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ITW Jacques Monclar : « Les JO 1984, cela reste toujours une plaie béante »

Avec son timbre de voix rocailleux, ses yeux bleus perçants et ses analyses pointues, Jacques Monclar (64 ans) demeure l’une des figures du basket français les plus identifiables. Consultant à la télévision depuis les Jeux olympiques de Barcelone, en 1992, il observe, décortique et trifouille la NBA sur BeIn Sports. Une expertise accouchée de près de vingt ans dans le coaching (Antibes, Dijon, Pau-Orthez, Limoges, Paris Basket et la Côte d’Ivoire) après treize ans de carrière en tant que joueur professionnel (Racing Club de France, ASVEL, Le Mans, CSP Limoges et Antibes). Eminent membre de la génération des Hervé Dubuisson, Gregor Beugnot, Eric Beugnot ou encore Jean-Michel Sénégal, il a cumulé 201 sélections chez les Bleus. Trône tout en haut de la pile de ses souvenirs d’international la campagne olympique de Los Angeles, en 1984. La première olympiade de la France depuis vingt-quatre ans, et les Jeux de Rome. Lui, le fils de Robert Monclar (142 sélections entre 1950 et 1960) faisait sienne de l’héritage laissée par les glorieux anciens. « Bercé » par les exploits olympiques des Colette Besson et consorts, le natif de Neuilly-sur-Seine concrétisait « un rêve d’enfant ». Mais la réalité sportive et matérielle d’une équipe de France soutenue par une Fédération encore empreinte d’amateurisme, et mal préparée pour ce type de rendez-vous, a rapidement pris le dessus. Une compétition finalement conclue à une onzième place. Ni révolte ni gloire. Jacques Monclar narre cet épisode du basket avec franchise et lucidité. Et revient sur la dérouillée subie face aux Américains de Michael Jordan (120-62) au premier tour.

Il y a trente-sept ans, vous entriez dans le stade olympique, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Los Angeles. Ce sont les seuls Jeux olympiques que vous avez disputés. Qu’avez-vous ressenti au moment d’entrer dans le stade avec la délégation française ? 

C’était l’aboutissement d’un rêve d’enfant. Ce passage dans le tunnel, on est plongé dans le noir, j’ai des frissons partout. On aurait jamais dû défiler parce qu’on jouait le lendemain matin. On a attendu trois heures dans une salle. On était vraiment bien. C’était le rêve d’une vie. Mon papa (Robert Monclar) a fait trois fois les Jeux. Par tout ce que j’avais lu, ce que représentait l’Olympisme, les grands champions français, Colette Besson, la médaille de 1948 (argent), la quatrième place en 1956. J’ai été bercé et élevé là-dedans. En 1980, on avait raté la qualification de peu, puisqu’on perd face à la Tchécoslovaquie d’un point au Tournoi Qualificatif Olympique, en Suisse. On aurait dû y aller, puisque les  »Ricains » ont boycotté les Jeux, mais la Fédération, dans sa grande considération du sport, a décidé de faire de même. Cela restera comme un des grands mystères de notre Fédé.  

« On avait l’air de guignols »

A cette époque, quelles étaient les étapes pour se qualifier aux JO ? 

C’était un TQO calqué sur la formule des Championnats d’Europe. 

Arriver à Los Angeles, aux Jeux, dans cette grand-messe de l’universalisme, n’était-ce pas déjà une forme d’aboutissement pour votre génération ? 

C’était le problème. Il y avait un système de primes. Elles ont servi à la qualification. Il n’y avait plus rien. Pierre Dao était parti en 1983. On était dans la continuité de cette équipe avec Jean Luent (1983-85), son assistant. Cela n’a pas marché. On fait le TQO à Orléans et à Paris, à Bercy. On se qualifie. Puis, quand on se retrouve pour la préparation des Jeux, on est partis dans du n’importe quoi. 


  Jacques Monclar contre l’Espagne en 1983 (photo : Musée National du Basket)

Est-ce que vous êtes venus en touristes ? 

On n’est pas venus en touristes, mais on s’est retrouvés en touristes. Vous savez combien de personnes il y avait dans notre staff ?

Non. 

Il y avait un coach et un préparateur physique. Bien sûr, il y avait un kiné et un toubib’ (médecin), qui n’était pas au village. Aucun assistant. On avait un programme de préparation, dans lequel on devait aller en Australie. Mais on a fait une préparation pas terrible (il souffle). On est partis à Los Angeles, la veille au soir. Robert Founs (président de la FFBB de 1980 à 1985) et Monsieur (René) David (vice-président, puis président de 1985 à 1992) viennent nous féliciter et nous remettre un abat-jour marqué « participation aux Jeux olympiques ». On a reçu toute la dotation olympique. Jean-Michel Sénégal, le capitaine, demande « on s’habille comment pour le voyage ? » On nous répond : « Comme vous voulez ». On se pointe en pantalon, jeans, polo, chemise à fleur. On arrive dans le grand hall de Roissy et on voit les 300 autres membres de la délégation en tenue d’apparât, tous siglés comité olympique France. On avait l’air de guignols. C’est un peu à l’image de ce qui s’est passé en prépa’ et ce qui se passera par la suite. 

Il y a ce match face aux Américains au premier tour (défaite 120-62), exclusivement composé de joueurs universitaires. Pat’ Ewing, Chris Mullin et un certain Michael Jordan. Comment avez-vous vécu ce match ? 

Mal. Je débute le match. Tu arrivais au milieu de terrain avec le coeur à 150. Tu regardes sur le côté. Il n’y a pas Eric Beugnot, pas de Richard Dacoury (suspendus par le sélectionneur, NDLR). (Hervé) Dubuisson est à moitié blessé. Tu pars à la catastrophe. Il n’y avait pas de joueurs pro, mais de toutes les équipes universitaires, celle-là est la plus forte de toutes. Sam Perkins, Steve Holford, (Vern) Fleming, que des mecs qui ont existé après. Quand tu penses que (John) Stockton et (Karl) Malone n’avaient pas fait le cut…

Michael Jordan venait d’être drafté à Chicago en 1984. Quelle impression donnait-il ? 

C’était une panthère. Il n’avait pas trop de tir extérieur, il jouait magnifiquement bien dans l’intervalle, en drive. Sur la transition, il était inarrêtable. Sur les lignes de passe, c’était un monstre. Le coach des Américains, c’était Bobby Knight, tout sauf l’Abbé Pierre. 

A l’époque, l’horizon NBA était bouché pour les joueurs européens. Quelle perception aviez-vous du basket américain ? 

On en parlait avec les coéquipiers américains. Certains, avec des cursus universitaires complets, sont passés en NBA. Michael Brooks (Limoges de 1988 à 1992) par exemple. On suivait. Moins que maintenant, parce qu’on n’avait pas les images. Il y avait beaucoup de tournées universitaires en pré-saison et en post-saison, qui nous situaient par rapport aux joueurs entrant en NBA. A l’époque, les plus faibles salaires NBA n’étaient pas loin des meilleurs salaires européens. Il n’y avait pas cette différence financière qui existe aujourd’hui. Quand Robert Smith (Monaco de 1985 à 1989), David Rivers, Delaney Rudd (ASVEL de 1993 à 1999) jouaient en France, il y avait des joueurs de niveau NBA. 

« On est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire en préparation et en communication »

Aucune victoire en cinq matchs. Des déroutes face au Canada et aux Etats-Unis, et des défaites de justesse face à l’Uruguay et à la Chine. Comment avez-vous traversé ces JO ? 

Il y avait le côté sportif et le délitement de l’équipe. On joue le premier jour. Je n’ai pas envie de balancer sur Jean (Luent), qui est décédé il y a six mois. Paix à son âme. L’abandon dans lequel on était en termes de discipline collective, en termes technique, a rejailli sur notre niveau. Il faut savoir qu’il y avait un seul journaliste qui nous couvrait. C’était un ami du coach. Contre l’Uruguay, on perd en prolongation après s’être fait taper sur la gueule pendant tout le match. Eric (Beugnot) répond, mais ça ne déclenche rien. Ces images ont creusé notre tombe par rapport à l’olympisme. Les Uruguayens étaient d’une excitation au-delà de la limite. Contre la Chine, qu’on avait battue 7 ou 8 fois de suite, on se fait cueillir comme des cons. C’est la preuve que l’équipe était partie en saucisse. Le Canada, avec Jay Triano, Leo Rautins, c’était solide. En prépa, on avait tapé l’Italie. Je pense qu’on valait entre 5 et 8e. Cela ne valait pas le lynchage dont on a été victimes. Les absences de Richard (Dacoury) et Eric (Beugnot) restent une plaie béante. 

Avez-vous eu l’occasion d’en parler avec vos anciens coéquipiers ? 

J’en ai parlé à Eric (Beugnot) récemment. Cela reste toujours une plaie béante. Jean-Paul Beugnot, le père des deux frangins et mon père, Robert, Nando De Colo et Nicolas Batum, ce sont les seuls à avoir fait trois fois les JO. On était tellement fiers 24 ans après. Pour nous, ces JO sont une cicatrice loin d’être refermée, même si c’était un vrai bonheur. 

Seize ans ont passé entre l’édition de 1984 et celle de 2000. Pourquoi l’équipe de France a-t-elle manqué trois olympiades ? 

Si on emmenait que ceux qui sont sur d’être dans les 12 premiers, je pense que la délégation serait plus légère. En sports collectifs, ce n’est pas facile de se qualifier. Surtout avec l’émergence de petits pays en Europe. Sortir de la zone européenne, ce n’est pas cadeau. 

Avez-vous la sensation d’avoir été des acteurs clé de l’histoire de l’équipe de France olympique de basket ? D’avoir ouvert la porte à la génération des Parker, Batum… ? 

En valeur absolue, oui. Mais finalement, on est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire en préparation et en communication. On est aussi l’exemple d’une équipe qui vaut dans les cinq meilleures équipes européennes, et en se démenant, peut jouer les JO. Cette année, les nations européennes, il y a la France, l’Espagne, la République tchèque, la Slovénie. 

L’Italie et l’Allemagne. 

Six sur douze. C’est vraiment pas mal. L’Allemagne, l’Italie et la République tchèque sont de jolies surprises. Ce qui laisse à la porte la Serbie, la Croatie, la Russie, la Grèce, la Turquie. Du joli monde. 

Avec des joueurs qui arriveront dans un état de forme incertain (Booker, Middleton et Holiday), mais une préparation durant laquelle ils sont montés en puissance, les Etats-Unis sont-ils aussi forts que les éditions précédentes ? 

Il faut se méfier des équipes sur le papier. En 2008, Team USA avait certainement l’équipe la plus impressionnante depuis la Dream Team de 1992. Résultat, il passe tout près d’une défaite face à l’Espagne. C’est une équipe qui monte en puissance et qui s’adapte. Ballons, règles, défenses de zone, les aides, le rythme d’un match, ne pas traîner pour entrer dans un match comme on peut le faire en NBA. Les Ricains seront favoris. Je ne suis pas inquiet pour eux. 

Gregg Popovich a fait monter la pression avant le match prévu dimanche en affirmant qu’il pensait au quart de finale de la Coupe du Monde 2019 « tous les jours ». Il n’y avait que deux joueurs présents en Chine, (Khris) Middleton et (Jayson) Tatum. N’est-ce pas une manière de toucher à l’orgueil de ces joueurs ? 

Les Américains ont été vexés. J’ai vu qu’il avait réajusté en prenant un grand de plus pour pallier l’absence de Bradley Beal, avec Keldon Johnson, qui est plus physique. Javale McGee va apporter de la taille par rapport à Kevin Love.

Les Français ont modifié leur approche des matchs face aux Etats-Unis. L’objectif est clairement de gagner, alors qu’il y avait encore peu une réserve ou un complexe face à Team USA jusqu’alors. Cela est confirmé par la récente performance des U19 en finale de Coupe du Monde. Quelle réflexion cela vous amène ? 

Ils sont clairement décomplexés. Il ne faut pas trop l’être. Même si j’aime beaucoup Rudy Gobert, je n’aime pas quand on dit qu’on joue pour l’or. C’est une erreur de faire un focus sur le match des Etats-Unis. Les deux matchs les plus importants seront face à la République tchèque et l’Iran. Imagine que tu fasses un match fantastique, ok, mais tape donc les Tchèques. Parce que dans la poule des Etats-Unis, ce n’est pas évident. Avec deux matchs perdus, on peut se faire éliminer. 

Quels seront les favoris de ce mondial ? 

Les équipes qui se sont qualifiées par TQO me paraissent mieux que les autres. Les Américains sont au-dessus. Derrière, je mettrais l’Espagne et l’Australie, puis la France dans un groupe d’outsiders. Il ne faut pas rester fixé sur la préparation. Même elle n’est pas conforme à ce qu’on pouvait espérer. 

Pourtant c’est une des équipes de France les plus talentueuses de l’histoire. 

Par les cursus individuels, oui. Mais c’est une équipe qui n’a pas énormément de références. Elle a perdu Amath MBaye, Louis Labeyrie… Elle a beaucoup de grands, peut-être trop. Il y a quatre mecs à plus de 2,10 m. Il pourrait y avoir des manques dans les ailes, surtout si Nico Batum joue en 4. Elle a un talent fou. Il y a le concept d’équipe qui correspond à la défense et à partager. 

 

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