L’avènement du nouveau chancelier Schröder, élu MVP de la Coupe du Monde
Son t-shirt noir de champion du monde sur le dos et sa médaille d’or autour du cou, Dennis Schröder s’empare de la feuille de statistiques de la finale à l’entrée de la conférence de presse, la froisse et la jette par terre. Les chiffres importent peu dans le sacre planétaire d’un groupe. Et pourtant, il faut toujours un joueur à sortir du lot. Il faut toujours un MVP. Alors cela a évidemment été Dennis Schröder (1,85 m, bientôt 30 ans), auteur d’une performance titanesque (28 points à 9/17, 2 rebonds, 2 passes décisives et 1 interception) contre la Serbie (83-77) en guise de conclusion d’un tournoi remarquable (19,1 points à 44%, 2 rebonds et 6,1 passes décisives). Une récompense individuelle en forme de couronnement d’une carrière sinusoïdale, inconstante, parfois remarquable, souvent critiquée. « Il est temps que Dennis Schröder ait le respect qu’il mérite en Allemagne », a asséné son sélectionneur Gordon Herbert, désireux de mettre en valeur son leader après une question sur… Dirk Nowitzki. « Avec tout mon respect pour lui, Dirk est le passé. Dennis, c’est le présent. Et il a mené cette équipe au titre de champion du monde, ce que personne n’avait jamais fait avant lui. Les gens vont enfin réaliser qui il est et ce qu’il représente pour le basket allemand. Il mérite 100% de respect pour tout ce qu’il a accompli. »
L’homme de confiance de Gordon Herbert
Une trajectoire qui force effectivement le respect, surtout lorsqu’on se rappelle des abysses dans lesquelles Dennis Schröder s’était enfoncé il y a quatre ans, leader inutile d’une Mannschaft 18e de la Coupe du Monde 2019. « Il se croyait venu d’une autre planète, il était présomptueux et même pas 50% aussi bon qu’il ne l’est aujourd’hui », nous disait Martin Fünkele, rédacteur en chef de BIG. En NBA, aussi, sa carrière menaçait de battre de l’aile. Longtemps considéré comme l’avenir des Hawks (2013/18), le zébulon de Braunschweig a commencé à servir de monnaie d’échange, baladé de franchise en franchise au fil des mois : Oklahoma City, Lakers, Houston, Boston, retour aux Lakers, Toronto. La légende raconte même qu’il a refusé une prolongation à 84 millions de dollars à Los Angeles, espérant faire grimper sa valeur, pour finalement s’engager à 5,9 millions chez les Celtics. De quoi devenir une cible constante de moquerie outre-Atlantique.
Dans tout ce marasme, une rencontre a tout changé : l’arrivée de Gordon Herbert à la tête de la sélection allemande. « Il sait comment gérer Dennis, tout en lui laissant une part de liberté, et c’est la clé pour faire fonctionner cette équipe », explique Martin Fünkele. « Dès que j’ai eu le job, j’ai rencontré Dennis et on a parlé pendant 3 ou 4 heures », s’est souvenu le Canadien ce dimanche en conférence de presse, lors de l’un de ses nombreux plaidoyers pour son meneur. « J’ai senti son cœur, son engagement, son implication pour son pays, sa sélection et ses coéquipiers. Et après, on a construit, on a développé une relation et une confiance mutuelle. La meilleure des choses que j’ai faite a été de le nommer capitaine, il en tire tellement de fierté. Je ne trouve pas assez de superlatifs pour Dennis Schröder et sur ce qu’il signifie pour le basket. Il nous a portés, on ne serait pas ici sans lui. »
La réunion d’Okinawa…
Sous les ordres de l’ancien technicien de Paris et Pau-Orthez, le meneur est devenu une figure étalon du basket FIBA, d’abord brillant lors de l’EuroBasket 2022 en étant élu dans le cinq de la compétition (22,1 points à 45%, 2,1 rebonds et 7,1 passes décisives). Un été qui avait déjà marqué une sorte de rédemption après une fin de saison déprimante aux Rockets, à 10,9 points de moyenne, lui qui fut autrefois capable de tourner à 19,4 points à Atlanta. Puis cette Coupe du Monde est venue définitivement entériner son retour au premier plan, à l’issue d’un tournoi qui symbolise parfaitement son irrégularité. En quart de finale, Schröder a livré une performance atroce (9 points à 4/26 et 4 balles perdues pour -10 d’évaluation), proche de plomber à lui seul son équipe face à la Lettonie (+20 pour les Baltes lors de ses 30 minutes passées sur le parquet). Mais dans les coursives de la Mall of Asia Arena, à peine sa disaster-class terminée, il assurait qu’il n’allait pas perdre confiance. « C’est un gamin solide, il rebondira », ajoutait aussi Gordon Herbert. Et il a rebondi. On aurait pu penser que la défense physique des États-Unis allait l’étouffer en demi-finale, il leur a donné la leçon (17 points à 7/13 et 9 passes décisives). Puis sa finale fut d’une justesse folle, la plus aboutie offensivement sur un tel match depuis Kevin Durant en 2010, avec le drive décisif à 21 secondes de la fin pour sécuriser la couronne mondiale.
« Ça a été un long voyage », pouvait savourer celui qui a démarré en sélection lors de l’EuroBasket 2015. « De se retrouver champion du monde après avoir décroché le bronze l’an dernier est incroyable. On finit la compétition à 8-0 alors qu’on a affronté de grosses équipes, c’est à peine croyable. On a écrit l’histoire. » À ses côtés sur l’estrade, entre deux blagues douteuses sur la qualité de la bière philippine ou sa sieste entravée par un texto du chancelier Olaf Scholz, Gordon Herbert ne pouvait qu’acquiescer, avant de reprendre le micro pour souligner à quel point Schröder était un « vrai leader ». Un exemple ? « À Okinawa, nous avons tenu une réunion », raconte le MVP. « Le coach a demandé à tous les joueurs ce que l’on voulait accomplir. Tout le monde a répondu : gagner une médaille. Il est venu vers moi en dernier et m’a demandé quel était mon objectif. J’ai répondu : la médaille d’or. » Ce que personne n’avait jamais fait en Allemagne, pas même l’icône Dirk Nowitzki. Dennis Schröder est le capitaine de la première équipe allemande championne du monde dans l’histoire. Il est le MVP de la Coupe du Monde. Schröder est le nouveau chancelier.
À Manille,
Commentaires