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ITW Justine Soulard, la basketteuse-ingénieure aux portes du très haut-niveau : « Ce qui m’intéresse, c’est de trouver ma limite »

LF2 - Justine Soulard vit sa deuxième saison en LF2, au sein de la belle formation de Montbrison, deuxième du championnat. Longtemps joueuse de NF2 en raison de ses études en école d'ingénieurs, elle a pu reprendre son envol en 2022 avec l'obtention de son diplôme. Entretien.
ITW Justine Soulard, la basketteuse-ingénieure aux portes du très haut-niveau : « Ce qui m’intéresse, c’est de trouver ma limite »

Justine Soulard est la meneuse titulaire à Montbrison, deuxième de LF2 cette saison.

Crédit photo : Montbrison Basket Féminin

Justine Soulard est une joueuse qui fait de plus en parler parler d’elle. Contraint de rester dans les divisions nationales (NF3, NF2 puis NF1) en raison de ses études supérieures en école d’ingénieurs, la Vendéenne a sauté le pas du monde professionnel en 2022, une fois son diplôme en poche, à 24 ans.

Parmi les responsables de la belle saison de Feytiat en 2022-2023 en Ligue 2 féminine (9,1 points, 3,4 rebonds et 2,5 passes décisives en 25 minutes), elle occupe le poste de meneuse titulaire de Montbrison (8,6 points, 4,4 rebonds et 5 passes décisives en 33 minutes) depuis la rentrée dernière. Et Montbrison (11 victoires et 4 défaites) se situe à la deuxième place de LF2 derrière Aulnoye (13 victoires et 2 défaites).

Entre basket et études, ou plutôt études et basket, Justine Soulard nous raconte son riche parcours qui l’a mené jusqu’à ce niveau et devrait l’amener bien plus haut encore.

Tout d’abord commençons par un retour sur la saison collective de Montbrison. Vous êtes deuxièmes avec 11 victoires en 15 matches après votre succès face à Chartres. On vous imagine satisfaite, non ?

Franchement, j’avoue être très satisfaite honnêtement. Au début de saison, si vous nous aviez dit ça, on aurait signé deux suites. Donc je pense que c’est une surprise un peu pour tout le monde, pour nous les premières. Je pense que la mayonnaise a bien pris. On a la chance d’avoir une joueuse, donc Kendall Cooper sur qui on peut vraiment se reposer, qui est une joueuse vraiment très régulière,  joue aussi pour les autres. Tout le monde a accepté au sein de l’équipe de se mettre au service du collectif, donc de jouer aussi avant tout pour elle puisque c’est notre meilleur atout. Et ça marche très très bien. Donc franchement ça fait plaisir, j’ai de la chance ; ça fait deux ans au final que je gagne beaucoup et c’est plutôt agréable, c’est motivant. Collectivement c’est vraiment super, individuellement aussi c’est top, c’est une vraie satisfaction.

Montbrison LF2 2023-2024
Montbrison réalise une très belle saison en LF2 cette saison (photo : La fabrique visuelle Toulouse)

Vous êtes arrivée cette saison à Montbrison. Meneuse et capitaine, vous avez de suite été responsabilisée par Corinne Benintendi. Qu’apprenez-vous sous ses ordres ?

Justine Soulard Feytiat
Justine Soulard avec Feytiat en 2022-2023 (photo : Loic Breilloux photographies)

J’ai appris tellement de choses j’ai appris tellement de choses depuis le début de l’année. Quand je vois mon jeu maintenant et le jeu que j’avais ne serait-ce qu’en fin de saison l’année dernière c’est complètement différent. En fait je pense que ce qui m’a aidé à faire une bonne saison l’année dernière c’est que le coach connaissait vraiment mes points forts et que lui était dans l’utilisation au maximum de ces points forts. Donc, c’est très bien. Ça m’a permis d’améliorer justement mes atouts. Là, la différence dans le coaching avec Corinne, c’est que justement Corinne cherche aussi, avant tout je pense, à améliorer mes points faibles et à faire de moi une meneuse différente. L’année dernière, je n’avais pas du tout le même rôle. Dans l’équipe, j’étais le sixième homme. Je rentrais quand les cadres commençaient à fatiguer. Donc j’étais l’energizer du groupe. C’était un rôle avec quand même moins de pression. Je faisais ce que j’avais à faire. Moi, mon jeu, c’était de remonter la balle vite, d’aller provoquer des un contre un, d’aller provoquer fautes, d’être capable de ressortir le ballon. Et c’est tout. Mon rôle, ce n’était pas d’organiser le jeu, puisqu’il y avait une meneuse qui était là pour ça. Là cette année, c’est différent parce que j’ai beaucoup de temps de jeu, déjà c’est physiquement trop compliqué d’avoir ce rôle-là pendant tout un match, et qu’en plus de ça on a besoin d’une meneuse qui organise le jeu. Du coup c’est mon rôle cette année.

Donc au début d’année ça a quand même été compliqué parce que j’avoue que je comprenais pas forcément trop où Corinne voulait m’emmener, j’avais l’impression qu’elle voulait que je joue un jeu qui n’était pas le mien. Mais au final, rien que sur la vision du jeu, je sais que je sais que j’ai passé un cap. Je sais que j’ai encore une marge de progression qui est énorme et j’espère atteindre mon meilleur niveau. Mais là, j’ai vraiment, vraiment progressé sur les temps forts des systèmes, sur la gestion du tempo, l’organisation du jeu. C’est top. Et oui, elle m’a responsabilisé, elle m’a clairement un peu donné les clés du camion en me mettant capitaine aussi. J’avoue que moi j’ai ma part de responsabilité dans les potentiels échecs de groupe, je me sens responsable. Donc c’est cool quand on voit que ça marche, quand on voit qu’il y a une bonne cohésion sur le terrain et surtout en dehors des terrains. C’est là où pour l’instant je suis très contente de cette équipe parce qu’en fait on a toutes fait le taf en dehors du terrain pour apprendre à se connaître, pour parler anglais avec les étrangères, pour faire des choses ensemble, des repas ensemble, aller voir des matches ou des compétitions sportives ensemble. Je pense que notre réussite de début de saison, en tout cas ce qu’on arrive à prouver sur le terrain et cette compétitivité qu’on a, elle est aussi due au fait qu’on s’apprécie en dehors du terrain. Et ça c’est chouette.

Ce n’est que votre deuxième saison à ce niveau mais après avoir été une très belle surprise à Feytiat, voilà que vous êtes une pièce importante d’un collectif qui fonctionne. Cela vous donne de l’ambition pour la suite de votre carrière ?

Ce n’est que ma deuxième saison en tant que joueuse réelle de Ligue 2. C’est rigolo parce que j’ai un parcours un atypique et tout le monde dit un peu que je sors de nulle part. Alors qu’en vrai je ne sors pas non plus tellement de nulle part. J’ai fait mon premier match de Ligue 2 à 15 ans. Donc oui, en tout cas c’est sûr, ça me donne de l’ambition. Moi, mon ambition pour les prochaines années, ce serait de pouvoir accéder à la Ligue féminine et de performer à ce niveau là. Et pourquoi pas aller dans des clubs qui jouent des compétitions européennes, l’EuroCup, l’EuroLeague ? J’avoue que je ne me mets pas de limite. Donc, moi, j’ai soif du basket, j’ai faim de basket. Ce qui m’intéresse c’est de trouver ma limite. C’est la seule chose que je veux pour rien regretter, pour me dire OK, là je vois que ma limite c’est la Ligue 2, ma limite c’est la Ligue féminine, ma limite c’est ce niveau européen, etc. Et comme ça au moins je saurai de quoi je suis capable. Donc oui, j’ai de l’ambition et je veux continuer à fond dans le basket.

Votre parcours, parlons-en. Vous avez commencé le basket à Essarts, en Vendée, où vous jouiez avec vos frères et sœurs. Puis les U15 et U18 ÉLITE à La Roche et enfin le passage chez les séniors en NF3 puis NF2… Un parcours peu commun pour accéder au haut-niveau. Avez-vous eu toujours l’objectif de jouer très, très haut ?

Justine Soulard U9
Justine Soulard aux Essarts, le club de ses débuts (photo : collection personnelle).

J’ai commencé le basket à 5 ans dans ma petite ville, aux Essarts. J’ai fait du basket parce que mes frères et ma sœur avaient fait du basket. Donc j’ai un peu suivi leurs pas. Et très vite, il y a le club de La Roche Vendée qui m’a demandé d’aller jouer là-bas. Sauf que mes parents m’estimaient trop jeune pour aller jouer aussi loin et pour aller dans un collège aussi loin, quitter le foyer, etc. Et je pense qu’ils avaient bien raison, donc je suis contente qu’ils ne l’aient pas fait, surtout quand je vois, quand j’entends mes partenaires parler de la difficulté d’aussi jeune d’être loin de chez soi. Et en 3e, ils ont accepté que j’aille jouer à La Roche, ils faisaient des allers-retours. C’était quand j’étais en minimes France, donc en U15 élite.

Justine Soulard La Roche
Justine Soulard après son premier match avec La Roche Vendée en L2, à 15 ans (photo : Anita Degrolard ).

Après ça, dès le lycée et la seconde, j’ai eu la chance de faire Cadette France, N2 et aussi de m’entraîner avec la Ligue 2. C’est pour ça que j’ai eu la chance de faire mon premier match en Ligue 2 à 15 ans, où j’ai joué quelques secondes ou quelques minutes, je ne sais plus. Après ça, j’ai fait mon lycée, j’ai eu mon bac S section européenne, avec mention. Je suis partie un an avant que l’équipe pro arrive à monter en Ligue féminine mais j’ai eu la chance d’aller au Final four de Tarbes à l’époque. J’en garde un très bon souvenir. Après le Final Four, Manu Body, le coach de la Roche, me dit « bon Justine c’est très bien l’année prochaine tu t’intègres au groupe pro. » Sauf que moi, j’étais quand même très scolaire et mes parents m’ont dit « Justine, il va falloir que tu fasses des études. » Et à La Roche, malheureusement, c’est une petite ville et il n’y a pas beaucoup d’études. En tout cas, il n’y a pas beaucoup d’universités, il n’y a pas énormément de choix.

Je ne savais pas trop ce que je voulais faire comme métier plus tard. Du coup, j’ai écouté mes parents et j’ai suivi les traces de mon père qui était ingénieur. J’ai donc fait une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) pour faire une école d’ingénieurs. Je suis allée à Nantes à la prépa Saint Stanislas, j’ai fait un an de Maths Sup et mon projet était de faire mes deux années de prépa et après d’intégrer une école puis de reprendre le basket à fond. Je m’étais dit que ça allait être compliqué avec la prépa de jouer en N2, donc je devais changer de club. Je suis allé en N3, aux Herbiers, un autre club de Vendée, pour avoir des déplacements moins longs. Sauf qu’au final la prépa c’est très très dur, vous vous en doutez, et du coup et du coup j’ai fait la prépa sur cinq ans. J’avais peur d’avoir une école dans une ville paumée où il n’y avait pas de basket de haut niveau. C’était un risque que je ne voulais pas prendre. Et en plus de ça, la prépa, c’était très dur psychologiquement. Je crois que je n’ai jamais autant pleuré de ma vie pendant toute une année. Mais c’est aussi une année où je me suis fait des amis pour la vie. Donc c’était une très belle année.

Justine Soulard Rennes NF2
Justine Soulard a passé plusieurs saisons à l’Avenir de Rennes en NF2, en parallèle de ses études à l’INSA (photo : Avenir de Rennes).

J’ai pris la décision d’intégrer une école avec prépa intégrée, donc l’INSA à Rennes, l’Institut national des sciences appliquées de Rennes, qui est une école publique d’ingénieurs généralistes. Le seul inconvénient de cette école c’est que dans le coin il n’y avait que de la N2 et que c’était impossible d’aller par exemple à Landerneau dans le Finistère pour faire du basket. L’avantage de cette école aussi c’est qu’il y a un parcours pour les sportifs de haut niveau donc ça me permettait d’aménager mon emploi du temps en fonction de mes entraînements, mes déplacements, de rater des cours si j’avais besoin etc. J’ai fait ça quatre ans et après j’en ai eu marre. Et j’ai signé mon premier contrat pro en N1 à l’Olympique Saint-Gratien à Paris. J’ai fait du distanciel pour mon école d’ingé. Tout ça pour dire que l’objectif de jouer à très haut niveau, il n’était pas tellement là. Je ne dis pas que je suis là par hasard, parce que j’ai toujours eu envie de connaître ma limite au basket. Ce que je vois c’est que je peux performer en ligue 2, je pense donc que ces n’est pas ma limite et j’espère que ce n’est pas ma limite, je bosse en tout cas pour repousser mes limites

Justine Soulard Saint Gratin
Justine Soulard est passée par l’Olympique Sannois Saint-Gratien en NF1 avant de passer 100% professionnelle (photo : @celiographie)

Je pense que ce n’est pas ça et j’espère que ce n’est pas ça. En tout cas, je bosse pour essayer d’augmenter cette limite-là. Mais je ne me suis jamais dit que je voulais être basketteuse professionnelle. Là où j’ai pris conscience qu’il y avait peut-être quelque chose à jouer, c’est quand j’étais à La Roche et que du coup le coach me voulait dans l’effectif. Là je me suis dit : « Ah ouais, en fait, ça veut dire que je ferais vraiment partie de mon équipe pro, peut-être que là il y a quelque chose à jouer ». Mais encore une fois, moi je viens d’une famille où il n’y a aucun sportif pro. Mes parents n’étaient pas sportifs professionnels, mes frères et sœurs non plus. Ce monde-là, c’était comme quand des gens qui sont pas du milieu du sport regardent des sportifs à la télé. Ça me paraissait un peu inaccessible en fait. Je me suis jamais vraiment dit que c’était une option. Jusqu’au jour où je me suis dit que la N2 ce n’était pas mon niveau, la N1 ce n’était pas mon niveau. J’avais un peu la prétention parfois de me dire « mais non je pense que je peux jouer plus haut » alors qu’en vrai je l’avais encore prouvé à personne. Donc en tout cas, j’ai cru en moi et la preuve est aujourd’hui que sur ça je ne me suis pas trompée.

Cela ne fait que deux ans que vous vous êtes entièrement consacrée au basket. Comment avez-vous réussi à mener de pair études supérieures pour devenir ingénieure en génie mécanique et basket en championnat de France ?

Justine Soulard les herbiers Vendée basket
Justine Soulard en NF3 avec Les Herbiers Vendée Basket (photo : LHVB).

Honnêtement j’en ai chié (sic) mais quand j’y ai galéré c’est que c’était vraiment vraiment vraiment vraiment dur. Comme je disais, pendant mon année de prépa et quand je jouais en N3 c’est bien simple je ne m’entraînais pas de la semaine alors j’ai de la chance d’être physiquement résistante et d’avoir des bonnes qualités physiques. Je ne galère jamais trop pendant les prépas sportives. Donc ça m’a bien aidé. Mais du coup, je jouais juste le week-end. Et après, comme c’était de la N3, c’est vrai que je savais, entre guillemets, que j’avais le niveau. Je n’avais aucune pression. Mais après, quand je suis arrivée vraiment en école d’ingé, la chance que j’avais, c’est que j’avais aussi sélectionné mon école d’ingé parce qu’il y avait le parcours des sportifs de haut niveau. Le fait de savoir que je pouvais dédoubler mes années, que j’allais être suivie par un responsable des sportifs de haut niveau, qui était en plus prépa mental (Gérard Vaillant), eh bien ça m’a quand même bien aidée. Après, le choix d’allier les deux, c’était… Pour moi, c’était une évidence, parce que dans ma famille, j’ai eu la chance d’avoir des exemples. En fait, mes parents ont fait des études, mes frères et sœurs ont fait des études. Donc, c’était le schéma classique. Et rien que pour ça, je sais que je suis très privilégiée. C’est un privilège d’avoir des parents qui te poussent à étudier, qui peuvent te soutenir financièrement, qui peuvent te soutenir surtout émotionnellement. C’était facile. Je sais que j’ai eu la chance d’avoir des appartements étudiants seuls, de ne pas forcément être en coloc, enfin, d’avoir le choix de ne pas être en colocation, d’avoir des bons appartements dans lesquels je me sentais bien. Donc tout ça, déjà, ça a aidé. Et après, c’est juste que c’est une organisation de dingue. En fait, à chaque fois, il fallait que je rentabilise tous les moments libres que j’avais. Ça veut dire que quand j’allais en déplacement en N2 de Rennes à Calais, évidemment, j’avais mon ordinateur dans la voiture et même quand j’allais de Rennes à Trégueux, j’avais quand même mon ordinateur dans la voiture parce que j’avais des comptes rendus de TD à faire, des présentations à préparer, des exercices à travailler, des partiels à réviser, enfin je n’avais pas le choix. Donc non, je n’ai pas pu faire toutes les activités étudiantes que font les jeunes, je n’ai pas pu aller le jeudi soir dans les bars, je n’ai pas pu m’investir dans des assos étudiantes, je n’ai pas pu faire tout ça. Mais je ne regrette pas d’avoir fait ce choix-là. À l’heure actuelle, je ne suis pas du tout malheureuse, même si ça aurait été une autre expérience étudiante.

J’ai fait d’autres choses, et ces autres choses m’ont permis d’être où j’en suis à l’heure actuelle. C’est un challenge. Franchement, ça a été très, très dur. Et des fois, je me suis dit que je n’y arriverais jamais. Et pourtant, c’est toujours pareil. J’ai cru en moi et j’ai eu l’entourage. Encore une fois, je suis très privilégiée.

Justine Soulard diplômée
Justine Soulard avec son père lors de remise des diplômes de l’INSA en octobre 2022 (photo : collection personnelle).

J’ai eu l’entourage autour qui m’a permis de ne pas baisser les bras. En plus de ça, ça a quand même été compliqué parce que pendant cette période-là, j’ai perdu ma maman d’une maladie à 20 ans. Quand tu te bats tous les jours pour faire ton sport, pour faire tes études qui sont des études très exigeantes, que tu galères, que tu te ramasses des sales notes et qu’en plus de ça, à côté, tu te dis : « Quel est le sens de tout ça si moi je dois apprendre à 20 ans à faire mon deuil »… Ce n’était pas facile. Mais je l’ai fait et j’ai reçu mon diplôme en octobre 2022. C’était vraiment la consécration parce qu’en fait c’était une double victoire. Mes parents m’avaient dit à 18 ans : « Non Justine il faut que tu fasses des études, c’est important. » La preuve qu’ils avaient raison, parce que déjà, c’est sûr que sans eux, j’aurais jamais obtenu ce diplôme d’ingé, parce que même si je pense que j’étais une personne mature, une jeune, très très jeune adulte, j’aurais jamais fait le choix des études sans mes parents, bien évidemment que non. Et c’est surtout que, d’un point de vue basket, j’avais aussi raison de croire en moi et je pense qu’ils croyaient aussi en moi parce que la preuve est qu’à l’heure actuelle je joue en ligue 2. Donc le niveau que j’ai quitté à 18 ans, je l’ai et en plus de ça j’ai un diplôme d’ingénieur qui, on ne va pas se mentir, me garantit un confort de vie vraiment important pour ma carrière après basket.

J’essaye aussi de travailler maintenant en relation avec des marques. J’ai la chance d’avoir deux partenaires qui me suivent. Donc j’ai mon équipementier Peak qui me suit pour plusieurs saisons. Donc ça, c’est aussi un nouveau monde entre guillemets qui s’ouvre à moi et c’est vraiment sympa. Ça fait partie aussi des avantages qu’on peut avoir dans le sport de haut niveau. Et j’ai aussi le sponsor Vgain qui m’aide et qui sont des protéines naturelles qu’on peut prendre sous différentes formes. J’essaye aussi d’utiliser mon image à bon escient pour véhiculer un message auprès des jeunes et aussi pour que moi ça m’aide à être plus performante, que ce soit grâce à du matériel notamment pour Peak ou bien pour mon alimentation avec Vgain, que ça m’aide à être plus performante dans ma pratique sportive.

Comment avez-vous réussi à faire le grand saut de la NF2 à la LF2 ? En parallèle de votre carrière à haut-niveau, menez-vous d’autres projets ?

L’année dernière, enfin en tout cas l’impression que j’en ai, c’est que j’étais un peu connue pour être l’ingénieure basketteuse et je crois que cette année les choses changent. C’est bien parce que ça veut dire que je suis en train d’acquérir une certaine légitimité et moi je veux être connue pour la basketteuse ingénieure et pas pour l’ingénieure basketteuse. Je crois que cette année c’est le cas. Donc c’est bien mais comme je le disais en fait je ne sors pas de nulle part. Je n’ai pas fait le tournoi inter-zone (TIZ), je n’ai pas fait les sélections pour les détections pour l’INSEP, je n’ai jamais eu la chance de porter le maillot des équipes de France jeunes, je n’ai pas fait des détections pour des grands centres de formation.

Je sors un peu de nulle part mais je pense sans prétention que les filles qui ont eu la chance de faire tout ça étaient très très bonnes et peut-être meilleures que moi à ce moment là mais je pense aussi que dans les détections on devrait un peu plus regarder les joueuses. Parce que mine de rien même si j’ai pas fait le TIZ, j’ai quand même fait mon premier match en Ligue 2 à 15 ans. Je pense que ça, ça fait partie des choses que que entre guillemets les personnes qui font les détections de futurs joueuses et joueurs professionnels devraient regarder. Donc le grand saut je l’ai fait progressivement. Passer de N2 en un an aller en N1 puis un an après aller en L2 dans une équipe de haut de tableau, et l’année d’après être meneuse titulaire dans une équipe de haut de tableau, c’est un grand pas. J’ai de la chance de ce côté là. Et je sais qu’il n’y a pas beaucoup de joueurs et de joueuses qui ont cette chance là. J’en suis très consciente.

Mais d’un autre côté, je pense que ce que ça veut aussi dire, c’est que la N2, ce n’était pas mon niveau. C’est un très très bon niveau. Et j’ai appris beaucoup de choses de mes années dans ces niveaux là. Mais je pense que en fait dès le départ la N2 ce n’était pas tellement pas tellement mon niveau. C’est pour ça que que moi je fais la paix avec ce qui ne s’est pas passé. Mon père, quand j’étais plus jeune, me disait toujours : « Justine tôt ou tard la triche revient au jeu », sous-entendu les injustices et la tricherie que tu as l’impression de subir tu verras que quoi qu’il arrive, tu arriveras à rester en course et à peut-être même gagner la partie à force de travail. Ce genre de mentalité et de valeur qu’on m’a inculqué, qui m’ont fait tenir, je pense qu’il avait complètement raison. Donc ce que moi j’essaye de transmettre en tout cas aux jeunes, c’est qu’il y a des échecs qui n’en sont pas. Et si on regarde mon parcours sur le papier, j’ai beaucoup d’échecs. Alors qu’à l’heure actuelle, j’ai la chance de faire partie d’une équipe qui gagne en deuxième division.

J’ai la chance d’être une joueuse qui joue et qui en plus de ça, performe. Donc je n’ai rien à envier à personne. Certes, ça aurait été chouette de porter le maillot des équipes de France jeunes. Certes, ça aurait été chouette de faire toutes ces sélections. Mais si ça s’est passé comme ça, c’est que ça ne devait se passer comme ça. En parallèle de ma carrière de basketteuse, du coup, c’est vrai qu’en ce moment, je fais quand même beaucoup de contenu sur les réseaux sociaux, un peu humoristique à propos du basket et de ce que c’est d’être basketteuse professionnelle, pour aussi un peu désacraliser la chose. Je suis super fière de mon métier et c’est une vie passionnante. C’est vraiment bien de voir ça mais c’est aussi un métier très compliqué et la vérité c’est que j’essaye aussi de faire passer le message aux gens que c’est une vie de sacrifice. Je pense qu’il y a très très très très peu de personnes qui en connaissance de tous les sacrifices qu’on a à faire, et je pense encore plus en tant que sportive féminine, accepteraient de faire ce que l’on fait. J’essaye un peu de parler de ça, que c’est quand même un milieu violent, d’un point de vue violence psychologique, etc. Surtout, ce qui m’intéresse c’est de parler aux jeunes de centres de formation, aux jeunes qui voudraient être sportifs, de leur dire que c’est important d’assurer leurs arrières. Ma plus grande chance a été de penser à mon après-carrière avant même que ma carrière débute. C’est possible de faire ça si vous êtes censé être sportif professionnel un jour, vous le serez. Peut-être que vous prendrez un peu plus de temps que les autres, peut-être que vous aurez à travailler deux fois plus que les autres parce que moi j’estime avoir travaillé deux fois plus que tout le monde pour avoir mon niveau basket et en plus de ça un parallèle pour avoir pour acquérir ce niveau d’études. Si c’est fait pour vous, vous y arriverez quel que soit le chemin que vous allez emprunter. Vraiment, c’est le message que je veux passer. J’ai eu la chance d’aller à un camp de la Fédé (FFBB) cet été. J’ai notamment fait plusieurs interventions dans des lycées pour parler à des jeunes. Je pense que j’aurais aimé qu’on me dise à 18 ans : « Justine, tu peux être ingénieure et tu peux être basketteuse professionnelle. Tu peux avoir les deux cordes à ton arc et ça peut être compatible. »

Si l’on revient sur un aspect 100% technico-tactique, sur quel plan devez-vous prioritairement avancer pour passer un cap dans votre jeu et votre carrière ?

Je pense que techniquement je peux encore m’améliorer. Je ne suis pas une joueuse spectaculaire à regarder et ça me va très bien comme ça, je ne suis pas la joueuse à faire des passes dans le dos, à faire des tirs sur un pied, des dribbles entre les jambes etc. Mais je pense que techniquement travailler sur ça, ça serait un atout. Je suis avant tout une poste 1 et je pense qu’on peut toujours s’améliorer sur la vision du jeu. Donc, c’est là où il faut que je m’améliore encore plus. Je ne suis pas très grande, je mesure 1,70 m donc il faut que je joue avec mes armes. Et même si je vois déjà le cap que j’ai franchi depuis un an et demi, depuis que je joue en Ligue 2 par rapport à ça, je pense que je peux encore être meilleure de ce côté-là.

Quelles sont vos ambitions basket à moyen et long terme ?

Justine Soulard Montbrison 2023-24
Justine Soulard avec Montbrison sur le parquet du Pôle France (photo : Celiographie).

On travaille avec mon agence. Je travaille avec Faïçal (Benhamadi) de Starting 5 pour ma carrière basket. Ce que je souhaite faire, c’est m’imposer comme une meneuse référente de la division, déjà en Ligue 2. Et puis après, bien évidemment, c’est d’aller au meilleur niveau. Comme je disais tout à l’heure, mon objectif c’est de trouver ma limite. Et si je vais en Ligue féminine et que je vois que c’est impossible, que je n’ai pas de niveau, que je ne peux pas rivaliser, que je ne peux pas jouer, là au moins je saurai que la Ligue féminine ce n’est pas mon niveau. Mais j’ose espérer que ce ne soit pas le cas et que peut-être je puisse aller dans un club de Ligue féminine qui joue en EuroCup ou bien qui joue en EuroLeague. Tout est permis. Franchement, je ne mets pas de limite. Là, j’ai l’impression que ce que j’ai accompli à 25 ans, c’est déjà incroyable et je suis très fière de moi pour ça. Ça fait du bien de se l’avouer, ça fait du bien de se dire qu’on est fière de soi. Et donc maintenant, ce qui se passe dans le basket, c’est que du bonus. Mais ça ne veut pas dire que je suis attentiste et que je me repose sur mes lauriers parce que j’ai réussi à être et ingénieure et sportive de haut-niveau. Non, je veux être la meilleure sportive de haut-niveau que je puisse être. Donc voilà, l’objectif c’est d’aller en Ligue féminine et de me confronter aux meilleures équipes et aux meilleures joueuses de ce championnat.

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Joueuse vraiment attachante, tres belle itw. On lui souhaite le meilleur
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