Vincent Collet : « Mon plus grand moment en équipe de France »
Vincent Collet dans les bras de Jacky Commères après la victoire de la France contre l’Allemagne.
Vincent, on imagine que c’est un grand bonheur pour vous…
D’abord le bonheur. Je pense que le bonheur dépasse de beaucoup la fierté. La fierté, elle va venir quand on va réfléchir un peu. La première émotion, c’est le bonheur, tout simplement.
Mesurez-vous le chemin parcouru depuis le premier match contre l’Allemagne (défaite 71-85) ?
Oui, c’était il y a six jours. Je mesure le chemin parcouru depuis ce premier match, mais depuis le début de la prépa. Comme quoi il faut croire que ce qu’on avait semé dans le début de prépa a finalement fait des petits. Mais il fallait un électrochoc, je pense que c’est l’entrée dans les matchs couperets. Et peut-être aussi justement l’ampleur de la défaite contre l’Allemagne vendredi dernier, qui nous avait touchés. Je pensais vraiment qu’après le Japon, on allait monter en puissance contre les Allemands, mais on n’était toujours pas au rendez-vous, à l’intensité de ce qu’il fallait mettre pour ce match-là. Je pense que le dernier match de poule a été très salvateur, on a senti à partir de dimanche, aux entraînements, que quelque chose était en train de changer.
« L’Allemagne a sous-estimé notre cœur et notre envie ! »
Parlez-nous des coups tactiques mis en place sur cette demi-finale…
On n’a pas tant changé que ça de défenses. On n’a pas fait de zone, juste contre les remises en jeu ligne de fond. Surtout, on a élevé le niveau d’agressivité sur les pick. Autant on avait défendu en reculant au premier match contre Schröder et Wagner, autant là, on ne les a jamais laissé – hormis quelques fois en début de match – s’exprimer. Ce soir, on a fait du flat hedge sur les pick, je crois que c’est très parlant. Flat, ça veut dire en plat, et edge, ça veut dire sortir. Donc ça veut dire qu’on ne sort pas complètement, mais qu’on n’est pas complètement à plat non plus, en gros. Et puis on a beaucoup switché aussi, et surtout aussi ce qui était important, ce sont ceux qui ne défendaient pas sur la base, c’est-à-dire beaucoup d’aides positionnelles, un peu à l’image de ce que font les Allemands d’ailleurs.
Bien sûr c’est important, il faut que le match soit préparé, mais surtout ce qui était important c’est le changement d’état d’esprit, cette envie quasi irrésistible de s’opposer, de dominer l’adversaire. Aucun joueur ne compte ses efforts. On est souvent sur deux positions en défense. Et puis ça se voit aussi, même si on a été chahuté dans les batailles au rebond.
Pouvez-vous évoquer les changements dans vos choix de cinq, de rotations sur ces deux matches ?
Bien sûr que les changements de cinq y ont changé quelque chose. C’est sûr. Avec Guerschon à la place de Rudy, nous avons plus d’espace pour jouer en attaque. Avec Rudy dessous, les défenses pouvaient plus aider. Cela mettait plus de pression défensive sur Victor. Guerschon est un grand attaque, donc ils doivent se concentrer sur lui. C’est ce qui nous a donné plus de spacing. C’est la première chose. La deuxième chose, c’est l’évolution générale, l’était d’esprit. Sur le premier match, on les a laissé nous attaquer (rentrer dedans).
« Le grand match de Victor ? C’est pour samedi »
Vous l’emportez malgré un Victor Wembanyama extrêmement maladroit…
Victor découvre aussi le basket FIBA de très haut-niveau. L’année dernière, il a joué en championnat de France, ce n’est pas tout à fait pareil. Et clairement, c’est pour lui un apprentissage très intéressant. Il s’adapte. Sur les deux derniers matchs, il a été très précieux sur les aspects défensifs, aux rebonds. On ne se rend pas toujours compte de comment il masque le paysage. Il y a eu plusieurs petites ouvertures où il s’est retrouvé à 1 contre 2. Et malgré tout, il gère très bien ces situations-là. C’est probablement un des seuls joueurs qui peut le faire, même si Rudy (Gobert) est peut-être le deuxième. Et après, pour l’instant, il est un peu fui par la réussite. Il a eu beaucoup de bons tirs ce soir. Franchement, il a eu des tirs à 3-points qui étaient intéressants, qui étaient ouverts. Mais il reste un match. Et ce type de joueur fait toujours un très grand match dans le tournoi. Comme il en reste qu’un, tant pis, c’est pour samedi (rires).
Quid d’Isaïa Cordinier ?
Je pense que c’est la force d’une équipe justement. Depuis deux matchs, c’est le nous qui a pris le dessus sur le je. Nos talents individuels étaient déjà là avant, aujourd’hui ils sont au service du collectif et ça permet aussi souvent d’avoir un invité surprise. Et clairement, si tu détermines les choses avant, si tout se fait au statut, ce sont des choses qui ne sont pas possibles. On a fait en sorte justement d’observer, de regarder, de voir quelles ressources d’équipe on pouvait disposer et le permettre d’exploiter au mieux ces ressources-là. Mais ça, ça demande beaucoup de choses. Ça demande aussi de l’acceptation des supposés joueurs leaders. Par exemple, le changement à l’intérieur, il est évident que Rudy préférerait jouer davantage. Mais clairement, pour l’instant, ce mouvement-là aussi nous a permis de faire ces deux matchs là. Mais par contre les cartes peuvent être très bien redistribuées dans un match samedi qui sera totalement différent, avec des équipes aux profils différents. Concernant Isaïa, il sort d’une très bonne saison avec la Virtus Bologne. Mais ce qu’il a fait ces deux dernières sorties, marquer 16 points par match, défendre comme un fou, personne ne pouvait s’y attendre. Je pense que c’est l’esprit de l’équipe qui lui permet de faire ça.
La fin de match a été irrespirable…
Oui, parce qu’il faut mettre les lancers, et puis surtout, ils mettent deux tirs incroyables. Une fois, on peut prendre le rebond, on ne le prend pas, et Franz Wagner derrière nous plante n 3-points. De toute façon, on sait que c’est quand même une équipe qui était dans son prime, et que je pense qu’ils étaient convaincus. Ils avaient bien sûr perçu qu’on allait être différents de vendredi dernier, mais je pense qu’ils étaient convaincus de nous être encore supérieurs dans la maîtrise, justement dans le fait que ça fait plus longtemps que ce groupe vit ensemble. Je pense qu’ils avaient quand même un petit peu sous-estimé notre cœur et notre envie.
Les joueurs se définissaient comme des ‘cailleras’. Est-ce à dire que vous êtes le chef de gang ?
(sourire) Oui, je pense que ça y ressemble. On est sur le même mode de toute façon. C’est un groupe. J’ai souvent assisté sur la co-construction. Elle a pris du temps. Il a fallu beaucoup convaincre, persuader. Mais aujourd’hui, vous voyez que l’identité qu’on voulait, elle est là. Et c’est elle qui nous permet d’être en finale aujourd’hui à tout point de vue. Bien sûr l’aspect défensif, mais pas seulement, le partage. On a beaucoup de choses, on a partagé la balle et c’est ce qui nous a permis de faire ce match ce soir-là.
« Jouer une finale olympique à Parie, c’est un rêve ! »
Mesurez-vous ce que représente historiquement cette nouvelle finale ?
Oui quand même, même si c’est très chaud. Mais j’y ai pensé depuis deux jours, je me suis dit qu’on avait l’opportunité de faire un exploit incroyable, et surtout de vivre quelque chose d’incroyable. Je crois que c’est comme ça que ce groupe s’est construit. Voilà, on avait rendez-vous à 21h30 samedi, et c’est d’ailleurs ce qu’on s’est dit, lors de dernière phrase du briefing avant le match, c’est qu’on ne laisserait pas les Allemands nous voler cette finale. Donc, il était hors de question qu’ils nous la volent.
Vous nous aviez parlé du rêve de gosse de jouer les États-Unis en finale olympique à Tokyo.
Je viens de me dire à mes joueurs. J’avais cette déception le soir de la finale à Tokyo, parce que je pensais que j’avais vécu mon rêve de gosse, mais malheureusement pas jusqu’au bout. Donc le fait d’avoir cette deuxième opportunité est quelque chose d’incroyable et on va aller jouer à fond. Très sincèrement, ça n’a rien à voir avec Tokyo. Il y a trois ans, comme je vous le disais, on était seulement nous et le staff. C’était déjà très bien. Mais là, c’est autre chose, partager avec 15 000 spectateurs qui ont poussé et qui avaient la même envie que nous qu’on aille en finale, c’est un truc unique. Pour moi c’est le plus grand moment de carrière en équipe de France. Peut-être même devant la finale du championnat d’Europe en 2013. Pour nous tous, les joueurs et le staff, c’est un rêve de jouer à Paris une finale olympique.
L’état émotionnel, on y revient, a changé depuis deux matches…
C’est souvent comme ça avec les Français. Quand vous ne vous attendez rien d’eux… Les rygbymen en sont les spécialistes. Ils vont en Angleterre, l’Angleterre est supposée être meilleure, et on leur botte les fesses. C’est pareil pour nous. Parce que nous sommes Français.
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