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La vente « irrégulière » des droits sportifs du HTV à Paris au cœur d’un rapport accablant de la Chambre régionale des comptes

La chambre régionale des comptes PACA a publié un rapport consacré à l'association Hyères-Toulon Var Basket sur la période 2014 - 2020. Celui-ci cible particulièrement la cession des droits sportifs au Paris Basketball en 2018, parsemées "d'irrégularités nombreuses et majeures" selon la juridiction.
La vente « irrégulière » des droits sportifs du HTV à Paris au cœur d’un rapport accablant de la Chambre régionale des comptes
Crédit photo : Sébastien Grasset

L’été 2018 a marqué un bouleversement absolu dans le paysage du basket professionnel français : club historique, le Hyères-Toulon Var Basket a cédé ses droits à une société dénommée Paris Basketball Investments LLC, permettant ainsi à une nouvelle entité, le Paris Basketball, d’émerger directement en Pro B. Alors que l’équipe de la capitale s’apprête à découvrir l’Europe, avec un déplacement à Ankara mardi soir, cette transaction a été au cœur d’un rapport de la Chambre régionale des comptes PACA consacré à l’association HTVB sur la période 2014 – 2020.

La CRC dénonce des « irrégularités nombreuses et majeures », tout au long des « différentes étapes du processus de décision ayant conduit à ce choix ». En voici les grandes lignes.

1. Une étonnante clause de confidentialité

Un protocole de cession d’actions sous conditions suspensives a été signé le 30 mai 2018 entre les différentes parties. Neuf conditions suspensives de la cession ont ainsi été formulées, dont une qui a retenu l’attention de la chambre : une clause appelant à la plus grande discrétion, afin de garantir « l’absence de réception ou de connaissance par les cédants ou par la société, jusqu’à la date du closing, de toute réclamation émanant de tout tiers contestant en tout ou partie et de quelque façon que ce soit, la cession ou le transfert du club. » Idéal pour s’éviter toute contestation malvenue avant la fin des négociations, même si l’information avait fuitée dans la presse dès le début du mois d’avril…

2. Un cumul dérangeant

L’article R. 122-8 du code du sport édicte qu’une même personne ne peut assumer parallèlement deux rôles de dirigeants au sein de deux entités d’un même groupement sportif. Une règle d’incompatibilité bel et bien inscrite à l’article 16 de la convention de gestion du HTVB. Pourtant, Sylvain Leonis et Marie-Hélène Laffanour se sont retrouvés dans ce cas.

La juridiction s’est également longuement interrogée sur le rôle de Philippe Legname, qualifié comme « l’architecte de l’opération ». Considéré comme le « directeur général bénévole » de l’association, une « mention sans aucune consistance juridique » selon la chambre, il a animé les débats de l’assemblée générale extraordinaire ayant validé la cession, qu’il avait présenté ce jour-là comme un « scénario incontournable », alors qu’aucun texte officiel ne le désigne comme directeur général de l’association. S’il était en revanche directeur général de la société sportive, Philippe Legname a contesté avoir été à la tête de l’association au cours de ses échanges avec les magistrats financiers, et a minoré son influence. La CRC conclut que cette situation « pose un réel problème de gouvernance ».

3. Un changement de statut opportun

Robert Arnold, membre de la dernière équipe professionnelle du HTV en 2017/18, juste avant la vente à Paris (photo : Sébastien Grasset)

En avril 2017, non sans quelques irrégularités notées par la CRC (absence de débats, association non représentée), la SAOS HTVB est devenue une SASP. Une simple subtilité administrative ? Pas tout à fait puisque ce changement de statut juridique déchargeait le HTV de l’obligation de solliciter l’avis préalable du préfet du Var en cas de cession de ses actions. Le même jour, celles-ci sont également passées de 75 à 7,5€. Sept mois après, l’association s’est engagée dans un mouvement de rachats de 660 actions détenues par des petits porteurs individuels. Des rachats « en tout état de cause irréguliers » selon les magistrats financiers.

4. Un avocat sans réel mandat

Les négociations entre Hyères-Toulon et Paris ont été menées sous la houlette d’un avocat, Xavier Le Cerf-Galle. Celui-ci a commencé à travailler sur les termes du processus de cession en mars 2018, alors que le mandat a été signé le 21 mai 2018 par Marie-Hélène Laffanour. Un mandat « sans aucune valeur », s’étonne la juridiction, puisque paraphé sans aucune décision de l’AG, ni du comité de direction, et par une personne « non habilitée à le signer car intéressée à titre personnel par cette transaction » en raison de son statut de membre du conseil d’administration de la SASP. De plus, la CRC soulève un autre problème : le fait qu’il ne s’agisse pas dans les faits d’un mandat de négociation mais d’un mandat engageant l’association. De quoi décontenancer les magistrats financiers : « Une fois que Me Le Cerf signait le protocole de cession avec M. Kahn, l’association était engagée par cette cession, au prix déterminé dans le protocole, à l’issue de négociations menées en toute liberté par Me Le Cerf, sans qu’il ait à en référer préalablement à l’association, ni même que sa marge de manœuvre ne soit le moins du monde encadrée. »

Au cours de la phase d’instruction, Maître Le Cerf-Galle a répondu à la chambre, arguant que « rien n’interdit au représentant légal d’une personne morale de confier un mandat spécial de négociation à un professionnel suivant les domaines » et que « le mandat confié n’a finalement servi qu’à faciliter les démarches », notamment dans le cadre d’allers-retours à Paris, puisque « le protocole sous conditions suspensives a été entièrement re-paraphé, re-signé et tamponné par la présidente de l’Association (ainsi que par Monsieur Giannini) en vue de la réitération du 2 juillet ». Il conclut en indiquant qu’il n’a donc « pas été fait usage des dits mandats supposés fragiles ». La CRC a rejeté tous ses arguments.

5. Une vente forcée ?

La vente des actions de la SASP détenues par l’association ainsi que le transfert des droits sportifs pour l’activité professionnelle du club ont été entérinés au cours d’une Assemblée Générale extraordinaire tenue le 11 juin 2018. Toutefois, outre le fait d’avoir soigneusement tenu à l’écart les élus locaux, celle-ci fut entachée de « nombreuses irrégularités » écrit la chambre.

Premièrement, le quorum : puisque l’AGE touchait à une composante fondamentale de l’association, avec la fin potentielle de l’activité professionnelle du club dont elle était rattachée, il était requis la présence d’au moins la moitié des membres actifs de plus de 16 ans. Or, ce jour-là, seulement 43% des membres étaient présents ou représentés : 72 sur 175. Deuxièmement : un ordre du jour fixé par une réunion du comité de direction juste avant l’AGE. Tous les participants ont donc découvert son contenu en séance. De fait, « ils ne pouvaient pas prendre de décisions éclairées et objectives sur les questions qui leur étaient soumises puisqu’ils les découvraient et ne disposaient pas a fortiori des documents nécessaires pour prendre position sur un sujet aussi important et complexe ».

À droite de Siutat, le duo Giannini – Legname lors de la commémoration du titre de champion de France Pro B 2016 (photo : Sébastien Grasset)

Surtout, la CRC regrette que cette AGE ait été « orientée vers l’adoption d’un choix unique de ses adhérents ». Aucune autre option que le projet de reprise de David Kahn n’a été débattue. En sus, Christian Giannini, président de la SASP, a déclaré que l’échec de la cession au Paris Basketball « impliquerait nécessairement pour l’association la reprise du passif ». Avec le dernier alinéa de l’article 308 des règlements généraux de la fédération, la juridiction prouve le contraire : il était possible pour l’association de ne pas assumer le passif de la SASP en mettant un terme à l’activité professionnelle de l’équipe première.

La conclusion de la chambre régionale des comptes est donc sans appel : « Les membres de l’AGE ont été mis devant le fait accompli afin de valider, dans la précipitation, deux cessions hautement stratégiques pour l’association, mais sans la moindre précision sur le prix, et sur la base d’arguments que l’AG découvrait et dont aucun n’était démontré. La chambre estime que l’ensemble des difficultés qui viennent d’être évoquées au sujet du déroulement et du contenu de l’AGE pourrait conduire à estimer que le consentement de l’AG a été vicié. »

6. Le doute sur la validation de la FFBB

La CRC s’interroge sur le feu vert accordé par la fédération à la cession des droits sportifs du HTV. Principalement car l’article 305 de son règlement général suggère que la cession des droits sportifs n’est pas permise, sauf circonstances exceptionnelles, que seule la fédération est en mesure d’apprécier.

En l’espèce, la chambre avoue n’avoir « pas été en mesure de déterminer si la FFBB avait mené à bien un travail avec les partenaires locaux du club pour identifier s’il existait des solutions alternatives de sortie de crise pour le club, susceptibles de préserver l’ancrage local du HTVB ». La transaction a été approuvée, « au nom de l’intérêt supérieur du basket français », par le bureau fédéral le 4 juillet 2018. Il est indiqué que Philippe Legname, vice-président, s’est abstenu de participer aux débats et de voter.

7. Une cession non réglée à l’association

Du 83 au 75, il n’y a qu’un pas… (photo : Sébastien Grasset)

Reparti en NM3 en 2018, le HTV est désormais revenu en Nationale 1, fort notamment de son titre de champion de France NM2. Mais le club varois continue de traîner de grosses difficultés financières, à l’image de l’éprouvant été où la menace d’une rétrogradation en ligue régionale a longuement plané au-dessus de l’institution provençale. Depuis 2018, les nouvelle équipes dirigeantes qui se sont succédées sont toutes particulièrement critiques concernant le sujet de la vente à Paris. Pour cause, le club de David Kahn refuse de régler les 23 625 € dus à l’association, sur la base de l’article 2.1.1 du protocole de cession disposant « qu’en cas d’inexactitude ou d’omission dans les déclarations, le montant du préjudice qui serait subi par le cessionnaire du fait de cette inexactitude ou omission sera indemnisé au moyen d’un paiement effectué par les cédants par compensation avec le prix« . Paris énumère ainsi de nombreux manquements de paiement de la société HTV à ses créanciers (estimés à 44 219 €), et affirme n’avoir pas perçu le dernier versement de la subvention du département du Var, évalué à 35 000 €.

Par conséquent, la CRC écrit que le Paris Basketball « fait intégralement supporter à l’association les manquements de la société HTVB dans la mise en œuvre du protocole de cession ». Ainsi, en l’état, le dossier n’est toujours pas clos.

Et aussi…

Ce chapitre sur la cession des droits sportifs au Paris Basketball ne constitue qu’une partie d’un rapport du centaine de pages de la Chambre régionale des comptes consacré à la période 2014 – 2020 de l’association HTVB. Dans les autres rubriques, les magistrats financiers chargent « de graves manquements dans le fonctionnement des assemblées générales et du comité de direction », relevant notamment « un défaut de transparence sur la situation financière de l’association et de la société sportive », invariablement présenté comme bonne à ses membres alors que le CAC a refusé de certifier les comptes entre 2012 et 2017. Par ailleurs, la CRC s’étrangle « de transferts irréguliers, au profit de la société, de fonds attribués par les collectivités locales à l’association ».

Enfin, la chambre soulève le déficit de contrôle des collectivités locales quant aux subventions accordées au HTV, qui constituaient l’essentiel de son budget (avec un pic à 74% en 2019/20). Parmi les nombreux partenaires publics de Hyères-Toulon (commune de Toulon, commune de Hyères, Métropole Toulon Provence Méditerranée, Département du Var), la CRC souligne que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur « apparait comme la seule collectivité qui, par des mesures de contrôle adéquates, a su identifier les lacunes de gestion de l’association et en tirer les conséquences en matière de recouvrement des subventions indues et de maintien ou non de son soutien.« 

Bouclé bien avant les soubresauts de cet été, ce rapport espère servir de base de travail pour l’avenir du HTV. « La perspective de structurer de nouveau le club en deux entités, une association et une nouvelle société sportive professionnelle, s’avère un scenario envisagé à moyen terme par les dirigeants de l’association », écrivent, en conclusion, les magistrats financiers. « L’arrivée d’investisseurs privés locaux désireux de construire un projet sportif ambitieux et reposant sur une nouvelle mécanique économique, doit conduire les dirigeants du club, ainsi que leurs partenaires publics, à appréhender les recommandations du présent rapport comme le moyen de ne pas répéter les erreurs commises par le passé et à sécuriser, tant sur le plan juridique que financier, les actes de gestion de l’association. »

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