Javier Beiran, « c’est la classe » : un champion du monde pour guider Saint-Quentin vers l’élite
C’est pratique une interview avec Javier Beiran. Lorsqu’on lui demande s’il a l’impression de déjà jouir d’un vrai respect en Pro B eu égard à son CV un peu particulier pour la division, l’Espagnol répond, un peu gêné. « Je ne sais pas trop si l’on me connait vraiment ici, je n’ai aucune idée de si les arbitres savent qui je suis. » Et puis comme si tout avait été scénarisé, les trois officiels de la rencontre Saint-Quentin – Orléans de mardi dernier sortent de leur vestiaire et passent devant nous. Michael Milliot s’arrête : ‘ »Vous avez très bien joué, je ne vous connaissais pas, vous venez d’où ? C’est agréable de vous arbitrer, vous souriez en permanence. » « Parfois, je parle trop aux arbitres », a répondu celui qui sera bientôt bien connu de toute la Pro B s’il continue sur ce rythme-là. Certes, l’ailier madrilène ne tournera pas à 15 points de moyenne avec le SQBB, peut-être même pas à 10 points. Mais il bonifie de manière remarquable le jeu axonais, à l’image de sa dernière prestation réussie à Saint-Vallier samedi (11 points, 6 rebonds et 6 passes décisives), dans une sorte de revival du Clasico version minimes, entre lui, l’enfant du Real Madrid, et Xavi Forcada, produit du FC Barcelone. « On sent toute son expérience et sa compréhension du jeu », souligne Loic Schwartz. « Il nous apporte beaucoup en terme de maturité, ce qui nous a parfois manqué sur certains matchs serrés. »
La première fois qu’il se strappe tout seul
Logique tant Javier Beiran (2,00 m, 35 ans) a évolué à des sphères bien plus élevées qu’une simple rencontre de deuxième division dans l’antre du SVBD. À son actif figurent 401 matchs de Liga Endesa, une sélection dans le deuxième meilleur cinq de la saison (en 2018/19, avec notamment Thomas Heurtel et Vincent Poirier), deux finales de Champions League (dont un titre en 2017), une Coupe Intercontinentale 2017 et surtout un trophée de champion du monde, pour sublimer ses 28 sélections avec la Roja, certes décroché au bout du banc de Sergio Scariolo (quatre apparitions sur la compétition). Alors que fait un tel CV en Pro B ? Le néo-picard a toujours eu envie de s’expatrier mais n’avait encore jamais eu l’opportunité adéquate, ou du moins une perspective équivalente à ce qu’il connaissait chez des grosses équipes d’ACB, présent avec Gran Canaria et Tenerife de 2010 à 2021. Mais la porte s’est ouverte cet hiver. À 35 ans, c’était un peu maintenant ou jamais, surtout avec une dernière expérience à Fuenlabrada écourtée par une blessure à la cheville. L’international ibérique a reçu des propositions en Allemagne et en Islande, mais a finalement été convaincu par l’offre du SQBB. « La Pro B m’avait l’air d’être le championnat le plus professionnel », raconte le remplaçant de Jérémy Nzeulie. « C’est une ligue physique donc j’avais l’impression qu’il faudrait que je sois à mon meilleur niveau pour bien figurer. Je me suis renseigné auprès de Marco Suka-Umu (Lille) et Xavi Forcada. Xavi m’a dit que Saint-Quentin serait parfait pour moi car ils jouent un basket intelligent. Et quand j’ai parlé avec le coach, j’ai vu qu’il connaissait mon style de jeu, ce qui est très important pour moi car je joue pour le collectif, ce qui n’est pas toujours le cas. »
De fait, Javier Beiran découvre un nouveau monde. Pour quelqu’un qui a passé plus d’une décennie aux Canaries, une arrivée hivernale en Picardie a de quoi désarçonner. « Ce n’est pas simple d’être loin de son pays », glisse-t-il. « La météo est différente, le rythme de vie ou la nourriture aussi. Mais les gens m’aident beaucoup, surtout le président, ce qui rend les choses plus faciles. » Et il y a tous les à-côtés… Pour la première fois de sa carrière, le vice-champion d’Europe espoirs 2007 doit se strapper tout seul. Avec l’Estudiantes Madrid, il a évolué toute la saison dernière dans le somptueux WiZink Center, l’antre du Real, et doit désormais se contenter du Palais des Sports Pierre Ratte, inauguré en 1972. « Ça me rappelle l’ancienne salle de Gran Canaria », en sourit-il. « Elle était aussi petite, mais très difficile à prendre pour les adversaires avec une grosse ambiance. » Même si Julien Mahé était presque penaud au moment de lui faire découvrir le vestiaire du SQBB, en comparaison avec les infrastructures madrilènes…
« Quand on a sa carrière, arriver avec une telle humilité… »
Toujours est-il que le principal intéressé ne s’en formalise pas, et vit cette transition avec une incroyable fraîcheur. « Quand on a sa carrière, arriver avec une telle humilité… », souffle son nouvel entraîneur. « On avait eu de très bons renseignements sur l’homme mais cela va au-delà de nos espérances ! Il faut voir ce qu’il montre tous les jours au travail à l’entraînement et les conseils qu’il prodigue à ses coéquipiers. Franchement, moi, je suis fan. C’est la classe ! » En effet, mardi, on l’a vu passer son match contre Orléans à discuter avec les siens, conseillant Lucas Boucaud avant leur première entrée en jeu commune ou dirigeant plusieurs huddles du SQBB. « Il communique énormément », confirme Loic Schwartz. « Quand on va dérouler un système, il va trouver la petite faille adverse, nous dire qu’on peut faire telle ou telle chose en plus. »
La remarquable saga de Saint-Quentin : le SQBB peut-il aller au bout ?
Outre de simples conseils, Javi Beiran se distingue également par son QI basket, qui vient magnifier le jeu collectif déjà remarquable du SQBB. « Vraiment, c’est une plus-value énorme sur le terrain pour nous », insiste Julien Mahé. « Au fur et à mesure des matchs, on arrive de mieux en mieux à se servir de lui. » Soit presque la recrue idéale pour tenter de concurrencer l’Élan Chalon jusqu’au bout. « On a une vraie chance de monter », assurait l’Espagnol mardi, quatre jours avant que Saint-Quentin ne réalise le break, lui qui est encore invaincu après quatre rencontres de Pro B. « On a zéro pression mais on va se battre jusqu’à la fin pour garder la première place, et sinon il y aura les playoffs. Aider ce club à atteindre la Betclic ÉLITE est un gros défi pour moi. On se passe très bien le ballon, on a l’un des meilleurs collectifs du championnat, l’une des meilleures défenses aussi. Là-dedans, je vais tenter d’apporter mon expérience, plein de petites choses supplémentaires, jouer pour les joueurs en feu comme je l’ai toujours fait dans ma carrière. » Pour qu’au bout, on ne parle pas seulement de lui comme d’un champion du monde mais aussi comme d’un champion de France Pro B. Cela ne brillera évidemment pas aussi fort, mais un peu quand même…
À Saint-Quentin,
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