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Cédric Ferchaud raconte son ami Claude Marquis, le roc de Cholet : « Il s’est construit tout seul »

Dimanche matin, la nouvelle du décès de Claude Marquis, à seulement 44 ans, a saisi d'effroi le basket français. Toujours sous le choc, Cédric Ferchaud, l'homme avec qui il a le plus joué en carrière, a accepté de longuement nous parler de son ami.
Cédric Ferchaud raconte son ami Claude Marquis, le roc de Cholet : « Il s’est construit tout seul »

Cholet Basket, le club associé à la carrière de Claude Marquis

Crédit photo : Cholet Basket

De tous les coéquipiers de Claude Marquis en carrière, Cédric Ferchaud est celui avec lequel il a le plus joué. Et l’inverse est aussi vraie : 171 matchs professionnels en commun. Un décompte qui ne prend pas en compte toutes leurs années communes de formation à Cholet, eux qui sont arrivés à l’Académie Gautier la même année en 1995. Ensemble, les deux hommes ont remporté tous les trophées possibles en jeunes (double champion de France cadets, Coupe de France cadets, champion de France Espoirs) puis ont disputé quatre saisons pleines de Pro A avec le club des Mauges.

Évidemment très touché, l’ancien shooteur des Bleus était donc l’un des mieux placés pour évoquer le décès du Guyanais, emporté par un accident cardiaque ce week-end à l’âge de 44 ans. De leur adolescence partagée à leurs retrouvailles récentes à Montpellier, Cédric Ferchaud nous raconte son ami, à travers quelques souvenirs et anecdotes, pour dévoiler qui était vraiment Claude Marquis.

Les retrouvailles entre Claude Marquis et Cédric Ferchaud en novembre 2023 à Montpellier

Cédric, comment allez-vous après l’annonce du décès de Claude Marquis ?

On est dévastés. La nuit a été difficile. On ne pense qu’à ça. On est tous abasourdis. C’est compliqué, surtout que personnellement, je l’avais vu récemment. C’est dur.

Vous l’aviez vu à quelle occasion ?

C’était en novembre 2023. Dans un cadre professionnel, je suis venu à Montpellier pour participer à un salon. J’étais avec ma compagne et tout le stand. On avait besoin d’aide. Comme je savais qu’il était à Montpellier, je l’ai appelé et il m’a tout de suite dit oui. Il nous a aidés à tout démonter, on a fini en sueur tous les deux à tout ranger et on a passé toute la soirée ensemble. On avait toujours gardé contact, encore plus depuis qu’on s’était revu. On s’était recroisé en juin à Montpellier, il y avait le tournoi Vin’T’Age à Frontignan. Je l’avais invité dans notre équipe du Grand Ouest, il était censé venir mais il a dû annuler au dernier moment puisqu’il devait s’occuper de son petit garçon.

Comment avez-vous appris la nouvelle ?

Sur notre groupe des Alumnis de Cholet Basket. J’ai une grosse pensée pour sa famille, pour sa maman, qui est à Cholet, pour sa sœur, qui est aux États-Unis. Merci à Eric John, Malik et Steeve Ho You Fat qui sont allés annoncer le décès à sa mère, merci à Jim Bilba qui est vite allé au chevet de la maman, notamment pour l’aider à aller chercher toutes ses affaires à Montpellier. Il me semble qu’elle voudrait rapatrier son corps à Cholet. Personnellement, j’ai dû annoncer son décès à sa cousine, Herlène : ça n’a pas été évident mais je préférais qu’elle l’apprenne par des proches plutôt que dans la presse. Il est parti trop tôt, 44 ans… C’est affreux. Il est devenu papa pour la deuxième fois l’année dernière d’un petit garçon. Je pense à lui, son fils, à sa compagne. On est tous anéantis. D’autant plus Claude quoi ! C’est un roc, c’est un monstre. D’ailleurs, quand il est venu nous aider sur le salon, tout le monde se retournait sur son passage, les gens le prenaient pour un rugbyman (il sourit).

« Claude, c’est un grand sourire, l’insouciance, un personnage à part entière »

Que vous évoque le nom Claude Marquis ?

C’est une amitié de longue date, déjà. Nous sommes arrivés au centre de formation de Cholet en même temps, en 1995. Je l’ai vu débarquer de Guyane. On avait du mal à comprendre ce qu’il disait car il ne parlait pas un Français très bon, avec un fort accent créole. Il découvrait la métropole. Claude, c’est un grand sourire, c’est l’insouciance, c’est un personnage à part entière. Il bouffe la vie, il la vit encore plus que tout le monde. Même s’il en avait plein d’autres à faire, il a vécu toutes les expériences qu’il voulait. Ce sont plein de souvenirs avec tous les coéquipiers, on va prendre le temps de se remémorer tout ça ensemble.

Vous avez débarqué ensemble à Cholet, mais lui arrivait presque d’un autre monde…

Claude Marquis a remporté la Semaine des As 2008 avec Chplet et a été deux fois All-Star de Pro A (photo : Sébastien Meunier)

Il arrivait de Guyane, c’était un choc thermique … Le froid, il y a forcément eu un temps d’adaptation ! Je le revois encore arriver sans blouson, avec son t-shirt et son short, découvrir la neige comme un enfant émerveillé à 16 ans. Il s’est vite créé un nom, un statut. C’est quelqu’un qui est à l’écoute, dur au mal, volontaire. En arrivant, il avait peu de basket, pas trop de mains. À force d’écoute et de travail avec Jean-François Martin et Jacky Périgois, il a développé le meilleur shoot crochet de Pro A, inarrêtable. Il était tout sec et il est devenu monstrueux physiquement en enchaînant les heures supplémentaires en muscu et en s’inspirant des anciens pour se créer une hygiène de vie. Il s’est construit tout seul. Tout cela l’a fait devenir le meilleur pivot de Pro A.

Ce côté ultra-travailleur, était-ce la volonté de ne pas laisser filer la chance qui lui était offerte via son arrivée en métropole ?

C’était surtout un objectif qu’il s’était fixé. Il a vite vu qu’il était un intérieur de petite taille donc qu’il n’allait pas pouvoir se contenter du poids qu’il faisait. Alors il a bossé ! On avait une salle de muscu à disposition à Cholet mais il n’y avait pas assez d’appareils à son goût. Alors lui allait dans une autre salle, plusieurs fois par semaine, pour continuer de travailler en plus. Nous, on bossait sur le temps imparti par le club mais lui allait faire de la muscu sur des horaires supplémentaires. Il faisait attention à son alimentation, hyper-protéiné pour prendre du muscle. On a vu le changement physique : en quatre mois, c’est incroyable ce qu’il a pris musculairement ! Tout en développant l’aspect basket, où il est devenu hyper-performant sur des mouvements qu’il a répété, répété, répété… Jusqu’à se développer un petit tir à deux mains efficace aussi. Claude, c’était vraiment l’incarnation de la force de travail. Il n’avait pas un talent inné mais il était dur au mal.

En 1998, vous avez également participé à deux campagnes d’équipe de France juniors, en Bulgarie et en Macédoine…

C’est ça. On n’a jamais fait de médaille, on a toujours perdu en quart. Même là, on a vu que c’était un personnage ! C’est quelqu’un qui se fait remarquer dans un groupe : il fait des choses que tout le monde ne fait pas. Il a cette insouciance, ce besoin de croquer la vie. Si quelqu’un devait oublier ses pompes, c’était Claude. Si quelqu’un devait être en retard au départ du bus, c’était Claude. Tête en l’air, mais passionné dans tout ce qu’il faisait.

« Un tir crochet inarrêtable ! »

De pensionnaires du centre de formation, vous êtes devenus des cadres de Cholet Basket, jusqu’en 2006…

Avec Cyril Akpomedah, Mike Gelabale, Olivier Bardet ou Raphaël Desroses. Ainsi que Jim Bilba, notre grand frère à tous. Le club n’avait pas forcément trop d’autre choix financier que d’investir sur les jeunes. Et quand Erman Kunter a vu le potentiel qu’il y avait, qu’on était prêts à en découdre, il a foncé ! En 2003/04, Erman Kunter nous a dit que s’il ne s’était pas trompé sur le recrutement d’un Américain, on aurait eu la capacité d’être champion de France. C’est pour dire le niveau qu’on avait. C’était une équipe extrêmement talentueuse. Il y avait Terrell Lyday à la mène mais sinon, on avait une équipe de Français, c’était génial !

Comment peut-on présenter le joueur Claude Marquis ?

Ici face à Zachery Peacock lors de sa dernière saison pro en 2015/16, Claude Marquis a été l’un des meilleurs intérieurs de LNB dos au panier (photo : Vincent Janiaud)

Un intérieur dominant, de petite taille, très trapu, capable d’attirer beaucoup de défenseurs car c’était l’un des rares en mesure de jouer dos au panier à haut-niveau. Dans les prises de position, avec le volume physique, on peut le comparer à Mathias Lessort. Claude, c’était aussi un tir crochet inarrêtable, il était incontrable : quand il engageait dans le milieu sur sa main droite, il était impossible à stopper. Il était capable de jouer sur des bonnes relations high – low : avec Cyril Akpomedah, leur relation était incroyable. Pour moi, en tant que shooteur, jouer avec lui, c’était simple : balle à l’intérieur, s’il n’y a pas d’aide, c’était panier ou lancer-franc et dès qu’il y avait une trappe, il nous ressortait les ballons pour des shoots ouverts tranquilles. Ma grosse saison (en 2004/05), je la dois aussi à des joueurs comme ça ! De plus, c’était un joueur d’équipe, qui sent le jeu, qui pose des super écrans, qui va prendre les rebonds, qui court aussi. Avec sa densité physique, ce n’était pas le plus vertical, il était beaucoup plus dur au sol, mais il pouvait très bien arriver le premier sur contre-attaque.

En revanche, c’était quelqu’un de très émotif non ?

Ah oui, par contre, c’est sûr qu’il avait besoin d’être sur le terrain ! Il ne pouvait pas se contenter d’être joueur de rôle. Il a besoin d’être impliqué à 100%, il vivait très mal le fait de ne pas être sur le terrain, il en avait trop besoin. Il pouvait bougonner s’il n’avait pas les ballons. Il ne supporte pas l’injustice qu’il pense recevoir. Mais il y avait un échange, il était capable de le dire.

Cela a quand même pu lui causer des tours, comme lorsqu’il s’était battu avec K’Zell Wesson en 2002/03, alors qu’il était encore tout jeune…

J’étais là (il rit). Ça avait dérapé mais ce n’était pas à cause du terrain. Il avait beaucoup de respect pour K’Zell qui était devant lui dans la rotation. C’était une histoire à la con dans le vestiaire, ils n’étaient pas d’accord sur la musique et ils en sont venus aux mains ! Je revois encore Claude qui avait son CD dans le creux de la main, qui se protégeait lui et son CD des coups de K’Zell, et qui essayait d’en remettre. Je peux vous dire que personne ne s’est mis entre les deux. Mais sportivement, il y avait un profond respect entre les deux. Claude n’était pas dans une concurrence malsaine : il n’allait pas vous faire de cadeaux sur le terrain, il ne se laissait pas marcher sur les pieds, il allait montrer qu’il était là pour prendre votre place mais il le faisait d’une manière saine. Il n’était pas jaloux de ses coéquipiers. Les gars n’aiment pas défendre contre lui car il suait beaucoup (il rit). Quand le coach sifflait des stops, on lui demandait de sortir du terrain car il y avait une grosse flaque de sueur en-dessous de lui en 30 secondes.

« Cholet, c’est chez lui ! »

L’autre point noir dans sa carrière, c’est l’équipe de France. 36 sélections mais aucune grande compétition internationale, et la blessure EuroBasket 2005 où il a perdu la place qui lui était promise au profil de Jérôme Schmitt…

Entre 2004 et 2008, Claude Marquis a porté à 36 reprises le maillot bleu, soit en match amical, soit en match de qualification (photo : Hervé Bellenger / IS / FFBB)

Il a fait partie de ces joueurs qui ont toujours été là, quand les cadres étaient absents. Il avait bon espoir de faire une grande compétition et il ne l’a jamais fait.  Ça a forcément été un regret pour lui. Il n’a pas réalisé tous ses rêves dans le monde du basket et ça a freiné son évolution. Il a accepté les choix mais il en a été frustré, il a été déçu. C’était un compétiteur : comme tout le monde, il aurait voulu aller plus haut. Il aurait voulu jouer l’EuroLeague (10 matchs avec Cholet en 2010/11, ndlr), il aurait voulu disputer une grande compétition avec l’équipe de France. C’est le genre de chose qui a fait qu’il s’est aussi vite projeté sur son avenir, qui l’a motivé à noyer sa déception dans d’autres projets.

Il a aussi été l’un des premiers à tenter d’autres aventures, comme partir jouer en Iran…

Il n’avait peur de rien. C’était le projet sportif et financier. Il voulait découvrir le monde aussi. À la base, son objectif était de trouver un gros club français mais quand il a vu que c’était un peu barré, il s’est dit : « pourquoi ne pas essayer une autre aventure ? » Cela lui permettait également d’amortir sa fin de carrière. Ça fait partie de son caractère. Ce n’est pas commun de vivre des expériences comme ça : est-ce que d’autres joueurs auraient eu le cran d’aller jusqu’en Iran pour y jouer ? Je ne suis pas sûr.

Quel rapport entretenait-il avec Cholet Basket ?

Il a toujours dit que ce sera toujours son club de cœur. Claude, c’est un Choletais, c’est sa ville d’adoption, c’est chez lui. Quelque part, c’est là où il a grandi. Sa deuxième famille, c’est Cholet.

« Une limousine sur le parvis de la Meilleraie, il n’y avait que lui pour faire ça ! »

Qu’a-t-il fait de son après-carrière ?

Après sa carrière, Claude Marquis est notamment devenu entrepreneur

Il a été entrepreneur, il n’avait pas peur de prendre des risques. Il était très lucide sur son après-carrière, il ne voulait pas y arriver sans avoir rien prévu. Il a lancé une start-up, Asmodine. C’était malin, il a été aidé mais ça s’est nourri de son idée : il s’est rendu compte qu’il y avait de nombreux retours de produits commandés sur Internet car ils n’étaient pas à la bonne taille. Il est entré en contact avec tous les vendeurs pour faire en sorte de créer un standard chez les fabricants pour qu’il n’y ait plus d’erreur. Ça aurait pu vraiment marcher. Malheureusement, il est arrivé en fin de droits et la société n’a pas eu la réussite escomptée. Ça lui a fait une super expérience, ça lui a permis d’aller sur d’autres projets. Récemment, il était commercial dans le Sud pour une société parisienne (ATV systèmes, un fournisseur de biens d’équipement et services pour la formation, ndlr). Ça lui plaisait moyennement, ce n’était pas l’hyper-éclate. Il repartait un peu de zéro, c’était un métier alimentaire.

Mais plus aucun lien avec le basket ?

Il n’était plus du tout impliqué dans le basket, non. Il n’était ni coach, ni joueur. Il ne courait pas trop non plus mais je sais que c’était toujours une brute en salle de muscu (il sourit).

Auriez-vous une dernière anecdote à nous raconter ?

(il réfléchit) Le soir d’un match, il a ramené une limousine sur le parvis de la Meilleraie, juste à la sortie, là où tout le monde pouvait la voir. C’était pour se faire plaisir, faire plaisir à certains amis et ensuite aller sur Nantes. Il avait même fait monter mes parents à l’intérieur. Ça avait fait beaucoup parler à Cholet ! Ça, c’était Claude, la folie de Claude. Il n’y a que lui pour faire ça. Un truc qui m’a toujours amusé aussi, c’est qu’il avait besoin de se sentir rempli au ventre pour jouer. En arrivant à la salle, à 18h / 18h30, il y avait un snack sur le parking et il allait toujours se prendre son sandwich américain avec des frites. Il le mangeait avant le match, ça m’a toujours épaté, je ne sais pas comment il faisait pour courir (il rit).

Commentaires


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macroy
@Bebasket : Merci beaucoup pour cette interview de Cédric.
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coquio86
RIP CLAUDE
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lefree74
" personne ne s'est interposé", tu m'étonnes entre Marquis et Wesson tu regardes et tu attends... Entrevue émouvante, on le savait mais c'était vraiment un bon gars et est devenu a force de travail un très bon basketteurs, dieu le garde.
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