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« L’émotion et l’ego » : Antoine Eïto, presque banni, devenu icône de l’Élan Chalon

Pro B - Arrivé à Chalon-sur-Saône en 2021 après avoir été poussé dehors par Le Mans, Antoine Eïto a failli subir le même sort à l'Élan l'été dernier. La faute à une première saison ratée, où il a agacé en interne. Mais le meneur cognaçais est resté et s'est affirmé comme le patron de l'équipe bourguignonne promue en Betclic ÉLITE, notamment grâce à une relation forte avec Savo Vucevic.
« L’émotion et l’ego » : Antoine Eïto, presque banni, devenu icône de l’Élan Chalon
Crédit photo : Charlotte Geoffray

Au moins, depuis le début, Antoine Eïto avait un fan fidèle à Chalon-sur-Saône, l’un des rares qui ne l’a jamais lâché. Mardi soir, après la montée de l’Élan en Betclic ÉLITE, Mickaël Gelabale a interrogé son fils aîné. « C’est qui le meilleur joueur de l’équipe ? » Le petit Jahnaël n’a pas hésité : « C’est Antoine ! » La vérité sort de la bouche des enfants, encore plus des siens… « Il le dit depuis deux ans », soufflait l’ancien ailier des Bleus, mi-amusé, mi fataliste.

Ici aux côtés de Desi Washington, Antoine Eïto avait vécu une première saison cauchemardesque à Chalon (photo : Charlotte Geoffray)

Pourtant, Antoine Eïto n’avait pas que des aficionados, loin de là, depuis le début de son aventure bourguignonne. Un printemps 2022 cauchemardesque, avec 13 défaites en 16 rencontres pour terminer la saison, avait durablement écorné son blason au Colisée. Alors que le triple All-Star avait d’abord dû faire le deuil de son départ non-désiré du Mans, il avait tellement envie de remonter immédiatement qu’il a mis une telle pression à ses coéquipiers, devenue insupportable pour une bonne partie de l’effectif, le forçant à délaisser le leadership à partir du mois de février. À tel point que la question de son maintien dans l’effectif s’est posée, simplement résolue par la problématique d’un contrat encombrant : encore deux ans d’engagement, jusqu’en 2025. Un désamour qui est certainement parfois le prix à payer lorsqu’on est celui qu’on voit le plus, qu’on entend le plus. Mais l’Élan n’a jamais eu à regretter la seconde chance accordée à l’international 3×3. Pire, sans lui, on peut même se demander si cette équipe aurait participé aux playoffs, tant Eïto a fait la pluie et le beau temps à Chalon, baromètre absolu du jeu, leader de terrain et de vestiaire. Pas paria, mais presque, le Charentais a fini en héros, auteur d’une finale monumentale (21,3 points, 5 rebonds et 7,7 passes décisives ; 20 points et 13 passes décisives lors du Match 3), redevenu Mister Big Shot, pour terminer sous les chants « MVP, MVP » du Colisée.

Une forte relation avec Savo Vucevic

« Il y a l’émotion et l’ego », lâchait-il mardi, les yeux encore un peu rougis d’avoir pleuré après le buzzer final, cigare à côté de lui et bouteille de Cognac (forcément) patientant sous sa chaise. « Je pense avoir un très ego de compétition. Je suis sûrement casse-couille au quotidien mais c’est positif. Ça a été très dur mentalement depuis un an et demi, très dur (il insiste) depuis mon départ du Mans. C’était chez moi, j’ai été mis de côté, il fallait trouver un projet. Je suis venu ici pour trois ans et j’ai vécu une première année compliquée pour plein de raisons. Je me suis remis en question, le club aussi par rapport à moi. Et aujourd’hui, mon équipe est montée. On a réussi à faire ce qu’il fallait, ça n’a pas de prix. L’objectif est atteint, je pense que je vais avoir une décompression assez importante. Mon départ du Mans a été un crève-cœur mais l’objectif est atteint maintenant. Quand tu es compétiteur, tu veux arriver à faire ça. Quand je vois qu’on ne monte pas pour trois points, qu’à cause de ça je ne peux pas aller défendre la médaille de bronze de la Coupe du Monde 3×3 avec mes potes, que je ne peux pas faire la qualification pour la Coupe d’Europe, ça aurait été la triple peine de ne pas monter. »

Chalon de retour dans la cour des grands : l’Élan remonte en Betclic ÉLITE !

Si Antoine Eïto a livré la meilleure saison individuelle de sa carrière (14,1 points à 38%, 4,3 rebonds et 5,5 passes décisives), il le doit aussi à un homme, Savo Vucevic, qui était arrivé à Chalon-sur-Saône escorté de tous les aprioris que l’on entend habituellement au sujet de l’ancien vichyssois. De fait, l’été dernier, le technicien franco-monténégrin a pris son téléphone et l’a longuement appelé pour poser ses conditions. Surtout, en débarquant en Saône-et-Loire, le coach a ensuite cerné la personnalité de son meneur, l’a compris. « Honnêtement, c’était à la limite qu’il ne soit plus là. Mais on s’est expliqué, je l’ai encadré et il m’a fait confiance dès le départ. Je l’ai mis où il fallait et le reste appartient à l’histoire. Il a fait une saison exceptionnelle ! Je n’ai jamais vu une telle énergie chez un joueur, encore plus à 35 ans. C’était mon Peacock de Bourg. Heureusement qu’il était encore là car sans lui, on n’aurait pas réussi. »

« Je ne voulais pas trop rester »

La joie d’Antoine Eïto, célébrant le retour de l’Élan en Betclic ÉLITE (photo : Charlotte Geoffray)

Une relation forte, d’abord bâtie sur cette conversation téléphonique de juillet puis peut-être cimentée, côté Eïto, par des éléments un peu plus irrationnels. « Il y a un truc bizarre, c’est que Savo a le faciès de mon grand-père, de qui j’étais très proche. Sur plein de mimiques, plein de petites choses, j’avais des flashbacks et ça me touchait, je ne peux pas trop le contrôler. » Pourtant, si les deux hommes paraissent fusionnels maintenant, en témoigne leur touchante accolade juste avant le buzzer final, le double champion de France était lui aussi extrêmement sceptique au moment de l’arrivée de Vucevic, ayant même exprimé son déplaisir dès les premières rumeurs. « Ce qu’il faut savoir, c’est que je ne voulais pas trop rester quand Savo signe », a-t-il acquiescé mardi. « Je me suis interrogé sur la façon dont ça allait se passer. En plus, vu notre saison compliquée, il y avait une remise en cause de ma présence ici. »  Cette quasi-défiance s’est finalement muée en une union de bonne intelligence, le duo gagnant qui a porté l’Élan Chalon tout au long de la saison. « Quand on a repris, on a tous les deux vu qu’il fallait s’associer pour y arriver, de par notre expérience et notre envie. Quand il me cassait les bonbons, et inversement aussi, je relativisais : « Il sait ce qu’il fait, on y va, on avance. » Cette relation a été saine, bonne, directe et elle a fait qu’on en arrive là aujourd’hui. C’est un triangle car il faut ajouter Mike (Gelabale). J’ai découvert une personne que j’apprécie énormément humainement, c’est une très belle chose. Je le remercie de m’avoir un peu tenu et de m’avoir réconforté dans ma rôle et ma présence ici cette année. Parce que sans lui, je n’aurais peut-être pas été là car c’est un peu lui qui a tout décidé. » Et, visiblement, sans avoir consulté l’avis de Jahnaël Gelabale…

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