« Plus qu’une fierté » : Sylvain Francisco, la clé des Bleus ?
Quand il fera son apparition sur le parquet de l’Indonesia Arena pour ses grands débuts en Coupe du Monde vendredi face au Canada, repensera-t-il à cette année 2018, où il s’était retrouvé sans club pendant six mois ? « C’est sûr qu’il y a eu un long parcours d’effectué depuis », savoure Sylvain Francisco (25 ans), néophyte des Bleus à l’échelle internationale. Parti au clash avec les Metropolitans 92 en découvrant les signatures de David Michineau et Roko Leni-Ukic après avoir signé son premier contrat professionnel, le meneur francilien avait dû attendre un coup de fil de la lanterne rouge de Pro B (!), le Paris Basketball, pour relancer sa carrière.
« Il apporte quelque chose qu’on n’a jamais connu »
Quatre ans et demi plus tard, c’est un autre coup de téléphone qui a fait basculer son destin. Un appel de Ruddy Nelhomme, en juin, pour lui annoncer qu’il était dans la liste des 12 pour la Coupe du Monde. « Mais je n’y croyais toujours pas », se marrait-il au début du mois à Montpellier. « J’ai quand même regardé à la télévision et ce qui m’a le plus surpris, c’est de voir mon nom en premier. Avec ma famille, on se disait que c’était un rêve. » Le début du rassemblement à Pau lui a remis les idées en place. « J’ai réalisé en voyant tout le monde. Je me disais : ah ouais, je suis avec Gobert, je suis avec Fournier, je suis avec Nando, je suis avec l’équipe A. Je ne montre pas mes émotions mais à l’intérieur, waow (dit-il en se tapant le cœur)… C’est abusé ce qui se passe, c’est plus qu’une fierté en vrai. » Un immense accomplissement pour un habitué des chemins de traverse, lancé sur le bitume de Sevran, sorti de la cité par son grand frère Bateko lorsqu’il jouait à Roche-la-Molière (2010/12) puis révélé dans l’obscur circuit américain pré-universitaire. « Je n’ai pas eu une trace droite, je suis toujours passé par beaucoup d’obstacles mais c’est normal pour moi. J’ai toujours cru en moi. »
Il faudra toutefois ne pas trop se montrer émerveillé ce vendredi sur la grande scène tant son rôle sera prépondérant au cours de cette compétition, encore plus depuis le forfait de Frank Ntilikina. Jamais vu à ce niveau, Sylvain Francisco se retrouve pourtant désormais le seul meneur de métier de l’équipe de France avec Nando De Colo. Et face à la ligne arrière ultra-physique et talentueuse du Canada, son profil tout en vitesse et en qualités athlétiques pourrait se retrouver particulièrement adapté face à ce type d’opposition, du moins offensivement. « Il apporte quelque chose de différent », pointe Nicolas Batum. « Je dirais même que c’est quelque chose qu’on n’a jamais connu, et surtout à la mène. Il amène une folie, une bringue, un côté athlétique. Il n’a peur de rien. Ce n’est pas le plus grand mais c’est peut-être celui qui en veut le plus sur le terrain. C’est un bonheur d’avoir un mec comme ça dans une équipe car on sait qu’on pourra compter sur lui quoiqu’il arrive. » Reste qu’une partie du destin des Bleus repose sur ses épaules, avec la lourde tâche de faire oublier Thomas Heurtel, son talent offensif et sa rare maîtrise du pick and roll. Si Francisco parvient à se mettre au niveau, voire même à surprendre comme face au Japon (14 points à 5/7 aux tirs, 3 rebonds, 3 passes décisives et 2 interceptions pour 19 d’évaluation), l’équipe de France pourra rêver. A contrario, si son niveau plancher se rapproche plus de sa contre-performance australienne (0 point à 0/5 et 1 balle perdue), la mène deviendra évidemment un talon d’Achille difficilement surmontable.
L’influence Spanoulis
Ces considérations-là mises à part, son ascension jusqu’à l’équipe de France est surtout le fruit d’une évolution remarquable, celle d’un zébulon sans maîtrise devenu un meneur d’EuroLeague, certes pas le joueur le plus académique mais tout de même beaucoup plus discipliné qu’avant, la verticalité et le grain de folie en plus. « Quand mes frères me montrent des anciennes vidéos de moi, je suis en mode : Ah ouais, je faisais ça moi ?! », rigole-t-il. ‘Il y a un changement entre le côté vraiment foufou de l’époque et maintenant, j’ai passé un cap. » Encore plus à l’issue de sa saison athénienne, à Peristeri, passée sous les ordres du légendaire Vassilis Spanoulis, meilleur marqueur de l’histoire de l’EuroLeague… « Spanoulis a réussi à le canaliser », relève son ami Moustapha Fall. « Il a appris à temporiser, à ne pas jouer toujours sur la même vitesse, ce qui est très important. Il a un jeu beaucoup plus mature qu’à Manresa. » Élu meilleur meneur du championnat grec, seul joueur non-étiqueté Olympiakos dans le cinq idéal d’ESAKE, The Arrow a pourtant squatté les travées du Stade de la Paix et de l’Amitié toute l’année pour observer les matchs d’EuroLeague, excellent complément aux leçons administrées par Kill Bill. « J’avais besoin d’un coach qui me donnerait plus de responsabilités, qui pourrait m’emmener au plus haut niveau. J’ai beaucoup bossé avec lui, surtout en vidéo. Parfois, après une défaite, la séance durait deux heures et il n’y avait que moi. Je pétais un câble à voir qu’on ne prenait que moi, ça m’énervait mais au fond, je comprenais. Il nous motivait. Quand je ratais mes 3-points, il me disait : « Et alors, combien de fois j’en ai raté dans les gros matchs avant de finalement réussir à débloquer quelque chose ? Prends le prochain ! » J’ai cent vidéos de Spanoulis dans mon téléphone montrant comment il jouait les pick and roll. Avec lui, j’ai passé un gros cap. Il m’a fait venir en me disant qu’il voulait m’avoir un an pour que j’aille en EuroLeague. L’objectif a été atteint. » Et même un peu plus que ça… La route de Munich prend ainsi un crochet inattendu par Jakarta et Manille.
À Jakarta,
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