans leur culture.
« J’aurais pu faire beaucoup plus »
Y a-t-il une raison pour laquelle vous n’êtes jamais retourné à l’Elan Béarnais ?
C’est une bonne question. Les dirigeants qui étaient en place à mon retour en France en 2013 ne voyaient peut-être pas ça d’un bon œil. Je n’ai jamais été sollicité en tout cas, ce qui m’a semblé bizarre. Je me suis posé des questions. Tant pis. Boris Diaw n’a pas été sollicité non plus, et on s’est retrouvés tous les deux à Boulogne-Levallois (rires). Les dirigeants avaient d’autres objectifs, ce que je comprends tout à fait. Donc pas de souci.
Avez-vous des regrets par rapport à votre parcours ?
J’ai parfois l’impression de ne pas avoir pu exprimer tout mon potentiel. J’étais un joueur avec une éthique de travail supérieure, mais quand je vois tout ce que les joueurs ont à leur disposition aujourd’hui, notamment dans le développement personnel et la préparation mentale, je me dis que j’aurais pu faire beaucoup plus. J’étais un joueur au service du collectif, qui avait parfois tendance à s’oublier. En étant plus égoïste, j’aurais fait une meilleure carrière.
Vous avez le sentiment d’avoir été mis dans une case ?
Bien sûr. Mais c’est aussi ma faute. J’ai toujours écouté mes coachs, au lieu parfois de faire les choses à ma manière. Mais c’est clair qu’on a tendance en France à mettre les jeunes dans des cases dès la formation, ce qui est idiot. On n’explore pas assez le potentiel des jeunes.
Dois-je comprendre que vous validez les méthodes de Gregg Popovich avec Victor Wembanyama ?
À 100% ! Quand on regarde bien, les joueurs sont de plus en plus polyvalents. Aujourd’hui tout le monde est capable de shooter. Il y a 25 ans, les big men avaient interdiction de shooter. C’était « mets toi sous le panier, prends des rebonds et basta ! ». Aujourd’hui, Dieu merci, le basket a évolué. Les grands ont beaucoup plus de libertés. Ils peuvent s’écarter, passer, mettre en place le jeu ou monter la balle.
Est-ce que la France n’a pas déjà pris ce virage au niveau de la formation, au-delà de Wemby ?
Je pense. Mais les précurseurs dans le domaine ça reste les Serbes. C’est les pros de la formation. Ils développent des joueurs qui savent tout faire. Peut-être d’ailleurs pour compenser leurs qualités physiques.
« L’équipe de France me paraissait à des années-lumière »
C’est aussi le cas de l’Espagne, qui sort des grands basketteurs avec des physiques quelconques, en essayant de capitaliser au maximum sur les qualités intrinsèques des joueurs…
Oui. Après l’Espagne, que je connais bien, c’est encore autre chose. C’est le jeu, l’amusement qui prime. Avec beaucoup de flair, de ruse. On le ressent quand on les affronte : il y a beaucoup de plaisir. C’est comme cela qu’ils sont formés, dès leur plus jeune âge. On les laisse s’exprimer, en les corrigeant, mais sans les freiner ou les brider.
Vous comptez 230 sélections en Equipe de France. Pouvez-vous nous parler de cette relation particulière avec le maillot bleu ?
Ça m’est tombé dessus ! Ce n’était pas un objectif. L’équipe de France me paraissait à des années-lumière. C’est arrivé grâce à mon travail. Je me suis senti privilégié, mais j’avais conscience de la responsabilité qui était la mienne en endossant le maillot bleu. Donc chaque été, j’étais à fond.
Vous avez sacrifié tous vos étés depuis vos 16 ans pour jouer en équipe de France. Pouvez-vous nous expliquer les sacrifices que cela induit et les éventuels impacts que ces campagnes ont eu sur votre carrière en club ?
J’ai fait 20 ans en Bleu et la seule campagne que j’ai raté, c’est celle de l’Euro 2009 en Pologne. Je sortais d’une saison à l’Estudiantes Madrid, et je souffrais d’une tendinite. Mais ma carrière en Bleu, c’est un choix assumé. C’est pour cela que je ne parle pas de sacrifice. Pour autant, c’était très exigeant sur le plan physique. Quand tu termines une saison de 10 mois, et que tu enchaînes deux semaines plus tard avec une campagne en bleu, ce n’est pas simple. J’ai parfois pris des risques aussi, en venant alors que je n’avais pas de club pour la saison suivante. En cas de blessure, ça peut coûter très cher ! Ça reste des choix assumés, comme je le disais. Mais c’est des choses que les joueurs font par amour du maillot bleu et dont les gens n’ont pas forcément conscience. Et quand je vois comment certains tirent sur les joueurs, je trouve ça injuste.
« J’ai remercié Diamantidis pour son shoot de 2005 »
Quels sont vos souvenirs les plus marquants en Equipe de France ?
Il y en a eu beaucoup… L’Euro 2013 bien sûr, et notamment la demi-finale face à l’Espagne où on a livré un vrai combat physique et mental. On était sur les rotules après le match parce qu’on avait tout donné. Ça reste un grand souvenir. Mais on peut aussi penser à la demi-finale de l’Euro 2005 (de +7 à 47 secondes de la fin à une défaite au buzzer suite à un shoot de Diamantidis, ndlr). Ça a été une grande déception, bien sûr, mais aussi le déclencheur pour toute ma génération. Un mal nécessaire qui nous a permis de remporter l’or huit ans plus tard. Pour la petite histoire, j’ai croisé Diamantidis l’été dernier avec les U15 en Grèce. On a parlé de son fameux shoot et je l’ai remercié. Je lui ai expliqué que ça avait été le déclic pour notre équipe, et que l’envie de gagner était vraiment née à ce moment-là. Bien sûr, on peut aussi remercier l’Espagne. On s’est fait progresser mutuellement. Ils avaient une génération dorée, mais ils savaient qu’ils devaient donner le meilleur d’eux-mêmes quand ils nous affrontaient.
Vous allez faire resurgir les vieux démons des JO de Londres 2012 ou de l’Euro 2015 en France là…
Forcément (rires). Mais il faut se rappeler que l’année d’avant, en 2014, on était partis chez eux les taper et gâcher la fête. La défaite de Lille en demi-finale de notre Euro, c’était un peu un retour de flammes (rires).
Vous avez succédé à une autre légende du basket Français en Equipe de France, Jim Bilba. Pensez-vous que la dureté et le sens du sacrifice que vous incarniez chez les bleus manquent aujourd’hui dans le groupe de Vincent Collet ?
On avait un jeu similaire, et on venait tous les deux des Antilles, donc c’était facile de me désigner comme son successeur. Mais je voulais écrire ma propre histoire. Pour répondre à la question, je pense qu’il manque à l’équipe de France actuelle un joueur de caractère. On a des joueurs exceptionnels, mais à mon sens, on manque un peu de dureté. Il manque quelqu’un pour dire les choses aussi. Je pense que certains sont capables d’endosser ce rôle, mais ils n’ont pas encore acquis la légitimité pour le faire. Pour autant, j’ai vraiment foi dans cette équipe, qui a fait de beaux résultats ces dernières années, et j’espère qu’ils iront très loin aux JO de Paris.
Pensez-vous que l’échec du Mondial 2023 n’était qu’un accident de parcours ?
À condition que l’équipe ait tiré toutes les leçons de cet échec, oui. On le saura cet été. J’espère que c’est le cas, car les supporters, et moi le premier, attendent beaucoup de ces Jeux Olympiques. Je leur souhaite vraiment de performer, et d’aller chercher le Graal.
Commentaires