Au bout de l’incompréhension, l’Anadolu Efes Istanbul double champion d’Europe !
À raison, l’EuroLeague est souvent vantée pour sa richesse tactique. Mais sur le coup, même à froid, la dernière option du Real Madrid reste complètement incompréhensible. Avec 17,2 secondes à jouer et 14 secondes sur l’horloge de possession, Pablo Laso a opté pour un choix perdant-perdant : un panier décisif de l’Anadolu Efes ou l’impossibilité de tenter un tir correct. Et forcément, le Real Madrid a perdu. Shane Larkin a raté sa tentative dans le corner et la hargne de Chris Singleton a égréné les derniers instants pour propulser l’Anadolu Efes Istanbul vers un doublé historique (58-57), paradis inexploré depuis l’Olympiakos en 2012 et 2013.
Globalement décevante, certes pimentée par son indécision mais laissant une terrible sensation d’inachevée, cette finale restera uniquement résumée dans les livres d’histoire pour ses 17,2 dernières secondes, cristallisant toutes les incompréhensions. Assis au premier rang de la Stark Arena, entre son père et son agent, Evan Fournier a résumé la perplexité ambiante. « Je n’ai rien compris à cette dernière possession défensive », a tweeté l’arrière français des New York Knicks, venu à Belgrade pour soutenir les six tricolores engagés. « Non mais sérieux, comment tu espères marquer avec 3 secondes sans temps-mort alors qu’il faut prendre un rebond, traverser le terrain et marquer ? Il reste 17 secondes de match, 14 secondes à défendre. Le calcul est simple. »
Le mea-culpa de Laso
Les yeux dans le vague en zone mixte, Guerschon Yabusele a repoussé toutes les critiques. « Un match ne se joue jamais sur le dernier play », soufflait-il. « Il peut se passer tellement de choses. La décision était de défendre et d’essayer de prendre le rebond, il nous restait 3 secondes. Ils ont shooté, ils ont raté et on aurait pu avoir le rebond, c’est juste ça… On a suivi ce qui a été dit. » Dans l’intensité aussi dramatique du moment, il était forcément délicat pour un joueur du Real Madrid d’aller à l’encontre des consignes de Pablo Laso mais seule une rébellion aurait pu éviter aux Merengues de s’en remettre soit à une interception improbable, soit à un tir ave maria. « Tout le monde était un peu dans le truc », admet Vincent Poirier. Le dénouement n’aurait certes pas été automatiquement différent mais leurs chances auraient sûrement été un peu plus élevées. En conférence de presse, le technicien espagnol a esquissé un début de mea-culpa. « Il était difficile de décider ce qu’il fallait faire. Maintenant, oui, on se dit qu’il aurait fallu faire faute. Sauf qu’avec le temps restant, on aurait pu défendre et obtenir la dernière possession mais nous n’avons pas réussi à récupérer un ballon propre et nous n’avons pas pu attaquer. Ils ont intelligemment joué cette derrnière possession et j’ignore ce qu’il se serait passé si on avait fait faute. »
Yabusele pris dans la tenaille turque, dure soirée pour le Real Madrid
(photo : EuroLeague)
Après, Guerschon Yabusele a pointé un élément juste. Le Real Madrid n’a pas complètement perdu sa onzième étoile dans le money-time. Sur les larges épaules d’un Edy Tavares surréaliste dans le premier quart-temps (12 points et 7 rebonds), les Ibériques ont longtemps somblé maîtriser le cours de la rencontre, malgré une maladresse chronique (6/33 à trois points) qui les a empêchés de capitaliser sur leur défense pour s’offrir une avance plus conséquente (40-31, 25e minute). Champion d’Europe en péril, sans ressort derrière le duo Shane Larkin – Vasilije Micic (auteur de 23 des 29 points en première mi-temps), l’Anadolu Efes a été sauvé par un héros inattendu : Tibor Pleiss, redoutable d’efficacité en seconde période (19 points à 7/8, 7 rebonds et 2 contres). « Il a fait un match parfait, une saison parfaite », souligne Ergin Ataman.
Beaubois et Moerman dans l’histoire du basket français
Déjà très précieux la saison dernière dans le sacre de Cologne, le géant allemand ne s’est pourtant pas offert le trophée de MVP du Final Four. Cet honneur est évidemment revenu à Vasilije Micic, enveloppé dans un drapeau serbe, chez lui, à Belgrade. 48 heures après sa flèche assassine au buzzer contre l’Olympiakos, « Vasa » a éclaboussé la finale de son talent (23 points à 8/15, 2 rebonds et 2 passes décisives), lui qui rejoint un cercle très fermé, celui des doubles MVP en compagnie de Dejan Bodiroga, Dimitris Diamantidis et Vassilis Spanoulis. Il y a pire comme compagnie ! « Je n’ai pas de mots sur ce que l’on a accompli, je n’y crois pas », est-il parvenu à articuler, extatique, en conférence de presse, avant de subir la traditionnelle douche des vainqueurs, des mains de ses coéquipiers. « Je suis fier de mes joueurs qui ont écrit l’histoire de notre club, du basket turc et du basket européen », ajoutait ensuite le triomphaliste Ataman, après avoir troqué son costume trempé pour un survêtement aux couleurs de l’Efes. « C’est une grande gloire pour nous ! »
La razzia de Vasilije Micic, chez lui, en Serbie
(photo : EuroLeague)
Historique pour le basket français en raison du fort contingent de tricolores représentés (6, en comptant Thomas Heurtel, écarté par Pablo Laso), cette finale restera surtout inoubliable pour Rodrigue Beaubois (1 rebond en 8 minutes) et Adrien Moerman (6 rebonds en 12 minutes), premiers tricolores à remporter l’EuroLeague deux fois d’affilée. « Un back-to-back, ce n’est pas donné à tout le monde », exultait l’ancien ailier-fort du Limoges CSP, comme d’habitude toujours très responsabilisé en première période par son coach, avant de ne plus voir le terrain par la suite. « La saison n’a pas été facile, on a connu énormément de hauts et de bas mais on a abordé les playoffs avec la bonne mentalité. Quand on gagne comme ça, c’est encore meilleur ! On peut être très fiers. » Face à eux, contrairement à la demi-finale, le trio Causeur – Yabusele – Poirier a vécu un cauchemar. L’arrière breton a brisé l’enchantement de Belgrade par sa pire prestation de la saison (-6 d’évaluation), l’Ours Dansant avait la patte déréglée (3 points à 1/7) tandis que le pivot francilien a pesé (5 points, 4 rebonds, 2 passes décisives et 2 contres en 18 minutes) mais a été ciblé par l’Efes, souffrant ensuite terriblement sur les mismatchs face à la vitesse de Larkin et Micic. Une soirée cauchemardesque pour venir conclure un 21 avril 2022 qui, décidera, ne restera pas marqué d’une pierre blanche par le Real Madrid, toutes sections confondues…
À Belgrade,
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