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Ekene Ibekwe, 24 équipes en 13 ans, symbole de l’instabilité du basket moderne : « La responsabilité en revient aux clubs »

Quand il raccrochera les baskets, Ekenechukwu Ibekwe (2,06 m, 34 ans) aura de multiples souvenirs à raconter. Nul doute que son fils et le reste de sa descendance connaîtront par cœur les anecdotes marquantes de son parcours : la fois où il a inscrit un tir au buzzer pour le titre, la fois où il a dû fuir le Liban à cause d’une révolution, la fois où il est sorti sous les vivats du Colisée après une bataille homérique contre Matt Howard et les intérieurs de la SIG en finale de Pro A…

Pourtant apprécié partout où il est passé, de Chalon-sur-Saône à la Nouvelle-Zélande, de Porto-Rico à l’Iran et de Besançon à la Russie, le natif de Los Angeles n’a réussi à s’établir nulle part. Tout juste compte-t-on une prolongation de contrat signée avec le club allemand de Bayreuth à l’été 2011. 49 rencontres disputées en faveur de l’équipe bavaroise, un record personnel. Une itinérance que l’international nigérian n’a pas choisi, si l’on se fie aux propos qu’il nous a tenus tard le jeudi 6 février au soir dans la salle de dîner d’un hôtel de Bourg-en-Bresse après une longue journée de voyage : départ à 6h du matin heure française de Bandirma, quatre heures de bus jusqu’à Istanbul, trois heures de vol jusqu’à Lyon et encore 70 kilomètres de route pour arriver sur les coups de 19h dans la préfecture de l’Ain. Certes finalement rien de trop inhabituel pour le globe-trotter Ekene Ibekwe.

Au-delà de son strict cas personnel, l’ancien lycéen de Carson (Californie) représente une part non négligeable des joueurs professionnels en activité, impopulaire malgré elle. Impopulaire, sans parler d’affection, auprès des jeunes universitaires de NCAA qui ne réfléchissent qu’à travers le prisme de la NBA et ne s’imaginent pas écumer des championnat de troisième zone pour continuer à faire carrière. Et impopulaire auprès des supporters européens qui se lassent de voir défiler dix nouvelles têtes chaque saison dans leur équipe. N’a t-on pas loué la fidélité d’un Tim Blue ou d’un David Holston pour mieux imputer, par exemple, les difficultés récentes de Cholet Basket à la valse des joueurs étrangers à la Meilleraie ? Dans les commentaires de BeBasket, sur les réseaux sociaux des clubs concernés, c’est généralement sur eux que les reproches se concentrent quand la situation se tend. Ces joueurs allégrement qualifiés de « mercenaires », que les difficultés ne toucheraient pas, car ils penseraient déjà à leur prochain contrat loin d’ici. En bon porte-parole, le remplaçant médical de Nicolas de Jong à Pau-Lacq-Orthez (9,3 points à 40%, 6,4 rebonds et 1 contre pour 10,8 d’évaluation en 12 matchs de Jeep ÉLITE) s’est attaché à démentir ces idées toutes faites et à apporter sa version de l’histoire. Celle d’un joueur s’étant engagé pour 27 équipes, si l’on compte les trois (Galil Gilboa, Antalya et Melbourne) avec qui il n’a jamais disputé un match officiel.

Ekene Ibekwe le dit lui-même, son rêve était de jouer en NBA ou, à défaut, pouvoir s’implanter durablement dans une équipe à l’étranger. Ce ne fut pas possible en raison, selon lui, de la politique court-termiste des clubs. Mais cela n’a pas altéré sa volonté de témoigner de son professionnalisme, de son implication et de sa combativité sur les parquets des quatre coins du monde au fil des saisons. Ce nomadisme est presque aussi un mal pour un bien. Alors qu’il arrive à l’âge où l’on peut légitimement commencer à penser à sa reconversion, l’intérieur béarnais l’avoue, sourire carnassier aux lèvres : il se verrait bien pousser le plaisir jusqu’à ses 40 ans. De quoi continuer à agrandir sa collection de pays, de clubs, de trophées et de souvenirs.

Son parcours :

  • 2003/07: Maryland Terrapins (NCAA).
  • 2007/08 : Hapoel Gilboa Afula (Israël) puis Besançon (Pro B).
  • 2008/09 : Selçuk Konya (Turquie) puis Gigantes de Carolina (Porto-Rico).
  • 2009/10 : Petrochimi Bandar (Iran) puis Banvit (Turquie).
  • 2010/11 : Artland Dragons (Allemagne), Ironi Ashkelon (Israël) puis Bayreuth (Allemagne).
  • 2011/12 : Bayreuth (Allemagne).
  • 2012/13 : Lagun Aro San Sebastian (Espagne).
  • 2013/14 : N’a pas joué.
  • 2014/15 : New Zealand Breakers (Nouvelle-Zélande) puis Atenienses de Manati (Porto-Rico).
  • 2015/16 : Giessen (Allemagne), Krasny Oktabyr (Russie) puis Sagesse Beyrouth (Liban).
  • 2016/17 : CEZ Nymburk (République tchèque), Francfort (Allemagne), Usak (Turquie) puis Élan Chalon.
  • 2017/18 : Oettinger (Allemagne) puis Châlons-Reims.
  • 2018/19 : Levallois Metropolitans.
  • 2019/20 : Sporting Al Riyadi Beyrouth (Liban) puis Élan Béarnais.

Ekene, en treize ans de carrière, vous avez évolué dans 11 pays différents et défendu les couleurs de 24 clubs différents. Quel regard portez-vous sur ce parcours ?

Il y a plusieurs choses importantes. La première, c’est que cela m’a permis de jouer au basket. La deuxième, voyager à travers le monde. D’où je viens, en Californie, les gens n’ont pas vraiment cette chance et j’ai pourtant pu découvrir énormément de pays et de cultures différentes grâce au basket. Je peux dire que je suis un citoyen du monde maintenant.

De fait, avec 11 pays différents aux quatre coins du monde, on peut vous qualifier de véritable journeyman. Mais pour les jeunes basketteurs américains en NCAA, cela représente la face obscure d’une carrière professionnelle car ils ne pensent plus ou moins qu’à la NBA…

(il coupe) Oui…

Et pour les supporters en Europe, vous ne représentez pas le profil de joueur le plus apprécié. On entend de plus en plus de choses négatives concernant cette instabilité permanente, qui entraînerait une perte d’identité des clubs. Le terme de « mercenaire » revient également souvent pour qualifier les joueurs ayant un parcours similaire au vôtre. Qu’en pensez-vous ?

D’accord, mais est-ce que les clubs font des efforts pour garder leurs joueurs ? Non, la plupart changent sans arrêt. Nous, les joueurs, sommes critiqués mais c’est aux clubs que revient la responsabilité de nous proposer des contrats décents et de nous faire signer sur plusieurs années. Souvent, ce n’est pas le cas car ils trouveront toujours un autre joueur qui leur plait plus. Ou alors un joueur similaire pour moins cher. C’est un business, c’est la réalité. Quant à l’emploi du terme « mercenaire »… Dans la vie, chaque individu est payé pour effectuer une chose qu’il fait bien non ? Peut-être que les supporters ne perçoivent pas réellement ce qui se passe. Ce n’est pas toujours de la faute des joueurs. Si on leur propose de rester, c’est bien souvent ce qu’ils feront. À condition d’apprécier l’endroit évidemment.

« Quand cela va mal, c’est aux joueurs étrangers
que l’on fait porter la responsabilité de la situation »

J’allais effectivement aborder ensuite la responsabilité des clubs. Il est compliqué de construire quelque chose dans la durée en changeant son effectif à plus de 70%. Si l’on prend un cas qui vous concerne : Chalon, champion en 2017, a failli descendre en Pro B un an plus tard…

(il sourit) C’est l’exemple type pour illustrer mes propos en effet. Tu peux penser que le club te fera revenir car tu n’entends que des éloges à ton égard, les supporters t’apprécient, etc. Mais c’est un business et les GM doivent finalement prendre des décisions économiques. Il n’y a rien de personnel là-dedans.

Si l’on parle de votre situation précisément : l’Élan Béarnais représente le 24e club de votre carrière. Combien vous ont proposé de rester plus longtemps jusque-là ?

J’en ai eu deux en tout. Une en Allemagne, que j’ai accepté, à Bayreuth (en 2011). Et une en Nouvelle-Zélande, que j’ai refusé.

Néanmoins, c’est vers vous que les regards se tournent majoritairement quand la situation se dégrade. On entend souvent que tel joueur n’en a rien à faire si son club descend car il ne sera plus là la saison prochaine, qu’il pense déjà à son futur contrat, etc…

Je ne crois pas que cela soit vrai. En revanche, parfois, les gens n’ont pas une vue d’ensemble de la situation et n’en voient qu’un petit aspect. Néanmoins, quand cela tourne mal, c’est toujours sur les joueurs étrangers que les reproches se concentrent, c’est à eux que l’on fait porter la responsabilité de la situation. C’est une réalité et je peux vous le dire : je l’ai vu pendant mes treize ans de carrière. Pourtant, c’est un sport collectif. Mais nous l’acceptons car nous avons l’impression d’être plus talentueux. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut que se concentrer sur un, deux ou trois joueurs quand c’est l’équipe dans son ensemble qui a de mauvais résultats.

J’imagine que cette situation est bizarre pour un jeune joueur étranger. En NCAA, c’est un processus de développement à long-terme, on reste quatre ans dans la même université afin de construire quelque chose sur la durée. Et en Europe, cela change immédiatement.

(il acquiesce) Tout à fait, c’est complément différent mais on s’y habitue au bout d’un certain temps. L’idéal est d’avoir une carrière NBA. Si ce n’est pas possible, alors, trouver un endroit à l’étranger, en Europe ou ailleurs, où l’on se sent à l’aise pour y passer quelques saisons afin d’avoir plus de sécurité. Et si l’on ne trouve toujours pas cela, il faut juste continuer à se battre.

« Bien sûr qu’il est possible de s’attacher émotionnellement à un club »

Quand avez-vous compris que ce serait le cas pour vous ?

Cela m’a pris du temps. Bien sûr, j’aurais aimé connaître plus de stabilité. Mais honnêtement, je crois que c’est aussi grâce à cela que je joue encore. Il y a cette petite voix dans la tête qui te pousse à toujours prouver ta valeur, où que tu sois. Ne jamais avoir pu m’installer confortablement dans un club est la raison de ma longévité.

Du coup, sur quels critères choisissez-vous votre futur club en général ?

C’est une combinaison de plusieurs choses mais j’en citerai quatre majeures : la localisation géographique, la qualité de l’équipe, le salaire et l’historique du club. Ce dernier critère vient de plus en plus avec l’âge : plus tu vieillis, plus tu as envie d’être dans une situation optimale pour gagner.


Le 5 février 2020, l’intérieur palois retrouvait l’un de ses anciens clubs en BCL, Banvit
(photo : FIBA)

Ce nomadisme peut-il aussi être une façon de progresser rapidement en un sens ? Vous avez pu découvrir beaucoup de styles de jeu différents, côtoyer de multiples coachs et coéquipiers…

C’est vrai. Personnellement, j’ai le sentiment d’être encore en train de m’améliorer et pourtant, cela fait treize ans que je suis professionnel. Je suis plus intelligent, plus adroit, meilleur dans tous les aspects du jeu.

Avec ce type de carrière, pouvez-vous vous sentir émotionnellement attaché à un club ?

Oui, bien sûr ! Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu : les coéquipiers, l’alchimie collective, la relation avec le coach, l’endroit où vous vivez, les supporters… Mais oui, c’est vraiment possible de s’attacher à un club.

« Quand un joueur change d’équipe régulièrement, c’est trop facile de se dire que c’est parce qu’il n’est pas bon ou qu’il a une attitude néfaste »

Comme ce qui s’est passé avec Chalon en 2017 ? L’Élan était votre quatrième club de la saison, ce qui est plutôt inhabituel. Et pourtant, vous avez presque été le cœur et l’âme de l’équipe en playoffs…

C’est inhabituel mais ça arrive. Ce qu’il faut absolument dire au grand public, c’est que les gens voient que vous jouez pour trois ou quatre équipes dans une seule saison et que les seules raisons auxquelles ils peuvent penser, c’est que vous êtes un mauvais joueur ou un mauvais coéquipier. Cela n’a jamais été le cas pour moi mais plusieurs cas de figure peuvent arriver dans une carrière. Par exemple, j’ai demandé à quitter Melbourne car la mère de mon enfant était sur le point d’accoucher en Europe. Ou pour Chalon, ma saison en Turquie se terminait et l’Élan m’a demandé de venir pour les aider à gagner le titre. Tout ce que les gens se disent, c’est : « Oh, ce n’est pas bien, il était sûrement mauvais, il fout le bazar dans un vestiaire, il ne peut pas rester à un seul endroit. » Ils ne veulent pas voir au-delà de ça. Cependant, parfois, il y a des situations uniques, particulières, qui entrent en jeu. On peut se demander pourquoi changer autant d’équipes et c’est trop facile de se dire automatiquement, sans se renseigner, que le joueur n’est pas bon ou a une attitude néfaste. Et pour reprendre mon exemple, je suis le mec le plus cool que vous pouvez rencontrer (il rit).

Justement, n’est-ce pas trop difficile de concilier cette vie de globe-trotter avec une vie de famille et votre rôle de père ?

Oui, ce n’est pas la partie la plus facile. Mon fils va à l’école en Allemagne, là où sa mère travaille. Mais quand je dis que j’ai accepté tous les aspects de ma carrière, cela en fait partie. Je suis le père le plus actif à distance (il sourit). Je l’appelle en permanence sur FaceTime, etc. On a un break qui arrive bientôt donc je vais pouvoir aller le voir. C’est la vie qu’on m’a donné, j’en suis heureux et je ne la changerai pour rien au monde.

Les souvenirs d’Ekene Ibekwe…

Israël, un rookie pas en sécurité…

« Tout le monde rêve de la NBA. De fait, lorsque j’étais encore à l’université avec Maryland, je n’avais pas vraiment idée de ce que pouvait représenter une carrière à l’étranger. Donc quand je suis arrivé en Israël pour mon premier contrat professionnel, tout était différent. Il a fallu s’adapter mais c’est quelque chose que j’ai toujours su faire. Par exemple, j’avais déjà dû passer de la côte Ouest à la côte Est des États-Unis pour pouvoir évoluer en NCAA. Alors, je savais que je pourrais m’en sortir à l’étranger. D’un point de vue sportif, ce qui m’a rapidement marqué en Israël, c’est que je me suis rendu compte que le basket n’est pas le même partout. Tu pourrais penser que tu es au dessus des autres joueurs puisqu’un club te fait venir spécialement des États-Unis afin de jouer pour eux mais la notion de collectif est mise en avant en Europe, c’est avant tout un sport d’équipe. Cependant, je me suis retrouvé pris dans une altercation avec un local. Je n’étais pas protégé par mon club donc j’ai senti que la meilleure chose à faire était de partir. Ce n’était rien de fou mais le fait que je me trouvais dans un pays que je ne connaissais pas a rendu la situation totalement différente. J’étais en Israël avant tout pour jouer au basket mais je ne me sentais plus en sécurité. »

 Champion de France Pro B 2008 avec Besançon, une première ligne au palmarès

« Besançon fut ma première rencontre avec la culture française. J’ai dû commencer à apprendre un peu la langue là-bas. C’était bien, j’ai apprécié mes quelques mois passés là-bas ! On a effectué des playoffs fantastiques en allant chercher le titre malgré la huitième place en saison régulière. C’était il y a longtemps maintenant mais je me rappelle du coach Sylvain (Lautié), d’Antwon Hoard, Terrance Johnson, Simon Darnauzan, Eric Schmieder… Je dois être le dernier à encore jouer, peut-être avec un ou deux jeunes de l’époque (Florian Thibedore, 17 ans en 2008, évolue à Quimper, Anthony Christophe reste international français de 3×3, tandis qu’Adam Waleskowski défend les couleurs de Francfort à 37 ans, ndlr). Remporter ce titre était une très belle façon de clôturer ma saison rookie, c’est toujours bon d’avoir des trophées à son actif. »

Le BBCD sacré en 2008, déjà presque un autre temps…
(photo : LNB / IS / Bellenger)

 

Liban, le coup de foudre avant l’exode forcé par la révolution

« C’est un endroit merveilleux : on vit au bord de l’eau, la nourriture est excellente, c’est beaucoup plus relax qu’en Europe. J’ai l’impression que les gens sont toujours plus détendus au bord de la mer. Du moins, c’est le cas pour moi qui viens de Los Angeles (il rit).  Je vivais à Beyrouth les deux fois où j’y ai joué, pour Sagesse (en 2016) et Al Riyadi (en 2019). Cette saison, j’y ai notamment disputé la Coupe des champions d’Asie en Thaïlande. Nous avons réussi à aller jusqu’en finale, contre Tokyo, mais sans pouvoir la gagner. C’était une super expérience et je me sentais très bien dans l’équipe, j’avais un bon niveau de jeu. Ensuite, le championnat libanais a malheureusement été annulé puisqu’une révolution est en cours dans le pays. Du coup, tous les joueurs ont été contraints de partir. Je ne me sentais pas en danger car les gens n’étaient évidemment pas contre nous. Le peuple se soulève contre son gouvernement, contre la corruption et j’admire vraiment leur courage de se battre pour ce qui leur semble être une cause juste. Si je n’avais pas été forcé de partir, je serais encore en train d’y jouer car c’est vraiment un endroit que j’apprécie. »

Et si les Blazers avaient appelé plus tôt ?

« En Summer League, tout le monde est là pour se montrer, c’est comme un entretien d’embauche face aux 30 équipe (Ibekwe y a pris part à quatre reprises : avec Phoenix en 2008, Toronto en 2009 puis Portland en 2010 et 2012, ndlr). C’était une façon de poursuivre mon rêve NBA. J’aurais même pu participer au camp d’entraînement de Portland. J’avais signé un contrat garanti en Allemagne du côté d’Artland, avec une clause NBA, mais celle-ci était malheureusement expirée quand les Blazers m’ont appelé pour me faire venir. Avec Portland, j’ai pu côtoyer Damian Lillard lors d’un été (en 2012). Il était assez méconnu mais il a terminé MVP de la Summer League. Il était absolument incroyable sur le terrain, c’est vraiment un assassin. J’ai aussi joué avec DeMar DeRozan mais je le connaissais depuis le lycée. Je savais depuis longtemps qu’il allait être spécial. »

La Nouvelle-Zélande, le shoot d’une vie

« Là-bas, c’est le plus gros shoot de ma carrière, tout simplement. Le coach a dessiné l’action pour moi en a gagné un titre avec ce tir (2-0 en finale du championnat d’Australie contre les Cairns Taipans de Scottie Wilbekin, son équipe des New Zealand Breakers étant la seule néo-zélandaise intégrée en NBL, ndlr). C’était un sentiment indescriptible, incroyable, un souvenir que je n’oublierai jamais.

Je jouais pour une institution magnifique, les New Zealand Breakers, et c’était une superbe façon de revenir à la compétition après une saison blanche passée à soigner une blessure au pied contractée en Espagne. Je ne suis jamais retourné à Auckland mais on m’a dit que je pourrais manger gratuitement n’importe où, boire gratuitement, faire tout ce que je veux gratuitement (il rit). Si mon buzzer beater était mieux que celui de Jérémy Nzeulie contre Strasbourg ? Bien sûr, le mien était directement pour le titre (il éclate de rire). Quoique s’il n’avait pas marqué, qui sait… Son tir était énorme aussi. En dehors du basket, la Nouvelle-Zélande est l’un des plus beaux pays que je n’ai jamais vu. Et j’en ai déjà visité pas mal du coup ! Il y a plein de choses à faire, énormément d’activités extérieures, des plages paradisiaques. Je recommanderais à n’importe qui d’y aller en vacances. »


Ekene Ibekwe, version « The Last Shot »
(photo : Lacey Lowdown)

Chalon, parenthèse enchantée

« Mon passage à Chalon est un très grand souvenir. Le Colisée fait partie des salles les plus chaudes de France, l’équipe était constituée de super mecs, cela reste l’un des meilleurs groupes de ma carrière. Il me semble que l’ASVEL a éliminé Monaco avant de se faire sortir par Strasbourg, ce qui nous a facilité la tâche en playoffs car il s’agissait de deux très grosses équipes. La finale contre la SIG fut un énorme combat et je suis heureux d’avoir pu partie de cette aventure. Jean-Denys est un entraîneur avec beaucoup de charisme (il rit). C’est le premier coach motard que je vois. Il a dit qu’il pensait que Chalon n’aurait pas été champion sans moi ? (je pense que sans Ekene, nous n’aurions pas été champions. Non seulement de par sa présence défensive. Mais aussi de par quelques paniers à 3-points sur les playoffs et la fin de la saison. ») Cela me fait plaisir. En arrivant, je me suis rapidement rendu compte que l’équipe était extrêmement talentueuse alors je me suis appliqué à combler les quelques failles et à apporter l’état d’esprit qu’il fallait. »

Sur la plus grande scène mondiale avec la sélection nigériane

« Défendre les couleurs du Nigéria est un honneur. Je porte avec une immense fierté ce maillot avec mon nom dans le dos et le nom de mon pays devant. Petit, je n’aurais jamais pensé être en mesure de le faire pendant plus de dix ans. Je sais que mes grands-parents seraient très fiers de moi. J’ai pu participer à une Coupe du Monde et à deux tournois olympiques, évoluer à ce niveau représente le sommet de ma carrière. Cela m’a permis de me confronter aux meilleurs joueurs du monde. Lors de la Coupe du Monde 2006, j’ai compilé 22 points, 10 rebonds et 3 contres face à Dirk Nowitzki, en plus d’une grosse défense sur lui. J’avais 21 ans et cela reste l’un des meilleurs matchs de ma carrière. Vu le niveau du tournoi, cela a montré au monde du basket ce que je pouvais faire sur un terrain. Les 37 points en 14 minutes de Carmelo Anthony lors des JO 2012 ? (il rit) Oui, j’ai aussi vu ça. C’était insensé… »


Ekene Ibekwe a terminé meilleur contreur des JO 2016 devant Pau Gasol et Rudy Gobert
(photo : FIBA)

Et ailleurs…

Turquie : « Après Besançon (soit en 2008/09), j’ai signé avec Selçuk, une équipe de Konya. C’est l’une des plus grandes villes de Turquie, en plein milieu des terres, très religieuse. Là-bas, j’ai rencontré certaines des personnes les plus gentilles et paisibles de toute ma vie. J’y ai effectué l’une de mes meilleures saisons, j’ai été sélectionné pour le All-Star Game et élu dans le meilleur cinq du championnat. Je me suis fait un nom en Europe à ce moment-là. Je suis retourné en Turquie un peu plus tard avec Banvit (en 2010), où je n’évoluais qu’avec l’équipe réserve car je revenais de blessure, puis Usak (en 2017). Entre-temps, le championnat turc s’est considérablement amélioré. Il y avait plus de talent chez les joueurs locaux, plus d’impact physique dans le jeu.»

Porto-Rico : « Cela a un côté relax de jouer là-bas, en plein milieu de l’été. Mais surtout, le championnat est de qualité et vraiment excitant. Il y a un côté similaire à la NBA en terme de vitesse de jeu et de densité athlétique. Aller à Porto-Rico après une saison en Europe est toujours une bonne idée pour des joueurs comme moi. »

Iran : « J’y suis resté à peu près un mois. Tout était si différent : la vie est beaucoup plus lente, il y a des règles strictes qui empêchent de faire un certain nombre de choses… J’étais dans une ville nommée Petrochimi (Bandar-e Mahshahr en réalité, Petrochimi étant le nom du club, ndlr), j’ai été frappé par l’impression d’isolement. Aller en Iran représentait une belle opportunité. Au final, le championnat était d’un niveau correct, semblable au Liban par exemple. »

Allemagne : « Au fur et à mesure de mes expériences en BBL, j’ai pu montrer ce que je valais et bien pu gagner ma vie aussi. Surtout, j’ai pu m’habituer assez rapidement à la vie allemande car j’ai de la famille là-bas. Cela ressemble à la France dans un sens, il y a beaucoup de similarités mais je dirais qu’il y a plus d’Allemands qui parlent anglais. »

Espagne : « Tout tourne autour de la rentabilité en Liga Endesa. Il faut être capable de produire en peu de temps. Cela convient à certains joueurs, moins à d’autres. Je n’ai pas réalisé une bonne saison car j’ai joué blessé au pied une bonne partie de l’année. C’était très dur. Je ne savais pas à quel point c’était sérieux. Dès que je l’ai appris, j’ai décidé de prendre mon temps pour revenir et j’ai manqué toute la saison 2014/15. »

Russie : « J’ai passé quatre mois à Volgograd. C’était l’occasion de découvrir la VTB League, d’affronter des équipes de très haut niveau comme le CSKA Moscou, le Lokomotiv Kuban, le Khimki Moscou… C’était une excellente expérience et j’ai terminé avec la meilleure évaluation du championnat (3e en réalité, derrière Jajuan Johnson et Shawn King, ndlr). Mais par contre, je n’ai jamais eu aussi froid de toute ma vie (il rit). »

République tchèque : « Je n’y suis pas resté longtemps. Ce n’était pas une situation qui me convenait. Je ne dirais pas que c’était une expérience négative mais ce n’était pas une association idéale entre Nymburk et moi. »

France : « Je pense que les caractéristiques de la Jeep ÉLITE correspondent parfaitement à mon style de jeu. Quelques mois après le titre avec Chalon, Châlons-Reims représentait l’occasion de revenir en France, de vraiment m’habituer au championnat de France et c’est pour cela que j’ai ensuite pu signer avec Levallois. Et jusque-là, je pense que nous sommes en progrès avec Pau cette saison. Il y a eu des blessures, des embûches en cours de route mais on revient progressivement là où nous sommes censés être (entretien réalisé avant les défaites contre Bourg-en-Bresse et Dijon, ndlr). Je crois que nous sommes sur la bonne voie mais nous savons que ce sera compliqué d’aller en playoffs. C’est maintenant que le déclic doit réellement se produire. »


Au final, une jolie collection de maillots pour Ibekwe, ici avec celui du Sporting Al Riyadi Beyrouth
(photo : FIBA)

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